Déclaration publique

Seulement 24 mois après leur ouverture, les mécanismes de justice transitionnelle (JT) au Népal risquaient une fermeture pure et simple. TRIAL International, REDRESS, HimRights, Advocacy Forum, JuRI-Nepal et Discharged People’s Liberation Army Nepal saluent l’extension d’un an de leur mandat, mais demandent que celle-ci s’accompagne de clarifications légales et des garanties contre l’ingérence politique.

Avant même de voir le jour, les mécanismes népalais de JT ont fait l’objet de retards, d’interférences politiques et de processus viciés. Contrairement à ce que prévoyait l’Accord de paix de 2006, il aura fallu neuf ans pour que la Commission Vérité et Réconciliation (TRC) et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées (CIEDP) deviennent réalité. Et pourtant, elles étaient censées compléter leur mission titanesque en seulement deux ans.

A elles deux, la TRC et la CIEDP ont reçu plus de 61 000 plaintes pour des violations commises pendant le conflit armé. Mais des défaillances structurelles ont entravé leur travail depuis le début : une absence de consultation avec les victimes, des lacunes dans le cadre juridique, des ressources insuffisantes et trop peu de soutien du gouvernement. Sans surprise, ni la TRC ni la CIEDP ne sont près d’achever leur mission.

A vrai dire, le plus gros de leur travail reste à faire : pour le moment, seules des règles internes ont été adoptées. Aucune enquête n’a été menée, aucune affaire n’a été déférée et aucun rapport n’a été publié.

Malgré ces insuffisances, la TRC et la CIEDP restent le meilleur espoir des victimes pour accéder à la vérité et aux réparations. Les dizaines de milliers d’entre elles qui ont déposé une plainte (en dépit de nombreux obstacles) doivent être entendues.

Une décision positive mais insuffisante

La décision du gouvernement d’étendre de 12 mois le mandat des mécanismes, prise le 9 février, est une avancée positive. Mais pour qu’elle porte des fruits, elle doit aller de pair avec des amendements légaux : la pénalisation et l’application rétroactive des crimes de torture, disparition forcée et usage et recrutement d’enfants soldats ; et la suppression de délais de prescription pour viol, meurtre et actes de torture. Des ambiguïtés quant au lien entre la justice pénale et les mécanismes de TJ doivent également être levées. Ces changements devront être mis en œuvre de concert avec les principaux intéressés, notamment les victimes et la société civile.

Les mécanismes devront aussi clarifier leurs processus et politiques internes : selon quels critères les affaires seront-elles déférées ? Quelles mesures seront prises pour éviter l’ingérence politique ? Comment les réparations seront-elles distribuées et à qui ? Comment les victimes seront-elles protégées d’éventuelles représailles ?

L’extension du mandat des mécanismes offre un court répit aux victimes. Dans leur intérêt, tous les acteurs politiques doivent à présent s’unir pour bâtir enfin un système de justice transitionnelle crédible.

Les signataires :
TRIAL International
REDRESS
HimRights
Advocacy Forum
JuRI-Nepal (Justice and Rights Institute-Nepal)
Discharged People’s Liberation Army Nepal

Tej Bahadur Bhandari est porté disparu depuis 2011. Son fils, Ram Bhandari, n’a jamais cessé de lutter pour la justice. Il est aujourd’hui un important défenseur des droits humains au Népal. Voici son histoire.

« Mon père a  disparu en 2001. J’avais alors 23 ans. J’étais à l’université lorsque j’ai reçu l’appel téléphonique de ma mère : elle était affolée, elle a dit que mon père avait été enlevé par la police. J’ai immédiatement redouté le pire : certains de mes amis à l’université avaient été emprisonnés, enlevés ou torturés par les autorités. Je savais de quoi ils étaient capables.

Je me suis empressé de rentrer chez moi dès le lendemain pour être avec ma mère. Ensemble, nous nous sommes rendus au poste de police. Les policiers ont nié avoir enlevé mon père, mais certains témoins nous ont relaté une histoire bien différente : mon père a été passé à tabac en plein jour, au milieu de la rue, jusqu’à perdre connaissance. Les policiers lui ont ensuite bandé les yeux et attaché les mains, et l’ont emmené. Nous ne l’avons pas revu depuis. »

 

Une famille brisée

« Comme je refusais de me taire et continuais d’interpeller les autorités, j’ai commencé à recevoir des menaces. J’ai même été emprisonné pendant quelques jours. Comme ma mère s’inquiétait pour notre sécurité, nous avons décidé de déménager dans une autre ville. Nous avons laissé derrière nous notre entreprise familiale et tous nos proches. Dans cette nouvelle ville, nous ne connaissions personne. Ma mère ne pouvait pas travailler, elle était extrêmement angoissée et a dû être hospitalisée.

Les liens familiaux sont très importants au Népal. La place d’une femme dans la société est liée à son mari. C’est également lui qui apporte un revenu, la femme restant à la maison et s’occupant des enfants. Au moment où mon père a été enlevé, ma mère n’a donc pas été en mesure de se débrouiller seule. C’est le cas de nombreuses épouses d’hommes disparus.

Ces femmes ne peuvent même pas recevoir des fonds de veuvage, car elles ne sont pas en mesure de fournir un corps ou une date de décès. Elles se trouvent dans une position ambiguë que leur communauté ne comprend pas, ce qui entraîne leur rejet et leur stigmatisation. Les enfants souffrent également : en raison du manque de ressources, ils ne peuvent pas aller à l’école ou être soignés correctement. Lorsqu’un homme est victime de disparition forcée, toute sa famille est confrontée à l’exclusion sociale et à de grandes souffrances psychologiques. »

 

Chercher justice au niveau supranational

« Ma mère et moi étions déterminés à savoir ce qui était arrivé à mon père. Nous sommes allés voir la police, les juridictions, les politiciens, nous avons écrit des lettres, nous avons rassemblé des preuves… en vain. Je pensais que nous étions à nos limites lorsque j’ai entendu parler de TRIAL International pour la première fois. Ils m’ont expliqué que les procédures ne s’arrêtaient pas au niveau national, que nous pourrions porter l’affaire devant les Nations Unies. Nous avons retrouvé espoir quand nous avons appris que nous allions pouvoir continuer notre combat malgré le manque de coopération des autorités népalaises !

En 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a pris notre défense et a demandé au Népal de rendre justice. Enfin, notre souffrance, de même que le caractère illégal de ces évènements, étaient reconnus.

Malheureusement, rien n’a été fait par les autorités népalaises depuis la décision du Comité. Nous ne savons toujours pas pourquoi mon père a été enlevé, ce qui lui est arrivé, ni même s’il est encore vivant. »

 

Du préjudice individuel à l’action collective

« Je dédie désormais ma vie à la défense des victimes de disparitions forcées. Avec le Réseau national népalais des familles des disparus, nous informons les personnes sur leurs droits. Nous expliquons les procédures, nous les aidons à récolter les preuves les plus convaincantes, et nous leur parlons des procédures devant les Nations Unies si la justice népalaise fait la sourde oreille.

Ces familles sont trop nombreuses à ne pas connaître leurs droits. Souvent, elles sont issues d’un milieu rural et vivent dans le dépouillement. Beaucoup d’entre elles ont peur, ou pensent que demander justice ne servira à rien. Elles ne rapportent pas toujours les disparitions forcées, ce qui signifie qu’un grand nombre de ces crimes ne sont toujours pas enregistrés et passent inaperçus. Nous nous efforçons de changer cela. Nous encourageons ces personnes à se manifester, car c’est notre action collective qui changera les choses et nous permettra d’obtenir justice.

Nous faisons également un travail didactique sur les disparitions forcées, en expliquant la torture psychologique que subissent les victimes. Nous espérons que, dans le futur, les familles de disparus seront moins stigmatisées et mieux comprises. Je ne veux plus voir de femmes mise au banc comme ma mère l’a été. »

 

En savoir plus sur l’affaire Tej Bahadur Bhandari

Visitez le site de notre campagne pour la justice au Népal

 

Un op-ed de Helena Rodríguez-Bronchú Carceller

« Il est défendu de tuer ; tout meurtrier sera puni, à moins qu’il n’ait tué en grand nombre et au son des trompettes. » – Voltaire

Au cours du conflit armé au Népal, comme dans toute autre guerre civile, des gens ont tué, torturé, violé et fait disparaitre nombre de leurs concitoyens. L’affrontement entre les forces de l’ordre et les rebelles maoïstes a duré dix ans (de 1996 à 2006).

