Vincent (pseudonyme) est un homme politique burundais, membre d’un parti de l’opposition. Il a dans le passé occupé des fonctions importantes au sein du gouvernement et de l’Assemblée nationale et fait partie des dénonciateurs les plus virulents du parti en place. En 2013, Vincent s’est ouvertement prononcé contre une mesure gouvernementale visant à faire modifier la Constitution. Quelques jours plus tard, il a été arrêté pour des charges d’adultère, qui ont ensuite évolué en tentative de corruption et de rébellion contre les forces de l’ordre. Il est rapidement apparu que ces charges n’étaient que des prétextes à l’arrestation de ce contestataire « gênant ».

La procédure d’arrestation et de détention a été entachée de nombreuses irrégularités. Vincent n’a par exemple pas pu contacter d’avocat avant l’interrogatoire. Il n’a pas non plus été remis en liberté alors que la Cour compétente l’avait ordonné.

La mauvais volonté manifeste des autorités burundaises ont conduit TRIAL International a déposé pour le compte de Vincent une plainte devant les Nations unies. L’ONG leur demande notamment de reconnaître la violation par le Burundi du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le droit à la liberté de la personne et le respect des garanties en cas de privation de liberté. Les Nations unie ont demandé à l’Etat burundais de rendre justice à la victime, ce qui doit inclure la poursuite des responsables et l’octroie d’une compensation adéquate.

 

Sidoine (nom d’emprunt) était veilleur de nuit dans un hôpital. Une nuit, deux véhicules conduits par des agents municipaux se sont présentés devant les urgences. Sans explications, ils ont jeté à terre deux jeunes hommes blessés, apparemment à la suite d’une altercation. Alors qu’il demandait des détails sur la prise en charge de ces patients, Sidoine a été giflé par les agents qui conduisaient les véhicules. Il a alors tenté de s’enfuir, mais a été rattrapé et passé à tabac. Craignant sans doute que d’autres personnels médicaux n’arrivent en renfort, les auteurs ont empoigné Sidoine, alors à demi-conscient, et l’ont fait monter de force dans leur véhicule. La victime a perdu connaissance en route.

Sidoine a été maintenu en détention pendant quatre jours. Menotté pendant 32 heures sans interruption, contraint de partager sa cellule avec 40 autres détenus, il n’a reçu aucun soin pour les blessures infligées. Sa seule nourriture a été celle apportée par ses collègues qui lui rendaient visite. Ce sont aussi les collègues de Sidoine qui ont alerté les médias sur son sort, mais les dénonciations publiques ont rapidement été tues sous les pressions des autorités locales.

A sa sortie de prison, un mois d’hospitalisation a été nécessaire à Sidoine pour recouvrer une meilleure santé – celle-ci est toutefois restée mauvaise depuis lors. Il n’a jamais retrouvé totalement l’usage de ses jambes, malgré les soins et une opération chirurgicale.

Procédure

A sa libération, la victime a tenté d’obtenir justice. Trois tentatives auprès de trois institutions différentes sont restées lettres mortes : les autorités burundaises n’ont rien voulu entendre des tortures qu’il avait subi. Au vu du battage médiatique sur l’affaire, il est pourtant probable que les autorités judiciaires et politiques aient eu connaissance de son sort.

Dix-huit mois d’inertie de la justice nationale ne laissait qu’une seule solution : un recours au niveau international. En 2012, assisté par TRIAL International, Sidoine a saisi les Nations Unies, leur demandant de reconnaitre les tortures qui lui ont été infligées et son droit à des réparations.

En 2014, les Nations Unies ont appelé l’Etat burundais à ouvrir une enquête sur les maltraitances dont Sidoine a fait l’objet. La nature délibérée des coups infligés, l’absence de nourriture et les conditions de détention épouvantables ont toutes été reconnues.

Suite à cette décision, les autorités burundaises ont ouvert une enquête. La procédure est actuellement en cours.

 

M. Pierre-Claver Mbonimpa est un éminent défenseur des droits humains burundais. En mai 2014, il a publiquement dénoncé la politique du gouvernement burundais de recruter et d’entrainer des jeunes proches du parti, appelés « Imbonerakure », souvent accusés d’exactions contre des civils (pillages, violences, etc.). Le lendemain de cette prise de position, M. Mbonimpa a été convoqué par la police judiciaire et a répondu au mieux à leurs questions, partageant les informations qu’il avait pu recueillir pour ses recherches.

