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Affaire Nezzar : Les victimes font recours contre le classement

18.01.2017 ( Modifié le : 12.07.2017 )

Genève, le 18 janvier 2017 – La procédure contre Khaled Nezzar a été ouverte par le Ministère public de la Confédération suisse (MPC) en 2011, du chef de crimes de guerre. Cinq ans plus tard, le MPC a pourtant conclu contre toute attente que les faits reprochés à l’ancien ministre de la Défense ne pouvaient être qualifiés de crimes de guerre, au motif qu’il n’y avait pas de conflit armé en Algérie au moment des faits. TRIAL International, l’ONG qui avait dénoncé Khaled Nezzar aux autorités suisses, juge cette décision de classement incompréhensible et soutient le recours des parties civiles devant le Tribunal pénal fédéral (TPF).

Il aura fallu l’arrestation du prévenu, plusieurs années de procédure ainsi que de nombreuses auditions de témoins et victimes pour que le MPC estime que la qualification des faits ne justifie en fin de compte pas la tenue d’un jugement. Une décision du TPF pourrait cependant relancer l’affaire.

« Nous avons déposé recours devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone. Il est en effet  inexplicable que le MPC ait enquêté pendant cinq ans, interrogé une quinzaine de témoins et soit allé jusqu’à adresser une Commission rogatoire internationale à l’Algérie sans jamais mettre en doute l’existence d’un conflit armé, avant de brusquement conclure à son absence.», explique Me Pierre Bayenet, l’un des avocat des parties civiles, contacté par TRIAL International.

Selon l’ONG, un important faisceau d’indices démontre que les faits de torture dénoncés par les victimes ont bien été commis par l’armée dans le cadre d’un conflit armé particulièrement meurtrier : « La décennie noire a fait 200’000 morts et nombreuses sont les sources qui illustrent l’intensité des combats entre les groupes armés et l’armée algérienne après le coup d’Etat. Pourtant, une impunité quasi totale règne à ce sujet. Il est encore temps que cela change », estime Philip Grant, Directeur de TRIAL international.

Les parties civiles abondent dans ce sens : « La raison invoquée pour classer l’affaire est un véritable camouflet pour toutes les victimes de torture de la sale guerre. Elles ont vécu cette guerre dans leur chair et nier son existence, c’est leur faire une nouvelle fois violence », a déclaré à l’ONG Me Damien Chervaz, un autre avocat des parties civiles.

TRIAL International soutient leur démarche et souhaite que le TPF puisse confirmer l’existence du conflit armé en Algérie à l’époque des faits. Le MPC sera alors enfin tenu de se prononcer sur la responsabilité de Khaled Nezzar dans de nombreux actes de torture.

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L’AFFAIRE NEZZAR EN BREF

Khaled Nezzar a été ministre de la Défense et Président du Haut Comité d’Etat en Algérie de 1992 à 1994. En octobre 2011, suite à une dénonciation pénale de TRIAL International, il a été arrêté en Suisse pour avoir autorisé ou incité ses subalternes à commettre des actes de torture, meurtres, exécutions extrajudiciaires, disparitions forcées et autres actes constitutifs de crimes de guerre. Il a été remis en liberté sur la promesse qu’il participerait à la suite de la procédure.

CONTEXTE

La « décennie noire » en Algérie (1992-2000) a fait entre 60 000 et 200 000 morts ou disparus. Les violations des droits humains y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. En tant que chef de l’armée et numéro 1 du régime, Khaled Nezzar ne pouvait ignorer les agissements de ses troupes. L’impunité pour ces faits est totale. Personne n’a jamais été poursuivi, encore moins jugé, pour ces crimes en Algérie.

LES FAITS ET ÉLÉMENTS DE PREUVE

Les éléments de preuve contre le prévenu incluent notamment des témoignages de victimes et de témoins, dont d’anciens membres des forces de sécurité le mettant directement en cause ; des rapports d’ONG, des Nations Unies et du Département d’État des Etats-Unis, faisant état de pratique systématique de la torture et autres crimes commis par le régime.

CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE

19 octobre 2011 : La présence de Khaled Nezzar est signalée sur le territoire suisse. Conformément à son mandat, TRIAL International dépose une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération, qui ouvre une instruction.

20 octobre 2011 : Khaled Nezzar est arrêté et entendu par le MPC jusqu’au 21 octobre, avant d’être remis en liberté sur la promesse de se présenter durant la suite de la procédure.

Janvier 2012 : Khaled Nezzar fait recours contre les poursuites dont il fait l’objet soutenant que sa fonction de ministre de la Défense à l’époque des faits le protégeait d’éventuelles poursuites pénales en Suisse.

Juillet 2012 : le Tribunal pénal fédéral rend une décision historique suite au recours et déboute Khaled Nezzar, considérant qu’il est exclu d’invoquer une immunité pour des crimes internationaux (crimes de guerre, crimes contre l’humanité ou génocide).

13 août 2014 : Le MPC adresse un projet de Commission rogatoire internationale à l’Office fédéral de la justice, mais il n’est transmis aux autorités algériennes que le 7 avril 2015.

2011 à 2016 : Cinq victimes portent plainte et seize personnes sont entendues dans le cadre de la procédure.

Novembre 2016 : Le MPC entend Khaled Nezzar à nouveau.

Janvier 2017 : Le MPC classe l’affaire.

18 janvier 2017 : Les parties civiles annoncent le dépôt d’un recours devant le Tribunal pénal fédéral.

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