Les dix années qui ont suivi le conflit ont été synonymes d’une paix fragile, et de discussions sans fin quant au développement d’un système de justice transitionnelle. Aujourd’hui encore, les désaccords perdurent et prévalent sur les sujets réglés.  Les opinions divergent entre victimes, partis politiques, communauté internationale et société civile, mais aussi au sein de ces groupes eux-mêmes.

L’un des sujets de désaccord est la lutte contre l’impunité croissante. Tandis que la plupart des victimes et des acteurs internationaux exigent davantage de fermeté, les partis politiques, parfois impliqués dans le conflit, cherchent à y déroger.

La Cour suprême a annulé les mesures d’amnistie de la loi « Commission de vérité et réconciliation » de 2014. L’ONU a conditionné son soutien au processus de justice transitionnelle à l’interdiction de toute amnistie. Rien n’y a fait : la question de l’amnistie suscite encore un débat animé au Népal, alimentée par les déclarations d’acteurs politiques.

Assimiler l’impunité à l’amnistie est une simplification excessive et dangereuse. La première désigne une situation où un criminel n’est pas tenu responsable ou puni pour ses actes, tandis que la seconde est un outil juridique pour exempter une personne de toute responsabilité pénale. Bien sûr, l’impunité se nourrit de l’amnistie, mais elle peut également émaner d’autres mesures. Les partis politiques népalais en sont bien conscients : ils se targuent de ne pas demander l’amnistie et passent sous silence leurs autres stratagèmes pour échapper à la justice.

Le refus de modifier la législation est le premier subterfuge. Les actes de torture, les disparitions forcées, et l’utilisation d’enfants soldats resteront impunis tant qu’ils ne seront pas reconnus comme des actes criminels par la législation nationale, et tant que la loi ne pourra pas être appliquée rétroactivement. Des dispositions juridiques sont également nécessaires pour modifier la loi de prescription : la prescription tristement célèbre sur les viols, qui oblige que les plaintes soient déposées sous les 35 jours suivants les faits, et la prescription de 20 ans pour les affaires de meurtres, qui empêche la poursuite de crimes commis au début du conflit. Par ailleurs, seul l’inclusion des qualifications juridiques de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité » dans la législation népalaise pourra refléter l’ampleur de ces crimes.

Des procédures déficientes de justice transitionnelle encouragent également l’impunité. Les inquiétudes causées par la création de deux Commissions de justice transitionnelle en 2015 sont trop nombreuses pour être listées ici. De multiples incidents ont été rapportés lors du recueil des plaintes : menaces à la sécurité ; intrusions de partis politiques ou des forces de l’ordre ; problèmes d’accessibilité pour les habitants de régions isolées, les personnes handicapées, les personnes âgées et les personnes ne parlant pas le népalais ; manque d’information et de sensibilisation aux procédures et au mandat de la Commission ; absence de confidentialité lors du recueil de plaintes ; etc.

Les victimes ont donc commencé à être méfiantes, mais de plus, certaines d’entre elles n’ont tout simplement pas pu déposer leurs plaintes. D’autres n’étaient pas en mesure de fournir des faits détaillés, engendrant la rétractation de la Commission pour « preuves insuffisantes » et l’impossibilité d’examiner ces plaintes à nouveau dans le futur. Par ailleurs, le mandat de la Commission expirera dans seulement six mois. Il est difficile d’imaginer comment celle-ci pourrait à donner une réponse satisfaisante aux 60 000 victimes qui ont déposé plainte, étant donnés son rythme de travail et ses faibles ressources. Vouloir régler toutes les affaires liées au conflit par le seul biais de deux Commissions dysfonctionnelles peut également être perçu comme une stratégie en faveur de l’impunité.

Une Cour extraordinaire doit encore être créée. Mais quels serait son rôle et ses mécanismes de régulation ? Les règles de responsabilité pénale des supérieurs seraient-elles appliquées ? Les juridictions militaires joueraient-elles un rôle ? Ces questions cruciales à la lutte contre l’impunité restent sans réponse, mais elles sont surtout trop peu souvent abordées par les principaux acteurs de ce débat. Le chemin de la justice transitionnelle au Népal reste semé d’embûches.

Helena Rodriguez-Bronchú Carceller, directrice du programme Népal
@Helena_RBC

 

Histoire

En octobre 2010, TRIAL a déposé une plainte auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies au nom de Chakra Bahadur Katwal, victime de disparition forcée. Dans cette procédure, le Centre d’action juridique (CAJ) de TRIAL représente Yuba Katwal, épouse de Chakra Katwal. Ce dernier a disparu en décembre 2001 après avoir été arrêté et détenu par l’armée népalaise. Cette disparition s’inscrit dans un contexte d’état d’urgence décrété par le gouvernement népalais en novembre 2001.

Le 9 décembre 2001, alors qu’il se trouvait dans l’établissement dans lequel il enseignait, Chakra Katwal a reçu une lettre lui enjoignant de se rendre au Bureau de l’Education du district (situé à dans la ville d’Okhaldhunga, à une journée de marche de son village) afin de satisfaire à une demande de renseignements.

Arrivé à Okhaldunga quelques jours plus tard, Katwal s’est rendu auBureau de l’Education, où un employé  lui aurait indiqué qu’il devait se présenter au poste de police du district pour répondre à un simple interrogatoire. De là, il aurait été emmené de force dans l’un des bâtiments de l’armée. Le lendemain, des témoins ont vu des soldats porter la victime par les bras et les jambes. Son corps était marqué de coups, ses vêtements étaient couverts de taches de sang et il semblait avoir perdu connaissance. La victime a été transportée dans les locaux du poste de police. Depuis ce jour, on ne l’a plus jamais revue.

Depuis sa disparition, son épouse n’a eu de cesse de rechercher la vérité auprès des autorités. Non seulement ses démarches sont restées vaines, mais elle a aussi été victime du harcèlement de l’armée népalaise et de mauvais traitements lors de son arrestation et de sa détention en 2005. Ces atroces mesures avaient pour but de la forcer à garder le silence sur l’implication de l’armée dans la disparition de son mari. Sa fille a également subi de graves sévices physiques et psychologiques pendant six semaines en 2005, alors qu’elle était détenue arbitrairement par l’armée. Suite à cela, elle a dû être hospitalisée. En dépit des soins médicaux prodigués, la jeune femme conserve à ce jour d’importantes séquelles.

 

 

L’affaire

En juillet 2006,  les proches du disparu ont saisi la Cour suprême du Népal. Le 1er juin 2007, elle a confirmé que Chakra Katwal avait été arrêté et détenu arbitrairement par l’armée et la police népalaises, et que les mauvais traitements qu’il avait subis avaient entraîné sa mort. La Cour suprême a demandé que soient poursuivis pénalement les personnes impliquées dans cette affaire et dont les noms ont été cités dans le rapport d’enquête. Cependant, à ce jour, aucune suite n’a été donnée par les autorités de poursuites et l’impunité perdure. La famille de Katwal ignore par ailleurs toujours ce qu’il est advenu de son corps.

Le 27 octobre 2010, TRIAL a donc déposé pour le compte de Mme Katwal une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant de:

 

La décision

En 2012, le Comité des droits de l’homme a déclaré la plainte admissible (en anglais), jugeant que l’épouse de Chakra Katwal avait épuisé tous les recours disponibles sans obtenir justice et réparation, et précisant qu’elle ne devait pas attendre la mise en place des mécanismes de justice transitionnelle nationaux avant de renvoyer l’affaire devant le Comité. Selon ce dernier, les mécanismes de justice transitionnelle, comme les commissions de vérité, sont des outils importants pour établir la vérité, mais ne peuvent pas se substituer aux poursuites pénales.

