Denver (États-Unis) et Banjul (Gambie), 26 mars 2025 – Michael Sang Correa, membre présumé d’un escadron de la mort gambien, doit être jugé à partir du 7 avril 2025 devant le tribunal de district américain de Denver pour torture. C’est la première fois qu’un citoyen non américain sera jugé devant un tribunal fédéral américain pour des actes de torture commis à l’étranger.

Visuel_Chronologie affaire Michael Correa

Michael Correa est accusé de six chefs de torture et d’un chef de complot en vue de commettre des actes de torture. Il serait un ancien membre des Junglers, un escadron de la mort notoire en Gambie opérant sous l’ancien président gambien Yahya Jammeh. L’acte d’accusation allègue qu’à la suite d’une tentative de coup d’État contre le régime de Jammeh en 2006, M. Correa et d’autres Junglers ont torturé des participants présumés au coup d’État, notamment en les battant, en les étouffant avec des sacs en plastique et en les soumettant à des décharges électriques.

Le gouvernement américain a porté plainte en vertu de l’extraterritorial Torture Act, une loi pénale qui lui permet de poursuivre en justice des individus retrouvés aux États-Unis pour des actes de torture commis à l’étranger. Ce procès a attiré l’attention des défenseurs·seuses des droits humains et des expert·e·s juridiques, car il s’agit du premier procès d’un citoyen non américain depuis l’adoption de la loi sur la torture en 1994, et seulement du troisième procès en vertu de cette loi. Une coalition d’organisations de défense des droits humains, dont le Center for Justice and Accountability (CJA), des représentants de l’Alliance des organisations de victimes (AVLO) et TRIAL International, a joué un rôle crucial en exhortant les États-Unis à enquêter sur les allégations de crimes internationaux attribués à M. Correa en Gambie. CJA représente plusieurs des victimes présumées de M. Correa, conjointement avec le cabinet d’avocats King and Spalding LLP.

Le procès est une étape cruciale vers l’obtention de la vérité et de la justice pour les victimes de la dictature de Jammeh, qui a été caractérisée par des violations généralisées des droits humains, notamment des disparitions forcées, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires , des violences sexuelles et des détentions arbitraires.

Le procès, qui devait initialement avoir lieu en septembre 2024, se tiendra au 7 au 18 avril 2025 au tribunal Alfred A. Arraj à Denver. Des informations supplémentaires peuvent également être trouvées ici.

 

À propos du Centre pour la justice et la responsabilité

Le Center for Justice and Accountability (CJA) est une organisation internationale de défense des droits humains basée à San Francisco qui se consacre à travailler avec les communautés touchées par la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains pour rechercher la vérité, la justice et réparation en utilisant des stratégies innovantes en matière de contentieux et de justice transitionnelle.

A propos de L’alliance gambienne des organisations de victimes

L’alliance des organisations de victimes (AVLO) est une coalition d’organisations de la société civile gambienne qui défend et représente les intérêts des victimes de violations des droits humains en Gambie.

À propos de TRIAL International

TRIAL International est une ONG internationale luttant contre l’impunité des crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la torture, les disparitions forcées et les violences sexuelles liées aux conflits. Fondée en 2002, elle possède des bureaux en Suisse, en Bosnie-Herzégovine et en République démocratique du Congo (RDC).

 

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Ou veuillez contacter:

  • Anja Härtwig, TRIAL International, à Genève (français, anglais, allemand): media@trialinternational.org, +41 22 519 03 96
  • Ela Matthews, The Center for Justice and Accountability, à Londres (anglais): ematthews@cja.org, +44 786 272 89 39
  • Sirra Ndow, Alliance of Victim-Led Organisations, à Banjul (anglais): avlogambia@gmail.com, +220 373 77 66

(Banjul, Denver, Genève, 12 septembre 2024) – Le procès de Michael Sang Correa pour des actes de torture prétendument commis en Gambie, qui devait initialement s’ouvrir le 16 septembre 2024, a été reporté.

La semaine dernière, les avocats de la défense de Michael Sang Correa ont déposé deux requêtes auprès de la Cour. Les requêtes expliquaient que la défense souhaitait présenter le témoignage de deux témoins pour étayer l’argument selon lequel M Correa était sous la contrainte lorsqu’il a commis les actes de torture allégués dans l’acte d’accusation. Selon les requêtes, les témoins ont refusé de se rendre aux États-Unis à moins que le gouvernement américain ne leur accorde l’immunité de poursuites. Les États-Unis ont refusé d’offrir cette immunité.

