Le cabinet des ministres du Népal a annoncé, le 5 janvier 2018, la prolongation d’un an de la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) et de la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (CIEDP).

La création de ces deux organes de justice transitionnelle date de 2015, presque dix ans après la fin de la guerre civile.  Leurs mandats devaient arriver à terme l’année passée, mais dû aux milliers de plaintes qu’ils leur restaient à régler, leurs mandats ont été prolongés.

A l’époque, TRIAL International et quatre autres ONG se sont réjouies de cette décision. Mais elles ont, malgré tout, insisté sur le fait que la prolongation des mandats des organes de justice transitionnelle ne devait être qu’un premier pas dans le plus grand effort de responsabilisation.

Aujourd’hui, ces conclusions restent d’actualité. Le travail de ces organismes est titanesque. L’horloge semble tourner de plus en plus vite chaque année, et l’histoire continue à se répéter : les victimes de guerre népalaises attendent toujours justice et réparation.

Lire la lettre ouverte de 2017 de TRIAL International sur les organes de justice transitionnelle

La Commission nationale des droits de l’homme (NHRC) exprime son inquiétude quant au retard de la justice transitionnelle au Népal.  Des actions doivent être prises d’urgence, car les mandats des organismes concernés arrivent à expiration.

Le rapport montre* qu’entre 2000 et 2013, la Commission a demandé au gouvernement népalais de prendre des mesures concernant 735 dossiers de violation des droits. Mais, seules 103 de ces recommandations ont été prises en compte. Ce délai est un fardeau pour les victimes qui réclament justice, et mène souvent au découragement

La délégation du NHRC, qui a présenté le rapport à la présidente Bhandari, a également dénoncé l’absence de lois misent en œuvre et le manque de ressources allouées aux organes de justice transitionnelle. Ce qui nuit à leur efficacité et les laisse presque impuissants.

Le NHRC a souligné que retarder le processus de justice transitionnelle au Népal donne du crédit à l’état d’impunité.

 

Le temps presse pour les organes de justice transitionnelle

En outre, les mandats de la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) et de la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (CIEDP) prendront fin en février 2018.

Mais leur travail est loin d’être terminé. Le conflit a pris fin en 2006 et des milliers de victimes attendent toujours des réparations.

De plus, les anciens enfants soldats sont toujours mis au ban de la justice transitionnelle. Ce qui engendre de graves conséquences en les aliénant de la société.

« Les victimes de guerre ont assez souffert, le gouvernement népalais doit renforcer les mécanismes de justice transitionnelle afin d’aider les survivants à aller de l’avant », explique Lucie Canal, responsable intérimaire du programme Népal de TRIAL International.

*tous les chiffres sont pris d’un article publié par le Kathmandu Post

Déclaration publique

Seulement 24 mois après leur ouverture, les mécanismes de justice transitionnelle (JT) au Népal risquaient une fermeture pure et simple. TRIAL International, REDRESS, HimRights, Advocacy Forum, JuRI-Nepal et Discharged People’s Liberation Army Nepal saluent l’extension d’un an de leur mandat, mais demandent que celle-ci s’accompagne de clarifications légales et des garanties contre l’ingérence politique.

Avant même de voir le jour, les mécanismes népalais de JT ont fait l’objet de retards, d’interférences politiques et de processus viciés. Contrairement à ce que prévoyait l’Accord de paix de 2006, il aura fallu neuf ans pour que la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (CIEDP) deviennent réalité. Et pourtant, elles étaient censées compléter leur mission titanesque en seulement deux ans.

A elles deux, la TRC et la CIEDP ont reçu plus de 61 000 plaintes pour des violations commises pendant le conflit armé. Mais des défaillances structurelles ont entravé leur travail depuis le début : une absence de consultation avec les victimes, des lacunes dans le cadre juridique, des ressources insuffisantes et trop peu de soutien du gouvernement. Sans surprise, ni la TRC ni la CIEDP ne sont près d’achever leur mission.

A vrai dire, le plus gros de leur travail reste à faire : pour le moment, seules des règles internes ont été adoptées. Aucune enquête n’a été menée, aucune affaire n’a été déférée et aucun rapport n’a été publié.

