Procès Lumbala à Paris – Semaine 3

01.12.2025

(24-28 novembre)

Témoignages poignants et révélations clés

Roger Lumbala et sa défense ne se sont pas présentés au tribunal durant toute la troisième semaine du procès.

Lumbala Trial

Jour Neuf – 24 novembre

La journée commence avec l’audition d’un témoin interne, ancien agent de renseignement du RCD-N. Le témoin explique l’origine du RCD-N ainsi que l’influence exercée par l’Ouganda dans la transmission des ordres. S’agissant de la chaîne de commandement, il indique que Roger Lumbala participait aux discussions stratégiques avec Jean-Pierre Bemba, le général Amuli et, après lui, le général Ndima. Le témoin décrit également comment le pillage constituait un mode de rémunération des troupes stationnées à Isiro.

Le tribunal procède ensuite à l’audition de C.M., partie civile qui, au moment des faits, était chef d’un secteur dans une localité de la province de la Tshopo. C.M. décrit comment Lumbala et le RCD-N se sont installés progressivement dans sa ville, avec le soutien des UPDF, ainsi que leur prise de contrôle de l’exploitation de diamants. Il se souvient d’exécutions sommaires perpétrées par le général ougandais K., de disparitions liées à des conflits autour du commerce de diamants et des pillages et tortures qu’il a lui-même subis, notamment des mises au cachot et des maltraitances dans une fosse appelée « Mabusu », ainsi que de ses conditions de détention entre Bafwasende et Isiro. C.M. indique également avoir été menacé, avant son témoignage, par des membres fondateurs du RCD-N.

La partie civile D.U. explique ensuite vivre aujourd’hui sous protection en raison de menaces liées à son témoignage. À peine adolescent au moment des faits, il décrit les tortures subies, notamment une blessure par balle après avoir été forcé de guider des militaires, qui étaient selon lui sous le commandement de Lumbala, vers une mine de diamants. Il relate avoir assisté à plusieurs exécutions publiques en présence de Lumbala et décrit comment le RCD-N a contre-attaqué après la prise de Bafwasende par les Mai-Mai de Michigan.

L’un des avocats des parties civiles verse au dossier plusieurs pièces relatives aux effets du traumatisme sur la mémoire, notamment l’amnésie traumatique et les difficultés à se souvenir de dates.

 

Jour Dix – 25 Novembre

La journée commence avec l’audition de D.N., qui était pasteur dans la province de la Tshopo au moment des faits. Il décrit le système de taxation arbitraire mis en place par Lumbala et imposé par la force. Il relate que son propre frère a été tué et qu’il a lui-même été détenu et torturé.

D.N. décrit également comment une autre partie civile, D.U., avait été grièvement blessée alors qu’il était enfant par les troupes de Lumbala. Il revient aussi sur les affrontements pour le contrôle de Bafwasende entre le RCD-N et une milice Maï-Maï. Il alerte la Cour sur les menaces auxquelles il est exposé en raison de son témoignage.

La partie civile B.A. témoigne ensuite des violences qu’il a subies en lien avec l’exploitation diamantifère. Alors qu’il tentait de vendre des diamants hors du comptoir contrôlé par Lumbala, il a été passé à tabac par des soldats et dépouillé de ses pierres. Il explique que Lumbala contrôlait totalement la ville avec l’appui de soldats ougandais et de combattants fournis par Jean-Pierre Bemba. Comme d’autres parties civiles, il indique avoir reçu des menaces en raison de sa participation au procès.

La Cour entend ensuite D.D., représentant de l’ONG partie civile PAP-RDC, qui présente l’origine et le mandat de l’organisation et détaille les trois piliers de leur action, juridique, psychologique et médical. Il exprime ses craintes de représailles compte tenu de la médiatisation importante du procès.

Le Président lit ensuite les déclarations de plusieurs témoins décrivant la prise d’Isiro par le RCD-N en 2002, le système de taxation instauré par Lumbala ainsi que plusieurs crimes graves, notamment des exécutions publiques, des mutilations, la persécution visant les Nande et des opérations militaires violentes menées autour de la ville. Les témoins décrivent également l’arrivée du MLC venu renforcer les effectifs du RCD-N.

Le Président présente aussi les déclarations d’un ancien cadre du RCD-N, entendu à plusieurs reprises pendant la phase d’enquête. Il y explique l’origine, la structure et le fonctionnement du RCD-N à Isiro, ainsi que le système de taxation et les abus commis entre 2002 et 2003, notamment exécutions arbitraires, détentions et persécutions. L’avocat des parties civiles rappelle que cet ancien cadre avait été agressé à Paris en lien avec l’affaire avant d’être débouté de sa demande d’asile, illustrant les pressions exercées sur les Congolais impliqués dans le dossier.

Enfin, les avocats des parties civiles versent au dossier plusieurs reportages audiovisuels anciens et récents.