Le 1er avril 2015, le Comité a adopté sa décision (en anglais). Il a déclaré le Népal responsable pour :

  • Le Comité demande au Népal de:

Le Népal dispose maintenant de 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour donner effet à la décision.

 

Le contexte général

La disparition de Chakra Bahadur Katwal s’inscrit dans un contexte d’état d’urgence décrété par le gouvernement népalais en novembre 2001. L’Etat, qui a ainsi pu endurcir sa politique de répression à l’encontre des personnes suspectées d’aider les insurgés maoïstes, s’est arrogé le pouvoir de déroger au respect des droits et libertés fondamentaux. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrées par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

 

Le cas

En septembre 2011, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant la privation arbitraire de liberté, la disparition forcée, la torture et l’exécution arbitraire de M. Gyaendra Tripathi en septembre 2003.

M. Tripathi était un membre du Comité Central du mouvement d’étudiants népalais indépendant révolutionnaire (ANNISU-R), l’aile estudiantine du parti communiste népalais maoïste. En 2002, le gouvernement a déclaré que le ANNISU-R était une organisation illégale. Suite à la rupture du deuxième cessez-le-feu en août 20003, l’armée royale népalaise (RNA) commença à arrêter et détenir des sympathisants du CPN-M / ANNISU-R dans la vallée de Kathmandou.

Le 2 août 2003, M. Tripathi a été arrêté et détenu pour la première fois pendant une période de 34 jours par les membres du RNA et la Police avant d’être relâché sans avoir aucune charge retenue contre lui. Il a passé plusieurs jours isolé, les yeux bandés et frappé sévèrement par des tuyaux métaliques pendant toute sa détention. Suite à sa libération et craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, M. Tripathi a quitté le logement qu’il partageait avec sa famille et disparut tout en gardant des contacts avec les siens. Le 26 septembre 2003 à 11 h., M. Tripathi a quitté son logement pour rencontrer un autre membre présumé du CPN-M et n’est jamais revenu depuis lors. Il a été vu pour la dernière fois par un ex-prisonnier, M. Krishna K. C., dans la caserne de Mahrajguni tenue par la RNA, dans de très mauvaises conditions physiques et montrait des signes évidents de torture. D’après un rapport soumis au HCDH par M. K.C., le 20 décembre 2003, M. Tripathi a été extrait de sa cellule par des agents du gouvernement et exécuté arbitrairement.

Entre 2003 et 2004, le mouvement Maharajguni devint célèbre. En mai 2006, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) a publié un rapport après une enquête sur les casernes de Mahrajguni RNA à Kathmandou. Ces casernes ont joué un rôle déterminant dans l’arrestation, la détention illégale, la torture et l’exécution extrajudiciaire et les meurtres de centaines de personnes suspectées d’être affiliées aux maoïstes.

Malgré le peu d’informations disposant lors de l’arrestation, la détention et la disparition forcée de M. Tripathi, de nombreux éléments concordants permettent de conclure qu’il a été enlevé par des agents du gouvernement pour être ensuite détenu dans les casernes de Mahrajguni et exécuté arbitrairement.

Le 28 septembre 2003, Mme Tripathi a signalé l’arrestation de son mari à l’office de police du District de Hanumandhoka à Kathmandou. Elle a été informée par l’officier en charge au moment de ces incidents, que ceux-ci n’étaient pas du ressort de la police et a été renvoyé chez elle. Entre 2003 et 2006, Mme Tripathi s’est rendue dans plusieurs casernes de la RNA à la recherche de son mari, mais les fonctionnaires l’ont purement et simplement ignorée.

Le 29 septembre et le 1er octobre 2003, Mme Tripathi et son conseiller juridique ont déposé deux demandes d’habeas corpus au nom de M. Tripathi devant la Cour Suprême. Cependant, tous les défendeurs ont nié leur implication dans l’arrestation de M. Tripathi et de l’avoir détenu. La Cour Suprême rejeta les demandes en invoquant que les requérants n’avaient pas produit assez d’informations concernant les conditions ou le lieu de détention.

En septembre 2011, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies demandant de reconnaître que le Népal a violé de nombreux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en raison de la privation de liberté arbitraire, la disparition forcée, la torture et l’exécution arbitraire de M. Tripathi ainsi que des souffrances morales infligées à sa famille. TRIAL a aussi demandé au Comité de requérir inter alia que le Népal:

 

Contexte général

En février 1996, le CPN-M a ouvertement déclaré la guerre contre les autorités gouvernementales officielles népalaises qui à l’époque formaient une monarchie constitutionnelle.

Le conflit s’étendit rapidement à tout le pays. En 2001, lorsque la violence se transforma en guerre civile, l’état d’urgence fut déclaré. L’état d’urgence a permis à l’Etat d’augmenter la répression contre des personnes suspectées de complicité avec les insurgés maoïstes et de déroger au droit fondamental et aux libertés. Les agents gouvernementaux et les maoïstes eurent recours de manière généralisée aux disparitions forcées, tortures, exécutions sommaires et aux détentions arbitraires. Les agents gouvernementaux ont recouru pendant des années après la fin de l’état d’urgence à la pratique de la détention arbitraire et de la torture contre toutes les personnes suspectées d’appartenir aux maoïstes. M. Triparthi, membre de haut rang du CPN-M a été arrêté, porté disparu, torturé et exécuté arbitrairement dans ce contexte.

 

La décision

Le 28 octobre 2014, le Comité des droits de l’homme a adopté sa décision sur l’affaire concernant M. Gyanendra Tripathi. Le Comité a engagé la responsabilité du Népal pour la violation de plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et notamment le droit à la vie, à la liberté, à la reconnaissance de la personnalité juridique, et l’interdiction de la torture. Il a également condamné le Népal pour ne pas avoir enquêté sur les crimes commis dans le but d’identifier, de poursuivre et de sanctionner les responsables. En outre, le Comité a affirmé que le Népal avait failli à son devoir de localiser, d’exhumer et d’identifier la dépouille de M. Tripathi. Il a également déclaré que le Népal avait soumis l’épouse et la fille de M. Tripathi à un traitement inhumain et dégradant en se montrant indifférent à leurs souffrances.

Le Comité a appelé le Népal à :

Mener une enquête autour de la disparition forcée de M. Gyanendra Tripathi et poursuivre, juger et punir les responsables

Libérer M. Tripathi s’il est toujours vivant et, dans le cas où il serait décédé, remettre sa dépouille à la famille

Indemniser la femme et la fille de la victime et leur procurer une réhabilitation psychologique ainsi qu’un suivi médical

Adopter des mesures de satisfaction, en veillant notamment à rétablir la dignité et la réputation de la victime et de ses proches

Modifier la législation népalaise de sorte à introduire dans le code pénal népalais les crimes de torture et de disparition forcée

Traduire en népalais et rendre publique la décision du Comité.

Le Népal a 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour donner effet à la décision.

 

L’affaire

En janvier 2012, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant la disparition forcée de M. Rajendra Prasad Dhakal en janvier 1999. Dans cette procédure, TRIAL représente également Mme Bimala Dhakal, l’épouse de la victime, M. Rabindra Dhakal, le frère de la victime et Mme. Manjima Dhakal, fille aînée de la victime.

M. Rajendra Dhakal est avocat et défenseur des droits de l’homme. Il était président de la section de Gorkha du « Forum for the Protection of Human Rights », une organisation nationale pour la protection des droits de l’homme.

Après avoir été arrêté illégalement en mars 1996 et maltraité par la police népalaise, le 8 janvier 1999 M. Rajendra Dhakal a été de nouveau arbitrairement arrêté par la police et a disparu. Ce jour-là, il participait à un programme de sensibilisation politique à huis clos qui se tenait à Jamdi, village du district de Tanahun lorsqu’un groupe de policiers s’est approché de lui pour l’arrêter et arrêter deux enseignants. Les trois ont été amenés au Bureau de Police de Belchautara. Là, les deux enseignants ont été séparés de M. Rajendra Dhakal qui a été placé en détention isolée. Il a été vu pour la dernière fois par les deux enseignants, libérés deux jours après. Le sort de M. Rajendra Dhakal reste inconnu depuis.

