Commentaire publié par les activistes Fatou Baldeh, directrice de l’ONG Women in Liberation & Leadership (WILL) ; Nana-Jo Ndow, fondatrice et directrice exécutive du African Network against Extrajudicial Killings and Enforced Disappearances (ANEKED) ; Sirra Ndow, directrice pays chez ANEKED : Fatoumatta Sandeng, fondatrice & directrice de la Solo Sandeng Foundation ; et Marion Volkmann-Brandau, juriste spécialisée en droits humains. Publié dans le journal gambien The Republic le 28 May 2024. (article en anglais)

Illustration article_Sonko case_The Republic

Le 15 mai 2024, un tribunal suisse a reconnu Ousman Sonko, ministre de l’intérieur de longue date de la Gambie sous le régime de Yahya Jammeh, coupable de plusieurs chefs d’accusation d’homicide volontaire, de torture et de séquestration commis dans le cadre d’une « attaque systématique contre la population civile » du pays. Il est le plus haut fonctionnaire étranger jamais condamné par un tribunal européen.

Si la condamnation de Sonko marque une nouvelle étape dans la quête de justice pour les victimes de violations des droits humains en Gambie et dans le monde, elle est également décevante pour les organisations et les personnes qui travaillent en étroite collaboration avec les victimes de violences sexuelles et sexistes. En effet, alors que Binta Jamba a courageusement témoigné qu’Ousman Sonko l’avait violée et torturée pendant des années, après avoir assassiné son mari, les poursuites ont été abandonnées parce que le tribunal a considéré qu’il s’agissait d’un « crime individuel », qui ne relevait pas de sa compétence.

Cette décision ignore et déforme la cruelle réalité vécue par les femmes et les jeunes filles pendant les 22 années du régime Jammeh : loin d’être une affaire privée, les violences sexuelles commises par des agents de l’État étaient une entreprise criminelle utilisant les ressources et les moyens de l’État mis à leur disposition. Nous sommes donc alarmées par le fait que le tribunal n’ait pas statué sur l’accusation de viol, bien qu’il ait été aussi systématique que les autres crimes dont Sonko a été reconnu coupable.

Depuis la négligence historique de la violence sexuelle et sexiste lors des procès de Nuremberg et de Tokyo, des progrès significatifs ont été réalisés tant dans les statuts que dans la jurisprudence des tribunaux pénaux internationaux concernant ces crimes. Pourtant, à maintes reprises, les tribunaux nationaux appliquant le principe de la compétence universelle, ainsi que les tribunaux internationaux, ont décontextualisé la violence sexuelle par rapport au schéma de violence plus large. Il existe une tendance à considérer le viol comme « isolé », souvent parce que les acteurs de la justice l’interprètent à tort comme un crime privé ou opportuniste (« sexe sans consentement »), alors qu’il s’agit en fait d’un outil utilisé par les régimes répressifs au même titre que la torture et les meurtres.

La torture, le viol et l’exploitation sexuels étaient des caractéristiques communes du régime Jammeh et ont été perpétrés par de nombreux hommes de haut rang, y compris le président lui-même. Plusieurs survivantes et témoins qui se sont exprimés devant la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) ont raconté en détail comment des agents de l’État, agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles, ont agressé sexuellement des femmes à de nombreuses reprises. Par exemple, les violences sexuelles en détention étaient courantes dès 1995 et touchaient aussi bien les femmes que les hommes. Ce que ces témoignages ont révélé n’est certainement que la partie émergée d’un horrible iceberg.

Au cours de ses deux années d’existence, la TRRC a entendu d’éminents partisans de l’ancien régime et les a confrontés à de nombreuses allégations formulées à leur encontre. Cependant, ils n’ont jamais été interrogés sur leur implication dans les violences sexuelles et sexistes. En fait, pas une seule fois des témoins du secteur de la sécurité n’ont été interrogés publiquement sur leur connaissance ou leur participation à de tels crimes.

