La Convention contre les disparitions forcées entre en vigueur, la Suisse prend son temps

23.12.2010 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Toute disparition forcée constitue non seulement une violation grave des droits humains, mais également un crime international. L’arrestation, la détention ou l’enlèvement d’une personne non reconnu par l’Etat touche en outre terriblement ses proches, maintenus dans l’ignorance et la peur du pire. Ce 23 décembre 2010, un cap important est franchi dans la lutte contre ce fléau.

La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée il y a quatre ans, va enfin entrer en vigueur. L’Irak est en effet devenu le 20e Etat à la ratifier. Entre temps, le Brésil a aussi choisi d’adhérer à ce dernier-né des accords onusiens en matière de droits humains, rejoignant des Etats comme l’Albanie, le Nigéria, le Honduras, mais aussi l’Allemagne, la France ou le Japon. Et la Suisse ?

Le Conseil fédéral prend son temps

Le 10 décembre dernier, à l’occasion de la journée internationale des droits humains, le Conseil fédéral a enfin décidé de prendre ses responsabilités et de signer la Convention contre les disparitions forcées. Une réponse tardive aux appels répétés de la société civile et de parlementaires. En droit international public, cette signature ne lie cependant pas la Suisse. Il faut encore ratifier la Convention, après approbation par l’Assemblée fédérale. La Coalition suisse pour la Cour pénale internationale (CSCPI) en appelle au Conseil fédéral de soumettre le traité le plus rapidement possible aux Chambres. Rejoindre le groupe des 87 Etats signataires à ce jour n’est donc qu’un début. Pour Richard Greiner, coordinateur de la CSCPI, « afin de protéger les victimes et d’éviter que les auteurs de ces crimes ne puissent se reposer tranquillement en Suisse, l’objectif doit maintenant être une ratification rapide et sans réserve de la Convention, combinée avec la reconnaissance du Comité sur les disparitions forcées ». Cet organe pourra en effet traiter les plaintes déposées par les victimes ou en leur nom, permettant ainsi de combler les éventuelles lacunes étatiques relatives à la poursuite de ce crime odieux. Le mécanisme de contrôle prévoit en outre une procédure de rapport systématique et une grande nouveauté à ce niveau: la procédure de communication urgente.

Les disparitions forcées, un fléau mondial

Très répandu sous les dictatures militaires sud-américaines (on parle de 30’000 disparus rien qu’en Argentine durant la période de 1976 à 1983), le phénomène reste malheureusement actuel et s’étend à tout le globe. Durant les quinze dernières années, la pratique des disparitions forcées s’est maintenue autant au Nord qu’au Sud, sous des régimes de gauche ou de droite, dans des dictatures militaires ou des démocraties. Les Nations unies ont recensé plus de 50’000 cas de disparitions forcées depuis 1980, dans près de la moitié des Etats au monde. Ces chiffres ne reflètent probablement que la partie émergée de l’iceberg et sont très largement inférieurs à la réalité.

Modifications dans le droit pénal suisse

Une adhésion à la Convention contre les disparitions forcées impose à la Suisse d’introduire cette infraction dans son droit pénal, afin de permettre la poursuite des auteurs sur la base du principe de compétence universelle. Le 1er janvier 2011, les nouvelles dispositions du Code pénal relatives à la mise en œuvre du Statut de Rome, texte fondateur de la Cour pénale internationale, entreront en vigueur en Suisse. La disparition forcée y est explicitement qualifiée de crime contre l’humanité. Pour être punissable, elle doit cependant avoir eu lieu dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile. Rappelons ici que la Suisse a ratifié la Convention contre la torture en 1986, mais n’a toujours pas de disposition pénale réprimant la torture à ce jour. Le même phénomène ne doit pas se reproduire avec la disparition forcée.

« Les disparitions forcées appellent une réponse collective et adéquate pour enrayer le phénomène. La Convention amène une protection juridique nécessaire au niveau international, les Etats doivent à présent lutter efficacement contre ce crime en s’efforçant d’empêcher qu’il se produise, tout en améliorant sa poursuite et sa répression », souligne Richard Greiner.

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