Malgré ces insuffisances, la TRC et la CIEDP restent le meilleur espoir des victimes pour accéder à la vérité et aux réparations. Les dizaines de milliers d’entre elles qui ont déposé une plainte (en dépit de nombreux obstacles) doivent être entendues.

Une décision positive mais insuffisante

La décision du gouvernement d’étendre de 12 mois le mandat des mécanismes, prise le 9 février, est une avancée positive. Mais pour qu’elle porte des fruits, elle doit aller de pair avec des amendements légaux : la pénalisation et l’application rétroactive des crimes de torture, disparition forcée et usage et recrutement d’enfants soldats ; et la suppression de délais de prescription pour viol, meurtre et actes de torture. Des ambiguïtés quant au lien entre la justice pénale et les mécanismes de TJ doivent également être levées. Ces changements devront être mis en œuvre de concert avec les principaux intéressés, notamment les victimes et la société civile.

Les mécanismes devront aussi clarifier leurs processus et politiques internes : selon quels critères les affaires seront-elles déférées ? Quelles mesures seront prises pour éviter l’ingérence politique ? Comment les réparations seront-elles distribuées et à qui ? Comment les victimes seront-elles protégées d’éventuelles représailles ?

L’extension du mandat des mécanismes offre un court répit aux victimes. Dans leur intérêt, tous les acteurs politiques doivent à présent s’unir pour bâtir enfin un système de justice transitionnelle crédible.

Les signataires :
TRIAL International
REDRESS
HimRights
Advocacy Forum
JuRI-Nepal (Justice and Rights Institute-Nepal)
Discharged People’s Liberation Army Nepal

Tej Bahadur Bhandari est porté disparu depuis 2011. Son fils, Ram Bhandari, n’a jamais cessé de lutter pour la justice. Il est aujourd’hui un important défenseur des droits humains au Népal. Voici son histoire.

« Mon père a  disparu en 2001. J’avais alors 23 ans. J’étais à l’université lorsque j’ai reçu l’appel téléphonique de ma mère : elle était affolée, elle a dit que mon père avait été enlevé par la police. J’ai immédiatement redouté le pire : certains de mes amis à l’université avaient été emprisonnés, enlevés ou torturés par les autorités. Je savais de quoi ils étaient capables.

Je me suis empressé de rentrer chez moi dès le lendemain pour être avec ma mère. Ensemble, nous nous sommes rendus au poste de police. Les policiers ont nié avoir enlevé mon père, mais certains témoins nous ont relaté une histoire bien différente : mon père a été passé à tabac en plein jour, au milieu de la rue, jusqu’à perdre connaissance. Les policiers lui ont ensuite bandé les yeux et attaché les mains, et l’ont emmené. Nous ne l’avons pas revu depuis. »

 

Une famille brisée

« Comme je refusais de me taire et continuais d’interpeller les autorités, j’ai commencé à recevoir des menaces. J’ai même été emprisonné pendant quelques jours. Comme ma mère s’inquiétait pour notre sécurité, nous avons décidé de déménager dans une autre ville. Nous avons laissé derrière nous notre entreprise familiale et tous nos proches. Dans cette nouvelle ville, nous ne connaissions personne. Ma mère ne pouvait pas travailler, elle était extrêmement angoissée et a dû être hospitalisée.

Les liens familiaux sont très importants au Népal. La place d’une femme dans la société est liée à son mari. C’est également lui qui apporte un revenu, la femme restant à la maison et s’occupant des enfants. Au moment où mon père a été enlevé, ma mère n’a donc pas été en mesure de se débrouiller seule. C’est le cas de nombreuses épouses d’hommes disparus.

Ces femmes ne peuvent même pas recevoir des fonds de veuvage, car elles ne sont pas en mesure de fournir un corps ou une date de décès. Elles se trouvent dans une position ambiguë que leur communauté ne comprend pas, ce qui entraîne leur rejet et leur stigmatisation. Les enfants souffrent également : en raison du manque de ressources, ils ne peuvent pas aller à l’école ou être soignés correctement. Lorsqu’un homme est victime de disparition forcée, toute sa famille est confrontée à l’exclusion sociale et à de grandes souffrances psychologiques. »

 

Chercher justice au niveau supranational

« Ma mère et moi étions déterminés à savoir ce qui était arrivé à mon père. Nous sommes allés voir la police, les juridictions, les politiciens, nous avons écrit des lettres, nous avons rassemblé des preuves… en vain. Je pensais que nous étions à nos limites lorsque j’ai entendu parler de TRIAL International pour la première fois. Ils m’ont expliqué que les procédures ne s’arrêtaient pas au niveau national, que nous pourrions porter l’affaire devant les Nations Unies. Nous avons retrouvé espoir quand nous avons appris que nous allions pouvoir continuer notre combat malgré le manque de coopération des autorités népalaises !