Sa famille a pris de nombreuses mesures afin de le retrouver. Les jours suivant l’arrestation de son frère, M. Rabindra Dhakal s’est rendu au Bureau de Police du district à Tanahun, au Bureau de Police du district à Newalparasi, au Bureau de Police du district à Pokhara et au Bataillon de la Police et de l’Armée à Pokhara pour le chercher. À tous ces endroits, les officiers responsables ont nié l’arrestation de son frère. Au Bureau de Police du district à Gorkha, les officiers ont cependant déclaré que M. Rajendra Dhakal était sous leur garde, mais que son frère ne pouvait pas lui rendre visite.

Le 21 janvier 1999 M. Rabindra Dhakal a fait appel à la Cour Suprême népalaise en soumettent une demande de habeas corpus de la part de M. Rajendra Dhakal. Toutefois la procédure devant la Cour Suprême n’a pas révélé d’informations supplémentaires sur les faits et le sort de M. Rajendra Dhakal. Les déclarations sous serment des deux enseignants arrêtés et détenus avec M. Rajendra Dhakal en janvier 1999 ont été présentés devant la Cour en décembre 1999 et confirment la date et les modalités de l’arrestation et détention de M. Rajendra Dhakal.

Le 28 août 2006, la Cour Suprême a décidé d’établir une Task Force sur l’investigation des détenus (DITF) pour enquêter sur les nombreux cas de disparition forcée, dont celle de M. Rajendra Dhakal. Le rapport de la DITF indique clairement que “M. Rajendra Dhakal a été arrêté le 8 janvier 1999 par une équipe de police formée par environ 10-12 agents sous le commandement de l’Inspecteur de Police K.B.R. (nom confidentiel) du Bureau de Police de Bel Chautara, Tanahun” et “il a disparu le même jour”.

Le 1er juin 2007, la Cour Suprême a finalement tranché sur la demande d’habeas corpus de 83 personnes disparues,  dont M. Rajendra Dhakal. La Cour a confirmé les conclusions judiciaires de la DITF par rapport aux conditions d’arrestation et au statut de M. Rajendra Dhakal comme disparu et a ordonné au gouvernement népalais d’adopter des mesures législatives domestiques pour définir et criminaliser le crime de disparition forcée, de poursuivre pénalement les fonctionnaires impliqués dans cette affaire et de fournir une compensation substantielle aux victimes et à leurs familles.

Cependant, à ce jour, excepté la compensation provisoire minime de 150.000 NRs (environ 1.500 euro) obtenue par l’épouse de M. Rajendra Dhakal, aucune suite n’a été donnée par les autorités népalaises aux conclusions de la Cour Suprême.

En janvier 2012, TRIAL a donc déposé une communication individuelle auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant:

 

Le contexte général

La disparition de M. Dhakal s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste  maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006, lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit.

Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrées par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

 

La décision

Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a rendu sa décision le 17 mars 2017. Le Népal a été reconnu responsable de la violation de plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques : le droit à la vie, l’interdiction de la torture, le droit à la liberté personnelle ainsi que le droit de Mr. Dhakal de voir sa personnalité juridique reconnue. Le Comité a également conclu que la femme et la fille de M. Rajendra Dhakal sont victimes de traitements inhumains et dégradants. En effet,  le manque d’informations sur le sort et la localisation de leur proche sont sources d’angoisses et de souffrances.

Le Comité a demandé au Népal de :

  • Mener une enquête approfondie sur la disparition de M. Dhakal et, dans l’éventualité de sa mort, de localiser ses restes et de les remettre à sa famille ;
  • Poursuivre, juger et de punir les responsables des crimes commis contre M. Dhakal ;
  • Fournir à la femme et à la fille de M. Dhakal une réparation adéquate et des mesures de satisfaction ;
  • Fournir à la femme et à la fille de M. Dhakal le suivi psychologique et les soins médicaux nécessaires ;
  • Empêcher des violations similaires à l’avenir et veiller à ce que la législation nationale autorise la poursuite des responsables de torture et de disparitions forcées ; et s’assurer que toute disparition forcée donne lieu à une enquête rapide et approfondie.

Le Népal a 180 jours à compter de cette décision pour informer le Comité des mesures prises pour mettre en œuvre cette décision.

 

L’affaire

En janvier 2012, TRIAL  a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant la disparition forcée de M. Padman Narayan Nakarmi en septembre 1999. Dans cette procédure, TRIAL représente également Mme Ram Maya Nakarmi, l’épouse de la victime et les intérêts de la fille, Mlle Luman Nakarmi âgée de 3 ans lors de la disparition forcée de son père.

Avant son arrestation et sa disparition, M. Nakarmi travaillait comme négociant en fer dans une petite entreprise de Bungmati, Lalitpur. Il n’avait jamais été arrêté auparavant. Le 23 septembre 2003, M. Nakarmi a été arrêté chez lui et conduit par une demi-douzaine de fonctionnaires de sécurité en civil qui se sont identifiés au moyen de leur carte d’identité officielle comme membres de l’armée royale népalaise déplacés des casernes de Bhairan Nath à Kathmandu. Plusieurs personnes étaient présentes au moment de son arrestation, notamment son épouse, sa mère et son frère. Comme indiqué dans la plainte enregistrée auprès le Bureau de Police du district à Kathmandu en juin 2006, le personnel de sécurité a informé Mme Ram Maya Nakarmi que son époux avait été arrêté et détenu pour l’interroger, mais sans fournir d’autres détails. Le sort de M. Nakarmi reste inconnu depuis.

Sa famille a pris de nombreuses mesures pour obtenir des informations liées à sa disparition. Pendant les deux années suivant l’arrestation arbitraire de M. Padam Narayan Nakarmi, sa femme a rendu régulièrement visite aux casernes de Bhairab Nath à Maharajgunj, à celles de Lagankhel à Lalitpur, au quartier général de la police népalaise à Naxal, Kathmandu et au Bureau de Police du district à Hannumandhoka, Kathmandu, sans toutefois réussir à obtenir des information supplémentaires.

Quelques jours après l’arrestation de M. Nakarmi, son épouse  a essayé de déposer une plainte auprès du Bureau de Police du district à Patan. Ce dernier a refusé la plainte en arguant qu’il n’était pas possible de l’enregistrer, la disparition forcée n’étant pas un crime reconnu par la législation nationale. Seulement trois ans après, en 2006, Mme Nakarmi a pu enregistrer la plainte auprès le Bureau de Police du district à Hanumandhoka, Kathmandu. Mais aucune action n’a été menée par les autorités sur cette base.

En réponse au manque d’investigation et de poursuite, le 4 janvier 2007 Mme Nakarmi a déposé une plainte devant la Cour Suprême népalaise contre des différents bureaux du gouvernement et d’individus spécifiques appartenant à l’armée royale népalaise.

Le 1er juin 2007, la Cour Suprême a tranché sur la demande d’habeas corpus de 83 personnes disparues. Même si aucune demande d’habeas corpus n’a été déposée de la part de M. Nakarmi, les circonstances de sa mort due à la torture subie par son mari aux casernes Bhairav Nath ont été mentionnées dans une de demande examinée par la Cour. Celle-ci a ordonné au gouvernement du Népal d’adopter des mesures législatives domestiques pour définir et criminaliser le crime de disparition forcée, de poursuivre pénalement les fonctionnaires impliqués dans cette affaire et de fournir une compensation substantielle aux victimes et leurs familles.

Cependant à ce jour, excepté la compensation provisoire minime de 100.000 NRs (environ 1.000 euro) obtenue par Mme Nakarmi, aucune suite n’a été donnée par les autorités népalaises aux conclusions de la Cour Suprême.

Le 26 août 2010, la Cour Suprême népalaise a rejeté la plainte de janvier 2007 arguant principalement que le plaignant devait attendre jusqu’à ce que le gouvernement ait formé une Commission de Vérité et Réconciliation Nationale relative au problème des disparitions forcées au Népal. Mais malgré les nombreux engagements publics issus par la nouvelle Assemblée Constituante (dès avril 2008), le manque de volonté des principaux partis politiques népalais persiste et a signifié l’impossibilité de l’établissement de quelconque système de responsabilité pour ces événements.