La première requête (PDF en anglais) demandait à la Cour de classer l’affaire contre M Correa, arguant que le gouvernement ne facilitait pas la présence de ces témoins. Le 10 septembre, la Cour a rejeté la demande de non-lieu. (PDF en anglais) La seconde requête demandait à la cour de reporter le procès pour permettre aux avocats de M Correa de se rendre en Gambie pour enregistrer les dépositions sous serment des deux témoins.

Le 11 septembre 2024, la juge a accédé à la seconde requête. Elle a estimé qu’il était essentiel de garantir à M Correa le droit de présenter des témoins pour sa défense afin de protéger ses droits à une procédure régulière. Les droits de la défense sont garantis par le droit international et la Constitution des États-Unis : ils offrent aux accusés tels que M Correa une possibilité raisonnable de se défendre contre des accusations criminelles, permettant un examen approfondi des éléments de preuve et de la preuve de l’accusation.

Le procès sera reporté à une date en 2025.

Pour les demandes médias :
Rebecca-Paris Senior, The Center for Justice and Accountability, à Genève (anglais, français, italien) : rpsenior@cja.org

Denver (États-Unis) et Banjul (Gambie), 26 août 2024 – Michael Sang Correa, membre présumé d’un escadron de la mort gambien, doit être jugé à partir du 16 septembre 2024 devant le tribunal de district américain de Denver pour torture. C’est la première fois qu’un citoyen non américain sera jugé devant un tribunal fédéral américain pour des actes de torture commis à l’étranger.

 

Correa est accusé de six chefs de torture et d’un chef de complot en vue de commettre des actes de torture. Il serait un ancien membre des Junglers, un escadron de la mort notoire en Gambie opérant sous l’ancien président gambien Yahya Jammeh. L’acte d’accusation allègue qu’à la suite d’une tentative de coup d’État contre le régime de Jammeh en 2006, M. Correa et d’autres Junglers ont torturé des participants présumés au coup d’État, notamment en les battant, en les étouffant avec des sacs en plastique et en les soumettant à des décharges électriques.

Le gouvernement américain a porté plainte en vertu de l’extraterritorial Torture Act , une loi pénale qui lui permet de poursuivre en justice des individus retrouvés aux États-Unis pour des actes de torture commis à l’étranger. Ce procès a attiré l’attention des défenseurs·seuses des droits humains et des expert·e·s juridiques, car il s’agit du premier procès d’un citoyen non américain depuis l’adoption de la loi sur la torture en 1994, et seulement du troisième procès en vertu de cette loi. Une coalition d’organisations de défense des droits humains, dont le Center for Justice and Accountability (CJA), des représentants de l’Alliance des organisations de victimes (AVLO) et TRIAL International, a joué un rôle crucial en exhortant les États-Unis à enquêter sur les allégations de crimes internationaux attribués à M. Correa en Gambie. CJA représente plusieurs des victimes présumées de M. Correa.

Le procès est une étape cruciale vers l’obtention de la vérité et de la justice pour les victimes de la dictature de Jammeh, qui a été caractérisée par des violations généralisées des droits humains, notamment des disparitions forcées, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires , des violences sexuelles et des détentions arbitraires.

Le procès devrait avoir lieu du 16 au 27 septembre 2024 au palais de justice des États-Unis Alfred A. Arraj. La faculté de droit de l’Université du Colorado fournira des résumés publics du procès accessibles. Des représentant·e·s de la société civile gambienne, notamment des journalistes et des défenseurs·seuses des droits humains, assisteront au procès en personne et fourniront des mises à jour en temps réel au public gambien. Des informations supplémentaires peuvent également être trouvées ici .

 

À propos du Centre pour la justice et la responsabilité

Le Center for Justice and Accountability (CJA) est une organisation internationale de défense des droits humains basée à San Francisco qui se consacre à travailler avec les communautés touchées par la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains pour rechercher la vérité, la justice et réparation en utilisant des stratégies innovantes en matière de contentieux et de justice transitionnelle.