Quelques jours plus tard, alors qu’il s’apprêtait à quitter le Burundi pour son travail, M. Mbonimpa a été arrêté à l’aéroport de Bujumbura et a passé la nuit en garde à vue. Le lendemain, il a été mis en accusation pour atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l’État, en raison des propos tenus sur les « Imbonerakure ». Le Tribunal de grande instance et la Cour d’appel de Bujumbura ont décidé du maintien en rétention de M. Mbonimpa, qui a été accusé de diffusion d’informations mensongères ; exposition du pays à des actes d’hostilité d’un autre Etat ; et attestation de faits inexacts.

Peu à peu, il est clairement apparu que la détention de M. Mbonimpa a découlé de son travail en tant que défenseur des droits humains et de l’expression de ses opinions. De nombreuses ONG, telles que Human Rights Watch, Amnesty international, Frontline Defenders ou l’Observateur pour la protection des défenseurs des droits de l’homme se sont exprimées en faveur de la libération de M. Mbonimpa.

Le 22 mai 2014, TRIAL International a saisi le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire (GTDA) d’une requête pour le compte de la victime. Le GTDA s’est prononcé en urgence sur cette affaire, demandant la libération immédiate de M. Mbonimpa ainsi que le versement de réparations.

 

Regardez le témoignage de Pierre-Claver Mbonimpa

 

Membre éminent d’un parti d’opposition burundais, Henri (pseudonyme) a été arrêté en 2010 sur le chemin de son travail. Avant même d’arriver au poste de police, les agents l’ont roué de coups. Les actes de maltraitance ont duré des heures et ont continué pendant son incarcération. En sus des tortures et des menaces, Henri a été maintenu dans des conditions lamentables : pendant cinq jours, il n’a reçu ni eau ni nourriture, et a été constamment menotté.

Henri a été maintenu en détention pendant 15 mois avant d’être présenté à un juge. Celui-ci l’a injustement condamné pour complicité de détention illégale d’armes à feu mais, ayant déjà purgé la peine prononcée, Henri a été libéré quelques jours après.

Malgré les démarches de Henri et la dénonciation unanime de la communauté internationale, les autorités burundaises n’ont ouvert aucune enquête.

Saisies en 2012 avec l’aide de TRIAL, les Nations unies ont reconnu la responsabilité de l’Etat burundais dans le cas de Henri et ses manquements à ses obligations internationales en matière de lutte contre la torture. La victime aurait dû recevoir des réparations mais est décédée avant.

 

M. O.R. était un membre actif d’un parti de l’opposition. En 2011, sa vie a basculé quand il a commencé à être harcelé par un agent du Service National des Renseignements (SNR). Celui-ci lui a ordonné de rejoindre le parti en place et de dénoncer ses collègues. Ces coups de fil pouvaient se répéter jusqu’à quatre fois par jour.
Quelques mois après le début des menaces, deux agents du SNR ont fait irruption chez O.R. Ils lui ont posé plusieurs questions sur le chef de son parti auxquelles la victime n’a pas su répondre. Après avoir fouillé sa maison, les deux agents ont emmené M. O.R. Le lendemain, le corps de la victime a été retrouvé non loin de là. Il avait été criblé de balles et portait des traces de torture.
Depuis lors, et malgré les répercutions médiatiques de l’affaire, aucune enquête n’a été menée. La famille de la victime est maintenue dans une ignorance totale et aucun auteur présumé n’a été inquiété.
En 2015, face à cette situation manifeste d’impunité, TRIAL s’est saisi du dossier et l’a porté devant une institution de protection des droits humains. Dans sa plainte, elle allègue que le meurtre de M. H.T. constitue entre autres une violation de son droit à la vie, à l’intégrité physique et à la non-discrimination.

 

Marc (nom d’emprunt) était gradé dans l’armée burundaise et père de deux enfants. Il a été arrêté en même temps que nombre de ses collègues, faussement accusé d’avoir fomenté un coup d’Etat.

Marc a nié ces allégations pendant des heures. Mais ses geôliers n’ont pas renoncé et ont recouru à la torture pour lui faire « avouer » les faits : coups de chaise, de crosses de pistolet et de ceinturon, insultes et simulacres d’exécution – ce qui équivaut à de la torture psychologique. Meurtri et terrifié, la victime a « avoué » les crimes dont il était accusé.

Un autre détenu, se souvient de Marc au terme de son calvaire : « Il était assis sur une chaise et était menotté.. Son corps était ensanglanté. (…) Il avait des blessures au niveau de la tête, très visibles étant donné qu’il n’avait pas de cheveux. Il avait des marques de cordes au niveau des biceps. Il montrait des signes de souffrances et fatigue mais était conscient. Il avait manifestement fait l’objet de graves tortures lors de son interrogatoire. »

Après des mois d’incarcération et de maltraitances, Marc est enfin comparu pour les crimes dont il était accusé. Il a dénoncé devant la cour les tortures qu’il avait subi et expliqué les circonstances dans lesquelles il avait signé sa déclaration. Malgré cela, il a été condamné à près de 3 ans de prison.