En janvier 2012, TRIAL a donc déposé une communication individuelle auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant:

 

La décision

Le 10 mars 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a reconnu que le Népal a violé plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le droit à la vie, l’interdiction de la torture ; le droit à la liberté personnelle et le droit pour M. Nakarmi de voir sa personnalité juridique reconnue. Le Comité a également affirmé que la femme et la fille mineure de M. Nayram Nakarmi sont victimes de traitements inhumains et dégradants, du fait des angoisses et des souffrances résultant de l’absence d’informations sur le sort et la localisation de leur proche.

Le Comité a demandé au Népal de :

  • Mener une enquête approfondie sur la disparition de M. Nakarmi et, dans l’éventualité de sa mort, de localiser ses restes et de les remettre à sa famille ;
  • Poursuivre, juger et punir les responsables des crimes commis contre M. Nakarmi ;
  • Fournir à la femme et à la fille mineure de M. Nakarmi une compensation adéquate et des mesures de compensation ;
  • Fournir à la femme et à la fille mineure de M. Nakarmi le suivi psychologique et les soins médicaux nécessaires ;
  • Empêcher des violations similaires futures, et veiller à ce que la législation nationale autorise la poursuite des responsables de torture et de disparitions forcées ; et s’assurer que toute disparition forcée donne lieu à une enquête rapide et approfondie.

Le Népal a 180 jours à compter de cette décision pour informer le Comité des mesures prises pour mettre en oeuvre cette décision.

 

L’affaire

En mai 2012, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant la disparition forcée de M. Danda Pani Neupane en mai 1999. Dans cette procédure, TRIAL représente également Mme Shanta Neupane, l’épouse de la victime, et Mme Nisha Neupane, fille de la victime.

M. Neupane était membre actif du Parti Communiste du Népal – Maoïstes (PCN-M) depuis la création du parti en 1985. Il avait été emprisonné à trois reprise dans les années 1970 pendant la période Panchayat (de 1962 à 1990) pour son implication dans des activités politiques, ce qui était illégal à cette période-là. Il a été arrêté en 1972 et détenu pendant cinq jours, en 1973 pendant 10 jours et enfin en 1975 pendant huit mois. Au moment de son arrestation arbitraire et de la disparition forcée qui s’ensuivit, M. Danda Pani Neupane était membre du Comité centrale du PCN-M et chef du département de publication du parti. En tant que membre éminent du PCN-M, Mr. Neupane vivait clandestinement dès le début de la « guerre populaire » en 1996 pour éviter d’être arrêté par la police.

Deux témoins oculaires ont rapporté que M. Neupane a été arrêté par quatre policiers en uniforme à Sundhara, près de Tebahal dans la province de Kathmandu aux alentours de 17h30 le 21 mai 1999. Il aurait été emmené de force sur une camionnette avec d’autres policiers en uniforme avant d’être conduit vers une destination inconnue. En juin 1999, un policier originaire du même comité de développement villageois que M. Neupane qui se trouvait temporairement au centre d’entraînement de la police à Maharajguni, Kathmandu, aurait vu M. Neupane détenu par la police dans le centre d’entraînement pour une période d’environ trente jours (pas clair: on ne peut pas voir quelqu’un pendant 30 jours). À cette occasion, M. Neupane a été vu pour la dernière fois. Mme Neupane n’a pas eu de nouvelles concernant son mari pendant treize ans.

La famille de M. Danda Pani Neupane a pris de nombreuses mesures afin de le retrouver. Mme Neupane s’est rendue au Bureau de Police du district (DPO) à Hanumandhoka, Katmandou le 25 mai 1999 pour essayer de retrouver son mari, mais le poste de police a refusé de remettre des vêtements propres à M. Neupane et de le faire ausculter par des médecines en prétextant ant qu’il n’avait jamais été arrêté ni détenu par la police à cet endroit. Entre le 26 et le 30 mai 1999, Mme Neupane a visité les trois prisons principales à Kathmandu: la prison centrale, la prison Nakhu et la prison Charkhal, mais les autorités de chaque prison lui ont systématiquement fait savoir que M. Neupane n’avait jamais été arrêté ni détenu en ces lieux.

Ne pouvant pas localiser son mari, le 26 mai 1999 Mme Neupane a soumis une demande de habeas corpus devant la Cour Suprême. La Cour a classé la demande le 12 juillet 1999 car, étant donné que les autorités (le Ministère de l’Interieures, le commissariat de la police népalaise à Naxal, Katmandou, l’administration du district de Kathmandu et le poste de Police du district de Hanumandhoka Kathmandu) ont nié l’arrestation et la détention de M. Neupane, sa position n’a pu pas être déterminé et, par conséquent, la demande d’habeas corpus a été rendue inapplicable.

Mme Neupane a soumis une deuxième demande d’habeas corpus à la Cour Suprême le 17 août 1999, mais elle a été classée par la Cour Suprême le 5 juillet 2000 pour les mêmes motifs.

La famille de M. Neupane a aussi entrepris plusieurs démarches non judiciaires afin d’obtenir des informations sur son sort. Le 14 juin 1999, sa famille et six autres victimes de disparitions forcées ont tenu une conférence de presse et ont lancé un appel au grand public et aux autorités gouvernementales afin d’obtenir des informations sur la disparition de M. Neupane. Le 20 juin 1999, la famille de M. Neupane a soumis un appel écrit au parlement afin que le lieu de détention de celui-ci et de quinze autres disparus soit rendu public et que ces personnes soient immédiatement relâchées. Mme Neupane a aussi contacté Amnesty International (AI) en juillet 1999 en informant l’organisation de la disparition de son mari. AI a publié deux appels urgents en réponse à la demande d’assistance de Mme Neupane: le premier le 13 août 1999, le deuxième en février 2000. Le 20 septembre 1999, l’Association des Familles des Victimes de Disparitions dues à l’Etat (FVSDA), co-fondée par Mme Neupane, a soumis un nouvel appel écrit au Premier Ministre népalais et a publié une communiqué de presse en demandant à nouveau que le sort de M. Neupane et d’autres individus disparus soit établi et rendu public.

Cependant, à ce jour, excepté la compensation provisoire minime de 100.000 NRs (environ 1’000 euros) obtenue en 2008, la famille de M. Neupane n’a pas eu accès à la justice et à la vérité, ni obtenu de réparations adéquates de la part du gouvernement népalais pour la perte tragique de M. Neupane.

En mai 2012, TRIAL a donc déposé une communication individuelle auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant:

 

La décision

Le Comité des droits de l’homme a rendu sa décision le 21 juillet 2017. Il a déclaré le Népal responsable d’avoir violé plusieurs dispositions du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, y compris le droit à la vie, à la liberté personnelle, à la reconnaissance de la personnalité juridique de la victime et l’interdiction de la torture. Le Comité a également déclaré que le Népal avait soumis l’épouse et la fille mineure de M. Neupane à un traitement inhumain et dégradant en n’établissant pas la vérité sur le sort de leur proche.

Le Comité demande au Népal de :

  • Mener une enquête autour de la disparition de M. Neupane et, dans le cas où il serait décédé, localiser sa dépouille et la ramener à sa famille ;
  • Poursuivre, juger et punir les responsables ;
  • Indemniser de manière adéquate l’épouse et la fille mineure de M. Neupane, et garantir qu’elles obtiennent des mesures de satisfaction ;
  • Fournir à son épouse et sa fille mineure une réhabilitation psychologique et les soins médicaux nécessaires ;
  • Prévenir les violations similaires dans le futur et s’assurer que la législation permette de poursuivre les responsables de crimes de torture et de disparition forcée ; et que chaque cas de disparition forcée conduise à l’ouverture d’une enquête.

Le Népal a 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour mettre en œuvre cette décision.