En 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a pris notre défense et a demandé au Népal de rendre justice. Enfin, notre souffrance, de même que le caractère illégal de ces évènements, étaient reconnus.

Malheureusement, rien n’a été fait par les autorités népalaises depuis la décision du Comité. Nous ne savons toujours pas pourquoi mon père a été enlevé, ce qui lui est arrivé, ni même s’il est encore vivant. »

 

Du préjudice individuel à l’action collective

« Je dédie désormais ma vie à la défense des victimes de disparitions forcées. Avec le Réseau national népalais des familles des disparus, nous informons les personnes sur leurs droits. Nous expliquons les procédures, nous les aidons à récolter les preuves les plus convaincantes, et nous leur parlons des procédures devant les Nations Unies si la justice népalaise fait la sourde oreille.

Ces familles sont trop nombreuses à ne pas connaître leurs droits. Souvent, elles sont issues d’un milieu rural et vivent dans le dépouillement. Beaucoup d’entre elles ont peur, ou pensent que demander justice ne servira à rien. Elles ne rapportent pas toujours les disparitions forcées, ce qui signifie qu’un grand nombre de ces crimes ne sont toujours pas enregistrés et passent inaperçus. Nous nous efforçons de changer cela. Nous encourageons ces personnes à se manifester, car c’est notre action collective qui changera les choses et nous permettra d’obtenir justice.

Nous faisons également un travail didactique sur les disparitions forcées, en expliquant la torture psychologique que subissent les victimes. Nous espérons que, dans le futur, les familles de disparus seront moins stigmatisées et mieux comprises. Je ne veux plus voir de femmes mise au banc comme ma mère l’a été. »

 

En savoir plus sur l’affaire Tej Bahadur Bhandari

Visitez le site de notre campagne pour la justice au Népal

 

Un op-ed de Helena Rodríguez-Bronchú Carceller

« Il est défendu de tuer ; tout meurtrier sera puni, à moins qu’il n’ait tué en grand nombre et au son des trompettes. » – Voltaire

Au cours du conflit armé au Népal, comme dans toute autre guerre civile, des gens ont tué, torturé, violé et fait disparaitre nombre de leurs concitoyens. L’affrontement entre les forces de l’ordre et les rebelles maoïstes a duré dix ans (de 1996 à 2006).

Les dix années qui ont suivi le conflit ont été synonymes d’une paix fragile, et de discussions sans fin quant au développement d’un système de justice transitionnelle. Aujourd’hui encore, les désaccords perdurent et prévalent sur les sujets réglés.  Les opinions divergent entre victimes, partis politiques, communauté internationale et société civile, mais aussi au sein de ces groupes eux-mêmes.

L’un des sujets de désaccord est la lutte contre l’impunité croissante. Tandis que la plupart des victimes et des acteurs internationaux exigent davantage de fermeté, les partis politiques, parfois impliqués dans le conflit, cherchent à y déroger.

La Cour suprême a annulé les mesures d’amnistie de la loi « Commission de vérité et réconciliation » de 2014. L’ONU a conditionné son soutien au processus de justice transitionnelle à l’interdiction de toute amnistie. Rien n’y a fait : la question de l’amnistie suscite encore un débat animé au Népal, alimentée par les déclarations d’acteurs politiques.

Assimiler l’impunité à l’amnistie est une simplification excessive et dangereuse. La première désigne une situation où un criminel n’est pas tenu responsable ou puni pour ses actes, tandis que la seconde est un outil juridique pour exempter une personne de toute responsabilité pénale. Bien sûr, l’impunité se nourrit de l’amnistie, mais elle peut également émaner d’autres mesures. Les partis politiques népalais en sont bien conscients : ils se targuent de ne pas demander l’amnistie et passent sous silence leurs autres stratagèmes pour échapper à la justice.

