Disparitions forcées: «plus jamais ça », vraiment ?

29.08.2016 ( Modifié le : 03.11.2016 )

Un OP-Ed de Gabriella Citroni

Quarante ans de lutte contre les disparitions forcées ont produit des avancées significatives, mais le phénomène reste en augmentation constante.  

A la fin des années 1970, les proches de victimes de disparitions forcées en Amérique Latine se sont mobilisés pour mettre un terme à ce crime. La Commission nationale argentine pour les personnes disparues leur a donné raison en 1984 en publiant son rapport final intitulé « Plus jamais ça ! ». Le rapport soulignait l’importance de prévenir la répétition d’une tragédie nationale qui a fait des milliers de disparus. Depuis lors, plusieurs commissions de vérité et réconciliation dans le monde ont repris ce titre dans leurs rapports finaux et « plus jamais ça » est devenu le cri de ralliement de la société civile contre les disparitions forcées.

Tous les ans, la Journée internationale des victimes de disparitions forcées est l’occasion de nous demander : quel chemin avons-nous parcouru et que reste-t-il à faire ?

 

Des signes encourageants aux niveaux national et international

Des progrès indéniables été constatés récemment, notamment le choix de certains Etats de renforcer leur législation nationale : le Pérou a fait promulguer une loi sur la recherche des personnes disparues, pour enfin faire la lumière sur le sort des milliers de disparus du conflit de 1980 à 2000. Des efforts pour adopter une législation complète sur ce crime sont également en cours en Tunisie et au Mexique.

Après des années de lobbying de la société civile, la Cour suprême du Salvador a déclaré inconstitutionnelle la loi d’amnistie de 1993, qui jetait un voile d’impunité sur les violations des droits humains commises de 1980 à 1992. Cette décision historique ouvre la voie à la reddition et ravive l’espoir des familles des disparus.

D’autres Etats ont intégré à leurs institutions des mécanismes de soutien pour les proches des disparus. Au Népal, une Commission d’enquête sur les victimes de disparitions forcées a enfin été établie. Elle devrait donner les moyens aux victimes et à leur famille de faire valoir leur droit à la vérité, à la justice et aux réparations, restés lettre morte depuis la fin du conflit en 2006. Au Mexique, une Unité spécialisée d’investigation des crimes contre les migrants ainsi qu’un Mécanisme transnational de rechercher des migrants disparus s’attèleront pour la première fois aux abus subis par les migrants, y compris les disparitions forcées.

Les organes internationaux sèment eux aussi des jalons encourageants. En mars, le Comité des Nations Unies contre les disparitions forcées (CED) a profit de sa toute première décision pour se prononcer sur des questions encore inexplorées, telles que les obligations des Etats quand un prisonnier est transféré d’un lieu de détention à un autre, et les droits des proches à être informé de ces déplacements et de l’avancée de l’enquête.

 

Des efforts trop timides et toujours trop tard

Tous ces exemples sont d’importantes victoires qu’il convient de saluer. Mais aucun d’entre eux ne s’attaque aux causes du mal : la commission elle-même de ces disparitions forcées. Malgré tous nos efforts, ce crime est de plus en plus répandu. Au cours des trois dernières années, le nombre d’actions urgentes enregistrées par le CED ont bondi de 4 à 294. Le Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires est submergé quotidiennement de nouvelles affaires.

Il est grand temps que les Etats et la communauté internationale adoptent et mettent en œuvre de nouvelles stratégies pour ne pas simplement compenser a posteriori, mais aussi prévenir ces abus. Si les Etats ne se montrent pas à la hauteur de leurs responsabilités et ne font pas de ce problème une priorité, « Plus jamais ça » restera une expression vide de sens et il n’y aura rien à célébrer pour la Journée internationale des victimes de disparitions forcées.

 

Gabriella Citroni, conseillère juridique principale

 

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