 

Le contexte général

La disparition de M. Neupane s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006 lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Malgré l’adoption de l’accord de paix de novembre 2006, les autorités népalaises ont failli à leur devoir de commencer une investigation sérieuse par rapport aux crimes perpétrés pendant la guerre civile et aucun responsable de ces crimes n’a été condamné jusqu’à présent. Par conséquent, plus de cinq ans après la conclusion du conflit, les auteurs jouissent encore d’une immunité absolue tandis que les droits fondamentaux à la vérité, à la justice et à la réparation des victimes sont toujours niés.

 

L’affaire

En mai 2012, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant la disparition forcée de M. Milan Nepali en mai 1999. Dans cette procédure, TRIAL représente également l’épouse de la victime, Mme. Sabita Basnet.

Au moment de son arrestation et de sa disparition, M. Nepali travaillait comme journaliste pour le quotidien népalais Janadesh, journal maoïste basé à Katmandou. M. Nepali était un membre actif du Parti communiste du Népal – Maoïste (PCN-M) et participait de manière régulière aux activités de celui-ci. Même avant 2001, année lors de laquelle le gouvernement népalais déclara le PCN-M comme étant une organisation terroriste illégale, toute personne suspectée d’être impliquée dans les activités du Parti était menacée d’être arrêtée et détenue par les autorités d’après la loi sur la sécurité publique de 1989. M. Nepali avait auparavant été arrêté et détenu par la police népalaise à deux occasions.

Aux alentours de 13h le 21 mai 1999, Mme. Basnet a vu six ou sept policiers – dont certains habillés en civil et d’autre vêtus d’uniformes- s’approcher de son mari à Sundhara, près de Telbahal à Katmandou lui indiquant qu’il devait les suivre pour interrogatoire, sans être informé des charges qu’on lui reprochait. Il ne fut pas menotté, et parti sans résister avec les policiers qui l’emmenèrent dans un mini-bus pour une destination inconnue.

Suite à son arrestation, la famille de M. Milan Nepali a pris de nombreuses mesures afin de le localiser. Le 22 mai 1999, Mme. Basnet s’est rendue auprès des tous les postes de police de Katmandou à la recherche de son mari. Elle a continué ses recherches jusqu’au 4 juin 1999 lorsqu’elle reçut un coup de téléphone anonyme l’informant que son mari était détenu au quartier général de la police de Naxal à Katmandou.

Le 5 juin 1999, Mme. Basnet s’est rendue au quartier général et a demandé à voir son mari. La police a refusé d’accéder à sa demande mais lui a permis de transmettre quelques habits propres à son mari. Le 10 juin 1999, Mme Basnet s’est rendue à nouveau à Naxal avec une amie afin de lui donner d’autres habits propres. Une fois sorties, Mme. Basnet et son amie ont marché en haut d’un monticule de terre non loin du bâtiment, afin de voir à l’intérieur de celui-ci, à travers une fenêtre. Mme. Basnet a aperçu M. Nepali pendant environ deux minutes aux alentours de 8h00 ce jour là. Il est reporté que M. Nepali était menotté mais il ne paraissait pas en mauvaise santé. Mme. Basnet a crié alors pour attirer son attention mais elle était trop loin pour qu’il l’entende. Cette date du 10 juin 1999 marque la dernière fois que M. Nepali a été aperçu, vivant ou mort, suite à son arrestation en mai de la même année.

Le 26 mai 1999, M. Ashok Maharjan, un ami de M. Nepali, a saisi la Cour Suprême d’une demande de habeas corpus. La Cour a classé cette demande le 12 juillet 1999 au motif qu’il n’était pas possible de localiser M. Nepali et que de ce fait, la demande était inapplicable. Le 17 août 1999, Mme. Basnet a saisi elle même la Cour suprême. Celle-ci a classé cette nouvelle demande en date du 5 juillet 2000 pour les mêmes motifs.

La famille de M. Nepali a aussi entrepris plusieurs démarches non judiciaires afin d’obtenir des informations sur son sort. Le 14 juin 1999, sa famille et six autres victimes de disparitions forcées ont tenu une conférence de presse et ont soumis un appel au public et aux autorités nationales à se manifester si quelqu’un avait des informations quant à sa situation. Le 20 juin 1999, la famille de M. Nepali a envoyé un appel écrit au parlement afin que le lieu de détention de M. Nepali et de quinze autres disparus soit rendu public et que ces personnes soient immédiatement relâchées.

M.me Nepali a aussi contacté Amnesty International (AI) en juillet 1999 en informant l’organisation de la disparition de son mari. AI a publié deux appels urgents en réponse à la demande d’assistance de M.me Nepali: le premier le 13 aout 1999, le deuxième en février 2000.

Le 20 septembre 1999, l’Association des Familles des Victimes de Disparitions dues à l’Etat (FVSDA), co-fondée par Mme. Nepali, soumit un nouvel appel écrit au Premier ministre népalais et a publié une communiqué de presse en demandant encore une fois que le sort de M. Nepali et d’autres individus disparus soit établi et rendu publique.

Cependant, à ce jour, excepté la compensation provisoire minime de 100.000 NRs (environ 1.000 euro) obtenue en 2008, la famille de M. Nepali n’a pas eu accès à la justice et à la vérité, ni elle a reçu des réparations adéquates de la part du gouvernement népalais pour la perte tragique de M. Nepali.

En mai 2012, TRIAL a donc déposé une communication individuelle auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant:

 

 

Le contexte général

La disparition de M. Nepali s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006, lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrées par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Malgré l’adoption de l’accord de paix du novembre 2006, les autorités népalaises ont failli à leur devoir de commencer une investigation sérieuse par rapport aux crimes perpétrés pendant la guerre civile et aucun responsable de ces crimes a été condamné jusqu’à présent. Par conséquence, plus de cinq ans après la conclusion du conflit, les auteurs jouissent encore d’une immunité absolue tandis que les droits fondamentaux à la vérité, à la justice et à la réparation des victimes sont toujours niés.

 

L’affaire

Arrestation et disparition forcée en octobre 2003

Le 10 octobre 2003, Amrit Kandel a été arbitrairement arrêté à Katmandou par une douzaine de soldats. Sans avoir été informé des raisons de son arrestation et sans mandat, Amrit Kandel a été embarqué de force dans une fourgonnette et emmené dans la caserne militaire de Maharajguni, alors quartier général du bataillon Bhairabnath de l’armée royale népalaise. Il n’a pas eu la possibilité de contacter sa famille ou un représentant légal.

Comme en a témoigné son frère, Ramhari Kandel, qui était également détenu à Maharajgunj à la même époque, les conditions de détention étaient cruelles, inhumaines et dégradantes. Maintenu dans une petite tente où il avait pour habitude de pleurer et de crier par pur désespoir, Amrit Kandel ne recevait pas de nourriture adéquate ou d’eau potable et disposait d’un accès limité aux installations sanitaires. De plus, ses yeux étaient continuellement bandés. Il n’a en outre jamais eu la possibilité de communiquer avec des personnes en-dehors des casernes. Son corps était constamment enflé, couvert de bleus et d’écorchures, preuve du traitement qui lui était infligé lorsqu’il était interrogé par les soldats. Suite à sa libération le 10 décembre 2003, ni Ramhari Kandel, ni un aucun autre membre de sa famille n’a plus revu Amrit Kandel. Son sort et l’endroit où il se trouve restent inconnus à ce jour.

La dénonciation des crimes et l’impunité de leurs auteurs

Le père de Amrit Kandel, Tikanath Kandel, a entrepris tous les efforts possibles pour le retrouver depuis 2003. En plus de s’engager dans d’innombrables activités de plaidoyers et de rencontres informelles avec les autorités publiques, Tikanath Kandel a formulé une plainte auprès de la Commission nationale des droits de l’homme et a déposé deux demandes d’habeas corpus auprès de la Cour Suprême du Népal.

Le sort de Amrit Kandel reste inconnu et aucune enquête ou poursuite pénale n’a été initiée contre les auteurs de ces crimes. Leurs espoirs quant aux actions du système juridique népalais s’étant estompés, le Comité des droits de l’homme représente désormais l’unique chance, pour les proches de Amrit Kandel, d’obtenir vérité, justice et réparation.

