Disparition forcée de M. Djillali Larbi

21.01.2014 ( Modifié le : 09.11.2016 )

En octobre 2008, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle pour le compte de Djelloul Larbi, agissant au nom de son père, Djillali Larbi. Ce dernier a été arrêté par la gendarmerie algérienne le 25 mai 1994, a été détenu pendant trois semaines dans plusieurs brigades de gendarmerie et a été transféré vers un lieu inconnu le 13 juin 1994. Sa famille n’a depuis reçu aucune nouvelle de lui. Ce cas s’insère dans le contexte plus large des disparitions de milliers de citoyens algériens aux mains de l’armée et des différentes forces de sécurité du pays entre 1992 et 1998.

Djillali Larbi a été arrêté à un barrage de gendarmerie à l’entrée de Mechraa Sfa le 25 mai 1994, alors qu’il se rendait dans ce village en taxi, accompagné de son employé Larbi Mraimi, pour acheter des pièces détachées pour sa moissonneuse-batteuse.

Il a ensuite passé cinq jours en détention à la brigade de Mechraa Sfa, où il a fait l’objet de tortures, dont les traces ont été constatées par ses proches lors d’une visite, puis a été transféré vers la brigade voisine de Mellakou.

Le 8 juin, il a été conduit au tribunal de Tiaret, puis ramené le jour même à la gendarmerie, sans avoir été présenté devant le procureur de la république, ce dernier s’étant contenté d’ordonner aux gendarmes de «le ramener».

Sa détention s’est poursuivie pendant cinq jours jusqu’au 13 juin. Lors d’une visite le lendemain matin, le père de la victime a été informé que son fils «avait été transféré», sans recevoir de détails sur le nouveau lieu de détention. Depuis ce jour, la famille de Djillali Larbi n’a plus jamais eu de ses nouvelles.

Dès lors, ses proches n’ont cessé d’effectuer des démarches en vue de le retrouver. Ils ont entrepris des recherches dans toutes les brigades de gendarmerie, casernes et prisons militaires de la région. Ils ont déposé plainte devant le Procureur de la République de Tiaret, auprès duquel ils se sont rendus à plusieurs reprises. Ils ont contacté la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, la section locale et le secrétariat d’Amnesty International, l’Observatoire national des droits de l’homme. Ils se sont adressés au chef de la sûreté et au Wali de la wilaya de Tiaret, au président de la Commission consultative nationale pour la protection et la promotion des droits de l’homme et au Président de la République. Les proches de la victime n’ont jamais obtenu la moindre réponse à ces démarches.

De surcroît, les proches du disparu se trouvent confrontés, depuis la promulgation de l’Ordonnance n°6/01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, en février 2006, à l’interdiction légale de recourir à toute instance judiciaire, au risque d’encourir une peine de prison. Par ailleurs, toute juridiction algérienne est tenue de se dessaisir de telles affaires.

L’auteur de la communication, Djelloul Larbi, fils de la victime, sollicite le Comité des droits de l’homme aux fins de le voir prendre des mesures provisoires demandant à l’Etat partie de libérer son père, s’il est toujours détenu.

Il est aussi demandé au Comité de déclarer que la disparition de Djillali Larbi constitue une violation des articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 §§ 1, 2, 3 et 4, 10 § 1 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard de la victime, et des articles 2 § 3 et 7 à l’égard de l’auteur de la communication, pour les souffrances psychologiques endurées par tant d’années d’incertitude quant au sort de son père.

La procédure est actuellement en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Introduction

En octobre 2008, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle pour le compte de Djelloul Larbi, agissant au nom de son père, Djillali Larbi. Ce dernier a été arrêté par la gendarmerie algérienne le 25 mai 1994, a été détenu pendant trois semaines dans plusieurs brigades de gendarmerie et a été transféré vers un lieu inconnu le 13 juin 1994. Sa famille n’a depuis reçu aucune nouvelle de lui. Ce cas s’insère dans le contexte plus large des disparitions de milliers de citoyens algériens aux mains de l’armée et des différentes forces de sécurité du pays entre 1992 et 1998.

