L’ancien policier bosno-serbe Darko Mrđa devra purger une peine de 20 ans de prison pour crimes contre l’humanité. Le 17 septembre, le Groupe spécial de la Cour de Bosnie-Herzégovine chargé de l’examen des crimes de guerre a confirmé l’arrêt rendu en première instance, ajoutant cinq années supplémentaires à la peine initiale.

Originalement fixée à 15 ans, la peine contre l’ex-policier a été élevée à 20 ans par la Cour de Bosnie-Herzégovine. ©DR

En décembre 2018, la Cour de Bosnie-Herzégovine a condamné Mrđa à 15 ans de prison pour les crimes contre l’humanité commis à Prijedor. La Chambre d’appel de la Cour a confirmé la sentence, en tenant compte en outre d’une autre condamnation à 17 ans prononcée par le Tribunal pénal pour l’ex Yougoslavie, pour le meurtre de 12 civils à Korićanske Stijene. En conséquence, une peine combinée de 20 ans de réclusion a été prononcée.

En collaboration avec l’Association des femmes de Prijedor « Izvor », TRIAL International a soutenu des familles de personnes disparues dans la région de Prijedor. L’ONG a soumis 50 cas à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, dont l’affaire Said Sadić, l’une des victimes tuées par Mrđa. Entre 2012 et 2013, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a ordonné aux autorités locales de mener une enquête approfondie dans ces affaires qui a permis d’inculper Darko Mrđa.

Sarajevo, 14 Novembre 2017. TRIAL International exhorte les autorités de BiH à adopter sans plus tarder un ensemble de dispositions juridiques qui assurerait la protection de l’identité des témoins dans les procédures civiles en BiH. Le cadre juridique actuel n’offre pas la protection nécessaire aux victimes.

Bien que l’identité des victimes soit protégée dans le cadre de procédure pénales, il n’en est rien concernant les procédures civiles. L’absence de ces dispositions est particulièrement néfaste pour les rescapés de violence sexuelle en temps de guerre, qui chaque jour se voient confrontés à des problèmes de sécurité, de stigmatisation et aux traumatismes. Par ailleurs, cette absence de protection décourage de nombreuses victimes à demander une indemnisation aux tribunaux civils, ce qui parfois représente le seul moyen d’obtenir réparation.

« L’adoption de ces amendements n’a aucune incidence financière, mais introduirait sans doute une solution systématique non seulement pour les victimes de crimes de guerre, mais également pour tous les citoyens dans une situation similaire, y compris les victimes de crime organisé et de la traite des êtres humain », a déclaré Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique principale chez TRIAL International.

Afin d’assurer les amendements nécessaires, TRIAL International a dirigé un groupe de travail d’experts qui a présenté des amendements à toutes lois pertinentes au niveau de l’État, des entités et des districts. Tous ces amendements devraient être adoptés sans plus tarder.

Adrijana Hanušić Bećirović a ajouté : « Lors de nos rencontres cette année, tous les représentants des ministères concernés ont reconnu l’importance de ces amendements. De telles attitudes sont un signe positif et il est certain qu’avec le soutien de tous les ministères, nous serons bientôt en mesure de voir ces changements se réaliser. »

En mars 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a expressément demandé à la BiH de prendre toutes les mesures juridiques et pratiques nécessaires à la protection des victimes de torture et de violence sexuelle.

 

 

 

 

 

 
D’importantes victoires ont été remportées dans la lutte pour le droit des victimes à obtenir réparation. Malheureusement, ce droit n’est pas appliqué uniformément dans l’ensemble du pays.

Il y a 18 mois, Ana B. a été la première victime à obtenir réparation dans le cadre d’une procédure pénale. Cette décision sans précédent a ouvert la voie à d’autres survivants: depuis, quatre affaires supplémentaires ont entériné cette pratique devant la Cour de Bosnie-Herzégovine.

