Procès « Bralima » en RDC : trois miliciens condamnés pour crimes contre l’humanité

22.03.2023 ( Modifié le : 05.06.2024 )

Le 1er mars 2023, trois miliciens du groupe armé Raia Mutomboki Bralima ont été condamnés par le Tribunal Militaire de Garnison de Bukavu (province du Sud Kivu) pour crimes contre l’humanité. Les trois prévenus ont été condamnés à entre dix et vingt ans de prison pour meurtre, viol, esclavage sexuel, torture et autres actes inhumains.

Le Tribunal les a également condamné au paiement de réparations allant de 1’700 à 4’000 USD attribuées aux vingt victimes représentées lors du procès. L’État congolais a été reconnu responsable et condamné à prendre en charge toutes les mesures d’accompagnement psychologique et médical des victimes souffrant encore des conséquences des actes susmentionnés.

© TRIAL International

Les Raia Mutomboki au Sud Kivu

Les Raia Mutomboki sont des mouvements locaux d’autodéfense qui se sont structurés en groupes armés et qui opèrent dans l’est de la RDC, notamment dans la province du Sud Kivu.

Ces groupes ont pris de l’ampleur entre 2011 et 2012, en réaction à la prise de contrôle des centres miniers et aux attaques contre la population par la milice rwandaise FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda), facilitées par un vide sécuritaire lié à la restructuration de l’armée congolaise.

La création et la mobilisation de ces mouvements d’autodéfense a attiré les membres de l’élite politique et militaire. Plusieurs commandants de l’armée nationale ont fait défection pour les rejoindre et ont contribué à leur développement en recrutant des jeunes de la place ainsi qu’en prenant le contrôle des principales concessions minières ou autres ressources naturelles.

Plusieurs dizaines de groupes Raia Mutomboki ont opéré dans le Sud Kivu ces dernières années. Parfois des coalitions se sont formées, mais elles ont eu une durée limitée, chaque groupe ayant sa structure et ses ambitions.

 

Des attaques répétées entre 2017 et 2021

En 2016, la région de Nindja, dans le territoire de Kabare, a connu une situation de tensions politiques suite à la mort du chef coutumier local et la lutte pour sa succession. Le groupe Raia Mutomboki Bralima a décidé de s’insérer dans cette dynamique en soutenant l’un des prétendants au poste de chef coutumier.

C’est ainsi que, au cours des années 2017 à 2021, cette milice a lancé des attaques répétées contre les populations civiles de multiples villages dans le territoire de Kabare. Durant ces attaques, les miliciens dépouillaient toute victime capturée, incendiaient les maisons de la population, pillaient leur bétail, enlevaient des femmes et des jeunes filles qui étaient soumises à des viols et réduites en esclavage sexuel.

 

La procédure judiciaire

Des ONG de la société civile avaient documenté les crimes commis par le groupe Bralima ainsi que d’autres milices actives sur le même territoire et avaient soumis des dénonciations à la justice. Les forces étatiques n’étant pas stationnées dans ces localités, les individus responsables de ces crimes n’ont pu être appréhendés qu’après d’intenses affrontements dans la zone et suite à une reddition collective de plusieurs miliciens auprès de la base locale de la mission de maintien de la paix de l’ONU en RDC (MONUSCO) en 2021.

Parmi les individus qui ont rendu les armes, trois ont été identifiés par la justice comme des combattants actifs du groupe Bralima et ont été reconnus par les victimes comme faisant partie des responsables directs des crimes subis. Suite à des enquêtes complémentaires menées entre 2022 et début 2023, les autorités judiciaires ont renvoyé les trois prévenus au procès qui s’est tenu en audience foraine au courant du mois de février à Walungu.

TRIAL International a appuyé l’ONG congolaise qui a fourni une sensibilisation et un accompagnement aux victimes pour qu’elles puissent participer au procès, et a coordonné le travail du collectif d’avocats qui a représenté les victimes tout au long de la procédure judiciaire.

« Les avocats des victimes, accompagnés par TRIAL International, ont obtenu la séparation des poursuites visant deux factions différentes de la milice Raia Mutomboki. Cela a permis de mieux étayer la responsabilité pénale des 3 prévenus membres du groupe armé Bralima et de prouver la responsabilité de l’État congolais pour n’avoir pas empêché la commission des crimes dans cette partie du territoire national. Nous allons nous investir pour que les crimes commis par les autres membres du mouvement Raia Mutomboki répondent de leurs actes devant la justice conformément à la loi », explique Ghislaine Bisimwa, conseillère juridique de TRIAL International en RDC.

Ce verdict intervient à la suite d’autres procédures judiciaires que la justice congolaise a mené contre les chefs des groupes Raia Mutomboki dans les dernières années, notamment l’affaire Kokodikoko en 2019 et l’affaire Hamakombo en 2020. Plusieurs procédures sont en cours concernant d’autres groupes Raia Mutomboki.

 

Edit 05/06/2024: En juin 2024, la Cour Militaire du Sud Kivu a confirmé la condamnation des miliciens pour meurtre, vol et participation à un mouvement insurrectionnel. Cependant, la qualification de crimes contre l’humanité n’a pas été retenue et les peines de prisons ont été réduite à 10 et à 5 ans.

 

Le travail de TRIAL International sur ce dossier est mené dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale du Sud Kivu, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

 

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