Le refus de modifier la législation est le premier subterfuge. Les actes de torture, les disparitions forcées, et l’utilisation d’enfants soldats resteront impunis tant qu’ils ne seront pas reconnus comme des actes criminels par la législation nationale, et tant que la loi ne pourra pas être appliquée rétroactivement. Des dispositions juridiques sont également nécessaires pour modifier la loi de prescription : la prescription tristement célèbre sur les viols, qui oblige que les plaintes soient déposées sous les 35 jours suivants les faits, et la prescription de 20 ans pour les affaires de meurtres, qui empêche la poursuite de crimes commis au début du conflit. Par ailleurs, seul l’inclusion des qualifications juridiques de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » dans la législation népalaise pourra refléter l’ampleur de ces crimes.

Des procédures déficientes de justice transitionnelle encouragent également l’impunité. Les inquiétudes causées par la création de deux Commissions de justice transitionnelle en 2015 sont trop nombreuses pour être listées ici. De multiples incidents ont été rapportés lors du recueil des plaintes : menaces à la sécurité ; intrusions de partis politiques ou des forces de l’ordre ; problèmes d’accessibilité pour les habitants de régions isolées, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes ne parlant pas le népalais ; manque d’information et de sensibilisation aux procédures et au mandat de la Commission ; absence de confidentialité lors du recueil de plaintes ; etc.

Les victimes ont donc commencé à être méfiantes, mais de plus, certaines d’entre elles n’ont tout simplement pas pu déposer leurs plaintes. D’autres n’étaient pas en mesure de fournir des faits détaillés, engendrant la rétractation de la Commission pour « preuves insuffisantes » et l’impossibilité d’examiner ces plaintes à nouveau dans le futur. Par ailleurs, le mandat de la Commission expirera dans seulement six mois. Il est difficile d’imaginer comment celle-ci pourrait à donner une réponse satisfaisante aux 60 000 victimes qui ont déposé plainte, étant donnés son rythme de travail et ses faibles ressources. Vouloir régler toutes les affaires liées au conflit par le seul biais de deux Commissions dysfonctionnelles peut également être perçu comme une stratégie en faveur de l’impunité.

Une Cour extraordinaire doit encore être créée. Mais quels serait son rôle et ses mécanismes de régulation ? Les règles de responsabilité pénale des supérieurs seraient-elles appliquées ? Les juridictions militaires joueraient-elles un rôle ? Ces questions cruciales à la lutte contre l’impunité restent sans réponse, mais elles sont surtout trop peu souvent abordées par les principaux acteurs de ce débat. Le chemin de la justice transitionnelle au Népal reste semé d’embûches.

Helena Rodriguez-Bronchú Carceller, directrice du programme Népal
@Helena_RBC

 

L’affaire

En février 2011, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle au nom de Jit Man Basnet, victime de disparition forcée et de torture suite à son arrestation en février 2004. Dans cette procédure, TRIAL représente également Top Bahadur Basnet, le cousin de la victime.

Avocat et journaliste, Jit Man Basnet a été arrêté le 4 février 2004. Les forces de sécurité népalaises l’ont emmené de force dans un campement militaire connu sous le nom de «Bhairabnath Battalion barracks».

Durant cette période (2003-2004), ce campement militaire, placé sous l’autorité de l’armée royale népalaise, est devenu l’un des principaux centres des violations des droits humains au Népal. En mai 2006, le Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies a publié un rapport (en anglais) sur ce campement, qui révélait des faits accablants: détentions illégales, tortures, exécutions extrajudiciaires et disparition de centaines de personnes suspectées d’être affiliées avec les rebelles Maoïstes.

Soupçonné précisément d’être en contact avec les Maoïstes, Jit Man Basnet a été torturé durant les trois premiers jours de sa détention. Plus il niait l’existence de tels contacts, plus durs étaient les sévices. Les conditions de détention étaient par ailleurs effroyables. Pendant 258 jours, Jit Man Basnet est resté les yeux bandés et les mains menottées. Ses proches se sont activés pour le faire libérer, mais l’armée a jusqu’au bout nié l’avoir arrêté et le détenir.

