« La justice nous concerne tous et s’applique à tous. »

06.06.2017

TRIAL International fête aujourd’hui ses 15 ans d’existence. 15 années de combat incessant contre l’impunité et de soutien sans failles aux victimes d’atrocités. L’organisation demeure fidèle à la mission qui est la sienne depuis ses débuts, mais a renforcé son impact et élargi son champ d’intervention. Ses 15 ans sont aussi marqués par un autre changement : celui de son Président. Daniel Bolomey, ancien Secrétaire général d’Amnesty Suisse, succède ainsi au Président sortant Giorgio Malinverni. C’est avec enthousiasme et conviction que l’infatigable défenseur des droits humains prend la présidence de TRIAL international. Il partage avec nous sa vision.

TRIAL international : Comment est né votre engagement pour les droits humains ?

Daniel Bolomey: C’est un combat de longue date pour moi, qui s’inscrit dans la culture militante des années 1970 : les luttes de libération nationales, la mobilisation contre la guerre du Vietnam et contre le fascisme toujours présent en Europe (Grèce, Espagne et Portugal) et en Amérique latine. J’y ai été sensibilisé au contact des travailleurs immigrés en Suisse et des personnes qui avaient dû fuir leur pays. La Suisse était à l’époque une terre plus accueillante pour ces derniers. J’ai ainsi milité très tôt pour le respect des droits fondamentaux, ainsi que pour les droits sociaux et culturels. Cela s’est traduit notamment par mon engagement auprès de la Ligue suisse des droits de l’homme et dans le mouvement syndical.

Vous êtes connu pour votre rôle de Secrétaire général de la Section suisse d’Amnesty International… 

En effet, mon parcours au sein d’Amnesty a duré plus de 25 ans ! D’abord comme chargé de campagne et porte-parole, puis de responsable de la communication, avant de prendre la tête de l’organisation en Suisse en 2001. Après 10 années passées au poste de Secrétaire général, j’ai souhaité laisser la place à d’autres, d’autant qu’une brillante relève était assurée ! J’ai ensuite travaillé deux ans auprès du Secrétaire général international, à Londres.

Quels ont été vos combats le plus marquants en faveur des droits humains durant cette période ?

Ils ont été nombreux ! Je me souviens en particulier de l’affaire Pinochet, dont l’arrestation a eu lieu alors que l’on fêtait le 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Je me suis alors dit : si on peut arrêter Pinochet, la lutte contre l’impunité n’est pas un vain mot. Cette affaire a été un moteur pour moi, tant le coup d’état qui avait mis Pinochet au pouvoir m’avait marqué.

L’ouverture du mandat d’Amnesty aux droits sociaux et culturels a aussi fait partie de mes engagements. A l’issue d’un débat de plusieurs années, le mandat a été officiellement élargi à Dakar en 2001 : cela a été une immense satisfaction pour moi, en phase avec mes convictions. Enfin, la cause qui m’a sans doute le plus tenu à cœur, c’est la lutte contre les violences faites aux femmes. Dans les années 1990, je me suis fortement investi pour la campagne mondiale d’Amnesty qui dénonçait les viols de masse commis en ex-Yougoslavie. J’ai beaucoup œuvré pour qu’à l’interne aussi, Amnesty progresse sur les questions de genre.

Y-a-t-il eu des causes oubliées ?

Le Rwanda représente à mes yeux le grand échec de la communauté internationale. Je me suis rendu au Rwanda un an après le génocide et j’en suis revenu complètement bouleversé. Nous portons tous une part de responsabilité face à cette tragédie.

Vous reprenez à présent la présidence de TRIAL International. Pourquoi ?

C’est une continuité de mes engagements. Cela fait quatre ans que je suis membre du Comité de TRIAL international et durant cette période, j’ai pu constater la pertinence du travail accompli. La détermination des équipes force l’admiration et fait écho à mon propre engagement. Je suis heureux de contribuer à cette organisation pour laquelle j’ai le plus profond respect. C’est un grand défi que de prendre la présidence alors que l’organisation arrive à sa maturité. Je me réjouis de présider TRIAL International à ce moment charnière et de pouvoir l’accompagner dans son développement.

Qu’est-ce qui vous touche en particulier dans la mission et le travail accompli par
TRIAL International ?

Le combat pour la justice est fondamental à mes yeux, tout comme la lutte pour que les victimes obtiennent réparation. J’aime aussi le fait que TRIAL travaille sur des dossiers concrets, qu’elle obtienne des résultats et fasse bouger le curseur de la jurisprudence à l’échelle internationale. TRIAL International tisse enfin des relations étroites et respectueuses avec les victimes qu’elle défend, c’est une déontologie qui me tient à cœur.

Comment envisagez-vous votre rôle de Président et quelle nouvelle dimension souhaitez-vous lui apporter ?

Je n’envisage pas ma fonction comme un rôle honorifique, mais comme une responsabilité que j’endosse avec sérieux. Je compte mettre mon expérience au service de l’organisation, notamment au niveau du renforcement de la gouvernance ainsi que de son développement à l’international.

Je souhaite de plus que nous renforcions notre engagement en faveur de la responsabilité des entreprises, car l’économie mondialisée pèse de tout son poids sur les questions de justice.

Quels seront les défis majeurs pour TRIAL International dans le futur et quels combat l’organisation devra-elle selon vous mener en priorité ?

Nous vivons une époque complexe où la notion même de droit est régulièrement attaquée, par les populismes notamment. Dans un tel climat, le combat des victimes n’est pas assez entendu ni compris. Il faudra donc se battre pour que le droit, en particulier le droit international, demeure un principe cardinal. Ce combat n’est pas aisé, car il doit être mener à tous les niveaux : éducation, sensibilisation, politique, judiciaire, etc.

J’ai confiance dans le fait que TRIAL International emploiera les forces nécessaires dans cette bataille, dans les limites de sa mission (ndlr : la lutte contre l’impunité pour les crimes internationaux). En outre, les ONG ne peuvent et ne doivent pas en être les seuls acteurs : il est indispensable de sensibiliser la jeunesse et de la former à avoir davantage d’esprit critique. Le rôle du politique est tout aussi fondamental, il faut ramener de l’intelligence dans cette arène et garantir l’indépendance de la justice tout en  lui donnant les moyens d’agir, c’est une condition de la démocratie. C’est en conjuguant nos forces que nous nous assurerons que la justice demeure une valeur universelle, qui nous concerne tous et qui s’applique à tous.

 

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