 

A propos de L’alliance des organisations de victimes (AVLO)

L’alliance des organisations de victimes (AVLO) est une coalition d’organisations de la société civile gambienne qui défend et représente les intérêts des victimes de violations des droits humains en Gambie.

 

À propos de TRIAL International

TRIAL International est une ONG internationale luttant contre l’impunité des crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la torture, les disparitions forcées et les violences sexuelles liées aux conflits. Fondée en 2002, elle possède des bureaux en Suisse, en Bosnie-Herzégovine et en République démocratique du Congo (RDC).

 

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Questions fréquentes

 

1. Qui est Michael Correa et quels sont les faits qu’on lui reproche ?

Michael Correa est un citoyen gambien. Son procès pour des faits de torture commis en Gambie en 2006, aura lieu en septembre 2024 aux États-Unis. Il est accusé d’avoir fait partie des « Junglers » (voir Q 15), un escadron de la mort ayant perpétré de nombreuses violations des droits humains pour le compte de l’ancien président de la Gambie, Yahya Jammeh.

En 2020, le ministère américain de la justice l’a inculpé de torture et de conspiration en vue de commettre des actes de torture à l’encontre d’au moins six personnes. L’acte d’accusation indique que pendant des interrogatoires, Michael Correa et d’autres Junglers ont battu leurs victimes, leur ont mis des sacs plastiques sur la tête et leur ont infligé des chocs électriques, leur causant ainsi des souffrances intenses.

2. Où en est l’affaire Michael Correa ?

Michael Correa a été arrêté et placé en détention pour la première fois en septembre 2019 pour avoir séjourné aux États-Unis après l’expiration de son visa. En juin 2020, il a été inculpé de torture et de conspiration en vue de commettre des actes de torture. Il reste détenu jusqu’à son procès et pendant celui-ci.

La prochaine étape dans l’affaire Correa sera donc son procès, au cours duquel un jury sera confronté aux éléments de preuve recueillis durant l’enquête – notamment des témoignages – ainsi qu’aux arguments de l’accusation et de la défense. Le jury décidera ensuite s’il considère l’accusé coupable ou non des charges retenues à son encontre.

3. Où et quand aura lieu le procès de Michael Correa ?

Le procès de Michael Correa se déroulera à Denver devant le tribunal fédéral du District du Colorado, là où il a été initialement appréhendé. Le procès devrait se dérouler du 16 au 27 septembre 2024. Aux États-Unis, les procès pénaux sont généralement ouverts au public, mais le/la juge peut décider d’en restreindre l’accès, par exemple pour protéger la sécurité d’une personne qui témoigne au procès.

4. Comment la « torture » est-elle définie en droit américain ?

Michael Correa a été inculpé en application de la loi extraterritoriale sur la torture (Torture Act), laquelle permet aux États-Unis de poursuivre les individus qui se trouvent sur son territoire pour des actes de torture commis à l’extérieur de ses frontières. Cette loi définit la « torture » comme un acte commis par un·e agent·e public·que ou une personne agissant à titre officiel dans le but de causer une douleur ou des souffrances physiques ou mentales aiguës à une personne sous son contrôle.

5. Comment le procès va-t-il se dérouler ?

Comme mentionné ci-dessus, durant le procès, l’accusation et la défense présenteront les preuves récoltées ainsi que leurs arguments à un jury. L’accusation peut demander aux victimes de témoigner au procès. Après en avoir pris connaissance, le jury décidera s’il considère Michael Correa coupable – ou non – de chaque chef d’accusation. Pour que Michael Correa soit reconnu coupable, le jury doit retenir qu’il est responsable des actes qui lui sont reprochés « au-delà de tout doute raisonnable ». Cette décision doit être unanime, ce qui signifie que tou·te·s les membres du jury doivent voter en faveur de la culpabilité de Michael Correa. Cela étant, le jury peut déclarer Michael Correa coupable de l’ensemble des chefs d’accusation portés à son encontre ou d’une partie de ceux-ci seulement.

6. Qu’est-ce qu’un jury et comment ses membres sont-ils/elles sélectionné·e·s ?

Le jury est composé de 12 citoyen·ne·s américain·e·s âgé·e·s de plus de 18 ans, résidant dans le Colorado et comprenant l’anglais. Ces 12 juré·e·s sont choisi·e·s au hasard parmi les membres du public qui remplissent les conditions requises. Avant le procès, la défense et l’accusation auront l’occasion de poser des questions à chaque juré·e potentiel·le et pourront demander à ce que des membres soient retirés de la liste. Ce processus se poursuit jusqu’à ce que les 12 juré·e·s et leurs suppléant·e·s soient sélectionné·e·s.