Et ni la TRRC ni le tribunal suisse ne semblent avoir enquêté sur ce qui pourrait bien être un modèle de séquestration et de viol de la part d’Ousman Sonko. Lorsque Binta Jamba a témoigné de son calvaire devant la Commission vérité, réconciliation et réparations, elle a mentionné qu’à deux reprises, elle avait été séquestrée dans une maison où elle avait été violée et battue par Sonko. Le soldat qui l’a libérée de la pièce lui a dit que son « patron avait amené plusieurs autres femmes ici ». Qui sont ces autres femmes ? Et Sonko aurait-il pu les faire garder par un soldat s’il n’était pas en position de force ?

Les violences sexuelles commises par des fonctionnaires ne sont pas une « affaire privée ». Si les mécanismes de justice transitionnelle, tels que les commissions de vérité et les tribunaux, ne parviennent pas à enquêter de manière adéquate sur les violences sexuelles et sexistes, rien ne changera pour les nombreuses survivantes et les auteurs continueront à jouir de l’impunité qu’ils chérissent.

Alors que la Gambie est en train de mettre en place un tribunal hybride pour poursuivre les nombreux crimes commis sous le régime de Jammeh, nous appelons les juridictions nationales et internationales à écrire l’histoire en enquêtant et en poursuivant pleinement et honnêtement les violences sexuelles et sexistes à tous les niveaux. Ce n’est qu’à cette condition que les survivantes auront le sentiment que justice a été rendue, pour toutes et tous.

Cet article a été publié dans le journal gambien The Republic le 28 mai 2024. (en anglais)

La condamnation en Suisse de l’ancien ministre de l’Intérieur gambien Ousman Sonko pour crimes contre l’humanité, le 15 mai 2024, est historique à bien des égards. Cependant, la décision du Tribunal pénal fédéral suisse (TPF) de rejeter toutes les accusations de violences sexuelles, jette une ombre sur ce verdict phare. Ousman Sonko a été reconnu coupable de trois meurtres, de multiples actes de torture, de privation illégale de liberté dans des conditions assimilables à la torture – tous commis entre 2000 et 2016 pendant la dictature de Yahya Jammeh. En revanche, le tribunal suisse n’a pas retenu la responsabilité d’Ousman Sonko pour de multiples viols commis au début des années 2000 et en 2006. Tout en confirmant qu’ils avaient eu lieu, le tribunal a jugé que l’une des deux survivantes des viols ne pouvait pas être considérée comme faisant partie de la population civile attaquée et qu’il s’agissait d’actes individuels commis en dehors de l’attaque systématique contre la population. Il n’était donc pas compétent pour les poursuivre.

TRIAL International estime que le raisonnement du TPF reflète un manque de compréhension du contexte de plus de deux décennies de répression en Gambie, en particulier en ce qui concerne les violences sexuelles. Le régime de Yahya Jammeh se caractérisait par une violence généralisée fondée sur le genre, rendue possible par une politique bien conçue de protection, de normalisation et d’impunité des hauts fonctionnaires, dont Ousman Sonko. Bien qu’il existe une culture du silence autour de tels actes en Gambie et que, par conséquent, peu de victimes se manifestent par crainte d’être stigmatisées et de subir des représailles, les victimes dans cette affaire sont des exemples emblématiques, et en aucun cas des incidents isolés, de ce système sophistiqué dans lequel la violence sexuelle et sexiste a été utilisée comme arme de répression. Comme le souligne le rapport final de la Commission vérité, réconciliation et réparations (en anglais Truth, Reconciliation and Reparations Commission – TRRC)[1], les actes graves et répétés de violence sexuelle ne doivent pas être considérés en dehors du contexte politique du pays à l’époque.

