Execution d’un mineur au Népal : 18 ans en quête de justice

04.04.2018 ( Modifié le : 24.05.2022 )

AFFAIRE ANIL CHAUDARY C. NEPAL

Anil Chaudhary avait 15 ans lorsqu’il a été abattu par des agents de sécurité. Depuis lors, ses parents ont inlassablement cherché justice. Le 28 mars, 14 ans après la mort d’Anil Chaudhary, TRIAL International porte l’affaire devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies (CDH).

 

L’AFFAIRE

Anil Chaudhary est né dans le district de Bardiya et appartenait au groupe ethnique autochtone Tharus.

Le 15 mars 2004, Anil Chaudhary faisait du vélo avec son voisin Ram Prasad Chaudhary vers le village de Fattepur, où il vivait à cette époque. Sur leur chemin, les garçons ont été interceptés par un groupe d’environ 200 agents de sécurité.

Certains d’entre eux ont attaché les mains des garçons dans leur dos et les ont interrogés sur des liens potentiels avec la guérilla maoïste. Ils ont soumis les deux mineurs à des agressions verbales et physiques. Ils les ont ensuite entraînés vers un canal non loin, où ils ont continué de les rouer de coups. Un officier a alors tiré une balle mortelle sur Ram Prasad Chaudhary. Anil Chaudhary a été témoin de l’exécution extrajudiciaire. Il a par la suite été interrogé et maltraité pendant une demi-heure, avant d’être tué par trois balles dans la tête.

 

LA QUÊTE DE JUSTICE

Au cours des 18 dernières années, les parents d’Anil Chaudhary ont tenté d’obtenir justice et réparation.

Ils ont à plusieurs reprises déposé des plaintes auprès de différentes autorités népalaises, sans succès. Après de nombreuses tentatives, la police aurait enregistré une plainte pénale (« premier rapport d’information »), sans vouloir leur fournir des informations.

À ce jour, personne n’a été tenu responsable de la mort d’Anil Chaudhary, et sa famille n’a pas reçu d’indemnisation adéquate pour les dommages subis.

Ayant épuisé tous les recours internes et avec l’aide de TRIAL International, les parents d’Anil Chaudhary se sont adressés au CDH le 28 mars 2018.

L’affaire est actuellement en cours.

 

VIOLATIONS ALLEGUEES

Il est allégué qu’Anil Chaudhary est une victime d’arrestation arbitraire, de tortures et d’exécution extrajudiciaire commises par des agents de sécurité népalais, en violation des articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Ces violations avaient un motif présumé discriminatoire fondé sur son appartenance ethnique et ont été aggravées par le fait qu’il était mineur au moment des faits.

TRIAL International demande au CDH d’établir que le Népal a violé les droits d’Anil Chaudhary et est tenu obligé, entre autres, d’enquêter sur sa mort, de tenir les auteurs pour responsables de leurs actes, et d’indemniser convenablement ses parents.

 

Les Nations unies reconnaissent la responsabilité du Népal dans la torture et l’exécution extrajudiciaire d’Anil par une décision le 20 mai 2022

Le Comité des droits de l’homme a constaté qu’Anil a été soumis à une privation arbitraire de liberté et à une exécution extrajudiciaire et qu’il a été pris pour cible en tant que jeune garçon, membre de la communauté indigène Tharu. Le Népal n’a pas respecté ses obligations et les enquêtes menées n’ont pas été adéquates et n’ont fait que favoriser l’impunité. Cette situation a été facilitée par une législation déficiente, notamment en ce qui concerne le délai de prescription applicable en matière de torture.
Les parents d’Anil ont également été considérés comme des victimes de violations par l’État, d’une part en raison de la peur et de l’angoisse ressenties et entretenues par l’absence de réponses adéquates sur la mort de leur fils et, d’autre part, parce qu’ils ont fait l’objet de menaces et de harcèlement et que la réputation de leur fils a été affectée puisqu’il a été étiqueté comme terroriste.
Tout ce qui précède, se traduit par la reconnaissance que le Népal a violé les arts. 6 (droit à la vie), 7 (interdiction de la torture) et 9 (droit à la liberté individuelle) lus seuls et en conjonction avec les arts. 2.3 (droit à un recours effectif), 24.1 (droits de l’enfant) et 26 (interdiction de la discrimination) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard d’Anil.
Le Népal a également violé les art. 7 (interdiction de la torture), lu seul et en conjonction avec l’art. 2.3 (droit à un recours effectif) et l’art. 17 (droit à la vie privée et à la vie familiale) des parents d’Anil.

Le HRC a indiqué que le Népal doit:- enquêter sur les événements, identifier les responsables, les poursuivre et les sanctionner. Les résultats de l’enquête doivent être rendus publics.
– fournir aux parents d’Anil une réhabilitation psychologique et un traitement médical gratuits.
– fournir une compensation adéquate aux parents d’Anil.
– présenter des excuses officielles aux parents d’Anil et construire un mémorial au nom d’Anil, afin de restaurer son nom et celui de sa famille.
– modifier la législation nationale, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à la torture.

LE CONTEXTE GÉNÉRAL

Cette affaire doit être lue dans le contexte du conflit armé interne de dix ans qui a opposé le gouvernement népalais et le parti communiste népalais-maoïste. Au cours de ces années, les arrestations arbitraires, les tortures et les exécutions extrajudiciaires ont été pratiquées de façon systématique. Les événements se sont déroulés dans le district de Bardiya, particulièrement touché par le conflit. Les indigènes Tharus, y compris les femmes et les enfants, étaient souvent associés à la guérilla maoïste et ciblés par les forces de sécurité.

 

Lire plus sur l’impunité au Népal
Lire un autre cas d’exécution extrajudiciaire d’un mineur au Népal (en anglais)

Lire le communiqué de presse sur la décision du CDH

 

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