Disparition forcée et torture de Jit Man Basnet de février à octobre 2004

12.02.2016 ( Modifié le : 03.11.2016 )

L’affaire

En février 2011, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle au nom de Jit Man Basnet, victime de disparition forcée et de torture suite à son arrestation en février 2004. Dans cette procédure, TRIAL représente également Top Bahadur Basnet, le cousin de la victime.

Avocat et journaliste, Jit Man Basnet a été arrêté le 4 février 2004. Les forces de sécurité népalaises l’ont emmené de force dans un campement militaire connu sous le nom de «Bhairabnath Battalion barracks».

Durant cette période (2003-2004), ce campement militaire, placé sous l’autorité de l’armée royale népalaise, est devenu l’un des principaux centres des violations des droits humains au Népal. En mai 2006, le Haut Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies a publié un rapport (en anglais) sur ce campement, qui révélait des faits accablants: détentions illégales, tortures, exécutions extrajudiciaires et disparition de centaines de personnes suspectées d’être affiliées avec les rebelles Maoïstes.

Soupçonné précisément d’être en contact avec les Maoïstes, Jit Man Basnet a été torturé durant les trois premiers jours de sa détention. Plus il niait l’existence de tels contacts, plus durs étaient les sévices. Les conditions de détention étaient par ailleurs effroyables. Pendant 258 jours, Jit Man Basnet est resté les yeux bandés et les mains menottées. Ses proches se sont activés pour le faire libérer, mais l’armée a jusqu’au bout nié l’avoir arrêté et le détenir.

Le 18 octobre 2004, Jit Man Basnet a finalement été libéré. D’autres n’ont pas eu la chance de ressortir vivant de cet enfer. Il lui a été interdit de révéler l’existence du campement et il a été contraint de signer un papier certifiant qu’il n’était resté en détention que 90 jours, conformément à la législation d’urgence.

A ce jour, aucune enquête n’a été menée. Les responsables sont toujours en liberté et jouissent encore aujourd’hui de positions officielles dans l’armée, contribuant ainsi au développement d’un climat d’impunité générale. Aucune réparation financière, médicale ou psychologique n’a été offerte à Jit Man Basnet.

En février 2011, TRIAL a donc déposé pour le compte de Jit Man Basnet et Top Bahadur Basnet une requête auprès du Comité des droits de l’homme des Nations unies lui demandant  :

 

Contexte général

En février 1996, le parti communiste du Nepal (Maoïste) a ouvertement déclaré la guerre au gouvernement officiel. Le conflit s’est rapidement étendu à travers tout le pays. En 2001, la violence est devenue telle qu’elle a pris la forme d’une véritable guerre civile, conduisant le gouvernement à décréter un état d’urgence. Le Nepal a endurci sa politique de répression à l’encontre des personnes suspectées d’aider les insurgés maoïstes et s’est arrogé le pouvoir de déroger au respect des droits et libertés fondamentaux. Le recours aux disparitions forcées, aux mauvais traitements, aux exécutions sommaires et aux détentions arbitraires perpétrés par les agents de l’Etat, mais aussi par les Maoïstes, s’est généralisé au cours de cette période. Les arrestations arbitraires à l’encontre des personnes suspectées d’être affiliées avec les maoïstes ont continué pendant des années. C’est dans ce contexte que Jit Man Basnet a été arrêté et a disparu durant plus de 8 mois.

 

La décision

Le 29 octobre 2014, le Comité des droits de l’homme a adopté sa décision sur l’affaire concernant M. Jit Man Basnet. Il a déclaré le Népal responsable d’avoir violé plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, telles que le droit à la liberté, à un traitement humain, à la reconnaissance de la personnalité juridique, et l’interdiction de la torture. Le Comité a notamment reproché à l’État de ne pas avoir mené d’enquête sur la privation de liberté, la torture et la disparition forcée de M. Jit Man Basnet et de n’avoir ni jugé ni sanctionné les responsables. Le Comité a également condamné le Népal pour avoir soumis M. Top Bhadur Basnet à un traitement inhumain en se montrant indifférent à son angoisse et en niant que son cousin avait été victime de disparition forcée.

Le Comité demande au Népal de:

  • Mener une enquête autour de la détention de M. Jit Man Basnet et poursuivre, juger et punir les responsables
  • Indemniser M. Jit Man Basnet et M. Top Bahadur Basnet et leur fournir une réhabilitation psychologique ainsi qu’un traitement médical
  • Leur accorder des mesures de satisfaction en veillant à rétablir leur dignité et leur réputation
  • Modifier la législation et introduire dans le code pénal népalais les crimes de torture et de disparition forcée
  • Traduire en népalais et rendre publique la décision du Comité.
  • Le Népal a 180 jours pour informer le Comité des mesures prises pour donner effet à la décision.

 

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