Durant le mandat d’Erwin Sperisen en tant que chef de la Police nationale civile (PNC) au Guatemala, de nombreux crimes ont été commis par les forces de l’ordre. En octobre 2005, suite à l’évasion de prisonniers de la prison d’Infiernito, M. Sperisen et ses collègues ont mis en place le Plan Gavilan, visant à retrouver et exécuter les évadés puis à dissimuler le crime. Trois évadés ont été assassinés. Une année plus tard, l’intervention de M. Sperisen et de ses troupes dans la prison de Pavon s’est soldée par la mort de sept prisonniers. A nouveau, la scène des crimes a été maquillée. Ces exécutions ont provoqué un scandale qui a contraint M. Sperisen à démissionner le 20 mars 2007. Il a ensuite fui le Guatemala et, grâce à sa double nationalité suisse, il s’est établi à Genève.

Peu après, la CGAS, l’ACAT et Uniterre ont dénoncé Erwin Sperisen auprès des autorités suisses compétentes. En août 2012, à la suite de nouveaux éléments apportés par TRIAL,  un mandat d’arrêt international a été émis et Erwin Sperisen a été arrêté à Genève. Peu après, la mère d’une victime de Pavon, rencontrée au Guatemala par l’équipe de TRIAL, s’est jointe à la procédure.

En juin 2014, le procès d’Erwin Sperisen en première instance s’est tenu devant le Tribunal criminel de Genève, qui l’a condamné à la prison à perpétuité pour les exécutions extrajudiciaires de sept détenus lors de l’opération de Pavon.

En mai 2015, le procès en appel d’Erwin Sperisen s’est tenu devant la Chambre pénale de la Cour de justice de Genève, qui l’a à nouveau condamné à perpétuité, cette fois pour l’entier des crimes qui lui étaient reprochés, c’est-à-dire l’exécution extrajudiciaire de dix détenus à deux occasions distinctes.
Cette affaire, d’une importance capitale pour les victimes, est la première condamnation d’un chef national de police centre-américain pour exécutions extrajudiciaires.

En juillet 2017, suite à un appel de la défense, le Tribunal fédéral (TF) a renvoyé l’affaire devant les tribunaux genevois, sans se prononcer sur la culpabilité de l’ancien chef de la police du Guatemala. Un nouveau procès s’est ouvert à Genève au début du mois d’avril 2018. À cette occasion, le Ministère public a réclamé la prison à perpétuité à l’encontre d’Erwin Sperisen en raison de sa participation, en 2006, à l’assassinat de plusieurs détenus de la prison de Pavon. À titre accessoire, le Procureur a réclamé une peine de 15 années de réclusion si le tribunal ne devait retenir que la complicité d’Erwin Sperisen dans la commission dédits faits. La défense, quant à elle, a plaidé l’acquittement.

Le 27 avril 2018, les juges de la Chambre pénale d’appel et de révision de Genève ont condamné Erwin Sperisen à 15 ans de prison. La justice genevoise l’a reconnu coupable de complicité dans l’assassinat de sept détenus de la prison de Pavon en 2006. Suite à ce jugement, Erwin Sperisen n’a pas été placé en détention mais les mesures de substitution décidées par le Tribunal fédéral le 20 septembre 2017 ont été maintenues. Il purge donc sa peine en résidence surveillée.

En novembre 2019, le Tribunal Fédéral (TF) a confirmé la condamnation d’Erwin Sperisen à 15 ans de prison. La saga judiciaire qui aura occupé les juristes de TRIAL International et leurs partenaires pendant près de 10 ans semble enfin terminée. Mais c’était sans compter sur la hargne des avocats de la partie adverse, qui ont demandé la révision de la décision du TF, ainsi que la récusation d’une juge fédérale.

En avril 2020, ces deux demandes ont été rejetées. Le Tribunal Fédéral a ainsi mis fin aux manœuvres de Sperisen pour échapper à sa condamnation.

Le 27 mai 2020, Sperisen a porté son cas devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) alléguant une violation des articles 3, 5, 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il prétend notamment que les juges n’étaient pas impartiaux et que sa présomption d’innocence n’a pas été respectée. 