Malheureusement, les juridictions inférieures tardent à suivre l’exemple. Si TRIAL peut se féliciter d’un précédent (devant le Tribunal de Doboj, en septembre 2016), la prise de conscience peine encore à se généraliser.

« Les victimes devraient être en mesure de faire respecter leur droit à des réparations partout, quel que soit le lieu où elle saisisse la justice, » a déclaré Adrijana Hanusic Becirovic, conseillère juridique à TRIAL International. « Il est crucial que les juridictions au sein des deux entités de Bosnie-Herzégovine reprennent le précédent que nous avons établi, sinon il y aura deux poids, deux mesures et les inégalités de traitement perdureront. »

 

Procédures judiciaires stratégiques et plaidoyer

Dans le but de faciliter l’accès de toutes les victimes à des réparations, TRIAL mêle procédures judiciaires stratégiques et plaidoyer. D’une part, l’ONG a porté deux affaires devant des juridictions au niveau des entités (la Fédération de Bosnie-Herzégovine et la Repbulika Srpska respectivement). D’autre part, elle organise une série de rencontres avec les membres de la profession juridique afin de les sensibiliser au sujet.

Cette semaine, une table ronde a été organisée à Doboj. Les experts invités étaient la conseillère juridique de TRIAL Adrijana Hanusic Becirovic, le procureur Milanko Kajganic, le juge Izudin Berberovic et la chef du Bureau d’assistance aux victimes Alma Taso Deljkovic.

Parmi les auditeurs figuraient des juges, des procureurs des tribunaux de degré inférieur, des représentants de l’OSCE en Bosnie-Herzégovine et de diverses ONG. L’événement a été couvert par les médias locaux.

Le juge Izudin Berberovic, qui a participé à la table ronde, a conclu : « Il est très important que les juges et les procureurs soient sensibilisés à cet aspect du droit des victimes. »

Pour mieux comprendre l’importance de la compensation dans la procédure pénale, cliquez ici.

 

Jusqu’à aujourd’hui, les victimes Bosniennes ne recevaient aucune aide de l’Etat pour obtenir des indemnités lors de procédures pénales. La Bosnie-Herzégovine a enfin amendé son droit pour se conformer à ses obligations internationales.

En 2015, pour la première fois dans l’histoire du pays, TRIAL international a aidé des victimes de crimes de guerre à obtenir une indemnisation lors d’un procès pénal. Depuis ces décisions phares, la pratique s’est rapidement répandue.

Reconnaissant que le droit des victimes à des réparations était impossible sans aide juridique, le Bureau du Procureur et les tribunaux ont depuis orienté les victimes vers des organisations non gouvernementales, qui les assistaient gratuitement dans leurs démarches. Les moyens de ces organisations s’avéraient cependant largement insuffisants.

 

L’Etat face à ses obligations

C’est pourquoi TRIAL International a fait campagne pour l’établissement d’un régime d’aide gratuite pour les victimes. Le 27 octobre, l’assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine a finalement adopté des amendements en ce sens.

A présent, le ministère de la Justice doit implémenter la nouvelle loi relative à l’aide légale et s’assurer que les victimes accèderont enfin aux voies de recours qui leurs sont ouvertes. La loi se limite au niveau étatique, ces changements affectent donc le Bureau du Procureur de Bosnie-Herzégovine et la Cour de Bosnie-Herzégovine.

Seules les victimes qui remplissent d’autres conditions (situation financière précaire ou victimes de violences fondées sur le genre) pourront bénéficier de l’aide juridique gratuite.

En 1993, Elma Z. (nom d’emprunt) était chez elle avec sa fille à Vogosca (Bosnie-Herzégovine) lorsqu’un membre de l’armée de la République serbe de Bosnie a fait irruption, pointé une arme sur elle et l’a obligée à monter dans sa voiture, où il l’a violée. La même scène s’est reproduite quelques mois plus tard. Elma Z. n’a pas résisté, craignant pour sa vie et celle de sa fille.

