La Suisse mieux équipée pour poursuivre les crimes internationaux
Communiqué de presse de TRIAL
Genève, le 23 avril 2008
A l’avenir, la poursuite en Suisse des crimes internationaux (génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre) devrait être plus efficace, notamment lorsque ces crimes sont commis à l’étranger. TRIAL salue l’adoption ce jour d’un projet de loi par le Conseil fédéral visant à intégrer en droit suisse les infractions relevant du Statut de la Cour pénale internationale. Sur de nombreux éléments, l’association estime que le projet présente encore des lacunes et des incompatibilités avec le droit international. TRIAL espère enfin que la Confédération se donnera les moyens pour que ces dispositions ne restent pas lettres mortes.
Le Conseil fédéral a adopté ce jour son message relatif à un projet de loi intégrant, en droit pénal suisse, les crimes prévus par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI), soit le génocide, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre. La Suisse a ratifié le Statut de la CPI en octobre 2001, mais des mesures dans le domaine du droit pénal demeuraient nécessaires pour qu’elle puisse elle-même poursuivre efficacement ces crimes. Le projet va prochainement être transmis au Parlement.
PLUS DE « LIEN ETROIT »
Pour TRIAL, ce projet va dans la bonne direction. L’association spécialisée dans la lutte contre l’impunité des auteurs de tels actes se déclare satisfaite de ce que le Conseil fédéral a décidé d’abandonner le critère du « lien étroit » comme condition à la poursuite des crimes les plus graves commis à l’étranger. Ce critère, actuellement prévu pour les crimes de guerre, impliquait que des poursuites ne puissent se dérouler en Suisse qu’à des conditions très restrictives, soit lorsque le suspect disposait d’un lien particulièrement fort avec la Suisse, condition quasiment jamais réalisée. Le projet de loi qui sera soumis au Parlement prévoit à la place un critère de « compétence universelle limitée » qui permet aux autorités suisses de poursuivre des actes commis à l’étranger, à condition que leur auteur se trouve en Suisse et ne puisse pas être extradé ni remis à un tribunal pénal international. TRIAL a activement milité pour l’abandon de ce critère contraire au droit international. En particulier, l’association avait rassemblé en 2005 près de 60 signatures de professeurs de droit suisses derrière un appel qui protestait contre l’introduction du « lien étroit ».
Le projet de loi clarifie également les compétences des autorités de poursuite. Dorénavant, c’est le Ministère public de la Confédération (MPC) qui sera chargée d’instruire ces affaires, qui relèveront du Tribunal pénal fédéral comme autorité de jugement. La justice militaire gardera quelques compétences résiduelles. Actuellement, le MPC est compétent pour poursuivre les actes de génocide, l’Auditeur en chef de l’armée les crimes de guerre, et les cantons les crimes contre l’humanité. TRIAL soutient cette clarification et cette concentration des compétences.
Toutefois, pour Philip Grant, président de TRIAL, « l’adoption d’une législation moderne n’est qu’un premier pas, nécessaire mais insuffisant. Les autorités doivent surtout se donner les moyens de mener des enquêtes et d’appréhender les suspects ». L’association réitère son exigence que la Confédération se dote, à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays, d’une unité spécialisée dans la poursuite de tels crimes.
PROBLEMES
Par ailleurs, TRIAL a relevé que plusieurs des nouvelles dispositions posent encore d’importants problèmes de compatibilité avec le droit international. En particulier, le projet refuse d’incriminer rétroactivement ces nouvelles dispositions, comme le droit international le permet parfaitement. Le risque existe ainsi que des auteurs d’atrocités commises au Darfour, en ex-Yougoslavie ou au Rwanda puissent ne pas être poursuivis s’ils se trouvent en Suisse. Pour TRIAL, cela revient à vider le projet d’une bonne partie de sa substance.
L’association œuvrera lors des débats parlementaires à ce que ces lacunes ou incohérences soient rectifiées.
Pour en savoir plus :
- communiqué de presse du Conseil fédéral du 23 avril 2008
Message et projet du Conseil fédéral
sur la revendication d’une unité spécialisée dans les crimes de guerre, voir ici
sur la problématique du lien étroit, voir ici
analyse de TRIAL relative à l’avant-projet de loi mis en procédure de consultation (2005) - site de la Cour pénale internationale
Statut de Rome de la Cour pénale internationale