Procédure

Lorsque Marc a été libéré en 2012, aucune enquête n’avait été ouverte. Les menaces répétées ne l’ont pas empêché de dénoncer ses traitements et d’interpeller le pouvoir judiciaire. La victime était sortie très faible de son incarcération, souffrait encore des séquelles et se trouvait très démuni financièrement. Sa femme et ses enfants ont dû provisoirement quitter le Burundi pour leur propre sécurité.

Plusieurs ONG internationales se sont jointes à la cause de Marc, mais les autorités n’ont donné aucune suite à leurs démarches. C’est pourquoi TRIAL International s’est saisie de l’affaire en 2013 et l’a porté devant les Nations Unies.

En 2015, celles-ci ont reconnu les violations subies par Marc et la responsabilité de l’Etat burundais dans l’affaire. Malheureusement, la victime n’aura pas profité longtemps de cette victoire. Marc est décédé en 2016, avant que les réparations prévues par les Nations Unies lui soient versées.

 

En 2012, une fausse accusation a mené à l’arrestation de Marius (nom d’emprunt). Au poste de police, il a été frappé à coups de bottes et de ceinture, avec tant de violence qu’il a perdu connaissance. Abandonné dans cet état critique sans recevoir le moindre soin, il a dû attendre plusieurs heures avant d’être emmené à l’hôpital. Encore aujourd’hui, Marius souffre des séquelles physiques et psychologiques de cet épisode.

Le lendemain des faits, Marius a dénoncé les tortures subies et une enquête a été ouverte. Les espoirs de la victime pour que justice soit rendue ont été de courte durée, puisque la procédure est ensuite restée au point mort pendant des mois. Quand, à force d’insistance de la part de Marius, la justice a enfin examiné le dossier, les faits retenus étaient bien en-deçà de ce que la victime avait enduré et ne reflétait en rien la gravité des violences. Aucune suite n’a été donnée.

TRIAL International, avec l’aide de ses partenaires au Burundi, a saisi les Nations unies en 2013. Dans leur décision, celles-ci ont reconnu le double tort causé à Marius : les tortures subies et l’inertie de la justice burundaise.

 

Kurt (pseudonyme) était un membre actif de l’opposition. Il a été arrêté chez lui au petit matin par une quinzaine de policiers en 2007. Emmené au poste, ceux-ci souhaitaient que Kurt témoigne contre l’ancien président de son parti et reconnaisse avoir lui-même tenté de déstabiliser le parti au pouvoir – ce qui n’était aucunement le cas.

Comme Kurt continuait de nier ces faits, les agents l’ont roué de coups pendant quatre heures, ne s’arrêtant que pour l’interroger davantage. Après des heures de tortures, de menaces et d’humiliation, Kurt a « reconnu » les faits allégués. Suite à sa déclaration, il a été emprisonné dans des conditions déplorables : contraint de dormir à même le sol, privé d’eau de nourriture et d’accès aux toilettes, et régulièrement frappé sur tout le corps. Kurt a dû partager sa cellule avec une trentaine d’autres détenus, sans possibilité de communiquer avec l’extérieur – et donc de prévenir sa famille ou de se pourvoir d’un avocat.

Remis en liberté provisoire quelques mois plus tard, Kurt a immédiatement informé les autorités des violences qu’il avait subi. Les Nations unies et plusieurs ONG de défense des droits humains sont intervenus en sa faveur, mais rien n’y a fait : cinq ans après les fait, aucune enquête n’avait vu le jour.

C’est pourquoi Kurt, avec le soutien de TRIAL, a déposé en 2012 une plainte aux Nations unies, dénonçant le manquement de autorités à leurs obligations internationales et leur responsabilité dans les tortures subies par Kurt.

En novembre 2016, les Nations unies ont reconnu la violation des droits de la victime. Le Burundi n’a pas encore mis en oeuvre leurs recommandations.

 

Membre de la police burundaise, Jeff (pseudonyme) avait observé, dans l’exercice de ses fonctions, une corruption rampante dans ses rangs. Pour avoir eu le courage de dénoncer publiquement ces abus, il a été arrêté et détenu arbitrairement pendant plusieurs semaines.

Après sa libération, les intimidations ont continué : avertissements plus ou moins explicites, licenciement, et enfin menace de mort. Face à cette pression grandissante, Jeff n’a pas eu d’autre choix que de vivre dans la clandestinité. Malgré sa discrétion, Jeff a été arrêté et sommairement exécuté en août 2010. La famille n’a jamais pu voir sa dépouille ni organiser d’enterrement, malgré leurs nombreuses demandes.

