Pourquoi commémorer Srebrenica n’est pas suffisant  

06.07.2017 ( Modifié le : 10.07.2017 )

Un conflit aux portes de l’Europe. Des civils fuyant les attaques. Une communauté internationale incapable de les protéger. Des milliers de morts.

Alep en 2017 ? Non, Srebrenica en 1995.

Cette semaine, nous commémorons le plus grand massacre commis en Europe depuis la Seconde guerre mondiale. Le 11 juillet 1995, les Serbes de Bosnie menés par Ratko Mladic ont exterminé plus de 8 000 Bosniaques dans l’enclave de Srebrenica. La communauté internationale a assisté, impuissante, à la tuerie.

Les parallèles entre les situations d’alors et d’aujourd’hui sont tristement évidents. Malgré le leitmotiv traditionnel du « plus jamais ça » des cérémonies commémoratives, nous avons échoué – complètement échoué – à prévenir les crimes de masse depuis lors.

La Syrie offre un exemple évident et quasi-quotidien de notre inertie face à la barbarie. De nombreux autres conflits, moins médiatisés, n’en demeurent pas moins tragiques : le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo, le Mexique et bien d’autres.

 

Pourquoi tant de crimes restent-ils impunis ?  

Non seulement nous n’avons pas su empêcher les crimes de masse, mais nous ne soignons pas non plus les blessures du passé. De nombreuses familles ne savent toujours pas ce qu’il est advenu de leurs proches à Srebrenica, tandis que les criminels courent toujours – voire sont encensés comme des héros nationaux.

Ces échecs sont d’autant plus choquants que les outils juridiques n’ont jamais été aussi nombreux. La justice internationale était embryonnaire quand la guerre a éclaté dans les Balkans. Mais vingt ans plus tard, nous avons mis en place deux Tribunaux pénaux internationaux, plusieurs cours mixtes et la première Cour pénale internationale permanente de l’histoire.

Les Etats ont également embrassé la lutte contre l’impunité et commencent à poursuivre les crimes internationaux dans leurs propres cours, grâce au principe de compétence universelle. Les systèmes nationaux ont évolué et mûri dans ce domaine et bien qu’imparfaits, ils peuvent constituer une voie vers la justice pour les victimes.

Les outils sont là, les systèmes sont en place. Pourquoi, alors, tant de crimes restent-ils encore impunis ? Sans surprise, la réponse est d’ordre politique.

 

« Plus jamais ça », une promesse qui sonne creux   

Le 11 juillet, de nombreux chefs d’Etat se souviendront de Srebrenica, pleureront ses morts et condamneront la passivité internationale. Ils useront et abuseront du « plus jamais ça ». Certains dignitaires iront peut-être jusqu’à blâmer les gouvernements actuels de l’ex-Yougoslavie de ne pas œuvrer davantage vers la réconciliation – et ils auront raison.

Mais combien de chefs d’Etat iront au-delà des regrets et des blâmes ? Combien dédieront le temps et les ressources nécessaires pour que les crimes de masse appartiennent au passé ?

Le nouveau mécanisme d’enquête sur les crimes en Syrie reste sous-financé. Les organisations de la société civile ont même dû lancer un crowdfunding pour le soutenir !  En Suisse, le Ministère public de la Confédération alloue des ressources totalement insuffisantes à la poursuite de suspects que nous savons être sur notre sol.

Ferons-nous aujourd’hui le nécessaire pour que la justice triomphe ? Ou nos futurs calendriers comporteront-ils toujours plus de journées commémoratives pour les atrocités que nous aurions pu empêcher ?

 

©2024 trialinternational.org | Tous droits réservés | Politique de confidentialité | Statuts | Designed and Produced by ACW