Le 18 octobre 2004, Jit Man Basnet a finalement été libéré. D’autres n’ont pas eu la chance de ressortir vivant de cet enfer. Il lui a été interdit de révéler l’existence du campement et il a été contraint de signer un papier certifiant qu’il n’était resté en détention que 90 jours, conformément à la législation d’urgence.

A ce jour, aucune enquête n’a été menée. Les responsables sont toujours en liberté et jouissent encore aujourd’hui de positions officielles dans l’armée, contribuant ainsi au développement d’un climat d’impunité générale. Aucune réparation financière, médicale ou psychologique n’a été offerte à Jit Man Basnet.

En février 2011, TRIAL a donc déposé pour le compte de Jit Man Basnet et Top Bahadur Basnet une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant  :

 

Contexte général

En février 1996, le parti communiste du Nepal (Maoïste) a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel. Le conflit s’est rapidement étendu à travers tout le pays. En 2001, la violence est devenue telle qu’elle a pris la forme d’une véritable guerre civile, conduisant le gouvernement à décréter un état d’urgence. Le Nepal a endurci sa politique de répression à l’encontre des personnes suspectées d’aider les insurgés maoïstes et s’est arrogé le pouvoir de déroger au respect des droits et libertés fondamentaux. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période. Les arrestations arbitraires à l’encontre des personnes suspectées d’être affiliées avec les maoïstes ont continué pendant des années. C’est dans ce contexte que Jit Man Basnet a été arrêté et a disparu durant plus de 8 mois.

 

La décision

Le 29 octobre 2014, le Comité des droits de l’homme a adopté sa décision sur l’affaire concernant M. Jit Man Basnet. Il a déclaré le Népal responsable d’avoir violé plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, telles que le droit à la liberté, à un traitement humain, à la reconnaissance de la personnalité juridique, et l’interdiction de la torture. Le Comité a notamment reproché à l’État de ne pas avoir mené d’enquête sur la privation de liberté, la torture et la disparition forcée de M. Jit Man Basnet et de n’avoir ni jugé ni sanctionné les responsables. Le Comité a également condamné le Népal pour avoir soumis M. Top Bhadur Basnet à un traitement inhumain en se montrant indifférent à son angoisse et en niant que son cousin avait été victime de disparition forcée.

Le Comité demande au Népal de:

  • Mener une enquête autour de la détention de M. Jit Man Basnet et poursuivre, juger et punir les responsables
  • Indemniser M. Jit Man Basnet et M. Top Bahadur Basnet et leur fournir une réhabilitation psychologique ainsi qu’un traitement médical
  • Leur accorder des mesures de satisfaction en veillant à rétablir leur dignité et leur réputation
  • Modifier la législation et introduire dans le code pénal népalais les crimes de torture et de disparition forcée
  • Traduire en népalais et rendre publique la décision du Comité.
  • Le Népal a 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour donner effet à la décision.

 

L’affaire

En mai 2012, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant la disparition forcée de M. Milan Nepali en mai 1999. Dans cette procédure, TRIAL représente également l’épouse de la victime, Mme. Sabita Basnet.

Au moment de son arrestation et de sa disparition, M. Nepali travaillait comme journaliste pour le quotidien népalais Janadesh, journal maoïste basé à Katmandou. M. Nepali était un membre actif du Parti communiste du Népal – Maoïste (PCN-M) et participait de manière régulière aux activités de celui-ci. Même avant 2001, année lors de laquelle le gouvernement népalais déclara le PCN-M comme étant une organisation terroriste illégale, toute personne suspectée d’être impliquée dans les activités du Parti était menacée d’être arrêtée et détenue par les autorités d’après la loi sur la sécurité publique de 1989. M. Nepali avait auparavant été arrêté et détenu par la police népalaise à deux occasions.

Aux alentours de 13h le 21 mai 1999, Mme. Basnet a vu six ou sept policiers – dont certains habillés en civil et d’autre vêtus d’uniformes- s’approcher de son mari à Sundhara, près de Telbahal à Katmandou lui indiquant qu’il devait les suivre pour interrogatoire, sans être informé des charges qu’on lui reprochait. Il ne fut pas menotté, et parti sans résister avec les policiers qui l’emmenèrent dans un mini-bus pour une destination inconnue.