Malgré une forte mobilisation nationale et internationale, la lumière n’a jamais été faite sur l’exécution de Jeff. Au vu du blocage des autorités burundaises, une coalition d’ONG, dont TRIAL International, a saisi une instance internationale de protection des droits humains pour qu’une enquête soit enfin ouverte sur l’affaire. Le Burundi doit être mis face à ses obligations de poursuivre les responsables, de protéger ses ressortissants et de verser des réparations à la famille de la victime.

 

I.V. était un jeune burundais investi en politique, militant actif d’un parti d’opposition. Suite à une campagne électorale, où il avait ouvertement montré son soutien au parti, I.V. a commencé à recevoir des coups de fil anonymes le menaçant explicitement de mort : « Il te reste très peu de temps à vivre », etc. Terrifié, la victime a abandonné ses études et s’est éloigné de ses amis. Il a vécu reclus chez lui pendant des semaines, craignant pour sa vie.
Pourtant, en 2012, I.V. est sorti de chez lui pour rejoindre une connaissance. Il s’est rapidement avéré qu’il s’agissait d’un piège, car des proches l’ont vu se faire enlever par des policiers en uniforme. Quelques jours plus tard, son corps sans vie a été retrouvé dans la campagne voisine.
Le Procureur local a immédiatement ordonné aux autorités compétentes d’ouvrir une enquête, une demande largement soutenue par plusieurs ONG. Malgré cela, des années après les faits, aucune enquête n’a été ouverte et la famille de I.V. n’a jamais connu la vérité sur son exécution sommaire.
En 2015, face à cette situation manifeste d’impunité, TRIAL s’est saisi du dossier et l’a porté devant un institution de protection des droits humains. Dans sa plainte, elle allègue que le meurtre de M. I.V. constitue entre autres une violation de son droit à la vie, à la non-discrimination, à sa liberté et à sa liberté d’opinion.

 

M. H.T., un citoyen burundais était membre du CNDD-FDD, le parti au pouvoir au Burundi, avant de rejoindre un parti de l’opposition, où il a occupé diverses fonctions proéminentes.
Les harcèlements ont commencé immédiatement après le changement de parti de M. H.T. D’anciens amis et collègues du CNDD-FDD ont tenté avec insistance de le faire revenir, et progressivement leurs propositions sont devenues des menaces. La victime a reçu des appels anonymes et était sous surveillance policière. A trois reprises, H.T. a même été arrêté par le Service National de Renseignement (SNR) en raison de son affiliation politique.
Les menaces se sont intensifiées jusqu’au jour où, en 2011, H.T. a été pris en embuscade par trois policiers et abattu par balles. Son corps a été traversé par de nombreuses balles au niveau de la poitrine et des jambes.
Dès la survenance des faits, plusieurs ONG se sont mobilisées sur cette affaire pour dénoncer les faits et exiger l’ouverture d’une enquête. L’affaire a également connu un fort retentissement médiatique, au Burundi et à l’étranger, de par son caractère particulièrement violent et choquant.
Le Burundi n’a jamais confirmé avoir ouvert une instruction suite au meurtre, et aucune enquête n’a été menée. La famille de la victime est maintenue dans une ignorance totale des avancées de l’enquête prétendument initiée. Plus de quatre ans après le crime, les assassins courent toujours.
En 2015, face à cette situation manifeste d’impunité, TRIAL s’est saisi du dossier et l’a porté devant un mécanisme de protection des droits humains. Dans sa plainte, elle allègue que le meurtre de M. H.T. constitue entre autres une violation de son droit à la vie, à la non-discrimination, à sa sécurité et à sa liberté d’opinion.

 

Début 2008, devant son domicile, Jean (nom d’emprunt) écoutait le récit de Fabien (ibidem), un membre de sa famille. Ce dernier lui racontait une altercation récente avec un représentant de l’État, qui avait tenté de lui soutirer des documents officiels. Lors de la discussion, le même représentant a fait irruption devant Fabien, insistant pour obtenir lesdits documents.

Témoin de cette tentative d’abus, Jean s’est interposé pour contester l’ordre et protéger son proche… ce qui lui a valu d’être emmené de force par plusieurs policiers. Jeté dans un véhicule, il a été passé à tabac et n’a été libéré que sous la pression des badauds ayant assistés à la scène.

Couvert de sang, gravement blessé, Jean a été abandonné sur le bord de la route. Emmené à l’hôpital, il lui a fallu plusieurs semaines pour guérir de ses blessures.

