faits
Pauline Nyiramasuhuko est née en 1946 dans la commune de Ndora, préfecture de Butare, au Rwanda. Fille de paysans, elle est l’exemple d’une réussite locale.
Au collège, elle devient amie avec Agathe Kanziga, la future épouse du président hutu Juvénal Habyarimana. Après ses études, elle quitte Butare pour la capitale Kigali où elle rejoint le ministère des affaires sociales. A 22 ans elle devient inspectrice nationale au ministère. En 1968, elle épouse Maurice Ntahobali, qui deviendra président de l’Assemblée nationale rwandaise, puis ministre de l’éducation supérieure et enfin recteur de l’université nationale de Butare. Nyiramasuhuko s’inscrit ensuite en droit.
En 1992, alors qu’elle fait déjà partie des leaders du Mouvement Républicain National pour la Démocratie et le Développement (MRND, le parti présidentiel), elle est nommée ministre de la Famille et du Progrès des femmes. Elle occupe ce poste jusqu’en juillet 1994, au moment où elle fuit le Rwanda. En cette qualité, elle exerce une autorité et un contrôle sur l’ensemble des institutions et du personnel de son ministère. De plus, elle assiste au conseil des ministres où elle est informée de la situation sociopolitique du pays et de la politique gouvernementale. Elle participe également à l’élaboration de la politique adoptée et mise en œuvre par le gouvernement intérimaire.
De fin 1990 à juillet 1994, Nyiramasuhuko aurait adhéré et participé à l’élaboration d’un plan visant à l’extermination des Tutsis. Ce plan comportait, entre autres, le recours à la haine et à la violence ethnique, l’entraînement de miliciens et la distribution d’armes à ceux-ci, ainsi que la rédaction de listes de personnes à éliminer. Afin d’accomplir ce plan, Nyiramasuhuko aurait planifié, ordonné et participé aux massacres.
D’avril à juillet 1994, Nyiramasuhuko aurait publiquement incité la population à exterminer la population tutsie. Entre le 9 avril et le 14 juillet 1994, lors de différentes réunions du conseil des ministres, plusieurs ministres, dont Nyiramasuhuko, auraient demandé des armes pour les distribuer dans leur préfecture d’origine afin de commettre des massacres. Lors de ces réunions, le gouvernement intérimaire aurait adopté des directives et donné des instructions aux préfets et aux bourgmestres visant à inciter, encourager et aider à commettre des massacres. Pour assurer l’exécution de ces directives, le gouvernement intérimaire aurait désigné pour chaque préfecture un ministre responsable de la soi-disant «pacification». Nyiramasuhuko aurait été nommée responsable pour la préfecture de Butare.
Peu après l’arrivée de Nyiramasuhuko à Butare, des voitures munies de haut-parleurs auraient parcouru les routes autour de Butare, annonçant que la Croix-Rouge s’était installée dans un stade non loin de là afin de fournir de la nourriture et un abris à la population. Le 25 avril, des milliers de Tutsis s’y seraient rendus. Il s’agissait d’un piège. Au lieu de trouver nourriture et abri, les réfugiés auraient été encerclés par les Interahamwe (milices extrémistes hutues). Nyiramasuhuko aurait supervisé l’attaque et encouragé les Interahamwe. Elle leur aurait également ordonné de violer les femmes avant de les tuer. À la fin du massacre, Nyiramasuhuko se serait rendue dans un enclos où un groupe d’Interahamwe gardait 70 femmes et filles tutsies. Selon le Procureur du Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR), elle aurait ordonné aux Interahamwe de violer les femmes avant de les brûler en les aspergeant d’essence.
Le préfet de Butare, seul préfet d’origine tutsie dans le pays, s’était ouvertement opposé aux massacres dans sa préfecture. Pour cette raison, des milliers de Tutsis avaient cherché refuge à Butare dès le début des massacres. Consciente de la situation particulière qui régnait à Butare, Nyiramasuhuko aurait renvoyé le préfet et aurait incité la population à participer aux massacres. Par la suite, le préfet aurait été arrêté et tué. Le 20 avril 1994, Nyiramasuhuko aurait demandé au nouveau préfet, Sylvain Nsabimana, de lui fournir une assistance militaire pour procéder aux massacres dans la commune de Ngoma.
Entre avril et juillet 1994, un barrage routier aurait été érigé à proximité du domicile Nyiramasuhuko. Cette dernière aurait gardé le barrage avec son fils Arsène Shalom Ntahobali. Durant toute cette période, le barrage aurait été utilisé, avec l’aide de militaires, pour identifier, enlever et tuer des Tutsis.
Entre le 19 avril et la fin du mois de juin 1994, Nyiramasuhuko et son fils, accompagnés d’Interahamwe et de militaires, se seraient rendus à plusieurs reprises au bureau de la préfecture pour enlever des Tutsis. Ceux qui résistaient auraient été attaqués et parfois tués sur le champ. Quant aux autres, ils auraient été amenés à divers endroits de la préfecture, et notamment dans la forêt avoisinante de l’École Évangéliste du Rwanda, pour y être exécutés. Au moment de leur enlèvement, les victimes auraient été obligés par Nyiramasuhuko et son fils de se dévêtir complètement avant d’être forcées de monter dans des véhicules. Nyiramasuhuko auraient également sélectionné des femmes tutsies pour être violées.
En juillet 1994, face à l’avancée des troupes du FPR (Front patriotique rwandais, mouvement d’opposition composé essentiellement de réfugiés tutsis et dirigé par Paul Kagame), Nyiramasuhuko fuit le Rwanda en direction de la République démocratique du Congo (RDC). Après s’être cachée dans un camp de réfugiés en RDC, elle finit par se rendre au Kenya, où elle a vécu comme fugitive pendant presque trois ans. Elle est arrêtée à Nairobi le 18 juillet 1997.