7. Est-ce que Michael Correa devra témoigner lors du procès ?

En vertu du droit américain, les accusé·e·s, ne peuvent être contraint·e·s de témoigner. Bien qu’il n’y soit pas tenu, Michael Correa pourra choisir de témoigner pour sa propre défense. Le cas échéant, il peut être soumis à un contre-interrogatoire de l’accusation.

8. Quel rôle vont jouer les victimes et les survivant·e·s pendant le procès ?

Aux États-Unis, pays de common law, les victimes et les survivant·e·s n’ont pas un rôle comparable à celui des parties civiles dans les pays de droit civil. Toutefois, avec leur accord, l’accusation peut appeler certaines des victimes à témoigner.

Sous certaines conditions, la loi sur les droits des victimes (Crime Victims’ Rights Act) leur permet d’être informé·e·s en temps utile de l’évolution de l’affaire et leur donne le « droit d’être entendu·e·s lors de toute procédure publique devant le tribunal de district concernant la mise en liberté, l’accord sur la culpabilité (plea), la détermination de la peine ou lors d’une procédure de libération conditionnelle ».

9. Quelles seront les conséquences d’un jugement de culpabilité ?

Si Michael Correa est reconnu coupable, le tribunal fixera une audience en vue de déterminer la peine à laquelle il devra être condamné. De telles audiences ont généralement lieu plusieurs semaines après que le jury ait rendu sa décision. L’accusation et la défense y présenteront leurs arguments quant à la peine appropriée devant être prononcée. Les victimes qui remplissent les conditions légales auront également l’occasion de s’exprimer sur les conséquences des actes qu’iels ont subi·e·s.

Cela fait, le ou la juge décidera de la peine à infliger à Michael Correa. Il pourrait être condamné à une peine maximale de 20 ans de prison pour chaque chef d’accusation (count). Ces peines sont cumulables de sorte que, s’il est reconnu coupable de toutes les infractions qui lui sont reprochées, Michael Correa pourrait être condamné à un total de 140 ans de prison.

10. Que se pasera-t-il en cas d’acquittement ?

L’une des issues possibles est que le jury déclare Michael Correa non coupable de tous les chefs d’accusation. Comme il n’a plus de visa américain valide, sa détention pourrait être prolongée jusqu’à ce que les questions d’immigration soient réglées. Il pourrait décider de retourner en Gambie ou y être expulsé, mais il pourrait aussi être autorisé à rester aux États-Unis.

Dans cette dernière hypothèse, la Gambie pourrait toutefois demander son extradition afin de le poursuivre pour d’autres crimes dont il serait présumé auteur.

11. Michael Correa pourra-t-il faire appel d’un verdict de culpabilité ?

Oui. En cas de verdict de culpabilité, Michael Correa peut faire appel pour trois raisons :

  • le procès a été conduit de manière irrégulière ;
  • le ou la juge a commis une erreur dans le traitement de l’affaire ; ou
  • le jury a commis un manquement ou une erreur dans son verdict.[1]

En revanche, l’accusation ne peut pas faire appel d’un acquittement par le jury.

12. Si Michael Correa est condamné à de la prison, pourrait-il bénéficier d’une libération conditionelle ou anticipée ?

Généralement, les personnes condamnées pour des crimes fédéraux – comme ceux dont Michael Correa est accusé – ne sont pas éligibles à la libération conditionnelle. Sous certaines conditions toutefois, une libération anticipée est envisageable.

Tout d’abord, il faut savoir que toute ou partie de la détention effectuée avant jugement peut être déduite de la peine totale à effectuer. Par conséquent, une partie du temps passé par Michael Correa en détention depuis son arrestation en 2019 pourrait être déduite de la peine d’emprisonnement totale infligée. En l’occurrence, il aura été détenu pendant au moins cinq ans au moment de sa condamnation. La durée totale de la détention à déduire de la peine devrait être décidée lors de l’audience sur la peine (voir Q 9).