Suite à son arrestation, la famille de M. Milan Nepali a pris de nombreuses mesures afin de le localiser. Le 22 mai 1999, Mme. Basnet s’est rendue auprès des tous les postes de police de Katmandou à la recherche de son mari. Elle a continué ses recherches jusqu’au 4 juin 1999 lorsqu’elle reçut un coup de téléphone anonyme l’informant que son mari était détenu au quartier général de la police de Naxal à Katmandou.

Le 5 juin 1999, Mme. Basnet s’est rendue au quartier général et a demandé à voir son mari. La police a refusé d’accéder à sa demande mais lui a permis de transmettre quelques habits propres à son mari. Le 10 juin 1999, Mme Basnet s’est rendue à nouveau à Naxal avec une amie afin de lui donner d’autres habits propres. Une fois sorties, Mme. Basnet et son amie ont marché en haut d’un monticule de terre non loin du bâtiment, afin de voir à l’intérieur de celui-ci, à travers une fenêtre. Mme. Basnet a aperçu M. Nepali pendant environ deux minutes aux alentours de 8h00 ce jour là. Il est reporté que M. Nepali était menotté mais il ne paraissait pas en mauvaise santé. Mme. Basnet a crié alors pour attirer son attention mais elle était trop loin pour qu’il l’entende. Cette date du 10 juin 1999 marque la dernière fois que M. Nepali a été aperçu, vivant ou mort, suite à son arrestation en mai de la même année.

Le 26 mai 1999, M. Ashok Maharjan, un ami de M. Nepali, a saisi la Cour Suprême d’une demande de habeas corpus. La Cour a classé cette demande le 12 juillet 1999 au motif qu’il n’était pas possible de localiser M. Nepali et que de ce fait, la demande était inapplicable. Le 17 août 1999, Mme. Basnet a saisi elle même la Cour suprême. Celle-ci a classé cette nouvelle demande en date du 5 juillet 2000 pour les mêmes motifs.

La famille de M. Nepali a aussi entrepris plusieurs démarches non judiciaires afin d’obtenir des informations sur son sort. Le 14 juin 1999, sa famille et six autres victimes de disparitions forcées ont tenu une conférence de presse et ont soumis un appel au public et aux autorités nationales à se manifester si quelqu’un avait des informations quant à sa situation. Le 20 juin 1999, la famille de M. Nepali a envoyé un appel écrit au parlement afin que le lieu de détention de M. Nepali et de quinze autres disparus soit rendu public et que ces personnes soient immédiatement relâchées.

M.me Nepali a aussi contacté Amnesty International (AI) en juillet 1999 en informant l’organisation de la disparition de son mari. AI a publié deux appels urgents en réponse à la demande d’assistance de M.me Nepali: le premier le 13 aout 1999, le deuxième en février 2000.

Le 20 septembre 1999, l’Association des Familles des Victimes de Disparitions dues à l’Etat (FVSDA), co-fondée par Mme. Nepali, soumit un nouvel appel écrit au Premier ministre népalais et a publié une communiqué de presse en demandant encore une fois que le sort de M. Nepali et d’autres individus disparus soit établi et rendu publique.

Cependant, à ce jour, excepté la compensation provisoire minime de 100.000 NRs (environ 1.000 euro) obtenue en 2008, la famille de M. Nepali n’a pas eu accès à la justice et à la vérité, ni elle a reçu des réparations adéquates de la part du gouvernement népalais pour la perte tragique de M. Nepali.

En mai 2012, TRIAL a donc déposé une communication individuelle auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant:

 

 

Le contexte général

La disparition de M. Nepali s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006, lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrées par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Malgré l’adoption de l’accord de paix du novembre 2006, les autorités népalaises ont failli à leur devoir de commencer une investigation sérieuse par rapport aux crimes perpétrés pendant la guerre civile et aucun responsable de ces crimes a été condamné jusqu’à présent. Par conséquence, plus de cinq ans après la conclusion du conflit, les auteurs jouissent encore d’une immunité absolue tandis que les droits fondamentaux à la vérité, à la justice et à la réparation des victimes sont toujours niés.

