Disparition forcée de Emir Hodzic en mai 1992

12.02.2016 ( Modifié le : 12.10.2016 )

En février 2010, TRIAL a déposé devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme une requête individuelle contre la Bosnie-Herzégovine (BiH), à propos de la disparition forcée de Emir Hodžić intervenue en mai 1992. TRIAL représente dans cette procédure Mersija Hodžić et  Emira Biščević, respectivement mère et sœur d’Emir.

Presque un mois après l’attaque de la ville de Prijedor (29-30 avril 1992), l’armée serbe a attaqué la ville voisine de Kozarac. Mersija Hodžić et son mari quittent Kozarac pour sauver leur vie. Après être restés deux mois à Prijedor, ils ont gagné la Croatie et rejoins leur fille Emira Biščević, qui vivait déjà là-bas. Mersija Hodžić et Emira Biščević résideront respectivement en Croatie jusqu’en 1996 à 1997.

Emir Hodžić est resté à Kozarac en tant que membre réserviste pour la police locale. Selon des témoins oculaires, après la prise de Kozarac par l’armée serbe, tous les membres de la police locale, dont Emir Hodžić, ont été capturés par l’armée serbe. La majorité d’entre eux ont été abattus arbitrairement derrière le bâtiment de l’école primaire de Kozarac, alors que les autres étaient amenés dans des camps de concentration mis en place dans la région (par exemple le camp d’Omarska). Emir Hodžić a été vu pour la dernière fois le 26 mai 1992 avec plusieurs de ses collègues, qui plus tard ont été capturés et excécutés par l’armée de Republike Srpska. Nous ne savons pas ce qu’il est advenu de lui depuis.

Plus de 18 ans après les événements, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été effectuée par des autorités de BiH pour retrouver Emir Hodžić ou le corps de celui-ci et aucun responsable n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné. Mersija Hodžić et Emira Biščević ont effectué de multiples démarches pour obtenir des informations sur leur fils, auprès d’organisations internationales et des réseaux diplomatiques. Ces initiatives sont cependant restées vaines jusqu’à aujourd’hui.

Le 16 juillet 2007 la Cour Constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, saisie par plusieurs parents des victimes de disparition forcées de Prjiedor et de ses environs, a retenu que la BiH avait commis une violation du droit à ne pas être soumis à des tortures et des traitements inhumains et dégradants, ainsi que du droit au respect de la vie privée et familiale des parents des personnes disparues. Par conséquent, la Cour a ordonné aux autorités de l’Etat de divulguer toutes les informations disponibles sur ce qu’il est advenu des personnes disparues, y compris de Emir Hodžić. Les autorités de BiH ont donc failli jusqu’alors à l’exécution de la décision de la Cour Constitutionnelle et n’ont procuré aucune information pertinente à la Cour ou à Mersija Hodžić et Emira Biščević.

Par conséquent, Mersija Hodžić et Emira Biščević demandent à la Cour Européenne des Droits de l’Homme :

de constater que Emir Hodžić a subi une violation des articles  2 (droit à la vie), 3 (interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants) et 5 (droit à la liberté et à la sûreté) en conjonction avec les articles 1 (obligation de respecter les droits de l’homme) et 13 (le droit d’un recours effectif) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en raison de l’échec des autorités de BiH pour mener une enquête rapide, impartiale, indépendante et complète concernant la détention arbitraire et la disparition forcée de Emir Hodžić qui a suivi et pour juger et punir les personnes qui en sont responsables ;

de constater que  Mersija Hodžić et Emira Biščević ont eux-mêmes subi une violation de la part de la BiH de l’article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants) en conjonction avec les articles 1 (obligation de respecter les droits de l’homme), 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme à cause de la détresse morale sévère et de l’angoisse causée par la disparition forcée de Emir Hodžić et du manque constant d’informations sur la cause et les circonstances de sa disparition, et sur les progrès et les résultats des enquêtes effectuées par des autorités de BiH ;

d’exiger que les autorités de BiH entreprennent enfin – et rapidement – une enquête indépendante pour retrouver le corps de Emir Hodžić, le cas échéant d’exhumer ses restes, de les identifier et de les restituer à sa famille ;

d’exiger de la BiH de mettre en accusation, juger devant les autorités civiles compétentes et sanctionner les responsables ainsi que les complices de la détention arbitraire et la disparition forcée qui a suivi de Emir Hodžić ; et

d’exiger de la BiH qu’elle assure à Mersija Hodžić et Emira Biščević une réparation intégrale et prompte, juste et adéquate compensation pour les souffrances subies.

Procédure

Après une analyse préliminaire de la recevabilité de la requête, le 28 septembre 2012 a requête a été communiquée au gouvernement de la Bosnie-Herzegovine.

 

En janvier 2013, REDRESS et l’OMCT ont soumis à la CEDH un « amicus brief » à propos de ce cas afin d’éclaircir la nature du lien entre la disparition forcée et l’interdiction de la torture et autres mauvais traitements; ainsi que d’analyser la corrélation entre le caractère continu de la disparition forcée et le contenu du recours effectif et des réparations en faveur de la famille des disparus.

En janvier 2013, le Gouvernement de Bosnie-Herzégovine a présenté sa réponse, contestant la recevabilité et le fond de l’affaire. Le 25 mars 2013, TRIAL a plaidé, au nom des requérants, devant la Cour européenne des droits de l’homme, et contré les arguments avancés par l’Etat défendeur en mettant en évidence un certain nombre d’erreurs et de contradictions contenues dans le mémoire présenté par l’État à la Cour européenne. Celle-ci a transmis la réponse de TRIAL au gouvernement et lui a donné jusqu’au 13 mai 2013 pour soumettre des commentaires additionnels. La Cour délivrera son jugement dans les prochains mois.

 

Contexte général

On estime qu’entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort pendant le conflit en BiH (1992-1995) et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Entre 10’000 et 13’000 personnes n’ont à ce jour pas encore été retrouvées.

La disparition forcée de Emir Hodžić est intervenue durant les opérations de « purification ethnique » menées par l’armée serbe durant l’attaque armée de Prijedor et ses environs.

Jusqu’alors, personne n’a été poursuivi, condamné ou sanctionné pour le disparition forcée de Emir Hodžić, renforçant ainsi un climat d’impunité déjà tenace. A ce jour, la famille de Emir Hodžić n’a reçu ni information quant au sort qui lui a été réservé, ni compensation adéquate et intégrale pour le préjudice subi. durant l’opération de purification ethnique menée par les forces serbes durant l’attaque armée de Prijedor et ses environs.

 

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