 

La justice genevoise a condamné Erwin Sperisen pour 10 assassinats. L’ancien chef de la police du Guatemala a été reconnu coupable d’exécutions extrajudiciaires et condamné à la prison à vie. Pour les ONG qui ont dénoncé les agissements d’Erwin Sperisen, justice a été rendue et ce jugement doit servir d’exemple pour poursuivre la lutte contre l’impunité à l’égard des crimes d’Etat.

Le 12 mai 2015 à 17 heures (UTC +2), la Cour pénale de la Cour de justice a rendu son verdict et reconnu Erwin Sperisen coupable de 10  assassinats. La sentence a été prononcée au Palais de justice de Genève. L’ancien chef de la Police Nationale Civile du Guatemala a été déclaré coupable et condamné à la prison à vie pour 10  assassinats lors de la reprise du pénitencier de Pavon en 2006 au Guatemala. Contrairement au procès de première instance, les juges d’appel ont également condamné  M. Sperisen pour  sa participation aux exécutions des fugitifs de la prison « El Infiernito ». La condamnation d’Erwin Sperisen intervient après celles de plusieurs autres individus, tous condamnés à de lourdes peines au Guatemala pour les mêmes crimes.

Pour les ONG, la confirmation de la condamnation de M. Sperisen par la justice genevoise est un signal fort contre l’impunité des crimes d’Etat. D’une voix commune, elles saluent le jugement rendu:

Bettina Ryser, Secrétaire générale de l’ACAT-Suisse : « Nous saluons le courage des témoins, des victimes et des ONG au Guatemala de dénoncer les atrocités commises. Ce jugement montre qu’en dépit des obstacles, leur combat porte peu à peu ses fruits et qu’il faut continuer de défendre l’Etat de droit. »

Philip Grant, Directeur de TRIAL (Track Impunity Always) : « Le verdict rendu est la preuve qu’il est possible à la justice de démontrer l’implication de l’Etat et de ses représentants dans de graves violations des droits humains, et de les tenir responsables devant la loi. Nous souhaitons que la condamnation d’Erwin Sperisen serve d’exemple, notamment aux autorités espagnoles, qui doivent maintenant juger son supérieur direct, l’ancien Ministre Carlos Vielman, pour les même faits. »

Gerald Staberock, Directeur de l’OMCT : « Ce jugement est un signal clair pour les autorités guatemaltèques qui doivent tout mettre en œuvre pour garantir aux victimes l’accès à une justice impartiale et mettre fin à l’impunité endémique des tortionnaires et auteurs de violations graves de droits de l’hommes. »

Chantal Woodtli et Claude Reymond de la CGAS : « L’ère de l’impunité dont a trop longtemps bénéficié la classe dirigeante au Guatemala est révolue. Ce jugement en témoigne, tout comme les importantes manifestations qui se sont déroulées, réclamant la mise à pied de la vice-Présidente Baldetti, enlisée dans des affaires de corruption. »

 

L’affaire Sperisen en bref

Procès

Un procès s’est tenu en première instance du 15 mai au 6 juin 2014 devant le Tribunal criminel de Genève, composé de sept juges. Une quinzaine de témoins avait été appelée à témoigner durant deux semaines d’audiences. Ses avocats ayant fait appel, Erwin Sperisen a été rejugé par la Cour pénale de la Cour de justice de Genève du 4 au 6 mai 2015, sans audition de témoins. Le verdict de ce second procès a été prononcé le 12 mai 2015. M. Sperisen peut encore faire recours devant le Tribunal fédéral, mais seules les questions d’éventuelles violations du droit ou d’une appréciation arbitraire des faits seront alors traitées. 

