Disparition forcée de Danda Pani Neupane en mai 1999

12.02.2016 ( Modifié le : 24.08.2017 )

L’affaire

En mai 2012, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations unies concernant la disparition forcée de M. Danda Pani Neupane en mai 1999. Dans cette procédure, TRIAL représente également Mme Shanta Neupane, l’épouse de la victime, et Mme Nisha Neupane, fille de la victime.

M. Neupane était membre actif du Parti Communiste du Népal – Maoïstes (PCN-M) depuis la création du parti en 1985. Il avait été emprisonné à trois reprise dans les années 1970 pendant la période Panchayat (de 1962 à 1990) pour son implication dans des activités politiques, ce qui était illégal à cette période-là. Il a été arrêté en 1972 et détenu pendant cinq jours, en 1973 pendant 10 jours et enfin en 1975 pendant huit mois. Au moment de son arrestation arbitraire et de la disparition forcée qui s’ensuivit, M. Danda Pani Neupane était membre du Comité centrale du PCN-M et chef du département de publication du parti. En tant que membre éminent du PCN-M, Mr. Neupane vivait clandestinement dès le début de la « guerre populaire » en 1996 pour éviter d’être arrêté par la police.

Deux témoins oculaires ont rapporté que M. Neupane a été arrêté par quatre policiers en uniforme à Sundhara, près de Tebahal dans la province de Kathmandu aux alentours de 17h30 le 21 mai 1999. Il aurait été emmené de force sur une camionnette avec d’autres policiers en uniforme avant d’être conduit vers une destination inconnue. En juin 1999, un policier originaire du même comité de développement villageois que M. Neupane qui se trouvait temporairement au centre d’entraînement de la police à Maharajguni, Kathmandu, aurait vu M. Neupane détenu par la police dans le centre d’entraînement pour une période d’environ trente jours (pas clair: on ne peut pas voir quelqu’un pendant 30 jours). À cette occasion, M. Neupane a été vu pour la dernière fois. Mme Neupane n’a pas eu de nouvelles concernant son mari pendant treize ans.

La famille de M. Danda Pani Neupane a pris de nombreuses mesures afin de le retrouver. Mme Neupane s’est rendue au Bureau de Police du district (DPO) à Hanumandhoka, Katmandou le 25 mai 1999 pour essayer de retrouver son mari, mais le poste de police a refusé de remettre des vêtements propres à M. Neupane et de le faire ausculter par des médecines en prétextant ant qu’il n’avait jamais été arrêté ni détenu par la police à cet endroit. Entre le 26 et le 30 mai 1999, Mme Neupane a visité les trois prisons principales à Kathmandu: la prison centrale, la prison Nakhu et la prison Charkhal, mais les autorités de chaque prison lui ont systématiquement fait savoir que M. Neupane n’avait jamais été arrêté ni détenu en ces lieux.

Ne pouvant pas localiser son mari, le 26 mai 1999 Mme Neupane a soumis une demande de habeas corpus devant la Cour Suprême. La Cour a classé la demande le 12 juillet 1999 car, étant donné que les autorités (le Ministère de l’Interieures, le commissariat de la police népalaise à Naxal, Katmandou, l’administration du district de Kathmandu et le poste de Police du district de Hanumandhoka Kathmandu) ont nié l’arrestation et la détention de M. Neupane, sa position n’a pu pas être déterminé et, par conséquent, la demande d’habeas corpus a été rendue inapplicable.

Mme Neupane a soumis une deuxième demande d’habeas corpus à la Cour Suprême le 17 août 1999, mais elle a été classée par la Cour Suprême le 5 juillet 2000 pour les mêmes motifs.

La famille de M. Neupane a aussi entrepris plusieurs démarches non judiciaires afin d’obtenir des informations sur son sort. Le 14 juin 1999, sa famille et six autres victimes de disparitions forcées ont tenu une conférence de presse et ont lancé un appel au grand public et aux autorités gouvernementales afin d’obtenir des informations sur la disparition de M. Neupane. Le 20 juin 1999, la famille de M. Neupane a soumis un appel écrit au parlement afin que le lieu de détention de celui-ci et de quinze autres disparus soit rendu public et que ces personnes soient immédiatement relâchées. Mme Neupane a aussi contacté Amnesty International (AI) en juillet 1999 en informant l’organisation de la disparition de son mari. AI a publié deux appels urgents en réponse à la demande d’assistance de Mme Neupane: le premier le 13 août 1999, le deuxième en février 2000. Le 20 septembre 1999, l’Association des Familles des Victimes de Disparitions dues à l’Etat (FVSDA), co-fondée par Mme Neupane, a soumis un nouvel appel écrit au Premier Ministre népalais et a publié une communiqué de presse en demandant à nouveau que le sort de M. Neupane et d’autres individus disparus soit établi et rendu public.

Cependant, à ce jour, excepté la compensation provisoire minime de 100.000 NRs (environ 1’000 euros) obtenue en 2008, la famille de M. Neupane n’a pas eu accès à la justice et à la vérité, ni obtenu de réparations adéquates de la part du gouvernement népalais pour la perte tragique de M. Neupane.

En mai 2012, TRIAL a donc déposé une communication individuelle auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant:

 

La décision

Le Comité des droits de l’homme a rendu sa décision le 21 juillet 2017. Il a déclaré le Népal responsable d’avoir violé plusieurs dispositions du Pacte International relatif aux droits civils et politiques, y compris le droit à la vie, à la liberté personnelle, à la reconnaissance de la personnalité juridique de la victime et l’interdiction de la torture. Le Comité a également déclaré que le Népal avait soumis l’épouse et la fille mineure de M. Neupane à un traitement inhumain et dégradant en n’établissant pas la vérité sur le sort de leur proche.

Le Comité demande au Népal de :

  • Mener une enquête autour de la disparition de M. Neupane et, dans le cas où il serait décédé, localiser sa dépouille et la ramener à sa famille ;
  • Poursuivre, juger et punir les responsables ;
  • Indemniser de manière adéquate l’épouse et la fille mineure de M. Neupane, et garantir qu’elles obtiennent des mesures de satisfaction ;
  • Fournir à son épouse et sa fille mineure une réhabilitation psychologique et les soins médicaux nécessaires ;
  • Prévenir les violations similaires dans le futur et s’assurer que la législation permette de poursuivre les responsables de crimes de torture et de disparition forcée ; et que chaque cas de disparition forcée conduise à l’ouverture d’une enquête.

Le Népal a 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour mettre en œuvre cette décision.

 

Le contexte général

La disparition de M. Neupane s’inscrit dans le contexte du conflit armé interne qui a accablé le Népal entre fin 1996 lorsque le parti communiste maoïste a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel et novembre 2006 lorsque les différentes parties impliquées ont signé l’accord de paix ayant mis fin au conflit. Le conflit armé a placé le Népal dans la liste des violateurs majeurs des droits de l’homme. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période.

Malgré l’adoption de l’accord de paix de novembre 2006, les autorités népalaises ont failli à leur devoir de commencer une investigation sérieuse par rapport aux crimes perpétrés pendant la guerre civile et aucun responsable de ces crimes n’a été condamné jusqu’à présent. Par conséquent, plus de cinq ans après la conclusion du conflit, les auteurs jouissent encore d’une immunité absolue tandis que les droits fondamentaux à la vérité, à la justice et à la réparation des victimes sont toujours niés.

 

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