 

L’affaire

En avril 2013, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une communication individuelle concernant les multiples violations des droits de l’homme liées à la disparition forcée, torture et détention arbitraire de M. Himal Sharma entre le 21 octobre 2003 et le 19 décembre 2005. Dans cette procédure, TRIAL représente également l’épouse de la victime, Mme Devi Sharma.

Au moment de son arrestation arbitraire en octobre 2003, M. Himal Sharma occupait le poste du Secrétaire Général de l’Union Révolutionnaire Nationale des étudiants indépendants de tout le Népal, l’aile estudiantine du Parti Communiste du Népal (maoïste).

Le 21 Octobre 2003, M. Himal Sharma a été arbitrairement arrêtée à Katmandu par des membres des forces de sécurité habillés en civil. Les yeux bandés, il a été emmené à la caserne Maharajgunj et a été disparu par les membres du Bataillon Bhairabnath de l’armée népalaise pour presque un an et demi. Mari et père de trois enfants, la disparition de M. Himal Sharma a eu des conséquences dévastatrices pour toute sa famille. Durant sa disparition forcée, les autorités népalaises ont nié à plusieurs reprises la détention de M. Himal Sharma et ont omis de révéler son sort à ses représentants et à sa famille, malgré plusieurs tentatives menées par son épouse, Mme Devi Sharma, afin de le localiser.

En février 2005, il a été transféré à la caserne du Bataillon Mahendradal, dans le district Gorkha. Le sort et le lieu de détention de M. Himal Sharma sont restés inconnus jusqu’au 8 Mars 2005.

Pendant toute la période de sa disparition forcée, M. Himal Sharma a été soumis à d’innombrables épisodes de torture. Un rapport publié en mai 2006 par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme ainsi que les témoignages des anciens codétenus confirment le récit des événements fourni par M. Himal Sharma.

Après les efforts inlassables menés par Mme Devi Sharma et une enquête tardive ordonnée par la Cour Suprême du Népal, le sort de M. Himal Sharma a été finalement révélé par le gouvernement népalais le 8 mars 2005. Cependant, il a été gardé en détention arbitraire et maltraité jusqu’au 19 décembre 2005, lorsque la Cour Suprême a déclaré sa détention illégale et ordonné sa libération.

M. Himal Sharma a fait toute une série de démarches afin de se faire reconnaître officiellement come victime d’une disparition forcée et de torture commises par l’armée népalaise, afin de déclencher des procès et, à terme, obtenir des sanctions pénales et disciplinaires pour les responsables des crimes concernées et se voir accordé une réparation adéquate pour le préjudice subi.

Le 1er juin 2007, la Cour Suprême a ordonné au gouvernement népalais de promulguer une loi criminalisant la disparition forcée conformément aux normes internationales; de former une commission indépendante pour enquêter sur la situation des personnes disparues et les causes de leur disparition et de soumettre leur conclusions aux autorités compétentes pour leur poursuite pénale; et d’offrir aux victimes de disparitions forcées des réparations adéquates et efficaces.

Mise à part une compensation provisoire de 100.000 roupies (environ 1.130 dollars américains) reçue en 2011, la décision finale de la Cour Suprême est resté lettre morte et aucune enquête impartiale, rigoureuse et indépendante n’a été menée; personne n’a été jugé ou puni pour ces crimes et aucune réparation substantielle n’a été accordée pour la disparition forcée et torture de M. Himal Sharma.

En avril 2013, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations Unies en demandant :

 

Le contexte général

La disparition de M. Neupane s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006 lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Le conflit qui a duré dix ans, du 1996 à 2006, a causé non seulement des graves dommages économiques et sociaux mais aussi a mis le nom du pays sur la liste des principaux violateurs des droits de l’homme à travers le monde. Les disparitions forcées, la torture, les exécutions sommaires et les détentions arbitraires par les agents de l’Etat aussi bien que les maoïstes, étaient largement répandues au cours de cette période. Selon le Bureau du Haut-commissaire aux droits de l’homme, environs 1300 disparitions forcées aurait eu lieu pendant cette période et qui sont toujours portés disparus.

 

En décembre 2013, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) concernant les multiples violations de droits de l’Homme liées à la disparition forcée, la torture et la détention arbitraire subies par Mme Sarita Devi Sharma entre le 20 octobre 2003 et le 30 juin 2005. En 2018, le CDH statue finalement sur cette plainte : le Népal a une responsabilité dans cette affaire.

