Célestin Mutabaruka

05.05.2016 ( Modifié le : 04.04.2022 )
TRIAL International rappelle que jusqu'à ce qu'une éventuelle condamnation soit entrée en force, toute personne accusée ou poursuivie par une juridiction nationale ou internationale est présumée innocente.

Faits

Célestin Mutabaruka est né au Rwanda en 1956. Il est pasteur pentecôtiste ordonné.

Membre du groupe ethnique hutu, il est suspecté d’avoir été leader d’une milice Interahamwe au cours du génocide rwandais et d’avoir ainsi activement participé aux crimes commis à l’encontre des tutsis. M. Mutabaruka aurait notamment participé au massacre de nombreux tutsis venus se réfugier dans l’église presbytérienne de Gatare le 17 avril 1994. A la mi-mai de l’année 1994, il aurait également dirigé une milice Interahamwe durant les attaques menées Bisesero qui ont causé la mort d’environ 40’000 tutsis.

Après le génocide, M. Mutabaruka a fui en République Démocratique du Congo puis s’est installé au Royaume-Uni où il a vécu dans la ville d’Ashford, dans le Kent, pendant plus de dix ans.

Procédure

Le 30 mai 2013, après une demande d’extradition du Rwanda, la police britannique a arrêté M. Mutabaruka ainsi que quatre autres rwandais vivant au Royaume-Unis et accusés d’avoir participé au génocide de 1994 : Vincent Bajinya, Charles Munyazeza, Emmanuel Nteziryayo et Celestin Ugirashebuja. Ces quatre personnes avaient déjà été arrêtées en 2006 puis relâchées après le refus de leur extradition en raison de l’absence de garanties suffisantes des juridictions rwandaises en matière de droit à un procès équitable.

Le 21 décembre 2015, les juridictions britanniques ont une nouvelle fois refusé la demande d’extradition du gouvernement rwandais, arguant que les garanties en matière de procès équitable et de respect des droits fondamentaux n’étaient pas remplies pour les cinq intéressés malgré l’évolution de la législation rwandaise.

Les audiences d’extradition devant la Haute Cour se sont ouvertes le 28 novembre 2016, aboutissant à nouveau à un refus d’extrader.

En janvier 2018, le procureur général rwandais Jean Bosco Mutangana et le procureur Jean Bosco Siboyintore, chef de la section de recherche des suspects du génocide rwandais, se sont rendus à Londres afin de formuler une requête auprès du Royaume-Uni dans le but qu’une enquête soit menée contre les cinq individus suspectés d’avoir pris part au génocide. Ils ont rappelé l’obligation du Royaume-Uni de juger ou d’extrader ces individus. Suite à cela la section d’enquête sur les crimes de guerre a signalé être en train d’évaluer les preuves disponibles.

Le 9 avril 2019, la police anglaise a annoncé que les allégations contre Célestin Mutabaruka et les quatre autres individus étaient en train d’être réexaminées. Le Ministre d’État à la Sécurité et aux Crimes économiques britannique Ben Wallace a déclaré que les enquêtes concernant les cinq hommes pourraient prendre jusqu’à cinq ans. Il a cependant également déclaré aux membres du Parlement que le gouvernement britannique mettrait tous les ressources nécessaires à disposition afin que justice puisse être rendue. Il a annoncé que de officiers ont été envoyés au Rwanda pour enquêter sur le terrain.

En septembre 2020, Célestin Mutabaruka a été volontairement interrogé par la police. Il n’a pas été arrêté.

Le 21 avril 2021, des parlementaires britanniques ont formé un groupe parlementaire multipartite (All-Party Parliamentary Group, APPG) chargé « d’examiner les questions relatives à la présence de présumés criminels de guerre rwandais au Royaume-Uni et à la poursuite des personnes ayant participé au génocide rwandais ».

Le 26 avril 2021, le ministre rwandais de la Justice et procureur général, Johnston Busingye, a tenu des discussions virtuelles avec l’APPG, notant que « le Rwanda ne cherche pas à se venger » et ne « préjugera pas des 5 suspects, qu’ils soient innocents ou coupables sera décidé par les tribunaux. Tout ce que [le Rwanda] cherche, c’est que la procédure soit respectée et que la justice, jusqu’à présent retardée, ne finisse pas par être refusée ».

 

Point Fort

La décision de la Haute Cour du 8 avril 2009 constitue la première fois qu’une cour britannique bloque une demande d’extradition d’un gouvernement étranger en considérant que les garanties relatives au droit à un procès équitable (prévu à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme) ne sont pas suffisantes. La Cour européenne des droits de l’homme (27 octobre 2011, Affaire Ahorugeze c. Suède) et le TPIR (16 décembre 2011, Affaire Jean Uwinkindi c. Le Procureur) avaient cependant considéré que les autorités rwandaises apportaient les garanties nécessaires à un procès équitable.

 

Contexte

Le Rwanda était historiquement peuplé par trois groupes sociaux distincts, appelés Hutu, Tutsi et Twa. Entre les mois d’avril et de juillet 1994, le pays a été déchiré par un génocide sanglant, au cours duquel les extrémistes Hutus ont pris pour cible les Tutsis et les Hutus modérés. La Mission des Nations Unies au Rwanda (MINUAR) était impuissante contre les génocidaires, les casques bleus n’étant pas assez nombreux.

LE TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL POUR LE RWANDA (TPIR)

Afin de faciliter le processus de réconciliation nationale et de promouvoir la paix dans le pays, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté le 8 novembre 1994 la Résolution 955 instituant le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), situé à Arusha, en Tanzanie.

La fonction du Tribunal était de poursuivre les auteurs de crimes de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis entre le 1 janvier et le 31 décembre 1994 au Rwanda. 93 personnes ont été inculpées devant le TPIR.

Le TPIR a été dissout le 31 décembre 2015.

Le Conseil de Sécurité des Nations Unies a établi dans sa résolution 1966 (2010) un Mécanisme International Résiduel pour les Tribunaux Pénaux (ci-après ‘le Mécanisme’) afin de prendre en charge les fonctions et activités qui resteront en place suite à la fermeture du TPIR, ainsi que de celle du Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (ou TPIY). Le Mécanisme, qui fonctionne depuis le 1 juillet 2012, a pris en charge les fonctions passées du TPIR telles que l’exécution des peines des personnes condamnées par le TPIR, la recherche, l’arrestation et la poursuite des fugitifs assignés en justice devant le Mécanisme, et enfin le soin et la protection des témoins.

LES JURIDICTIONS ‘GACACA’

Dès 1998, des réflexions ont été engagées – sous la direction du Président de la République rwandaise – sur le possible recours à des tribunaux traditionnels afin de soutenir le système judiciaire ordinaire et le TPIR. Une commission a été créée pour étudier cette possibilité, et son rapport a été la base de la loi organique du 26 janvier 2001, qui a créé les Juridictions Gacaca.

Ces tribunaux étaient chargés de juger les auteurs matériaux du génocide, en dehors des ‘planificateurs’ qui devaient être jugé devant les juridictions ordinaires. Les juridictions Gacaca étaient constituées d’assemblées populaires élues composées de juges non professionnels. La composition et le fonctionnement de ces tribunaux ont soulevé plusieurs préoccupations au sujet du respect du droit à un procès équitable.

Selon les autorités rwandaises, au cours de leur fonctionnement, les tribunaux Gacaca ont jugé presque deux millions de personnes. Le 18 juin 2012, le président rwandais Paul Kagame a annoncé la fin officielle de l’activité des juridictions Gacaca.

 

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