BiH: 20 ans après la fin de guerre, les crimes de guerre restent impunis

06.11.2012 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies a adopté ses Observations finales concernant le second rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine sur la mise en œuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Bien que certains progrès aient été faits, de nombreuses mesures restent à prendre, en particulier en ce qui concerne les familles des personnes disparues, les anciens détenus de camps et les victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles durant le conflit.

En septembre 2012, TRIAL (Association suisse de lutte contre l’impunité), en collaboration avec six autres associations de familles de disparus,1 quatre associations engagées dans la défense des victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles en temps de guerre,2 sept associations et fédérations d’associations d’anciens détenus de camps,3 a soumis un rapport alternatif à propos du second rapport périodique de la Bosnie-Herzégovine, soulignant l’importance constante des violations des droits fondamentaux des catégories de personnes protégées susmentionnées.

Le 22 octobre 2012, TRIAL a participé à Genève, en présence de nombreux représentants d’ONGs internationales et bosniaques, à une réunion privée avec le HCR durant laquelle TRIAL a soulevé les problèmes que pose la défaillance continue des autorités à enquêter efficacement, à juger et à sanctionner les responsables de disparitions forcées, de torture et de viol durant la guerre; l’inapplication de la Loi sur les personnes disparues; l’absence systématique d’exécutions des décisions de la Cour Constitutionnelle de la Bosnie-Herzégovine et les restrictions à la liberté d’expression et à la liberté de rassemblement dont ont été récemment la cible des associations dans la région du Prijedor.

Les 22 et 23 octobre 2012, le Comité des Droits de l’Homme a examiné le rapport présenté par la Bosnie-Herzégovie et les réponses données par la délégation du gouvernement bosniaque à la « liste de questions » adoptée ultérieurement. Durant la session, le Comité a soulevé les problèmes rapportés par TRIAL et a cherché à obtenir des explications et des clarifications de la part de l’Etat bosniaque.

Le 2 novembre 2012, le Comité des Droits de l’Homme a publié une première version de ses observations finales exprimant ses préoccupations quand à la lenteur des poursuites des crimes de guerre, en particulier celles qui traitent de la violence sexuelle, ainsi qu’à l’absence de soutien des victimes de ces crimes et des témoins lors des procès pour crimes de guerre. L’application du code pénal de la République Fédérale Socialiste de Yougoslavie en lieu du code pénal de 2003 a été considérée problématique puisqu’elle affecte la cohérence entre la façon de condamner ceux qui ont commis des crimes pendant la guerre devant les différentes juridictions du pays, ce qui peut résulter en une discrimination indue. Le Comité s’est aussi montré préoccupé par le retard pris à l’adoption de la Stratégie sur la Justice transitionnelle et la loi sur les droits des victimes de torture, ainsi que le fait que les prestations d’invalidité reçues par les victimes civiles de la guerre sont nettement inférieures à celles reçues par les vétérans de guerre. En outre, les familles des disparus doivent déclarer leurs proches comme « morts » pour accéder et recevoir régulièrement une pension d’invalidité mensuelle, ce qui n’est pas compatible avec les standards internationaux.

A la lumière de ces constatations, le Comité des Droits de l’Homme a recommandé à la Bosnie-Herzégovine, entre autres, d’accélérer la procédure de poursuite des crimes de guerre; d’assurer une protection effective et un soutien psychologique aux témoins et aux victimes durant les procès pour crimes de guerre, et d’enquêter rapidement sur les cas d’intimidation ou de menaces; de prendre des mesures concrètes pour s’assurer que les survivants de violences sexuelles et de torture aient accès à la justice et à la réparation, ainsi que d’harmoniser le système des prestations d’invalidité entre les entités et les cantons, et entre les victimes civiles et les vétérans; d’accélérer les enquêtes sur tous les cas irrésolus touchant des personnes disparues et s’assurer que l’Institut des personnes disparues reçoive des fonds adéquats et ait la capacité de mettre pleinement en œuvre pleinement son mandat. Par ailleurs, le Comité a recommandé que les libertés d’expression et de réunion soient garanties, et il a appelé les autorités à enquêter sur la légalité de l’interdiction faite d’organiser des cérémonies de commémoration en lien avec la guerre, en particulier dans la région de Prijedor.

Le 2 novembre 2013, la Bosnie-Herzégovine aura à soumettre un rapport de suivi sur les mesures adoptées pour mettre en œuvre les recommandations du Comité des Droits de l’Homme. Les conclusions et les recommandations du Comité constituent une feuille de route complète adressée aux autorités de Bosnie-Herzégovine, qui doivent être appliqués sans délai. TRIAL s’engage à faire connaître le dispositif de ces Observations finales et suivre la mise en œuvre de ces recommandations, en plaidant auprès des autorités nationales compétentes pour leur application rapide.

Pour plus d’information

 


1Association des familles des défendeurs tués et disparus lors de la guerre civile de la municipalité de Bugojno, Association des familles de personnes disparues de la municipalité de Ilijas, Association des familles des personnes disparues de Kalinovik- Istina-Kalinovik ’92, Association des familles des personnes disparues de la région de Sarajevo-Romanija, Association des familles des personnes disparues de la municipalité de Vogosa et Association des femmes de Prijedor-Izvor.

2Association des Femmes-Victimes de guerre, Sumejja Gerc, Vive Žene Tuzia, et la Section-femmes des Survivants de la torture de camp de concentration du Canton de Sarajevo.

3Association des détenus des camps de concentration de Bosnie-Herzégovine, Association des détenus du District de Brčko, Association croate des prisonniers de la guerre civile dans le Canton de Bosnie Centrale, Association croate des détenus de camp de la guerre civile à Vareš, Prijedor 92, Association régionale des détenus de camp de concentration Višegard, et l’Union des détenus de camps de concentration de la région de Sarajevo-Romanija.

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