Procédure et arrestation

  • Erwin Sperisen a été dénoncé à la justice il y a près de huit ans par une coalition d’ONG pour des atrocités commises entre 2004 et 2007. La coalition d’ONG dénonciatrices a depuis lors milité sans relâche pour qu’une enquête soit diligentée par les autorités de poursuite genevoises à l’encontre de ce double national helvético-guatémaltèque qui vivait à Genève. Un mandat d’arrêt international a également été émis à son encontre par le Guatemala. Le 31 août 2012, il a finalement été arrêté sur ordre du Ministère public genevois.
  • De nationalité suisse, Erwin Sperisen ne pouvait être extradé vers le Guatemala, puisque la Constitution fédérale interdit à la Suisse d’extrader ses propres ressortissants. La Suisse a par contre l’obligation de les juger, même si leurs crimes ont été commis à l’étranger. Dès lors, le canton de Genève était seul compétent pour instruire ce dossier.
  • Erwin Sperisen a été entendu par le Ministère public genevois à 11 reprises lors d’auditions préliminaires. 14 témoins se sont déplacés de France, du Guatemala et d’Espagne et quatre commissions rogatoires internationales ont été adressées en Autriche, en Espagne et au Guatemala. L’enquête a convaincu le Procureur de la responsabilité pénale d’Erwin Sperisen, puisqu’il a décidé en janvier 2014 de renvoyer le prévenu devant le Tribunal criminel genevois pour dix assassinats.

Contexte

Le Guatemala est marqué par une grande violence, commise tant par les gangs que les autorités qui ont bien trop longtemps cohabité avec le crime organisé et fait fi de l’Etat de droit. Pourtant, le pays  dispose d’une Constitution, de lois et il a ratifié les conventions internationales de protection des droits de l’homme. Le meurtre ou la peine de mort n’y sont pas plus autorisés qu’en Suisse. Et l’assassinat de détenus n’y est pas non plus permis. Les membres des forces de police sont là pour faire respecter la loi et ils ne disposent pas d’un droit de vie ou de mort sur leurs concitoyens. Plusieurs autres individus impliqués dans les mêmes faits ont d’ailleurs eu à répondre de leurs actions devant la justice :

  • Victor Soto Diéguez, ancien chef des Enquêtes de la PNC, condamné à 33 ans de prison en janvier 2015.
  • Axel Arnoldo Martínez Arriaza et Víctor Manuel Ramos Molina, anciens membres de l’équipe d’investigation de la PNC, condamnés à 25 ans de prison ferme.
  • Javier Figueroa, ancien bras droit d’Erwin Sperisen, a été acquitté par un Jury populaire en Autriche en 2014. Son frère Aldo Stéfano Figueroa Díaz a été condamné à 15 ans de prison au Guatemala.
  • Carlos Vielman, ancien Ministre de l’intérieur, attend toujours son procès en Espagne. D’après nos sources, ce procès pourrait se tenir à Madrid, dans les mois qui viennent devant la Chambre Pénale (Sala de lo Penal de la Audiencia Nacional).

Le procès en appel d’Erwin Sperisen se tiendra du 4 au 8 mai 2015 à Genève: les ONG espèrent que la lutte contre l’impunité en sortira renforcée

 

Erwin Sperisen sera rejugé à Genève du 4 au 8 mai 2015. En effet, ses avocats avaient fait appel de la condamnation à perpétuité prononcée le 6 juin 2014 pour sept assassinats. Le Tribunal de seconde instance devra ainsi réexaminer sa responsabilité dans les exécutions extrajudiciaires de dix détenus lors d’opérations menées par la police guatémaltèque. Pour les ONG ayant dénoncé Erwin Sperisen aux autorités suisses, ce procès sera l’occasion de refaire toute la lumière sur les faits tragiques reprochés à l’ancien chef de la police du Guatemala. Si elles ne peuvent prédire l’issue du procès, elles espèrent néanmoins qu’il viendra rappeler que nul Suisse ne peut – ici ou ailleurs – enfreindre la loi sans en payer les conséquences. Alors que le Guatemala souffre toujours de la corruption et du crime organisé, ce jugement en appel recèle un fort potentiel : celui de contribuer au recul de l’impunité dont ont trop longtemps bénéficié les membres de l’appareil d’Etat guatémaltèque. 

Le 6 juin 2014, Erwin Sperisen, citoyen suisse et guatémaltèque, a été condamné à la prison à perpétuité. Compte tenu de la gravité des faits, du nombre de victimes ainsi que de l’absence d’empathie et de prise de conscience affichée par l’ancien chef de la police nationale du Guatemala, les juges du Tribunal criminel genevois avaient estimé que « seule une peine privative de liberté à vie [était] susceptible de sanctionner le comportement du prévenu » (voir le communiqué du pouvoir judiciaire). Ce jugement a rappelé que les auteurs de crimes graves – aussi haut-placés soient-ils – ne sont pas à l’abri de sanctions pénales et que leurs victimes – quelles que soient leurs origines – méritent que justice leur soit rendue.