À peine remis sur pied, Jean a dénoncé les exactions subies aux autorités compétentes. On ne lui a accordé qu’une seule audience, qui est restée sans suite. Après quatre ans, et en dépit de nombreuses relances, la situation n’a pas évolué.

 

Procédure

Face à l’apathie du système judiciaire national, Jean ne s’est pas découragé et a fait appel à TRIAL International pour obtenir justice.

Constatant l’impasse dans lequel il se trouve, l’ONG l’a assisté en portant plainte auprès des Nations Unies. Cette plainte, déposée en 2012, exige notamment que les tortures subies et la responsabilité des autorités burundaises soient reconnues.

La procédure est actuellement en cours.

 

Fanny (nom d’emprunt) n’avait que neuf ans lorsqu’elle a été violée par un membre de l’armée. Celui-ci était un ami de sa famille et venait régulièrement leur rendre visite.

Un soir, alors qu’il passait en patrouille dans le quartier de Fanny, il a emmené la fillette de force à son propre domicile. Là, après s’être entièrement dénudé, il a déshabillé la victime et l’a violée. A plusieurs reprises, il l’a menacée de mort, ainsi que ses proches, si jamais elle parlait.

Quelques jours plus tard, dans un état d’extrême détresse, Fanny a malgré tout trouvé le courage d’avouer les faits à sa mère.

Celle-ci, mère de deux autres enfants, était immédiatement partisane de poursuivre le tortionnaire en justice. Son mari, préférait un accord à l’amiable – en d’autres termes, le versement d’une somme d’argent pour oublier l’affaire.  Face à ce désaccord fondamental, le père de Fanny a quitté le domicile familial. C’est donc seule que sa mère a entrepris la longue quête de justice.

 

Procédure

La justice burundaise a entendu les témoignages de chacun et une expertise médicale a été effectuée, confirmant le récit de la fillette. Mais progressivement, la procédure est devenue obscure et l’instruction extrêmement lente. Finalement, après des mois d’inertie, l’auditeur a classé l’affaire, prétextant un manque d’élément infractionnel.

Face à cette injustice, TRIAL International et l’ONG burundaise Centre Seruka se sont saisis de l’affaire en 2013. Ensemble, ils ont porté l’affaire devant les Nations unies, leur demandant de reconnaître le viol de l’enfant et le manquement de l’Etat burundais à ses obligations internationales. La procédure est actuellement en cours.

Aujourd’hui, la santé de Fanny reste préoccupante. Sa mère, après avoir refusé l’arrangement à l’amiable, a été abandonnée de sa famille. Toutes deux vivent dans une situation d’extrême précarité.

 

Jusqu’en 2011, Clément (nom d’emprunt) a travaillé comme enseignant. Opposant au pouvoir en place, il a été appréhendé à son domicile par les forces de l’ordre, sous le prétexte fallacieux de menacer la sécurité de l’État.

Emmené dans un poste de police, on a tenté de lui extorquer des aveux en le menaçant de mort et en le soumettant à plusieurs actes de torture. Les souffrances physiques et psychologiques infligées à Clément ont été extrêmement sévères, à tel point que les séquelles persistent encore plusieurs années après les faits.

Mais Clément ne s’est pas laissé abattre. Alors qu’il était en prison, il a tenté d’obtenir justice en usant de tous les moyens légaux, combat qu’il a poursuivi après sa libération.

Malheureusement, Clément a rapidement été confronté à la mauvaise volonté des autorités burundaises. Entendu une seule fois dans cette affaire, son dossier a été perdu, réduisant presque à néant ses chances d’obtenir justice.

En revanche, le procès pour atteinte à la sécurité d’État dont il a fait l’objet s’est poursuivi comme si de rien n’était. L’accusé a à maintes reprises dénoncé les tortures dont il a été victime, sans que cela n’ait d’incidence sur son procès. Ce dernier s’est terminé par la condamnation de Clément à plusieurs années de prison ferme. Avant la fin de sa peine, il a été acquitté.

 

Procédure

Trois ans après les faits, la justice burundaise s’est révélée incapable d’assister Clément. Les tortures qu’il a subies restent jusqu’à présent impunies. Forte de ce constat, TRIAL International a décidé de porter cette affaire au niveau international, devant les Nations Unies.

Ses requêtes sont simples : les autorités doivent reconnaître les tortures infligées à la victime ; leur responsabilité dans leur exécution et verser des réparations à la victime pour les torts subis. Par ailleurs, indépendamment de cette procédure, l’État burundais doit s’assurer que la victime n’est pas en danger du fait des démarches entreprises.

