L’impunité au Kenya va bien au-delà des violences post-électorales

19.04.2011 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Nairobi/Genève, 19 avril 2011.

 

TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) et EPAF (Peruvian Forensic Anthropology Team) cherchent à obtenir réparation pour les victimes de disparitions forcées durant les violences de 2008 dans le district kenyan de Mont Elgon.

Des centaines d’hommes capturés par l’armée gouvernementale durant l’opération Okoa Maisha («Sauver des Vies» en Swahili) restent toujours introuvables à ce jour. Leurs familles, par deux fois victimes (par le groupe armé Sabaot Land Defence Forces – SLDF – et par les forces gouvernementales), continuent d’être terrorisées par les anciens membres des SLDF devenus délateurs auprès du gouvernement kenyan. La peur et le manque d’information quant aux moyens d’action internationale pour que les familles victimes obtiennent justice les conduisent à l’inaction et renforcent  l’impunité dans le district de Mont Elgon. L’existence de nombreuses fosses communes est connue, mais l’importante présence militaire dans la région en empêche l’accès. Jusqu’à ce jour, aucune enquête réelle n’a été menée et aucun responsable de violation des droits humains n’a été déféré en justice.

Début avril 2011, TRIAL et EPAF ont achevé une formation de trois jours sur les mécanismes internationaux permettant la communication de plaintes individuelles alléguant des violations des droits humains. Cette formation a également porté sur la collecte d’informations ante-mortem pour enquêter efficacement sur les cas de disparitions forcées. De nombreux avocats et moniteurs sur le terrain de la Western Kenya Human Rights Watch (WKHRW) et d’autres organisations locales ont pris part à la formation. WKHRW, une ONG locale basée à Bungoma, enquête, documente et offre une assistance juridique aux victimes de torture,  de disparitions forcées ou encore d’autres violations des droits humains commises par les SLDF et par les forces de sécurité gouvernementales dans le district de Mont Elgon.

Dès 2006, une résistance s’est organisée contre ce que les SLDF considéraient comme une tentative injuste du gouvernement d’attribuer certaines terres. Le groupe armé a depuis lors intensifié son contrôle sur les villages du district de Mont Elgon, occupant les terres revendiquées, taxant les populations pourtant déjà démunies et terrorisant ceux qui ne satisfaisaient pas aux ordres donnés ou refusaient de rejoindre ses rangs. De nombreuses affaires de traitement inhumain, de violence sexuelle et de mutilation ont été relevées.

La réaction du gouvernement face aux abus imputables aux SLDF a tout d’abord été passive, favorisant un climat d’impunité. Cependant, en mars 2008, afin de réprimer les actions des SLDF, le gouvernement a lancé une opération conjointe, incluant des forces militaires et de police, appelée Okoa Maisha. Si la population a dans un premier temps salué l’opération, elle s’est rapidement retrouvée victime d’une stratégie consistant à arrêter presque l’ensemble des hommes du district de Mont Elgon, les emmenant dans des camps militaires et les torturant, parfois à mort, afin d’obtenir d’eux l’identification des membres des SLDF ou la localisation de leurs armes, pour ensuite disperser leurs corps dans la forêt. Bien que les abus commis durant l’opération Okoa Maisha ont pris place dans le contexte des violences post-électorales, le gouvernement a décidé de les considérer de façon séparée, les excluant ainsi du champ d’investigations et de recommandations de la Commission de Vérité, Justice et Réconciliation (Truth, Justice and Reconciliation Commission) et de la Commission d’Enquête sur les Violences Post-Electorales (Commission of Inquiry into the Post-Election Violence).

La formation délivrée conjointement par TRIAL et EPAF fait partie d’un projet plus large d’assistance aux familles des disparus dans leur quête de justice devant les instances internationales des droits humains. Concrètement, TRIAL, aux côtés de WKHRW, soumettra prochainement plusieurs affaires individuelles de disparitions forcées devant le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires. Ces affaires seront les premières portées à la connaissance du Groupe de travail à propos du Kenya. EPAF poursuivra par ailleurs la formation des partenaires locaux actifs dans la promotion des droits humains à la collecte d’informations ante-mortem, en vue d’établir une base de données identifiant l’ensemble des personnes disparues et localisant les fosses communes.

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