Erwin Sperisen et ses avocats ont fait recours de cette décision. Erwin Sperisen sera donc appelé à comparaître lors d’un procès de seconde instance qui se tiendra du 4 au 8 mai prochain devant la Chambre pénale de la Cour de justice de Genève.

L’ancien chef de la Police nationale civile du Guatemala (PNC) avait été dénoncé à la justice il y a huit ans par une coalition d’ONG qui soupçonnaient les troupes sous ses ordres d’avoir commis de graves et nombreuses violations des droits humains(exécutions extra-judiciaires, tortures, disparitions forcées et violences sexuelles). Le 31 août 2012, Erwin Sperisen avait finalement été arrêté sur ordre du Ministère public genevois et maintenu en détention provisoire jusqu’à son procès en 2014.

Pendant trop longtemps, l’appareil d’Etat guatémaltèque a cohabité avec le crime organisé et fait fi de l’Etat de droit. Aujourd’hui, journalistes et défenseurs des droits humains continuent d’être menacés, harcelés ou tués. Les auteurs de graves violations bénéficient quant à eux d’une large impunité. Pour les ONG, il est temps que l’Etat de droit puisse enfin régner au Guatemala. A quelques mois du procès en Espagne de Carlos Vielman, son ancien supérieur, et peu de temps après la condamnation de son subordonné Victor Soto Diéguez à 33 ans de prison au Guatemala, elles espèrent que le second procès d’Erwin Sperisen contribuera au recul de l’impunité.

 

Le procès d’Erwin Sperisen en 10 questions

1. Qui est Erwin Sperisen ?

Erwin Johann Sperisen Vernon est de nationalité suisse et guatémaltèque. Ce fervent adepte de l’Eglise évangélique, issu d’une famille fortunée, est né le 27 juin 1970. Il réside à Genève depuis mars 2007 et est marié et père de trois enfants. Ancien assistant de sécurité auprès du Maire et Conseiller municipal de Guatemala City (2003), il œuvre comme chef de la Police nationale civile (PNC) d’août 2004 à mars 2007. Il démissionne de son poste après l’assassinat de parlementaires salvadoriens par ses troupes (affaire Parlacen), et trouve refuge dans son pays d’origine : la Suisse. Il est arrêté le 31 août 2012 par les autorités de poursuite du Canton de Genève, qui le soupçonnent d’être impliqué dans plusieurs affaires d’exécutions extrajudiciaires (affaires Pavón et Infiernito). Depuis son arrestation, il est incarcéré à la prison de Champ-Dollon (Genève).

2. Quels faits lui sont reprochés?

Erwin Sperisen a fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par les autorités guatémaltèques en août 2010. Il a été dénoncé aux autorités pénales suisses pour son implication et celle de ses troupes dans les crimes suivants : exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, torture et violences sexuelles. Il a été condamné à la prison à vie pour sept assassinats lors de l’opération de reconquête de la prison Pavón en 2006.

3. Pourquoi est-il jugé en Suisse ?

Le mandat d’arrêt du Guatemala n’aurait pas pu aboutir à l’extradition d’Erwin Sperisen vers ce pays, puisque la Constitution suisse interdit à la Suisse d’extrader ses propres ressortissants. La Suisse a par contre l’obligation de les juger, même si leurs crimes ont été commis à lréalisent ainsi la procédure à lne sont pas liés par les conclusions du tribunal de permière instance. s procès, ceux-ci se base’étranger.