 

Jour Onze – 26 novembre

L’audience s’ouvre avec l’audition de P.Y., chef traditionnel Bambuti, qui décrit les attaques contre sa communauté durant l’opération « Effacer le tableau » et les violences extrêmes subies par sa famille, notamment le viol collectif de sa sœur enceinte, décédée de ses blessures, ainsi que le viol de sa tante.

Il évoque de manière générale les pillages perpétrés contre son peuple, notamment la destruction d’objets traditionnels.

Répondant aux allégations selon lesquelles les ONG auraient manipulé les témoignages, il souligne le caractère strictement accompagnateur et non directif de leur soutien, ainsi que les risques importants pris par les témoins pour venir déposer leur témoignage.

La partie civile A.M. relate ensuite comment il a été contraint de travailler pour les troupes lors de l’opération « Effacer le tableau » à Epulu en octobre 2002. Il explique qu’ils ont été forcés de construire des huttes, de porter des charges, et qu’il a été battu jusqu’à perdre connaissance.

Une partie civile, entendu·e à huis clos, relate les violences sexuelles subies et exprime l’espoir que son témoignage empêche la répétition de crimes similaires.

La partie civile W.M. témoigne des pillages survenus lors des deux prises successives d’Epulu fin 2002 et de la saisie de ses biens par le colonel Freddy Ngalimu, alias Mopao.

W.M. décrit plusieurs meurtres et la réquisition de jeunes hommes pour transporter le butin, ainsi qu’un bref échange qu’elle a eu avec Roger Lumbala lors de sa visite à Epulu. Elle évoque également les menaces reçues, en particulier de la part de membres de longue date du RCD-N et réfute fermement les accusations de subornation de témoin en décrivant clairement ses interactions avec les ONG qui l’ont accompagnée.

L’audience se termine par la lecture des déclarations de Lumbala issues de ses confrontations avec plusieurs parties civiles et témoins au cours de l’enquête.

 

Jour Douze – 27 novembre

La première audition est celle de la partie civile M.O., qui décrit la prise d’Epulu lors de l’opération « Effacer le tableau » : l’enlèvement des femmes, le transport forcé de munitions et de lourdes charges, ainsi que les coups de fouet infligés aux porteurs.

M.O. mentionne que son frère et d’autres habitants, dont le pasteur R., ont été tués lors de la seconde prise du village par le RCD-N. Il évoque également les deux visites de Roger Lumbala à Epulu, l’une pour livrer des munitions par hélicoptère et l’autre pour tenir un meeting public, ainsi que la chaîne de commandement impliquant Freddy Ngalimu et les commandants de bataillons.

V.R. est ensuite entendue. Elle raconte avoir dû fuir à plusieurs reprises les soldats de l’opération « Effacer le tableau » et les combats contre les troupes de l’APC. Elle décrit le meurtre de son père, le pasteur R., aux côtés de deux autre victimes, les travaux forcés imposés à ses frères, ainsi que les pillages subis par sa famille. Elle se souvient également du meeting public de Roger Lumbala à Epulu et de l’intervention de M.O., ainsi que des menaces reçues après son déplacement en France.

Une partie civile, entendu·e à huis clos, décrit sa fuite lors de l’opération « Effacer le tableau » et témoigne avoir été violé·e publiquement à deux reprises. Lel confie éprouver encore aujourd’hui de la honte et de la colère.

Le témoin K.K., habitant de Butiaba, décrit l’arrivée de près de 2 000 soldats dans le village sous le commandement de Roger Lumbala, l’installation de leurs quartiers et le dépôt de munitions ensuite transportées par véhicule vers Some. Les biens pillés par les soldats ont été évacués à trois reprises par hélicoptère, ces opérations se déroulant sous la supervision du colonel Widi Divioka.

L’audience se termine par la lecture des déclarations de Lumbala issues de ses confrontations devant le juge d’instruction. Il nie tout rôle direct dans le commandement du général Ndima ou dans les exactions et exécutions sommaires commises à Isiro, affirmant que le contrôle des troupes relevait de Jean-Pierre Bemba et qu’il n’était pas présent lors des opérations militaires ou des crimes imputés aux soldats du RCD-N.

 

Jour Treize – 28 novembre

Trois parties civiles ont été entendues à huis clos, leurs témoignages portant sur les violences sexuelles commises lors des attaques d’Epulu. Lels ont également décrit les conséquences physiques, psychologiques et socio-économiques durables que ces événements continuent d’avoir sur leur vie quotidienne.

La Cour a ensuite procédé à la lecture d’articles de presse contemporains aux faits (médias locaux, nationaux et internationaux), ainsi que d’extraits radiophoniques comprenant des interviews de Roger Lumbala. Cette séquence visait à reconstituer la chronologie des événements et a souligné que le RCD-N était systématiquement désigné comme un groupe armé dans les médias de l’époque.