Deuxièmement, les personnes condamnées pour des crimes fédéraux peuvent voir leur peine réduite jusqu’à 15 % en cas de bonne conduite en prison.

Dans des circonstances extraordinaires, les personnes condamnées pour des infractions fédérales peuvent également bénéficier d’une remise en liberté pour des raisons humanitaires. Ce type de libération est toutefois rare. Parmi les motifs de libération à titre humanitaire, on peut citer une maladie en phase terminale ou invalidante, la nécessité de s’occuper d’un enfant qui n’a pas d’autre gardien ou d’un conjoint frappé d’incapacité. L’aggravation de la santé physique et mentale due à la vieillesse lorsque la personne est âgée de plus de 65 ans sont aussi des motifs humanitaires. (En l’occurrence, Michael Correa ne pourrait, le cas échéant, bénéficier d’une libération à titre humanitaire pour cause de vieillesse qu’en 2044.) Pour bénéficier d’une telle libération, la personne doit par ailleurs démontrer qu’elle n’est plus un danger pour la société.

13. Est-ce que Michael Correa peut plaider coupable et éviter un procès ?

Oui, Michael Correa peut plaider coupable à tout moment avant ou pendant le procès. Il peut également tenter de négocier un accord (plea agreement) jusqu’à ce que le jury rende son verdict, mais l’accusation peut refuser cette proposition de négociation. Dans le cadre d’un accord sur la culpabilité, Michael Correa admettrait celle-ci en échange d’une peine d’emprisonnement plus courte que celle à laquelle il aurait pu être condamné à l’issue d’un procès.

14. Quelle était la situation en Gambie lors des crimes présumés de Michael Correa ?

Durant les 22 ans de dictature en Gambie, Yahya Jammeh a systématiquement opprimé tous les opposant·e·s, réel·le·s ou supposé·e·s, à son régime. Le gouvernement gambien a pris pour cible des journalistes, des défenseurs·euses des droits humains, des avocat·e·s, des leaders estudiantins, des chefs religieux, des membres de l’opposition politique, des fonctionnaires de justice, des membres des communautés lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre (LGBT), ainsi que des membres des forces de sécurité. Ces groupes ont subi de terribles violences, notamment des tortures, des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées et des violences sexuelles.

Nombre de ces violations ont été révélées lors des audiences de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC), créée par le gouvernement gambien en 2018 pour enquêter sur les abus commis par le régime de Jammeh. Pendant 871 jours d’audiences publiques, 393 personnes ont témoigné, dont des victimes, des auteurs de crimes, d’anciens fonctionnaires et des membres des forces de sécurité. Le rapport final de la TRRC a été publié le 24 décembre 2021, concluant que Jammeh et 69 autre personnes, dont Michael Correa, avaient commis des crimes contre l’humanité. Jammeh se trouve aujourd’hui en exil en Guinée Équatoriale, où il s’est réfugié après avoir perdu l’élection présidentielle de 2016 face à Adama Barrow et échoué dans sa tentative de rester au pouvoir malgré les résultats électoraux.

15. Qui étaient les Junglers?

Les Junglers étaient un escadron de la mort recruté par l’ancien président Jammeh dans les années 2000 pour réprimer les opposant·e·s à son régime. Ses membres répondaient directement de Jammeh, commettant de nombreuses violations des droits humains, notamment des disparitions forcées, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires, des violences sexuelles et des détentions arbitraires. Certains membres des Junglers ont déjà avoué avoir commis des actes de torture et d’autres violations graves des droits humains.

16. Pourquoi Michael Correa n’a-t-il été accusé que de certains actes de torture, alors qu’il est aussi soupçonné d’avoir commis d’autres crimes ?

Aux États-Unis, les procureur·e·s ont toute latitude pour décider des affaires qu’ils ou elles engagent. Pour prendre ces décisions, une série de facteurs entrent en ligne de compte, notamment les ressources et la documentation à disposition. Dans le cas de Michael Correa, il n’a pas été indiqué pourquoi l’accusation a choisi de poursuivre des actes de torture spécifiques et pas d’autres.

Les États-Unis ne disposent pas d’une législation permettant de poursuivre de nombreux autres crimes commis en dehors de leurs frontières. Cela limite le type d’accusations qu’un·e procureur·e pourrait porter à charge. Le cas de Michael Correa met en évidence l’impératif urgent pour les États-Unis d’adopter une législation criminalisant les crimes contre l’humanité. Sans une telle loi, les auteur·e·s de ces crimes qui se trouvent aux États-Unis échappent à l’obligation de rendre compte quant à leurs actes.