4. Y-a-t-il d’autres personnes jugées pour les mêmes faits ?

Plusieurs autres individus impliqués dans les même faits ont eu affaire à la justice :

  • Victor Soto Diéguez, ancien chef des Enquêtes de la PNC, a été définitivement condamné à 33 ans de prison au Guatemala en janvier 2015, pour les assassinats commis dans les affaires Pavón et Infiernito.
  • Axel Arnoldo Martínez Arriaza et Víctor Manuel Ramos Molina, tous deux anciens membres de l’équipe d’investigation de la PNC ont été condamnés à 25 ans de prison ferme au Guatemala.
  • Javier Figueroa, ancien bras droit d’Erwin Sperisen, a été acquitté par un Jury populaire en Autriche en 2014. Son frère Aldo Stéfano Figueroa Díaz a été condamné à 15 ans de prison au Guatemala.
  • Carlos Vielman, ancien Ministre de l’intérieur, attend toujours son procès en Espagne. D’après nos sources, ce procès devrait s’ouvrir dans les mois qui viennent.

5. Quelle différence y aura-t-il entre le premier procès l’an dernier et celui de deuxième instance ?

Il s’agira d’un procès similaire au premier. Les juges pourront revoir les faits et le droit. Ils pourront librement apprécier les preuves du dossier. Par contre, comme un nombre important de témoins a déjà été entendu lors du premier procès, les juges devraient se baser sur les preuves et les témoignages déjà administrés en première instance.

6. Le verdict de ce deuxième procès peut-il vraiment être différent du premier ?

Il n’appartient pas aux ONG de faire des pronostics sur l’issue d’un procès. Le procès en première instance s’est conclu par un jugement circonstancié de plus de 130 pages s’appuyant sur une multitude de preuves accablantes et une condamnation à la prison à perpétuité. Cependant, les juges de la Chambre pénale ne sont pas liés par les conclusions du Tribunal criminel. C’est au Tribunal de deuxième instance de se faire une opinion et de rendre public son verdict.

7. Quelle sera la suite après ce deuxième verdict?

Si la condamnation et la peine de M. Sperisen se voient confirmées à l’issue de ce 2èmeverdict, le prévenu pourra faire recours devant le Tribunal fédéral. Mais les faits ne seront en principe plus revus devant cette instance : seules les questions d’éventuelles violations du droit ou d’une appréciation arbitraire des faits y seront traitées. Ainsi, la version des faits établie par la Cour de justice genevoise prévaudra devant le Tribunal fédéral, qui n’entendra plus aucun témoin ni expert. En revanche, si le second procès se solde par un acquittement, M. Sperisen pourrait demander une indemnisation pour le temps passé en détention.

8. Quel est le rôle des ONG dans cette affaire ?

Des associations guatémaltèques enquêtaient depuis 2004 sur les troupes d’Erwin Sperisen, suspectées d’avoir commis des crimes graves. En 2008, la CGAS(Communauté genevoise d’action syndicale), l’ACAT-Suisse (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) et le syndicat Uniterre ont déposé une 1ère dénonciation pénale contre Erwin Sperisen auprès du Ministère public genevois. TRIAL et l’OMCT(Organisation Mondiale Contre la Torture) ont déposé une deuxième dénonciation pénale en 2009. Pendant deux ans, les ONG ont relancé à plusieurs reprises le Ministère public genevois (Procureur général Daniel Zapelli) pour qu’une instruction s’ouvre. Le lancement d’un mandat d’arrêt international à l’encontre d’Erwin Sperisen et 18 autres suspects a permis son arrestation. Les ONG n’ayant pas accès à la procédure, elles auront durant le procès un rôle d’observation et de sensibilisation. Elles réaliseront ainsi un travail d’information, en rappelant la gravité des crimes commis au Guatemala, le besoin de justice des victimes et la nécessité de lutter contre l’impunité.

9. Le Guatemala est un pays différent de la Suisse. L’usage de la force par la police ne peut-il pas se justifier ? 

Le Guatemala est un pays marqué par une grande violence, mais ce n’est pas pour autant le far-west. Il s’agit d’un Etat qui dispose d’une Constitution, de lois et qui a ratifié les conventions internationales de protection des droits de l’homme. Le meurtre ou la peine de mort n’y sont pas plus autorisés qu’en Suisse. Et l’assassinat de détenus n’y est pas non plus permis. Les détenus que Sperisen et ses troupes auraient abattus purgeaient une peine de prison pour avoir violé la loi. Or, ils disposaient comme tout citoyen de droits fondamentaux : le droit à la vie et celui à un procès équitable. Les membres des forces de police sont là pour faire respecter la loi, pas pour la violer. Ils ne disposent pas d’un droit de vie ou de mort sur leurs concitoyens.

