RDC : Suppression des frais de justice – Une avancée majeure pour les victimes de crimes graves
Dans un jugement prononcé le 12 avril 2023, un tribunal congolais a, pour la première fois, exempté les victimes du paiement d’une « consignation », somme d’argent qui conditionne leur participation au procès en tant que parties civiles. Cette décision, première application d’une loi de décembre 2022, représente une avancée majeure pour l’accès à la justice de victimes de crimes de masse en République démocratique du Congo.
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UNE NOUVELLE LOI SUR LA PROTECTION ET RÉPARATION DES VICTIMES DE CRIMES GRAVES
En effet, la loi promulguée le 26 décembre 2022 relative à la protection et à la réparation des victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, a rendu possible la suppression des frais de consignation et de justice en faveur de ces victimes. Cette disposition a trouvé par le jugement du 12 avril 2023 sa première application concrète. Elle devrait pouvoir être invoquée dans toutes les procédures futures de ce genre et ainsi éliminer l’un des obstacles à l’accès des victimes à la justice.
Pour pouvoir se constituer partie-civile dans un procès pénal et ainsi avoir une chance d’obtenir des réparations pour les crimes qu’elle a subis, les règles de procédure pénale congolaises imposent à toute personne de verser une consignation à la juridiction. Cette obligation vise notamment à décourager des démarches sans fondement ou abusives. Mais les victimes de crimes internationaux ont souvent tout perdu et se trouvent dans une situation financière extrêmement précaire. Il leur est donc généralement tout simplement impossible de mobiliser ces ressources conditionnant pourtant leur participation au procès et ainsi la reconnaissance des torts qui leur ont été faits.
L’ACCÈS A LA JUSTICE, PRIORITÉ DU GOUVERNEMENT CONGOLAIS
L’amélioration de l’accès à la justice, en particulier pour les plus démuni·e·s, est l’un des quatre objectifs prioritaires définis par la Politique Nationale de Réforme de la Justice adoptée par le gouvernement congolais en 2017. Outre un manque d’information sur leurs droits, l’éloignement physique des juridictions et d’autres dysfonctionnements structurels du système judiciaire congolais, les victimes rencontrent deux obstacles d’ordre financier lorsqu’elles souhaitent obtenir justice : les frais d’avocats et les frais de procédure.
« En supprimant les frais de consignation, la décision du tribunal militaire de Kananga ouvre la voie à de nombreuses autres victimes de crimes de masses en RDC qui restent en mal de justice » explique Daniele Perissi, responsable du programme de TRIAL International. « Nous espérons que le gouvernement congolais redouble ses efforts pour rapidement mettre en œuvre les autres dispositions de la loi de décembre 2022, y compris le début des opérations du Fonds national de réparation des victimes ».
UNE NOUVELLE CONDAMNATION DE MILICIENS DU KAMUINA NSAPU
Dans sa décision du 12 avril 2013, le tribunal a reconnu deux nouveaux membres de la milice des Kamuina Nsapu dirigée par Nsumbu Katende coupables de crimes de guerre par meurtre, torture, prise d’otage, pillage et destruction de biens. Ils ont été condamnés à perpétuité. Le tribunal a octroyé des réparations financières allant de 1000 et 40 000 dollars aux victimes de ces crimes qui ont participé au procès, représentées par un collectif d’avocat·e·s que TRIAL International a accompagné.
En 2024, la Haute Cour Militaire du Kasai a confirmé en appel la condamnation des accusés, en réduisant la peine de perpétuité à respectivement 20, 15 et 10 ans de prison. Elle a confirmé les crimes de guerre, les quatre crimes de meurtre, destruction de propriété, pillage et prise d’otages mais n’a pas retenu le crime de torture.