La victime saisit le Comité des droits de l’homme

En avril 2014, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme au nom de Amrit Kandel et de sa famille, Tikanath et Ramhari Kandel.

 

La décision

Le 2 août 2019, le Comité des droits de l’homme a reconnu que l’Etat du Népal a violé les articles 6 (droit à la vie), 7 (interdiction de la torture), 9 (droit à la liberté) et 16 (droit à la reconnaissance de la personnalité juridique) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lus en combinaison avec l’article 2 (3) (droit à un recours utile) du Pacte à l’égard de M. Amrit Kandel, ainsi que l’article 7, lu séparément et conjointement avec l’article 2 (3), à l’égard de Tikanath et Ramhari Kandel.

Le Comité des droits de l’homme a également déclaré que « l’Etat partie a l’obligation de de garantir un recours utile aux auteurs. Cela implique de réparer intégralement les individus dont les droits protégés par le Pacte ont été violés. »

 

Le Contexte général

Cette affaire s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne ayant accablé le Népal entre 1996 et 2006, qui a causé non seulement des graves dommages économiques et sociaux, mais a également mis le nom du pays sur la liste des principaux violateurs des droits humains à travers le monde. Les disparitions forcées, la torture, les exécutions sommaires et les détentions arbitraires perpétrées par les agents de l’Etat aussi bien que par les Maoïstes, étaient largement répandues au cours de cette période. Selon le Haut-Commissariat aux droits de l’homme, plus de 1’300 cas présumés de disparitions forcées ont eu lieu durant cette période.

 

En mai dernier, le Président du Népal a promulgué une loi sur la ‘Commission de vérité et réconciliation’. Violant les standards internationaux en matière de droits humains, cette loi s’avère être très préoccupante car elle contribuerait à ancrer encore davantage l’impunité au Népal.

TRIAL appelle donc à son amendement et rappelle que les mécanismes de justice transitionnelle népalais actuels sont totalement inadéquats car ils :

  • forcent la réconciliation entre les victimes et les responsables
  • accordent l’amnistie aux auteurs de crimes internationaux

De plus, le système de poursuites des crimes commis durant la guerre ne permet pas d’établir la responsabilité pénale des auteurs.

Sur la base d’une analyse détaillée (en anglais) des principales failles de la loi, TRIAL exhorte les organes des droits humains de l’ONU à appeler le gouvernement népalais à modifier la loi afin d’assurer que le processus de justice transitionnelle garantisse pleinement vérité, justice et réparations.

L’une des principales instances des Nations Unies en matière de droits humains a jugé que les mécanismes de justice transitionnelle prévus par le gouvernement népalais ne répondent pas aux standards internationaux, principalement parce qu’ils n’offrent pas suffisamment de garanties aux victimes de la guerre civile de réaliser leurs droits à la justice et à la vérité.

 

Le 12 octobre 2012, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) a adopté ses conclusions sur la recevabilité d’un cas de disparition forcée soumis par TRIAL le 27 octobre 2010. Dans sa décision sur la recevabilité du cas de Yuba Kumani c. Nepal, publiée cette semaine, le CDH a rejeté les arguments présentés par le gouvernement népalais, qui souhaitait que le cas soit déclaré irrecevable. Le CDH va donc continuer à examiner le bien-fondé de l’affaire, dans l’attente des explications que le gouvernement népalais doit apporter dans les six prochains mois.

En octobre 2010, TRIAL (association suisse contre l’impunité) a soumis une communication au CDH concernant la disparition forcée de M. Katwal qui a eu lieu en 2001. Chargée de représenter Mme Katwal, la femme de la victime, qui n’a eu de cesse d’essayer d’établir la vérité sur le sort de son mari, TRIAL a soutenu que le Népal violait, entre autres, le droit à la vie de M. Katwal, l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique et le droit à un recours effectif. TRIAL a aussi soutenu que Mme Katwal a été elle-même victime de violation de son droit à être traitée avec dignité dans la mesure où elle a été arrêtée, harcelée et maltraitée par l’armée népalaise dans le but de la réduire au silence ; et en raison des angoisses causées, d’une part, par la disparition forcée de son mari, et d’autre part, par l’incapacité du gouvernement à établir la vérité sur le sort de son mari, de garantir que justice soit faite et d’offrir une compensation adéquate.

Le gouvernement népalais a demandé que le cas de M. Katwal soit déclaré irrecevable par le CDH en affirmant, entre autres, que les cas de violations des droits humains qui ont eu lieu durant la guerre civile seront examinés par les mécanismes de justice transitionnelle qui sont actuellement en cours d’examen par le Népal, à savoir la Commission de Vérité et Réconciliation et la Commission sur les disparitions forcées. Le gouvernement a également affirmé qu’une enquête pénale sur la disparition de M. Katwal était en cours.

Selon TRIAL, « le Comité des droits de l’Homme condamne l’argument central du gouvernement népalais, présenté de manière récurrente aux victimes de violations des droits humains, à savoir qu’elles doivent encore patienter. Cette décision montre clairement que le Népal ne va pas dans la bonne direction et qu’il doit œuvrer rapidement de rétablir la vérité et la justice pour les nombreuses victimes de violations graves de droits humains. »

Cependant, le CDH a accepté les arguments de TRIAL qui soutient qu’il n’y a pas de certitude quant au moment où ces mécanismes de justice transitionnelle entreront en vigueur, ni sur leurs compétences et les conséquences qu’ils auront sur les victimes et leurs proches. De plus, le CDH a reconnu que, si tant est qu’ils soient créés un jour, de tels mécanismes ne seraient pas judiciaires et, en tant que tels, ne seraient pas considérés comme offrant un  » recours effectif  » devant être épuisé avant de porter l’affaire devant le CDH. Le Comité a aussi déclaré que, dans le cas d’espèce, le Népal n’a pas réussi à prouver qu’une enquête pénale sur les crimes commis à l’encontre de M. Katwal était vraiment ouverte. Qui plus est, le CDH considère le fait que les premières démarches concernant le cas de M. Katwal aient été prises en 2007 et que, à ce jour, onze ans après la disparition, l’enquête est toujours en cours et excède tout délai raisonnable.

Les conclusions du CDH sur la nature de ces potentiels mécanismes de justice transitionnelle est d’une importance cruciale et montre que, même s’ils étaient mis en place, ces derniers ne seraient pas considérés comme offrant assez de garanties pour réaliser les droits des victimes à la justice et à la vérité. Si le Népal n’a pas l’intention de continuer à violer ses obligations internationales, il doit s’assurer que ses autorités entreprennent les mesures nécessaires pour enquêter sans délai sur les violations commises durant le conflit civil, identifier les responsables, les juger devant les tribunaux ordinaires compétents et, cas échéant, les sanctionner en prenant en compte la gravité des crimes commis. Toute autre proposition serait considérée comme une tentative de pérennisation d’un état général d’impunité et une violation flagrante des obligations internationales du Népal.

Cette importante décision ouvre également la voie à l’ouverture de nouvelles affaires devant le CDH.

Pour plus d’information:

Genève/Katmandou – 21 mai 2012

Après treize années de désespoir, de déni et d’attente de justice et de vérité, deux familles de victimes de disparitions forcées durant la guerre civile au Népal ont saisi les Nations unies. Les auteurs de ces crimes doivent répondre de leurs actes, indique TRIAL.

Il y a aujourd’hui treize ans, le 21 mai 1999, M. Danda Pani Neupane et M. Milan Nepali ont été arrêtés à Katmandou par la police népalaise, suspectés d’appartenir au Parti Communiste du Népal (maoïste) (PCN-M). Les deux hommes ont été vus sous la garde de la police népalaise environ un mois après leur arrestation en juin 1999, mais n’ont jamais été revus depuis, ni vivants, ni morts. La police népalaise n’a cessé de nier l’arrestation ou l’emprisonnement de M. Neupane et de M. Nepali, et cela malgré le fait que des témoins oculaires ont confirmé leur arrestation et leur détention ultérieure dans les locaux tant du quartier général de la police que du centre d’entraînement de police de Katmandou.