La procédure est en cours.

 

Jean-Pierre (nom d’emprunt) était un avocat burundais de renom et un opposant du gouvernement. En 2011, il a été arrêté et détenu dans une affaire de corruption de témoins. Son arrestation a été motivée par une accusation de subordination de témoins, alors même que, indépendamment du bien-fondé de l’accusation, cette infraction était prescrite depuis 2006.

Ce prétexte fallacieux cachait le véritable motif de l’arrestation : l’activisme politique de Jean-Pierre. Au moment de l’arrestation de la victime, plusieurs autres avocats ont été arrêtés et relâchés pour des motifs vagues.

L’arrestation et la détention de Jean-Pierre ont été entachées de nombreuses erreurs. Par exemple, placé en détention aussitôt après son arrestation, il n’a été présenté à un juge que 10 jours après le délai légal. D’autres erreurs procédurales ont également été commises. La victime n’a même pas été autorisée à sortir pour l’enterrement d’un proche – et cela bien qu’il ne représente aucun danger pour la population. A l’heure actuelle, Jean-Pierre est encore en prison.

Procédure

En 2011, TRIAL International a saisi les Nations Unies de l’affaire pour que Jean-Pierre soit enfin libéré. L’ONG leur demande de reconnaître le manquement du Burundi aux articles 9 et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (droit à la liberté, à la sécurité de la personne, au respect des garanties entourant la privation de liberté et à un procès équitable).

Un an plus tard, les Nations Unies ont reconnu le caractère arbitraire de la détention de Jean-Pierre et le lien entre ses activités politiques et son enfermement. En conséquence, les Nations Unies ont demandé à l’Etat d’assurer une réparation adéquate à la victime.

 

Citoyen burundais, Désiré (nom d’emprunt) avait rejoint le mouvement des Forces nationales de libération (FNL) alors qu’il n’était guère plus qu’un enfant. Après sa démobilisation, il avait entrepris de mener une existence paisible avec sa femme et leur enfant.

Mais l’accalmie a été de courte durée : en 2010, une vague d’insécurité a touché le pays suite à des élections contestées par l’opposition. Les opposants politiques se sont vus systématiquement persécutés. Les exécutions extrajudiciaires, notamment, ont connu une recrudescence importante.

Durant cette période, Désiré a été interpellé une première fois par un agent de l’Etat qui a tenté de le soudoyer afin d’obtenir les noms des dirigeants des FNL.

Face au refus de Désiré, des agents des forces de l’ordre ont tenté de l’abattre chez lui quelques mois plus tard. Laissée pour morte, la victime a été hospitalisée pendant plusieurs mois dans un état très critique.

Traqué par les autorités à sa sortie d’hôpital, Désiré a dû fuir la région. Ces précautions n’ont pas suffi à mettre fin à son calvaire puisque Désiré, 28 ans au moment des faits, a été enlevé et exécuté en 2011.

 

Procédure

Suite à cette exécution, de nombreuses ONG telles qu’Amnesty International, International Crisis Group et Human Rights Watch ont fait pression auprès des autorités burundaises pour que justice soit faite. Une enquête aurait été ouverte, mais à ce jour aucun acte d’investigation n’a été mené et aucune poursuite n’a été engagée.

Malgré le fort retentissement médiatique suite à l’exécution de Désiré, sa famille n’a jamais été entendue par les autorités ni tenue au courant de quelconques avancées. Plus de six ans après, les faits restent toujours impunis.

Une coalition d’ONG, dont TRIAL International, a porté l’affaire devant une instance internationale de protection des droits humains. La famille de la victime a le droit de se voir octroyer une réparation appropriée, incluant notamment des mesures de compensation, de satisfaction et de réhabilitation.

La procédure est actuellement en cours.

 

André (pseudonyme) était un gradé dans l’armée nationale. Un soir, il faisait du jogging avec ses amis quand des coups de feu ont retenti. Des hommes armés, certains en civil et d’autres en uniformes de policier, ont fait irruption et ont demandé à tous de quitter les lieux. Ne sachant pas comment réagir, André et ses amis sont restés.

Dans les minutes qui ont suivi, André a été ligoté, fouillé, roué de coup, insulté, menacé avec des armes. Son portable et ses documents d’identité lui ont été retirés. Ses amis subissaient les mêmes sévices aux mains d’autres hommes armés.

