L’affaire
En avril 2013, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une communication individuelle concernant les multiples violations des droits de l’homme liées à la disparition forcée, torture et détention arbitraire de M. Himal Sharma entre le 21 octobre 2003 et le 19 décembre 2005. Dans cette procédure, TRIAL représente également l’épouse de la victime, Mme Devi Sharma.
Au moment de son arrestation arbitraire en octobre 2003, M. Himal Sharma occupait le poste du Secrétaire Général de l’Union Révolutionnaire Nationale des étudiants indépendants de tout le Népal, l’aile estudiantine du Parti Communiste du Népal (maoïste).
Le 21 Octobre 2003, M. Himal Sharma a été arbitrairement arrêtée à Katmandu par des membres des forces de sécurité habillés en civil. Les yeux bandés, il a été emmené à la caserne Maharajgunj et a été disparu par les membres du Bataillon Bhairabnath de l’armée népalaise pour presque un an et demi. Mari et père de trois enfants, la disparition de M. Himal Sharma a eu des conséquences dévastatrices pour toute sa famille. Durant sa disparition forcée, les autorités népalaises ont nié à plusieurs reprises la détention de M. Himal Sharma et ont omis de révéler son sort à ses représentants et à sa famille, malgré plusieurs tentatives menées par son épouse, Mme Devi Sharma, afin de le localiser.
En février 2005, il a été transféré à la caserne du Bataillon Mahendradal, dans le district Gorkha. Le sort et le lieu de détention de M. Himal Sharma sont restés inconnus jusqu’au 8 Mars 2005.
Pendant toute la période de sa disparition forcée, M. Himal Sharma a été soumis à d’innombrables épisodes de torture. Un rapport publié en mai 2006 par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ainsi que les témoignages des anciens codétenus confirment le récit des événements fourni par M. Himal Sharma.
Après les efforts inlassables menés par Mme Devi Sharma et une enquête tardive ordonnée par la Cour Suprême du Népal, le sort de M. Himal Sharma a été finalement révélé par le gouvernement népalais le 8 mars 2005. Cependant, il a été gardé en détention arbitraire et maltraité jusqu’au 19 décembre 2005, lorsque la Cour Suprême a déclaré sa détention illégale et ordonné sa libération.
M. Himal Sharma a fait toute une série de démarches afin de se faire reconnaître officiellement come victime d’une disparition forcée et de torture commises par l’armée népalaise, afin de déclencher des procès et, à terme, obtenir des sanctions pénales et disciplinaires pour les responsables des crimes concernées et se voir accordé une réparation adéquate pour le préjudice subi.
Le 1er juin 2007, la Cour Suprême a ordonné au gouvernement népalais de promulguer une loi criminalisant la disparition forcée conformément aux normes internationales; de former une commission indépendante pour enquêter sur la situation des personnes disparues et les causes de leur disparition et de soumettre leur conclusions aux autorités compétentes pour leur poursuite pénale; et d’offrir aux victimes de disparitions forcées des réparations adéquates et efficaces.
Mise à part une compensation provisoire de 100.000 roupies (environ 1.130 dollars américains) reçue en 2011, la décision finale de la Cour Suprême est resté lettre morte et aucune enquête impartiale, rigoureuse et indépendante n’a été menée; personne n’a été jugé ou puni pour ces crimes et aucune réparation substantielle n’a été accordée pour la disparition forcée et torture de M. Himal Sharma.
En avril 2013, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations Unies en demandant :
de reconnaitre que le Népal a violé des nombreux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en raison de la disparition forcée de M. Sharma, de l’échec continu des autorités népalaises de mener une enquête efficace sur ces crimes et des souffrances endurées par Mme Devi Sharma à cause de la disparition de son mari et de l’attitude d’indifférence maintenue par les autorités népalaises face à ses demandes;
d’exiger une enquête approfondie et indépendante sur la détention arbitraire, torture et disparition forcée de M. Himal Sharma, et la poursuite et sanction des auteurs;
d’exiger la modification de la Commission d’enquête sur les personnes disparues, la vérité et la réconciliation prévue par l’Ordonnance adopté le 14 mars 2013, afin d’assurer qu’aucune personne accusée de violations graves des droits de l’homme, y compris la torture et la disparition forcée, ne puisse bénéficier d’aucune clause d’amnistie;
de demander au Népal d’assurer que les victimes obtiennent une réparation rapide, équitable et suffisante couvrant les dommages matériels et moraux.
Le contexte général
La disparition de M. Neupane s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006 lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.
Le conflit qui a duré dix ans, du 1996 à 2006, a causé non seulement des graves dommages économiques et sociaux mais aussi a mis le nom du pays sur la liste des principaux violateurs des droits de l’homme à travers le monde. Les disparitions forcées, la torture, les exécutions sommaires et les détentions arbitraires par les agents de l’Etat aussi bien que les maoïstes, étaient largement répandues au cours de cette période. Selon le Bureau du Haut-commissaire aux droits de l’homme, environs 1300 disparitions forcées aurait eu lieu pendant cette période et qui sont toujours portés disparus.