Djillali Larbi a été arrêté à un barrage de gendarmerie à l’entrée de Mechraa Sfa le 25 mai 1994, alors qu’il se rendait dans ce village en taxi, accompagné de son employé Larbi Mraimi, pour acheter des pièces détachées pour sa moissonneuse-batteuse.

Il a ensuite passé cinq jours en détention à la brigade de Mechraa Sfa, où il a fait l’objet de tortures, dont les traces ont été constatées par ses proches lors d’une visite, puis a été transféré vers la brigade voisine de Mellakou.

Le 8 juin, il a été conduit au tribunal de Tiaret, puis ramené le jour même à la gendarmerie, sans avoir été présenté devant le procureur de la république, ce dernier s’étant contenté d’ordonner aux gendarmes de «le ramener».

Sa détention s’est poursuivie pendant cinq jours jusqu’au 13 juin. Lors d’une visite le lendemain matin, le père de la victime a été informé que son fils «avait été transféré», sans recevoir de détails sur le nouveau lieu de détention. Depuis ce jour, la famille de Djillali Larbi n’a plus jamais eu de ses nouvelles.

Dès lors, ses proches n’ont cessé d’effectuer des démarches en vue de le retrouver. Ils ont entrepris des recherches dans toutes les brigades de gendarmerie, casernes et prisons militaires de la région. Ils ont déposé plainte devant le Procureur de la République de Tiaret, auprès duquel ils se sont rendus à plusieurs reprises. Ils ont contacté la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, la section locale et le secrétariat d’Amnesty International, l’Observatoire national des droits de l’homme. Ils se sont adressés au chef de la sûreté et au Wali de la wilaya de Tiaret, au président de la Commission consultative nationale pour la protection et la promotion des droits de l’homme et au Président de la République. Les proches de la victime n’ont jamais obtenu la moindre réponse à ces démarches.

De surcroît, les proches du disparu se trouvent confrontés, depuis la promulgation de l’Ordonnance n°6/01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, en février 2006, à l’interdiction légale de recourir à toute instance judiciaire, au risque d’encourir une peine de prison. Par ailleurs, toute juridiction algérienne est tenue de se dessaisir de telles affaires.

L’auteur de la communication, Djelloul Larbi, fils de la victime, sollicite le Comité des droits de l’homme aux fins de le voir prendre des mesures provisoires demandant à l’Etat partie de libérer son père, s’il est toujours détenu.

Il est aussi demandé au Comité de déclarer que la disparition de Djillali Larbi constitue une violation des articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 §§ 1, 2, 3 et 4, 10 § 1 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard de la victime, et des articles 2 § 3 et 7 à l’égard de l’auteur de la communication, pour les souffrances psychologiques endurées par tant d’années d’incertitude quant au sort de son père.

La procédure est actuellement en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

 

La décision

Au mois d’août 2013, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » selon les termes onusiens).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, individuellement ou lus conjointement avec l’article 2 § 3 du Pacte à l’égard de la M. Djillali Larbi.

Le Comité a également constaté une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et lu conjointement avec l’article 2 § 3, à l’égard de la famille de la victime.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de M. Djillali Larbi ». L’Algérie doit également « fournir à l’auteur et à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de son enquête », « libérer immédiatement l’intéressé au cas où il serait toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille de la victime pour les violations subies.

L’Algérie doit par ailleurs garantir l’efficacité de son système judiciaire domestique, en particulier en ce qui concerne les victimes de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, et prendre des mesures pour éviter que de telles violations se reproduisent.

 

Le contexte général

7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens, tous corps confondus, ainsi que par les milices armées par le gouvernement entre 1992 et 1998 et sont portées disparues.

À ce jour, aucune des familles des victimes de disparitions forcées n’a reçu d’information sur le sort de leurs proches, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite des plaintes et démarches qu’elles ont effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’entre eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

 

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