Un témoin raconte : « (…) il y avait des personnes allongées par terre dans la boue. Il s’agissait d’une dizaine de personnes qu’on n’arrêtait pas de piétiner dans le dos et qu’on (insultait) (…) Malgré qu’il faisait déjà nuit, je pouvais voir de la boue sur tout leur corps et même sur leur tête signe qu’ils avaient été trainés dans la boue. »

Ils ont été entassés dans une fourgonnette. Aucun d’eux ne savait pourquoi ils étaient emmenés ni où ils allaient. Pendant le voyage, André a failli perdre connaissance à plusieurs reprises, tant la douleur des coups était vive.

 

Maintenu en détention arbitraire pendant trois ans

Des heures plus tard, André a été emmené dans une petite pièce pour y être interrogé. Il était si faible qu’il ne pouvait pas marcher et a dû être soutenu par ses geôliers.

Ceux-ci lui ont posé des questions sur un complot contre le gouvernement, auquel il aurait supposément participé. André a eu beau nier son implication, les questions sont devenues de plus en plus insistantes jusqu’à devenir des menaces.

Ayant lui-même subi des tortures et témoin des tortures subies par ses amis, la victime a préféré signer une fausse déclaration. Malgré cela, il a été maintenu en détention dans des conditions inhumaines : enfermé dans une cellule de deux mètres carrés sans fenêtre, contraint de dormir à même le sol et nourri uniquement avec des aliments pourris.

Ce n’est que trois ans plus tard que André a été libéré. Il souffre aujourd’hui encore des séquelles physiques et psychologiques liées à cet épisode : désordres post-traumatiques, crises d’angoisse, troubles du sommeil, etc.

 

Procédure

A sa sortie de prison, il a tenté d’obtenir justice par tous les moyens. Malgré sa persévérance et l’intervention d’organisations de défense des droits humains en sa faveur, rien n’a été fait.

En 2013, TRIAL International a assisté André dans son dépôt de plainte auprès des Nations Unies. Après examen du dossier, celles-ci ont reconnu la responsabilité de l’Etat burundais dans l’affaire et lui ont demandé de verser réparations à la victime.

Des années plus tard, André souffre encore d’une grande détresse économique et sécuritaire. Dans l’impossibilité de réintégrer l’armée, il a traversé de longues périodes de chômage. La santé de l’auteur reste préoccupante. Il n’a cependant pas les moyens financiers de se faire soigner.

Sa santé laisse encore à désirer et il est régulièrement en proie à épisodes de stress : « Je suis soulagé que les Nations Unies aient reconnu les torts que j’ai subi, même si rien n’effacera jamais la douleur. Dans le contexte instable du Burundi, je vis encore aujourd’hui dans la crainte que mes bourreaux ne me retrouvent. »

 

Claude (nom d’emprunt) a été arrêté en pleine rue par des agents de l’Etat burundais. Sans explications, ceux-ci l’ont simplement menacé d’une arme et ordonné de les suivre, lui confisquant les clés de son véhicule.

Ceux-ci ont tout fait pendant son interrogatoire pour lui faire « reconnaître » des faits imaginaires : coups sur tout le corps avec des bâtons et des fils de fer, suspension par les bras, dents cassées… Le supplice de Claude a duré des heures. Comble de l’horreur, un tortionnaire le filmait tout du long.

Aculé au mur et dans un état critique, la victime a accepté de signer une déclaration préalablement préparée par ses bourreaux.

Mais cette « confession » a mené à de nouvelles violations de ses droits : Claude a en effet été détenu les sept jours suivants dans une cellule bondée et sans hygiène, sans pouvoir entrer en contact avec sa famille ou un avocat. Ses proches ont appris son sort dans les médias.

Cinq mois se sont encore écoulés avant qu’il ne soit entendu par un juge, qui a ordonné sa libération faute de preuves de sa culpabilité.

 

Procédure

Claude a tenté par tous les moyens de saisir la justice burundaise, sans succès. Ni un certificat médical attestant des tortures subies, ni l’intervention d’organisations de droits humains et des représentants des Nations Unies n’ont fait bougé les autorités.

En décembre 2011, Claude a porté l’affaire au niveau international avec l’aide de TRIAL International. Ensemble, ils ont saisi les Nations Unies, leur demandant de se prononcer sur la torture et la détention arbitraire de Claude. En cas de succès, le gouvernement burundais serait mis face à ses obligations de poursuivre les coupables et de verser des réparations à la victime pour les dommages subis. La procédure est en cours.

 

Rached Jaïdane

Suspecté à tort de fomenter un attentat contre le parti au pouvoir, Rached Jaïdane, ancien opposant politique, a été arrêté en 1993 en Tunisie.

Coups de poings, de pieds et de matraques sur tout le corps, supplice dit « du poulet rôti », sévices sexuels, électrocutions, supplice de la baignoire, arrachage des ongles et écrasement des doigts ne font partie des nombreux sévices infligés à Rached Jaïdane durant sa détention. Il n’a été libéré qu’en février 2006, après 13 années de torture et de mauvais traitements dans les prisons tunisiennes.

