Disparitions forcées, torture et exécution arbitraire de M. Gyendra Tripathi en septembre 2003.

12.02.2016 ( Modifié le : 03.11.2016 )

Le cas

En septembre 2011, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant la privation arbitraire de liberté, la disparition forcée, la torture et l’exécution arbitraire de M. Gyaendra Tripathi en septembre 2003.

M. Tripathi était un membre du Comité Central du mouvement d’étudiants népalais indépendant révolutionnaire (ANNISU-R), l’aile estudiantine du parti communiste népalais maoïste. En 2002, le gouvernement a déclaré que le ANNISU-R était une organisation illégale. Suite à la rupture du deuxième cessez-le-feu en août 20003, l’armée royale népalaise (RNA) commença à arrêter et détenir des sympathisants du CPN-M / ANNISU-R dans la vallée de Kathmandou.

Le 2 août 2003, M. Tripathi a été arrêté et détenu pour la première fois pendant une période de 34 jours par les membres du RNA et la Police avant d’être relâché sans avoir aucune charge retenue contre lui. Il a passé plusieurs jours isolé, les yeux bandés et frappé sévèrement par des tuyaux métaliques pendant toute sa détention. Suite à sa libération et craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, M. Tripathi a quitté le logement qu’il partageait avec sa famille et disparut tout en gardant des contacts avec les siens. Le 26 septembre 2003 à 11 h., M. Tripathi a quitté son logement pour rencontrer un autre membre présumé du CPN-M et n’est jamais revenu depuis lors. Il a été vu pour la dernière fois par un ex-prisonnier, M. Krishna K. C., dans la caserne de Mahrajguni tenue par la RNA, dans de très mauvaises conditions physiques et montrait des signes évidents de torture. D’après un rapport soumis au HCDH par M. K.C., le 20 décembre 2003, M. Tripathi a été extrait de sa cellule par des agents du gouvernement et exécuté arbitrairement.

Entre 2003 et 2004, le mouvement Maharajguni devint célèbre. En mai 2006, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) a publié un rapport après une enquête sur les casernes de Mahrajguni RNA à Kathmandou. Ces casernes ont joué un rôle déterminant dans l’arrestation, la détention illégale, la torture et l’exécution extrajudiciaire et les meurtres de centaines de personnes suspectées d’être affiliées aux maoïstes.

Malgré le peu d’informations disposant lors de l’arrestation, la détention et la disparition forcée de M. Tripathi, de nombreux éléments concordants permettent de conclure qu’il a été enlevé par des agents du gouvernement pour être ensuite détenu dans les casernes de Mahrajguni et exécuté arbitrairement.

Le 28 septembre 2003, Mme Tripathi a signalé l’arrestation de son mari à l’office de police du District de Hanumandhoka à Kathmandou. Elle a été informée par l’officier en charge au moment de ces incidents, que ceux-ci n’étaient pas du ressort de la police et a été renvoyé chez elle. Entre 2003 et 2006, Mme Tripathi s’est rendue dans plusieurs casernes de la RNA à la recherche de son mari, mais les fonctionnaires l’ont purement et simplement ignorée.

Le 29 septembre et le 1er octobre 2003, Mme Tripathi et son conseiller juridique ont déposé deux demandes d’habeas corpus au nom de M. Tripathi devant la Cour Suprême. Cependant, tous les défendeurs ont nié leur implication dans l’arrestation de M. Tripathi et de l’avoir détenu. La Cour Suprême rejeta les demandes en invoquant que les requérants n’avaient pas produit assez d’informations concernant les conditions ou le lieu de détention.

En septembre 2011, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies demandant de reconnaître que le Népal a violé de nombreux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en raison de la privation de liberté arbitraire, la disparition forcée, la torture et l’exécution arbitraire de M. Tripathi ainsi que des souffrances morales infligées à sa famille. TRIAL a aussi demandé au Comité de requérir inter alia que le Népal:

 

Contexte général

En février 1996, le CPN-M a ouvertement déclaré la guerre contre les autorités gouvernementales officielles népalaises qui à l’époque formaient une monarchie constitutionnelle.

Le conflit s’étendit rapidement à tout le pays. En 2001, lorsque la violence se transforma en guerre civile, l’état d’urgence fut déclaré. L’état d’urgence a permis à l’Etat d’augmenter la répression contre des personnes suspectées de complicité avec les insurgés maoïstes et de déroger au droit fondamental et aux libertés. Les agents gouvernementaux et les maoïstes eurent recours de manière généralisée aux disparitions forcées, tortures, exécutions sommaires et aux détentions arbitraires. Les agents gouvernementaux ont recouru pendant des années après la fin de l’état d’urgence à la pratique de la détention arbitraire et de la torture contre toutes les personnes suspectées d’appartenir aux maoïstes. M. Triparthi, membre de haut rang du CPN-M a été arrêté, porté disparu, torturé et exécuté arbitrairement dans ce contexte.

 

La décision

Le 28 octobre 2014, le Comité des droits de l’homme a adopté sa décision sur l’affaire concernant M. Gyanendra Tripathi. Le Comité a engagé la responsabilité du Népal pour la violation de plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et notamment le droit à la vie, à la liberté, à la reconnaissance de la personnalité juridique, et l’interdiction de la torture. Il a également condamné le Népal pour ne pas avoir enquêté sur les crimes commis dans le but d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les responsables. En outre, le Comité a affirmé que le Népal avait failli à son devoir de localiser, d’exhumer et d’identifier la dépouille de M. Tripathi. Il a également déclaré que le Népal avait soumis l’épouse et la fille de M. Tripathi à un traitement inhumain et dégradant en se montrant indifférent à leurs souffrances.

Le Comité a appelé le Népal à :

Mener une enquête autour de la disparition forcée de M. Gyanendra Tripathi et poursuivre, juger et punir les responsables

Libérer M. Tripathi s’il est toujours vivant et, dans le cas où il serait décédé, remettre sa dépouille à la famille

Indemniser la femme et la fille de la victime et leur procurer une réhabilitation psychologique ainsi qu’un suivi médical

Adopter des mesures de satisfaction, en veillant notamment à rétablir la dignité et la réputation de la victime et de ses proches

Modifier la législation népalaise de sorte à introduire dans le code pénal népalais les crimes de torture et de disparition forcée

Traduire en népalais et rendre publique la décision du Comité.

Le Népal a 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour donner effet à la décision.

 

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