10. Pourquoi la lutte contre l’impunité reste encore aujourd’hui un enjeu important au Guatemala ?

Le pays est gangréné par une violence extrême et un niveau élevé de corruption ; autant d’obstacles importants dans la lutte contre l’impunité. Le terme mis il y a quelques mois au mandat de la Procureur général Claudia Paz y Paz – qui a beaucoup œuvré pour l’Etat de droit – est très préoccupant, tout comme les tentatives de faire cesser le mandat de la CICIG (Comission des Nations unies contre l’impunité au Guatemala). Les journalistes et défenseurs des droits humains sont aussi régulièrement la cible de menaces, voire d’exécutions, tandis que les auteurs de ces crimes restent souvent impunis. L’impunité régnante favorise la violence et la criminalité au Guatemala.

 

Plus d’infos ?

Il y a près de sept ans, après un travail de longue haleine, plusieurs ONG dénonçaient Erwin Sperisen aux autorités suisses, soulignant sa responsabilité dans de graves et nombreuses violations des droits humains. Aujourd’hui, la justice genevoise vient de rendre un jugement important en condamnant l’ancien chef de la police du Guatemala à la prison à vie pour 7 exécutions extrajudiciaires commises en 2006 au Guatemala. Cette condamnation envoie un signal fort: les auteurs de crimes graves – aussi haut-placés soient-ils – ne sont pas à l’abri de sanctions pénales ; leurs victimes – quelles que soient leurs origines – méritent que justice leur soit rendue.

A l’issue de trois semaines de procès et deux jours de délibération, le Tribunal criminel de Genève a rendu son verdict le 6 juin 2014, condamnant Erwin Sperisen à la prison à vie de l’assassinat de sept personnes en 2006 au Guatemala lors de la reprise du pénitencier de Pavon.

Erwin Sperisen a cependant été acquitté pour ce qui concerne sa participation aux exécutions des fugitifs de la prison  » El Infiernito « , bien que le tribunal ait reconnu que ces détenus avaient bel et bien été tués de sang froid par la police guatémaltèque.

D’une voix commune, TRIAL (Track Impunity Always), l’Organisation Mondiale contre la Torture (OMCT), l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT-Suisse) et la Communuauté Genevoise d’Action Syndicale (CGAS) saluent le jugement rendu.

Philip Grant, Directeur de TRIAL:  » Le jugement rendu ce jour est l’illustration que l’idéal de justice poursuivi par tant de gens, en Suisse et au Guatemala, peut se concrétiser. Malgré la distance, malgré la complexité du dossier et malgré les intimidations, la détermination de nombreux acteurs, ici comme là-bas, a permis que justice soit rendue. La lutte contre l’impunité et la dignité humaine sont les grandes gagnantes du verdict rendu aujourd’hui. »

Gerald Staberock, Directeur de l’OMCT: «  Le jugement d’Erwin Sperisen restera gravé dans l’histoire de la justice genevoise, mais à plus large échelle aussi. Sa condamnation démontre que l’impunité ne règne pas en maître et que les responsables de tels crimes peuvent et doivent être punis. Nous espérons que ce jugement sera aussi un signal clair pour les autorités guatemaltèques, et qu’elles mettront tout en œuvre pour mettre fin à l’impunité et garantir aux victimes de violations des droits de l’homme l’accès à une justice impartiale. »

Bettina Ryser, Secrétaire générale de l’ACAT-Suisse: « A ce jour, sur les dix-neuf personnes à l’encontre desquelles le Guatemala a émis des mandats d’arrêt pour ces exécutions extrajudiciaires, cinq individus – dont Erwin Sperisen – ont été condamnés. Le courage des témoins, des victimes, des autorités et des ONG porte ses peu à peu ses fruits, même si le climat demeure pesant pour les victimes et les défenseurs des droits humains au Guatemala. Souhaitons que ce jugement ne soit qu’une étape suivie de nombreuses autres dans la lutte contre l’impunité là-bas. »