En Gambie, l’Alliance of Victim-Led Organisation (AVLO), la Women’s Association for Victims’ Empowerment (WAVE) et Women in Liberation and Leadership (WILL) réagissent d’une seule voix : « La non-condamnation d’Ousman Sonko est un coup dur et un recul dans la lutte pour la justice pour les victimes et les personnes survivantes de violences sexuelles et sexistes (VSS), ainsi que des acteur·ice·s de la société civile qui travaillent avec elles et eux en Gambie. Dans un contexte où il faut lutter quotidiennement pour que les victimes se manifestent, cette décision les enfoncera encore plus dans l’ombre, où l’impunité prospérera. Malheureusement, cela pourrait également avoir un impact sur les processus de responsabilisation que nous préparons en Gambie. »[2]

En effet, le rejet de ces accusations n’est pas seulement un manquement à l’obligation de rendre justice aux deux plaignantes concernées, c’est aussi un manquement à l’obligation de reconnaître l’utilisation systémique de la violence sexuelle comme outil d’oppression. La décision du TPF renforce le dangereux discours selon lequel les violences sexuelles sont une affaire privée et qu’elles n’entrent pas dans le champ d’application du droit pénal international en termes de quête de justice. Le 15 mai 20204, le tribunal a manqué une occasion cruciale de surmonter les préjugés patriarcaux qui sont encore présents dans la jurisprudence internationale.

Selon Annina Mullis et Caroline Renold, avocates des deux plaignantes touchées par cette décision, « il s’agit d’un nouvel exemple du mépris général pour la violence sexuelle et sexiste. Au lieu de reconnaître les aspects structurels de la violence généralisée basée sur le genre et sexualisée en Gambie pendant le règne de Yahya Jammeh, le TPF a rejeté toutes les demandes de preuves soumises pour démontrer la nature systématique des VSS dans le pays, tout en considérant que les accusations portées par nos clientes contre l’accusé ne relevaient pas du domaine politique. Nos clientes vont évidemment faire appel de cette décision. »

TRIAL International rappelle que ce problème reste persistant lorsqu’il s’agit de poursuivre des crimes internationaux et que les violences sexuelles et les personnes survivantes de tels actes restent largement invisibles dans les tribunaux, perpétuant ainsi une culture de l’impunité. L’organisation travaille sans relâche pour que justice soit rendue aux victimes et aux personnes survivantes de violences sexuelles, notamment en Bosnie-Herzégovine et en République démocratique du Congo.

L’Organisation reste déterminée à lutter pour que justice soit rendue à tous les personnes survivantes de crimes internationaux, y compris ceux de violences sexuelles, et continuera à soutenir les plaignant·e·s dans leur quête de justice.

[1] Le rapport final de la TRRC de 2021, tome 10 : « Violences sexuelles et sexistes » peut être téléchargé ici : https://www.moj.gm/downloads

[2] Pour d’autres voix de Gambie, lire : « Sonko case: How a Swiss court failed survivors of sexual violence in The Gambia, and worldwide ».

(Genève, 15 mai 2024) – Ousman Sonko, ancien ministre de l’Intérieur gambien, a été condamné aujourd’hui par le Tribunal pénal fédéral (TPF) suisse pour crimes contre l’humanité. Le TPF l’a reconnu coupable de multiples crimes commis entre 2000 et 2016, sous le régime de l’ancien président gambien Yahya Jammeh, et l’a condamné à 20 ans de prison. M. Sonko est le plus haut fonctionnaire jamais condamné en Europe pour des crimes internationaux en vertu du principe de la compétence universelle. Il s’agit également du deuxième procès pour crimes contre l’humanité dans l’histoire judiciaire suisse.

Visuel condamnation Sonko

Dans son verdict rendu aujourd’hui, le Tribunal pénal fédéral a déclaré Ousman Sonko coupable du meurtre d’un opposant politique présumé en 2000 ; d’actes de torture et de détention arbitraire dans le cadre d’une tentative de coup d’État en mars 2006 ; du meurtre d’un homme politique en 2011 ; de privations de liberté ainsi que d’actes de torture – dont un meurtre – à l’encontre de personnes manifestant de façon pacifique en 2016. Le TPF a, en outre, contraint M. Sonko à verser des réparations aux parties plaignantes pour les préjudices subis.

Ramzia Diab Ghanim, l’une des dix parties plaignantes dans cette affaire, a réagi au verdict rendu aujourd’hui : « Cette décision nous permet de tourner la page, ce que nous attendions depuis longtemps, et montre qu’il n’y a pas de lieu sûr pour quiconque a perpétré des crimes internationaux en Gambie, pas même pour les personnes les plus haut placées. Je suis, toutefois, déçue que le Tribunal n’ait pas reconnu que les violences sexuelles sont également une attaque contre nous, la population civile ».