17. Pourquoi Michael Correa est-il poursuivi aux États-Unis ?

Le gouvernement américain est légalement habilité à poursuivre Michael Correa pour des actes de torture commis en dehors des États-Unis, car il est présent sur le territoire américain. La loi extraterritoriale sur la torture (Torture Act) permet aux États-Unis de poursuivre des personnes se trouvant sur le territoire américain, quelle que soit leur nationalité, pour des actes de torture commis en dehors du pays. Cette loi constitue une forme de compétence universelle (voir Q 18).

Ce n’est que la troisième fois qu’une personne est jugée en vertu de la loi sur la torture depuis son adoption en 1994. Deux autres personnes ont été condamnées en vertu de cette loi : Charles « Chuckie » Taylor Jr, le fils de l’ancien président libérien Charles Taylor, a été condamné en 2008, et Ross Roggio a été condamné en mai 2023. Michael Correa est le premier individu non américain jugé en application de la loi sur la torture aux États-Unis.

18. Qu’est-ce la compétence universelle ?

La compétence universelle est un principe juridique qui permet aux états de poursuivre les crimes commis dans d’autres pays, quelle que soit la nationalité de l’auteur ou de la victime. Les affaires de compétence universelle soutiennent les efforts déployés pour que les auteurs d’atrocités répondent de leurs actes et que les victimes obtiennent justice. Elles envoient un message fort, selon lequel les personnes responsables de violations des droits humains ne peuvent trouver refuge nulle part dans le monde.

TRIAL International, CJA et leurs partenaires publient un rapport annuel (Universal Jurisdiction Annual Review – UJAR), qui met en lumière les affaires de compétence universelle dans le monde, y inclus aux États-Unis.

19. Est-ce que d’autres personnes sont poursuivies en vertu du principe de la compétence universelle pour des crimes commis sous Yahya Jammeh ?

Michael Correa était la première personne à être inculpée en dehors de la Gambie pour les crimes de l’ère Jammeh, mais il n’est pas le premier à être jugé. Un autre Jungler, Bai Lowe, a été reconnu coupable en Allemagne et condamné à la prison à vie en novembre 2023. L’ancien ministre de l’Intérieur Ousman Sonko a été jugé en Suisse début 2024 pour crimes contre l’humanité. Il a été reconnu coupable et condamné à 20 ans de prison en mai 2024.

20. Est-ce que Yahya Jammeh et d’autres personnes suspectes pourraient être poursuivies en Gambie ?

Au moment de la publication de ces « Questions fréquentes », la Gambie n’a engagé des poursuites que dans deux affaires concernant l’ère Jammeh, à savoir d’une part contre l’ancien ministre des collectivités locales Yankuba Touray et d’autre part contre l’ancien directeur général de l’Agence nationale du renseignement Yankuba Badjie. Ce dernier été condamné aux côtés de quatre autres agents des services des renseignements et d’un médecin dont il a été établi qu’il avait facilité les crimes commis en falsifiant un certificat de décès.

En décembre 2021, la TRRC a publié son rapport final appelant à la poursuite des responsables des crimes de l’ère Jammeh. Le 25 mai 2022, le gouvernement gambien a publié un livre blanc acceptant les recommandations de la TRRC. Le 12 mai 2023, le gouvernement a présenté un plan de mise en œuvre des recommandations de la TRRC. Ce plan proposait la création d’un bureau d’un·e procureur·e spécial·e et d’un tribunal « hybride », fondé sur un traité avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Ce tribunal poursuivrait les crimes les plus graves de l’ère Jammeh. Le 23 avril 2024, l’Assemblée nationale gambienne a adopté des projets de loi établissant le Bureau du Procureur spécial et le Mécanisme spécial de responsabilité, des institutions qui seront responsables de faire progresser la justice pour les crimes de l’ère Jammeh. En juillet 2024, le Parlement de la CEDEAO a, quant à lui, décidé de reporter l’examen de la Cour hybride jusqu’en décembre 2024. Il s’agit d’avancées prometteuses pour les victimes, les survivant·e·s et l’état de droit en Gambie. Le gouvernement et la CEDEAO devront faire le maximum pour mettre en place ce Mécanisme.