Chantal Woodtli et Claude Reymond de la CGAS:  » Carlos Vielman, ancien Ministre de l’Intérieur du Guatemala, fait actuellement l’objet d’une enquête en Espagne. Nous espérons que la condamnation de M. Sperisen ouvrira rapidement la voie à au jugement de l’ancien supérieur direct d’Erwin Sperisen dans ce pays. »

Rappel des faits

Procès

Un procès s’est tenu du 15 mai au 6 juin 2014 devant le Tribunal criminel de Genève, composé de sept juges. Une quinzaine de témoins a été appelée à témoigner durant deux semaines d’audiences. Parmi eux, un témoin oculaire français, ex-détenu à la prison de Pavon, des représentants de l’appareil miltaire et policier guatémaltèque, des enquêteurs de la Commission Internationale contre l’Impunité au Guatemala (CICIG), une médecin légiste, des subordonnés de M. Sperisen, ainsi que l’ancien maire de Guatemala City. Le Procureur Yves Bertossa a rendu son réquisitoire, suivi des plaidoiries de Me Alexandra Lopez et Me Alec Reymond, avocats de la partie plaignante (la mère d’une des victimes), puis de celles de Me Florian Baier et Me Giorgio Campa, avocats de la défense. Le jugement rendu aujourd’hui peut encore faire l’objet d’un appel.

Procédure et arrestation

Erwin Sperisen a été dénoncé à la justice il y a près de sept ans par une coalition d’ONG pour des atrocités commises entre 2004 et 2007, notamment les exécutions extra-judiciaires pour lesquelles M. Sperisen a été jugé. La coalition d’ONG dénonciatrices a depuis lors milité sans relâche pour qu’une enquête soit menée par les autorités de poursuite genevoises à l’encontre de ce double national helvético-guatémaltèque qui vivait à Genève. Le 31 août 2012, Erwin Sperisen a finalement été arrêté sur ordre du Ministère public genevois.

De nationalité suisse, Erwin Sperisen ne pouvait être extradé vers le Guatemala. Dès lors, le canton de Genève était seul compétent pour instruire ce dossier. M. Sperisen a ainsi été entendu par le Ministère public genevois à 11 reprises lors des auditions préliminaires. 14 témoins se sont déplacés de France, du Guatemala et d’Espagne et quatre commissions rogatoires internationales ont été adressées en Autriche, en Espagne et au Guatemala. L’enquête a convaincu le Procureur de la responsabilité pénale d’Erwin Sperisen, puisqu’il a décidé en janvier 2014 de renvoyer le prévenu devant le Tribunal criminel genevois pour l’assassinat de dix personnes au Guatemala, dont l’exécution sommaire de sept détenus lors d’une opération au centre pénitentiairePavón en septembre 2006 ainsi celle de trois détenus évadés en 2005 du centre pénitentiaire Infiernito.

Contexte

Ce jugement intervient dans un moment critique au Guatemala : Il y a un an à peine, la Cour constitutionnelle guatémaltèque annulait le jugement prononcé à l’encontre de l’ancien président Efraín Ríos Montt pour crimes contre l’humanité et génocide. Plusieurs figures importantes de l’appareil judiciaire ont depuis lors été également remplacées ou sanctionnées, et l’adoption de résolutions a restreint encore davantage la possibilité pour les victimes du conflit passé d’obtenir justice (voir le communiquéd’Amnesty International pour plus de détails à ce sujet). Tous les défenseurs des droits de l’homme s’accordent à constater le retour de pratiques d’intimidation et de subordination. L’impunité règne aujourd’hui au Guatemala.

Visitez le site web dédié à cette affaire ou suivez le hashtag #processperisen ou#juiciosperisen pour les hispanophones

Communiqué en espagnol

Résumé du jugement

Le pouvoir judiciaire genevois a annoncé aujourd’hui la date du procès d’Erwin Sperisen. L’ancien chef de la police du Guatemala, accusé de l’assassinat de dix personnes, sera jugé par le Tribunal criminel genevois dès le 15 mai prochain. Ce procès marque une étape importante dans la lutte contre l’impunité et représente l’épilogue d’une lutte de longue haleine menée par les ONG pour rendre justice aux familles des victimes.