Malgré cette condamnation historique, le Tribunal a classé les chefs d’accusation de violences sexuelles survenues au début des années 2000 et 2006. Sans juger qu’elles n’avaient pas eu lieu, le TPF a considéré qu’elles étaient isolées de l’attaque dirigée contre la population civile et que, par conséquent, elles ne pouvaient pas constituer des crimes contre l’humanité. Le Tribunal a également estimé que les chocs électriques sur les parties génitales ne devraient pas été considérés comme des violences sexuelles mais comme de la torture.

Les parties peuvent contester l’arrêt en introduisant un recours auprès de la Cour d’appel du TPF.

Ousman Sonko a été arrêté en Suisse en janvier 2017, un jour après que TRIAL International a déposé une dénonciation pénale à son encontre. À l’issue d’une enquête qui a duré plus de six ans, le Ministère public de la Confédération (MPC) a mis en accusation M. Sonko en avril 2023. Son procès s’est déroulé en janvier et mars 2024 devant le Tribunal Pénal Fédéral à Bellinzone.

Cette condamnation historique a été rendue possible grâce au droit suisse, qui reconnaît la compétence universelle pour certains crimes graves au regard du droit international, ce qui permet de les poursuivre sur son territoire, indépendamment du lieu où ils ont été commis et de la nationalité des suspects ou des victimes.

TRIAL International a soutenu neuf plaignant·e·s qui se sont rendu·e·s en Suisse en janvier 2024 pour être entendu·e·s par le tribunal. Le procès s’étant déroulé en allemand, l’organisation a plaidé avec force, mais en grande partie en vain, pour que les procédures soient traduites, afin de les rendre accessibles aux victimes et à la population gambienne. TRIAL International a également assuré la publication régulière de résumés des audiences, repris par les journalistes gambien·ne·s et internationaux.

« La condamnation prononcée aujourd’hui constitue un précédent historique dans la lutte contre l’impunité dans le monde entier », a déclaré Philip Grant, directeur de TRIAL International. « Ce verdict ne rend pas seulement justice aux victimes de ces crimes odieux, mais envoie également un signal fort aux auteur·ice·s de crimes haut placé·e·s dans le monde entier : la justice peut vous rattraper », a-t-il ajouté.

Cette condamnation est une nouvelle étape sur le long chemin de la justice pour toutes les victimes des atrocités commises pendant le règne de terreur de Jammeh entre 1994-2016. Il s’agit du deuxième procès basé sur le principe de la compétence universelle pour des crimes commis en Gambie. Le premier a été celui de Bai L., ancien membre d’une unité paramilitaire connue sous le nom de « Junglers », créée par l’ancien président. Il a été condamné par un tribunal allemand à la prison à vie pour crimes contre l’humanité en novembre 2023. Un autre membre présumé du même escadron de la mort, Michael Correa, doit être jugé aux États-Unis en septembre 2024. Il est accusé de torture et de conspiration en vue de commettre des actes de torture.

La reconnaissance du rôle d’Ousman Sonko dans les exactions commises pendant la dictature de Jammeh contribue non seulement à réduire l’impunité pour les violations commises en Gambie sous le régime de M. Jammeh, mais peut également stimuler les poursuites nationales, propulsant ainsi le processus de justice transitionnelle initié en 2017. En décembre 2021, le rapport final de la Commission vérité, réconciliation et réparations (TRRC) de la Gambie a conclu que M. Jammeh et 69 de ses associés, y inclus Ousman Sonko, avaient commis des crimes internationaux ou de graves violations des droits humains et a demandé qu’ils soient poursuivis en justice. Le gouvernement gambien a publié un plan de mise en œuvre en mai 2023. Les 22 et 23 avril 2024, l’Assemblée nationale gambienne a ainsi adopté un projet de loi sur le Bureau du procureur spécial et un projet de loi sur le Mécanisme spécial de responsabilisation. Ces lois devront être signées par le président avant d’entrer en vigueur.