Quelques années plus tard, Rached Jaïdane a entamé bien des démarches pour obtenir justice. Il s’est tourné vers la justice nationale en 2011. Bien que sa plainte ait mené à l’ouverture d’un procès, le verdict rendu en 2015 a anéanti tous ses espoirs : tous les accusés ont été acquittés, à l’exception de l’ex-président Ben Ali, condamné à cinq ans d’emprisonnement – peine qu’il n’a jamais purgé.

En janvier 2015, TRIAL International et ACAT-France ont alors soumis une plainte au nom de Rached Jaïdane au Comité contre la torture des Nations unies. Les deux ONG demandent une nouvelle enquête sur les tortures auxquels Rached Jaïdane a été soumis, ainsi qu’une réparation appropriée. L’affaire est actuellement pendante.

« Il est grand temps de mettre un terme à l’impunité et de répondre aux attentes crées par la Révolution. La construction d’un Etat fondé sur le droit implique que des enquêtes sur les graves violations des droits humains soient effectuées diligemment, que des procès soient conduits avec sérieux et impartialité et que justice soit rendue à Rached Jaïdane ainsi qu’aux nombreuses autres victimes », a insisté Philip Grant, le directeur de TRIAL International.

Communiqué de presse conjoint ACAT-France et TRIAL International :

http://www.acatfrance.fr/actualite/proces-pour-la-torture-de-rached-jaidane—une-parodie-de-justice

 

Le 4 octobre 2018, à Tunis, s’est ouverte la première audience dans le cadre du processus de justice transitionnelle pour l’affaire Jaïdane. En raison d’un mouvement des magistrats, la chambre a dû prononcer le report de l’audience après 45 minutes d’échanges introductifs alors même que 5 accusés étaient présents.

 

La plaine de Ruzizi se situe dans la province du Sud Kivu et borde la frontière avec le Burundi. Depuis plusieurs années, les deux groupes ethniques qui peuplent la plaine, les Bafuliro et les Barundi, sont en conflit en raison de rivalités foncières, économiques et politiques. Les populations civiles y endurent des vagues régulières d’attaques et de crimes graves sans que les autorités étatiques n’aient la volonté ni la capacité d’y mettre un terme.

A l’été 2013, des hommes armés non identifiés ont attaqué le village de Mutarule. Les assaillants y ont tué des dizaines de personnes et pillé de très nombreuses habitations.

Malgré les promesses des autorités locales, aucune enquête n’a été menée pour identifier les responsables des crimes et personne n’a été sanctionné. Au contraire, l’impunité et l’insécurité ont produit de nouveaux massacres en juin 2014, quand des hommes armés ont ouvert le feu sur 200 personnes réunies devant l’église de Mutarule. Ni les forces de sécurité congolaises ni les peacekeepers des Nations unies ne sont intervenus pour arrêter cette attaque.

Début 2015, suite aux pressions de la société civile et de la communauté internationale, les autorités congolaises ont mené les premières enquêtes sur les crimes commis à Mutarule. Dans le cadre des enquêtes, TRIAL International a fourni une assistance judiciaire à plusieurs dizaines de victimes de crimes graves à Mutarule. L’ONG n’a cessé de plaider auprès des autorités nationales pour l’ouverture d’un procès établissant la responsabilité pour ces crimes et procurant des réparations aux victimes.

Le 12 août 2016, le procès du massacre de Mutarule en chambre foraine débute et se déroulet sous haute tension. Près d’une centaine de victimes participent au procès, dont quatre-vingt-treize représentées par des avocats coachés par TRIAL International. Sur le banc des accusés, deux commandants FARDC et un leader Barundi, soupçonnés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

Le verdict est enfin rendu public en février 2017. Le massacre commis en 2014 contre les villageois a été qualifié de crime contre l’humanité et les victimes devraient recevoir des compensations financières. Aucun des trois prévenus n’a été condamné pour crimes contre l’humanité. L’un des prévenus a été acquitté. Un autre, M. Sheria, présumé chef d’un groupe armé, a écopé de 15 ans de prison pour détention illégale d’arme de guerre – mais pas pour sa participation directe au massacre du 6 juin, qui selon la Cour n’a pas été prouvée. Le troisième prévenu, le Major Kayumba, représentant de l’armée congolaise,  a été condamné à 10 ans de prison pour violation de consignes.

Le 12 juin 2018, la Haute Cour militaire a instruit l’appel de l’affaire à Bukavu.