21. Quelle est l’importance de cette affaire en Gambie et aux États-Unis ?

En Gambie et aux États-Unis, les poursuites engagées contre Michael Correa représentent une étape importante pour la justice. Le rapport final de la TRRC a conclu que Jammeh et 69 autres personnes ont commis des crimes contre l’humanité et a recommandé leur poursuite. Michael Correa est l’une des premières personnes à être poursuivies. Ces poursuites contribueront à sensibiliser l’opinion publique sur les violations des droits humains commises sous le régime de Jammeh.

Aux États-Unis, les poursuites engagées contre Michael Correa démontrent l’importance de la compétence universelle, qui reconnaît que des crimes dont il est accusé sont des infractions commises contre toutes et tous, indépendamment de leur nationalité. Les procédures de compétence universelle comme celle initiée contre Michael Correa sont un outil efficace pour garantir que les auteurs·trices de violations des droits humains en Gambie soient tenus pour responsables où qu’ils ou elles se trouvent. Les poursuites engagées contre lui et contre d’autres font partie intégrante de l’obligation des États-Unis d’enquêter et de poursuivre les auteurs·trices de crimes internationaux lorsqu’ils ou elles sont identifié·e·s sur le territoire américain.

22. Quel rôle jouent CJA et TRIAL International dans cette affaire ?

Des groupes de victimes ainsi que des ONG gambiennes et internationales ont collaboré pour que les responsables de l’ère Jammeh rendent des comptes dans le cadre de la campagne « Jammeh2Justice ». En septembre 2019, le ministère américain de la Sécurité intérieure a arrêté Michael Correa pour avoir séjourné aux USA après l’expiration de son visa d’immigration. Une coalition de victimes et d’organisations de défense des droits humains, dont CJA et TRIAL International, a demandé aux États-Unis d’enquêter sur les allégations selon lesquelles Michael Correa aurait commis des actes de torture. Cela a conduit à son inculpation en 2020.

CJA et TRIAL International continueront à fournir un soutien notamment juridique aux victimes – si nécessaire – en préparation, pendant et après le procès. CJA et TRIAL International travailleront également avec la société civile, les journalistes et les communautés touchées pour s’assurer que les informations sur le procès soient disponibles dans les journaux, à la radio et dans d’autres médias, gambiens et internationaux.

23. Quel rôle joue la société civile gambienne dans cette affaire ?

Comme mentionné ci-dessus, la société civile gambienne a joué un rôle déterminant dans les efforts de plaidoyer liés à la poursuite de Michael Correa. Les organisations gambiennes ont fait partie de la coalition qui a plaidé pour que les États-Unis enquêtent sur les allégations selon lesquelles Michael Correa aurait commis des actes de torture.

Depuis son inculpation, des organisations de la société civile gambienne, notamment le Réseau africain contre les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées (ANEKED), la Fondation Solo Sandeng, l’Association des femmes pour l’autonomisation des victimes (WAVE) et Women in Liberation and Leadership (WILL), ont joué un rôle déterminant dans la sensibilisation aux poursuites judiciaires et dans le soutien aux victimes en Gambie.

En avril 2024, aux côtés de plusieurs autres organisations, ces organisations ont lancé l’Alliance of Victim-Led Organizations (AVLO), qui se consacre à la représentation des intérêts des victimes de violations des droits humains en Gambie. Pendant le procès de Michael Correa, l’AVLO participera activement aux efforts visant à partager et répandre les informations sur le procès aux victimes ainsi qu’aux autres parties intéressées en Gambie.

24. Où trouver plus d’informations sur l’affaire ?

Certains documents de procédure, y compris l’acte d’accusation délivré à l’encontre de Michael Correa en juin 2020, sont accessibles en ligne (case docket). En plus, CJA et TRIAL International ont publié des informations sur l’affaire sur leurs sites web respectifs.

[1] (1) there was misconduct during his trial; (2) the judge made a mistake in handling the case; or (3) the jury engaged in misconduct or made a mistake in their verdict.