Erwin Sperisen, ancien chef de la Police nationale civile du Guatemala (PNC) a été dénoncé à la justice il y a près de six ans par une Coalition d’ONG pour des atrocités commises entre 2004 et 2007 (exécutions extra-judiciaires, tortures, disparitions forcées et violences sexuelles). La Coalition d’ONG dénonciatrices a depuis lors milité sans relâche pour qu’une enquête soit menée par les autorités de poursuite genevoises à l’encontre de ce double national helvético-guatémaltèque qui vivait à Genève. Le 31 août 2012, Erwin Sperisen a finalement été arrêté sur ordre du Ministère public genevois.

L’accusé a depuis été entendu par le Procureur à 11 reprises. Pas moins de 14 témoins se sont déplacés de France, du Guatemala et d’Espagne pour donner leur versions des faits et quatre commissions rogatoires internationales ont été adressées en Autriche, en Espagne et au Guatemala. L’enquête a convaincu le Procureur de la responsabilité pénale d’Erwin Sperisen, puisqu’il a décidé en janvier dernier de renvoyer le prévenu devant le Tribunal criminel genevois pour l’assassinat de dix personnes.

L’ancien chef de la police du Guatemala devra ainsi répondre de sa participation à :

  • l’exécution sommaire – maquillée en affrontement- de sept détenus lors d’une opération au centre pénitentiaire Pavón par Erwin Sperisen et ses troupes en septembre 2006.
  • l’exécution sommaire de trois détenus évadés en 2005 du centre pénitentiaire guatémaltèque Infiernito.

Pour les ONG, la tenue du procès est déjà une bataille gagnée face à l’impunité :

« La quête de justice menée par les familles des victimes depuis tant d’années n’a pas été vaine ; ce procès démontre qu’un espoir existe encore pour les victimes d’exactions au Guatemala. Il envoie également un signal fort aux responsables de tels crimes qui se croiraient hors de portée de la justice », ont déclaré au nom de la Coalition Philip Grant, Directeur de TRIAL et Gerald Staberock, Directeur de l’OMCT.

« La Coalition n’a pas de rôle actif à jouer durant la tenue du procès, mais nous allons suivre très attentivement son déroulement. Nous laissons le Tribunal faire son travail et avons toute confiance dans le fait qu’Erwin Sperisen bénéficiera d’un procès juste et impartial », a ajouté Bettina Ryser, secrétaire générale de l’ACAT-Suisse.

« Nous espérons que ce procès puisse être enfin l’occasion de faire toute la lumière sur les événements tragiques reprochés à Erwin Sperisen et de rendre justice aux victimes », ont conclu Chantal Woodtli et Claude Reymond de la CGAS.

Contexte

En 2008, trois organisations, la CGAS (Communauté genevoise d’action syndicale), l’ACAT-Suisse (Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture) et le syndicat Uniterre ont déposé une première dénonciation pénale contre Erwin Sperisen auprès du Ministère public genevois. TRIAL et l’OMCT ont déposé une dénonciation pénale complémentaire en 2009.

La Coalition souhaitait initalement que la lumière soit faite sur les exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées, torture et violences sexuelles par les agents de la police guatémaltèque entre 2004 et 2007, dont les affaires d’Infiernito et Pavón ainsi que le massacre de neuf paysans dans l’expulsion de la ferme Nueva Linda en 2004, mais les autorités ont confirmé les poursuites pour les deux premières affaires seulement.

De nationalité suisse, Erwin Sperisen ne peut être extradé vers le Guatemala. Dès lors, le canton de Genève est seul compétent pour instruire ce dossier.

Plus d’infos ?

L’ancien chef de la police du Guatemala sera jugé pour assassinats. Le procès se déroulera à Genève avant l’été 2014 a annoncé le parquet genevois.

L’annonce de la tenue du procès par le parquet est une étape importante dans une affaire aux ramifications internationales, comme Genève n’en avait sans doute plus connue depuis de nombreuses années.

« Nous attendons maintenant la tenue du procès et espérons qu’il sera l’occasion pour les victimes de faire entendre leurs voix et d’obtenir justice », a déclaré Philip Grant, Directeur de TRIAL.