Responsabilité, réparation et avenir de la Syrie

12.04.2018

Dans une lettre ouverte publiée le 6 Avril, 15 organisations non gouvernementales demandent à l’UE et à l’ONU d’assurer que la responsabilité et la justice pour les victimes seront au premier rang de toute discussion autour du « futur de la Syrie » à la Conférence de Bruxelles II.

 

Cher Secrétaire Général des Nations Unies,
Cher Haut Représentant de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité,
Cher Commissaire européen chargé de l’aide humanitaire et de la gestion des crises,
Cher Commissaire européen chargé de l’élargissement et de la politique européenne de voisinage,
Cher Commissaire européen chargé de la coopération internationale et du développement,
Chers Ambassadeurs du Comité politique et de sécurité,

 

En vue de la « Conférence Bruxelles II » des 24 et 25 avril, les organisations non-gouvernementales internationales et syriennes soussignées appellent l’Union européenne et les Nations Unies à veiller à ce que les sujets touchant à la responsabilité et l’accès à la justice pour les victimes des atrocités commises en Syrie soient intégrées aux discussions sur « l’avenir de la Syrie ».

Sept ans après le début du conflit, l’absence quasi totale en matière de responsabilité pour les violations graves portées aux droits humains et au droit humanitaire, et de réparation pour les victimes, ont renforcé la culture d’impunité présente au cours des décennies de répression en Syrie. Cette impunité est l’une des causes profondes du conflit. Toute conférence touchant à l’avenir du pays ne doit pas écarter la question de la responsabilité pour les crimes commis en Syrie.

L’impunité affecte toute la population syrienne à l’intérieur et à l’extérieur de la Syrie et aura de graves conséquences à long terme si elle n’est pas traitée urgemment. L’impunité pour les crimes passés et présents donne un chèque en blanc à tous les auteurs et responsables, leur permettant de perpétuer des violations graves aux droits humains et au droit international humanitaire. Elle menace de fragiliser la confiance populaire en tout nouveau système judiciaire fondé sur d’anciennes bases répressives. Le sentiment d’injustice, mêlé à l’absence de réparation, conduit à la frustration et à un sol fertile à l’extrémisme ; ce sentiment empêchera la réhabilitation des victimes et le rétablissement de la confiance dans les nouvelles institutions de l’État et dans la restauration de l’état de droit. En outre, le sentiment d’injustice persistant qui accompagne celui d’impunité totale empêchera tout retour volontaire des Syriens qui ont fui leur pays.

La création par l’Assemblée Générale des Nations Unies du Mécanisme International, Impartial et Indépendant pour la Syrie, mandaté pour recueillir et analyser les preuves nécessaires à la poursuite des responsables des crimes les plus graves, est un pas important vers la lutte contre l’impunité des violations au droit international et vers l’établissement de responsabilité. De même, les enquêtes en cours et les procédures devant les systèmes judiciaires nationaux dans certains États membres de l’Union européenne, notamment ceux basés sur la compétence universelle, ont fourni une source d’espoir plus que nécessaire quant à l’établissement de responsabilité et de justice en l’absence de solutions plus directes.

Il reste beaucoup à faire pour surmonter l’impunité et rendre justice aux victimes au regard de l’ampleur des atrocités commises au cours des sept dernières années. La responsabilité pénale et d’autres mesures de justice transitionnelle doivent faire partie intégrante des discussions de paix. Davantage doit être fait pour protéger et soutenir les victimes, dont la voix et les intérêts devraient être au cœur de la justice et des efforts de responsabilité. Davantage doit être fait pour soutenir les organisations de la société civile syrienne engagées dans la documentation des crimes, la coopération avec les communautés de victimes, la participation aux négociations de paix et impliquées dans la construction d’une Syrie pacifique basée sur une justice effective.

Alors que le processus politique dirigé par l’ONU a un rôle majeur à jouer dans ce domaine, la question des financements abordée lors de la Conférence de Bruxelles II devrait également intégrer ces objectifs. En plus des domaines essentiels tels que le développement économique, l’intégration sociale et le soutien à la jeunesse et à l’éducation, toute discussion sur l’avenir de la Syrie doit impérativement accorder une place centrale à la justice et la préservation des droits des victimes.

 

Concrètement, nos organisations appellent l’Union européenne et les Nations Unies à veiller à ce que :

  • La Conférence de Bruxelles II inclue une discussion significative sur les questions liées à la responsabilité et à la justice, tant dans les discussions thématiques du 24 avril que dans la réunion ministérielle du 25 avril ;
  • Les discussions thématiques du 24 avril se tiennent en présence de toutes les parties prenantes concernées, y compris les ministres et les représentants des Nations Unies ;
  • Un processus clair soit mis en place, transmettant les résultats de ces discussions thématiques et des possibles événements parallèles sur la responsabilité dans les discussions ministérielles du 25 avril ; et que
  • Les conclusions finales de la Conférence de Bruxelles II intègrent les recommandations qui seront faites en matière de responsabilité et de réparation pour les victimes, et qu’une action immédiate soit adoptée afin de traduire ces dernières en démarches concrètes durant la phase de mise en œuvre des promesses.

 

Dans l’attente de votre réponse, nous restons à votre disposition pour plus d’informations.

Liste des signataires :

EuroMed Droits
European Centre for Constitutional and Human Rights (ECCHR)
Impunity Watch International Center for Transitional Justice (ICTJ)
Fédération Internationale des Droits Humains (FIDH)
No Peace Without Justice (NPWJ)
Open Society Justice Initiative (OSJI)
PAX
REDRESS
Syrian Center for Media and Freedom of Expression (SCM)
Syrian Network for Human Rights (SNHR)
Syrians for Truth and Justice (STJ)
TRIAL International
Violations Documentation Center in Syria (VDC)
World Federalist Movement-Institute for Global Policy

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