La probabilité que les familles de M. Neupane et de M. Nepali obtiennent un jour la vérité sur le sort de ces derniers s’amenuisent à mesure que le Gouvernement du Népal refuse d’exécuter dans leur intégralité tant les décisions de sa propre Cour suprême que les obligations auxquelles il est légalement tenu en vertu du droit international.

Pendant treize longues années, les membres de la famille des deux hommes ont attendu des nouvelles mais n’ont récolté que l’indifférence des autorités. Tout espoir que le Gouvernement népalais exécute la décision historique de la Cour suprême de juin 2007, qui ordonnait l’établissement d’une Commission d’investigation sur les disparitions, visant à enquêter sur les affaires de disparitions forcées et poursuivre les responsables, a depuis longtemps été abandonné.

Presque cinq ans après cette décision de la Cour suprême, l’Assemblée Constituante reste paralysée par des luttes de pouvoir et des disputes futiles, et les projets de loi établissant la Commission sur les disparus et la Commission de Vérité et Réconciliation (CVR) n’ont pas encore été adoptés. Une réelle crainte demeure que même si ces deux projets de lois de justice transitionnelle devaient être adoptés, ils ne respecteraient pas les standards légaux internationaux s’agissant des droits des victimes à la vérité et à réparation, ni les obligations de l’Etat du Népal d’enquêter, de poursuivre et de punir les auteurs de disparitions forcées. En outre, des amendements proposés récemment par les partis au pouvoir donneraient compétence à la CVR d’amnistier les dirigeants et les membres des forces gouvernementales et des groupes armés pour des actes qui pourraient constituer des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

La probabilité que les familles de M. Neupane et de M. Nepali obtiennent un jour la vérité sur le sort de ces derniers s’amenuise à mesure que le Gouvernement du Népal refuse d’exécuter dans leur intégralité tant les décisions de sa propre Cour suprême que les obligations auxquelles il est légalement tenu en vertu du droit international. Les cas de M. Neupane et de M. Nepali ne sont au demeurant pas uniques: les familles de plus de mille victimes de disparitions forcées ont dû endurer de façon similaire des années d’indifférence de la part des autorités et la souffrance prolongée que cela a entraînée.

Pour le treizième anniversaire de la disparition forcée de Danda Pani Neupane et de Milan Nepali, TRIAL (Association Suisse contre l’impunité) a soumis leurs cas auComité des droits de l’homme des Nations unies. TRIAL demande au Comité de requérir du Gouvernement népalais qu’il garantisse une prompte enquête sur leur privation arbitraire de liberté et leur disparition forcée subséquente; qu’il traduise en justice les auteurs de ces crimes; qu’il fournisse aux familles une compensation satisfaisante et d’autres mesures de réparation ; et en cas de décès, qu’il localise, exhume, identifie et rende les dépouilles à leurs familles.

Contexte général

En 1996, un violent conflit armé a éclaté entre les insurgés maoïstes et le Gouvernement népalais. Près de 14’000 personnes ont perdu la vie durant les dix ans de guerre civile qui s’ensuivirent. De graves violations des droits de l’homme, telles que des arrestations arbitraires, enlèvements, viols, torture et exécutions extrajudiciaires, ont été commises par les deux parties au conflit. Le recours aux disparitions forcées a été généralisé, avec plus de 2’100 cas rapportés pendant le conflit. Malgré la signature d’un accord de paix en novembre 2006 entre les maoïstes et le gouvernement, les autorités n’ont encore entamé aucune enquête sérieuse sur les crimes commis durant le conflit et aucun responsable n’a été condamné à ce jour. Ainsi, plus de cinq années après la fin du conflit, les auteurs de crimes jouissent d’une immunité totale et les victimes voient leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation bafoué.

Les dossiers de M. Danda Pani Neupane et de M. Milan Nepali constituent les 8ème et 9ème affaires déposées par TRIAL auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies. Tous les dossiers sont actuellement en cours d’examen par le Comité.

TRIAL (association suisse contre l’impunité) a introduit le 27 octobre 2010 une requête devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies suite à la disparition forcée de Chakra Bahadur Katwal en 2001.

RTEmagicC_Chakra_Bahadur_Katwal_nepal_05.jpgd’Okhaldhunga, afin de satisfaire à une demande de renseignements. Arrivé à Okhaldhunga quelques jours plus tard, M. Katwal s’est rendu auprès du Bureau de l’Education, où un employé lui aurait indiqué qu’il devait se présenter au poste de police du district pour répondre à un simple interrogatoire. De là, il aurait été emmené de force dans l’un des bâtiments de l’armée. Le lendemain, des témoins ont vu des soldats porter M. Katwal par les bras et les jambes. Il portait des traces de coups sur tout le corps, ses vêtements étaient ensanglantés et il semblait avoir perdu connaissance. La victime a été transportée dans les locaux du poste de police, d’où elle n’a jamais reparu.

L’épouse et la fille victimes de sévices

Depuis la disparition de M. Katwal, son épouse n’a eu de cesse de rechercher la vérité auprès des autorités. Non seulement les démarches de Mme Katwal sont restées vaines, mais encore a-t-elle dû subir le harcèlement de l’armée népalaise ainsi que de sévères mauvais traitements infligés lors de son arrestation et de sa détention en 2005, qui avaient pour but de la forcer à garder le silence sur l’implication de l’armée dans la disparition de son mari. Sa fille a également subi de graves sévices physiques et psychologiques au cours d’une période de six semaines en 2005 pendant laquelle elle a été détenue arbitrairement par l’armée Suite à cela, elle a dû être hospitalisée. Cependant, malgré les soins médicaux prodigués, le jeune femme conserve à ce jour d’importantes séquelles.

En juillet 2006, la Cour suprême du Népal a été saisie par les proches du disparu. Le 1erjuin 2007, elle a confirmé que M. Katwal avait été arrêté et détenu arbitrairement par l’armée et la police népalaises et que les mauvais traitements qu’il avait subis alors avaient entraîné sa mort. La Cour suprême a ordonné la poursuite pénale des personnes impliquées dans cette affaire et dont les noms ont été cités dans le rapport d’enquête. Cependant, à ce jour aucune suite n’a été donnée par les autorités de poursuites et l’impunité perdure. La famille de M. Katwal ignore par ailleurs toujours ce qu’il est advenu de son corps.

Le 27 octobre 2010, TRIAL a donc déposé pour le compte de Mme Katwal une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant de reconnaître que le Népal a violé de nombreux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que le Népal a pourtant ratifié, suite à la disparition forcée de M. Katwal ; de requérir du Népal qu’il mène une enquête afin de localiser précisément l’endroit où a été enterré le corps de M. Katwal et de procéder à son exhumation afin que sa famille puisse organiser des funérailles selon ses traditions ; de demander au Népal de poursuivre pénalement les responsables de la disparition de M. Katwal ; de déclarer que le Népal a également violé le Pacte en raison des souffrances causées à la femme et à la famille de Katwal du fait de sa disparition ; de requérir du Népal qu’il accorde intégralement et dans les plus brefs délais une juste et adéquate compensation pour la souffrance et les pertes causées par la disparition de M. Katwal et de prendre en charge les coûts de l’exhumation et de la cérémonie funéraire; enfin, de demander au Népal de fournir les garanties nécessaires à la non répétition d’actes similaires à ceux dont a souffert M. Katwal ainsi que l’assurance que Mme Katwal et sa famille ne seront pas menacés durant la suite de la procédure.

Contexte

La disparition de M. Katwal s’inscrit dans un contexte d’état d’urgence décrété par le gouvernement népalais en novembre 2001. L’Etat, qui a ainsi pu endurcir sa politique de répression à l’encontre des personnes suspectées d’aider les insurgés maoïstes, s’est arrogé le pouvoir de déroger au respect des droits et libertés fondamentaux. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrées par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Depuis le lancement du projet fin 2007, TRIAL a saisi différentes instances internationales de près de 60 affaires, concernant des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des actes de torture en Bosnie-Herzégovine, en Algérie et en Libye. La présente affaire constitue le premier dossier à propos du Népal.