Le procès historique du chef de guerre congolais Roger Lumbala pour crimes contre l’humanité débutera en Novembre à Paris

22.10.2025

(Paris) – Le procès de l’ancien chef de guerre congolais Roger Lumbala Tshitenga, qui débutera à Paris le 12 novembre, est une occasion cruciale de rendre justice aux survivant·e·s, ont annoncé aujourd’hui la Clooney Foundation for Justice (CFJ), TRIAL International (TRIAL), Minority Rights Group (MRG), Justice Plus et PAP-RDC, toutes parties civiles dans cette affaire. Le procès de Lumbala pour complicité de crimes contre l’humanité, notamment meurtre, torture, viol et esclavage, est le premier procès en vertu de la compétence universelle pour des atrocités de masse commises en République démocratique du Congo (RDC) par un ressortissant congolais.

 

Roger Lumbala a été mis en accusation en 2023 par les juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris en vertu de la compétence universelle, un principe permettant aux États de poursuivre les crimes internationaux les plus graves, même s’ils ont été commis sur le sol étranger. Il a dirigé le groupe armé Rassemblement congolais pour la démocratie nationale (RCD-N) pendant la deuxième guerre du Congo (1998-2003) et ses forces – avec des milices alliées – sont accusées d’atrocités commises lors d’une opération militaire appelée « Effacer le tableau » dans les provinces orientales du Nord-Kivu et de l’Ituri. Roger Lumbala aurait ordonné et fourni aux troupes du RCD-N les moyens d’attaquer violemment la population civile, en ciblant particulièrement les minorités ethniques Nande et Bambuti. Il a ensuite occupé le poste de ministre du Commerce du pays entre 2003 et 2005.

« Pendant trop longtemps, les auteurs de ces crimes ont échappé à la justice, certains accédant même à des postes de pouvoir », note Daniele Perissi, responsable du programme RDC chez TRIAL International. « Ce procès est une étape historique pour briser ce cycle d’impunité. Il montre que même des décennies plus tard, la voix des survivant·e·s compte, et que la responsabilité est essentielle pour construire un avenir de paix et de dignité en RDC. »

Si les tribunaux congolais ont fait quelques progrès dans la poursuite des crimes graves les plus récents, l’impunité totale règne toujours pour les atrocités commises pendant la deuxième guerre du Congo, qui a fait plus d’un million de mort·e·s. Ce procès offre aux survivant·e·s une occasion attendue depuis longtemps de confronter une des figures clés présumées responsables de ces crimes.

« L’ouverture de ce procès nous rappelle que même si des conflits éclatent partout dans le monde, la lutte contre l’impunité se poursuit », a déclaré Yasmine Chubin, directrice juridique à CFJ. « Les survivant·e·s d’atrocités de masse, notamment de violences sexuelles et sexistes liées au conflit et de tortures, ont fait preuve d’un courage extraordinaire en se manifestant. Leur force inspire l’espoir à tous les survivant·e·s, et nous sommes fier·e·s de les soutenir. »

Deux décennies plus tard, des groupes armés soutenus par des puissances étrangères contrôlent à nouveau certaines parties du Nord et du Sud-Kivu, dans un contexte d’escalade alarmante de la violence, ce qui souligne encore davantage l’importance de ce procès : sans responsabilité pour les crimes passés, les injustices persistent et les conflits se perpétuent. Les pourparlers de paix ne peuvent à eux seuls apporter une stabilité durable : la justice et la réparation des crimes contre l’humanité passés et présents restent indispensables.

« Lutter contre l’impunité peut donner l’impression de nager à contre-courant. En République démocratique du Congo, de nombreuses victimes de ces atrocités poursuivent leur long chemin vers la reconnaissance de leur statut devant les tribunaux. À cet égard, le procès qui va s’ouvrir permettra enfin à la cause des victimes de ces crimes d’être entendue », ajoute Xavier Macky, directeur national de Justice Plus.

« Ce procès est une étape essentielle vers l’obtention d’une justice attendue depuis longtemps pour les horreurs infligées à la communauté autochtone Bambuti en RDC. MRG a présenté des preuves montrant que la faction armée sous le contrôle de Lumbala a délibérément pris pour cible les Bambuti et leur a infligé des abus importants, notamment des meurtres et des viols collectifs. Le fait de tenir Lumbala responsable de ses actes envoie un signal fort dans le conflit violent qui sévit actuellement en RDC, à savoir que les abus feront l’objet d’enquêtes et que justice sera rendue. Nous sommes convaincu·e·s que cela aura un effet dissuasif sur ceux qui commettent actuellement de tels abus », déclare Samuel Ade Ndasi, responsable des litiges et du plaidoyer auprès de l’Union africaine au sein de MRG.

 

CONTEXTE

Depuis des années, CFJ représente devant les tribunaux les survivant·e·s de crimes internationaux graves, recueille des preuves dans les zones de conflit et œuvre pour que les auteurs de ces crimes soient traduits en justice. Dans cette affaire, CFJ représente plusieurs victimes, notamment des survivant·e·s qui ont subi des viols et d’autres violences sexuelles.

TRIAL travaille en RDC depuis plus de dix ans, avec des bureaux locaux au Sud-Kivu et au Kasaï, apportant son soutien aux victimes de crimes internationaux, collaborant avec les acteurs de la justice congolaise et participant à des dizaines de procès locaux.

MRG œuvre depuis plus de 50 ans pour garantir les droits des minorités et des peuples autochtones, avec une implication croissante en Ituri et au Nord-Kivu. En 2004, elle a publié un rapport sur les violations des droits humains à l’encontre des communautés autochtones intitulé « Erasing the Board », en partenariat avec le Réseau des Associations Autochtones Pygmées du Congo (RAPY).

Justice Plus promeut les droits humains et la bonne gouvernance en RDC depuis plus de 25 ans. Dans cette affaire, Justice Plus a identifié des survivants en RDC et les a soutenus tout au long de leur parcours en France.

PAP-RDC (Programme d’Appui au développement des populations forestières – Les Pygmées aussi) est une ONG congolaise qui fournit une aide humanitaire et améliore les conditions de vie pour le développement harmonieux et durable des communautés forestières marginalisées. Elle a soutenu les victimes Bambuti dans cette affaire.