 

L’affaire

Le 20 octobre 2003, Mme Sharma a été arrêtée dans les environs de Chandol, Katmandou, par des membres des forces de sécurité habillés en civil. Avec un ami et les yeux bandés, elle a été menottée, poussée dans un fourgon militaire et emmenée à la caserne de Maharajgunj, alors quartier général du bataillon de Bhairabnath de l’armée royale népalaise. Elle y a été détenue incommunicado et sa détention est restée secrète jusqu’en août 2004. Les autorités népalaises ont nié une quelconque implication dans sa disparition tout en dissimulant activement son sort.

En juillet 2004, dans un état de santé critique, Mme Sharma a été transférée à l’hôpital militaire de Chaauni, où elle est restée pendant environ deux mois. A l’hôpital, le 25 août 2004, elle a fortuitement croisé une ancienne connaissance. Avec à sa complicité, Mme Sharma a pu faire sortir une lettre hors de l’hôpital et rendre son sort public.

Alors que sa disparition prenait fin, sa détention arbitraire a été prolongée. Pendant le mois de septembre 2004, l’armée a ramené Mme Sharma à Maharajgunj, où elle a été détenue jusqu’au 30 juin 2005.

Durant toute la période de disparition forcée et de détention arbitraire subséquente, Mme Sharma a fait l’objet d’actes de torture psychologique et physique grave. Ses conditions de détention étaient inhumaines. La disparition de Mme Sharma et sa détention arbitraire subséquente ont sérieusement affecté sa vie de famille.

Mme Sharma a finalement été libérée après des tentatives répétées entreprises par son époux pour la trouver. Après qu’une première demande d’habeas corpus a été refusée par la Cour suprême en 2004 suite au démenti des autorités d’avoir été impliquées dans la disparition de Mme Sharma, une seconde demande d’habeas corpus a conduit la Cour suprême à déclarer la détention de Mme Sharma illégale et à ordonner sa libération le 28 juin 2005.

Malgré de nombreux efforts entrepris par M. Sarita Sharma et plus de huit ans après sa libération, aucune enquête ex officio, rapide, impartiale, approfondie et indépendante n’a été menée par les autorités népalaises et personne n’a été poursuivi, jugé et sanctionné pour sa disparition forcée et les actes de torture subis.

 

Procédure

En décembre 2013, TRIAL International, représentant l’époux de Mme Sharma, M, Bijava Sharma Paudel et son fils aîné, M. Basanta Sharma Paudel, a soumis une communication individuelle au CDH.

Le 6 Avril 2018, le CDH à donner son verdict sur la plainte soumise en 2013.

Il reconnaît le Népal responsable pour violations des droits à la vie, à prohibition de la torture, à la liberté et à la sécurité d’une personne, et le droit à la personnalité juridique. Le CDH demande donc au Népal de :

  • Mettre en place une enquête approfondie et efficace sur la détention de Madame Sharma
  • Poursuivre et juger les auteurs.
  • Fournir à Mme Sharma des informations sur l’enquête
  • Assurer à Mme Sharma, traitements médicaux et réhabilitation psychologique adéquats et nécessaires.
  • Fournir à Mme Sharma des mesures adéquates de réparation incluant des mesures de compensation et satisfaction.
  • Prévenir de violations similaires dans le futur en criminalisant la torture et les disparitions forcée ainsi qu’en assurant des sanctions et mesures appropriées en fonction de la gravité des crimes.

 

Le contexte général

La disparition de Mme Sharma s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996, lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel, et novembre 2006, lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits humains. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Le conflit, qui a duré dix ans (de 1996 à 2006), a causé non seulement des graves dommages économiques et sociaux, mais a également mis le nom du pays sur la liste des principaux violateurs des droits humains à travers le monde. Les disparitions forcées, la torture, les exécutions sommaires et les détentions arbitraires par les agents de l’Etat aussi bien que par les Maoïstes, étaient largement répandues au cours de cette période. Selon le Bureau du Haut-commissaire aux droits de l’homme, environ 1’300 disparitions forcées auraient eu lieu pendant cette période et dont le sort n’a toujours pas été découvert.