Après plusieurs années, Elma Z. a sollicité l’assistance juridique de TRIAL International. L’organisation l’a pleinement soutenue dans sa quête de justice, notamment en lançant une procédure pénale, en réclamant des mesures de protection et en formulant une demande d’indemnisation. Après avoir joui d’une impunité totale pendant des années, Slavko Savic, ancien membre de la Brigade d’infanterie légère de l’armée de la République serbe de Bosnie, a finalement été arrêté en septembre 2014 pour viol commis en temps de guerre.

Le procès a eu lieu en 2015, pendant lequel la fille d’Elma Z. a témoigné contre l’accusé. En juin, la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine a déclaré Slavko Savic coupable de viol contre Elma Z. et l’a condamné à huit ans d’emprisonnement. L’avocat de la défense a fait appel, réclamant la révocation de la déclaration de culpabilité. En 2016, la chambre d’appel a confirmé la décision rendue en première instance.

La Cour a également ordonné à l’accusé de verser à la victime une indemnisation de 30 000 KM (soit environ 15 300 euros) pour le préjudice subi. Cette décision inhabituelle a été saluée. TRIAL International s’est en effet battue pour que la demande d’indemnisation soit examinée lors de cette procédure pénale, évitant ainsi à Elma Z. de saisir un tribunal civil pour obtenir réparation.

Vingt-deux ans après avoir été victime de viol, Elma Z. a enfin pu tourner la page : « TRIAL International m’a donné la force dont j’avais besoin pour réclamer justice. Elle m’a offert un soutien juridique et psychologique, mais également humain, ce qui est primordial. Je suis satisfaite du verdict car mes souffrances sont reconnues, mais cela ne me rendra ni ma vie, ni ma santé. »

 

Ana B. (nom d’emprunt) avait 14 ans lorsqu’elle a été violée par des soldats de l’armée de la République serbe de Bosnie à Kotor Varos (Bosnie-Herzégovine) en 1992. Bien qu’elle et sa famille aient immédiatement signalé les faits aux autorités, l’affaire est restée au point mort pendant 20 ans.

En 2012, TRIAL International s’est saisi de ce dossier et a fait pression sur les autorités bosniennes pour qu’elles traduisent les responsables en justice. En avril 2014, le bureau du procureur a finalement inculpé Bosiljko Markovic et Ostoja Markovic pour crimes de guerre contre des civils.

Le procès a démarré en septembre 2014, pendant lequel plusieurs personnes ont été appelées à témoigner. La mère et le frère d’Ana B. étaient émus lorsqu’ils ont expliqué qu’ils n’avaient pas pu intervenir au moment des faits. Tous deux, en tant que témoins, ont été placés sous protection pendant toute la durée de la procédure.

En juin 2015, la Cour d’État de Bosnie-Herzégovine a déclaré les accusés coupables de crimes de guerre, les condamnant à 10 ans d’emprisonnement. Les avocats de la défense ont fait appel. La chambre d’appel devrait bientôt rendre une décision finale.

Pour la première fois dans une procédure pénale en Bosnie-Herzégovine, la Cour d’État a également décidé de condamner les accusés à payer, à titre de réparation à une victime de crimes de guerre, une amende de 26 500 KM (soit environ 13 500 euros). Ce jugement constitue une avancée remarquable vers une pratique de réparation aux victimes devant les tribunaux. En obtenant une indemnisation à l’issue de procédures pénales, les victimes se voient épargner un nouveau procès devant un tribunal civil, ainsi que le traumatisme et les frais supplémentaires que cela entraîne souvent.

Ana B. a conclu : « Mon combat pour la justice n’aurait pas été possible sans l’implication et le soutien de TRIAL. Lors de nos échanges, j’ai eu le sentiment d’une relation honnête. Cela signifie beaucoup pour moi. Je suis satisfaite du verdict car il montre qu’il est possible d’obtenir justice et qu’il n’est jamais trop tard pour juger les responsables de crimes de guerre. »