(San Francisco et Genève, 2 novembre 2023) – Michael Correa, membre présumé du célèbre escadron de la mort « Junglers » de l’ancien dictateur gambien Yahya Jammeh, doit être jugé à Denver (Colorado, États-Unis) à partir du 16 septembre 2024. Correa est accusé de torture et de conspiration en vue de commettre des actes de torture. Ce procès historique constitue une étape majeure vers la vérité et la justice pour les victimes gambiennes et le premier procès jamais organisé aux États-Unis sur la base du principe de compétence universelle.

US District Court for the District of Colorado
Le procès se déroulera devant la US District Court for the District of Colorado, qui se trouve à Denver aux États-Unis. © Creative Commons

L’ancien président gambien Yahya Jammeh a dirigé le pays d’une main de fer entre 1994 et 2016. Au cours de ces années, la population gambienne a subi des violations généralisées des droits de l’homme, notamment des actes de torture, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des violences sexuelles. L’accusé Michael Correa serait un membre de l’escadron de la mort « Junglers », une unité paramilitaire mise en place par Jammeh. Correa aurait participé à la torture de plusieurs personnes en mars et avril 2006.

Correa a été arrêté en septembre 2019 aux États-Unis pour violation des lois sur l’immigration. Une coalition d’ONG a appelé les forces de l’ordre américaines à enquêter également sur Correa pour torture. En juin 2020, il a été inculpé d’un chef d’accusation de conspiration en vue de commettre des actes de torture et de six chefs d’accusation pour avoir torturé des personnes spécifiques. Il a plaidé non coupable de ces accusations.

Cette affaire est introduite en vertu de la loi américaine sur la torture, selon le principe de la compétence extraterritoriale. Cette loi permet au gouvernement américain de poursuivre toute personne se trouvant aux États-Unis, quelle que soit sa nationalité, pour des actes de torture commis en dehors des États-Unis.

« Les poursuites engagées contre Michael Correa sont les bienvenues, mais des poursuites similaires ont été rares aux États-Unis. En fait, il s’agit seulement du troisième procès intenté en vertu de la loi sur la torture, promulguée il y a près de 30 ans, et du premier à l’encontre d’un étranger. Pour que les États-Unis ne soient pas un refuge pour ceux qui commettent des atrocités à l’étranger, ils doivent mieux utiliser les outils de compétence universelle à leur disposition, » a déclaré Ela Matthews, avocate principale de la CJA.

Au moment de son inculpation, Correa était la première personne à faire l’objet d’une enquête pénale en dehors de la Gambie pour des atrocités commises sous le régime de Jammeh. Depuis, deux autres affaires relevant de la compétence universelle ont progressé. En mars 2022, Bai Lowe, un autre membre présumé des Junglers de Jammeh, a été inculpé dicted en Allemagne pour crimes contre l’humanité. Il est actuellement en procès. En Suisse, l’ancien ministre de l’intérieur gambien, Ousman Sonko, devrait être jugé pour crimes contre l’humanité au début de l’année 2024.

Benoit Meystre, conseiller juridique à TRIAL International, a déclaré : « Ces enquêtes et ces procès – en dehors du pays où les crimes ont été commis – contribuent non seulement à réduire l’impunité concernant les violations massives qui ont eu lieu en Gambie, mais sont également un moyen d’encourager les autorités gambiennes à enquêter et à poursuivre les cas dans le pays lui-même. »

Malgré les efforts déployés par la Commission Vérité, Réconciliation et Réparations (TRRC) de la Gambie pour documenter les violations passées, le gouvernement gambien n’a, à ce jour, pris que peu de mesures pour traduire les auteurs en justice ou pour répondre aux demandes des victimes en matière de responsabilité et de réparations. Bien que le gouvernement gambien ait adopté un plan de mise en œuvre des recommandations de la TRRC le 12 mai 2023, la mise en œuvre est restée lente.

« L’annonce récente d’une collaboration entre le ministère gambien de la Justice et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en vue d’établir un mécanisme internationalisé ou hybride pour poursuivre les plus hauts responsables de l’ancien régime – y compris Yahya Jammeh lui-même – est un développement positif, » a déclaré Ela Matthews, avocate principale de la CJA. « Jusqu’à ce que ce tribunal soit établi, le procès de Michael Correa et les procès des complices présumés de Jammeh dans d’autres tribunaux nationaux seront des voies essentielles vers la justice pour les victimes. »

Voir notre article sur sa mise en accusation en 2020 ici.