Pour plus de détails, voir le communiqué de presse du TPF.

(22-24 janvier 2024, Tribunal pénal fédéral, Bellinzone, Suisse)

Federal Criminal Court in Bellinzona
© TRIAL International / le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, Suisse.

Examen des charges de mars 2006 relatives à la persécution de journalistes

(actes de torture, séquestration et violences sexuelles commises en tant que crimes contre l’humanité)

Dans le cadre d’une tentative de coup d’État en mars 2006, Ousman Sonko est accusé, en tant que complice d’un groupe d’auteurs, d’avoir torturé diverses personnes, dont des membres de l’armée, des hommes politiques et des journalistes, de les avoir illégalement privées de liberté, ainsi que d’avoir commis un viol à Banjul, en Gambie.

 

18 et 22 janvier 2024 – Jours 9 et 11

Le plaignant appelé à témoigner est un journaliste gambien depuis les années 1990. Dans les années 2000, il occupait un poste de direction au sein du The Independent. En mars 2006, ce journal national de renommée a publié plusieurs articles sur la tentative de coup d’État contre le gouvernement de Yahya Jammeh.

Le plaignant se souvient avoir été arrêté à la fin du mois de mars 2006. Sans explication sur les raisons de son arrestation, il a été transféré au siège de la National Intelligence Agency (NIA), où il a dû endurer de terribles actes de torture de la part des Junglers. À une occasion, il y a rencontré Ousman Sonko et du personnel de la NIA.

Lors de sa libération sous caution fin avril 2006, il a dû se rendre dans plusieurs hôpitaux, mais les médecins lui ont refusé des soins par peur, car il était évident qu’il avait été torturé. Il s’est donc réfugié au Sénégal avec sa femme enceinte. Il a subi de graves traumatismes physiques et psychologiques à cause de ce qu’il a vécu. Toute sa famille est traumatisée, y compris son fils.

A The Independent, tout le monde était persécuté, la question n’était pas de savoir si quelqu’un allait être arrêté mais quand. Selon le plaignant, la torture et la tyrannie ont commencé avec le régime de Jammeh.

 

23 janvier 2024 – Jour 12

Le plaignant appelé à témoigner est un journaliste gambien depuis les années 1990. En 2006, il occupait un poste à responsabilité au sein du journal national de renommée The Independent ainsi qu’au sein de l’Union de la presse gambienne (GPU). Il a été arrêté à la fin du mois de mars 2006, après que le journal ait publié plusieurs articles critiques sur la tentative de coup d’État contre Yahya Jammeh. En 2017 et 2022, il a été élu parlementaire pour le parti UDP.

Les policiers qui l’ont arrêté sur son lieu de travail l’ont d’abord conduit au siège de l’Unité d’intervention de la police, où il a vu plusieurs de ses collègues. Il a ensuite été conduit à l’Agence nationale de renseignement, où il a été détenu pendant plusieurs semaines et interrogé sur les articles qu’il avait écrits. Il a souffert de blessures physiques et de traumatismes psychologiques dus à la violence qu’il a subie.

À un moment donné, il a été présenté à un panel, dont faisait partie Ousman Sonko, alors inspecteur général de la police (IGP). On lui a expliqué qu’il avait été pris pour cible en tant que journaliste, et plus particulièrement en tant que journaliste travaillant pour ce journal.

À l’époque, la situation politique était terrible. Selon le plaignant, la Gambie a connu l’enfer entre 1994 et 2016 : Jammeh était un tyran, la justice était sélective et injuste, le parlement n’était pas libre.

 

Fait marquant de la procédure

Lors de la reprise de l’audience le 23 janvier 2024, la défense a déposé une déclaration écrite sous serment de l’ancienne épouse d’Ousman Sonko, datée du 22 janvier 2024. Selon la défense, ce document met en évidence la personnalité de l’accusé, en particulier en privé.

Le procureur a fait valoir que ce document n’était pas pertinent pour la défense, mais qu’il ne s’opposerait pas à l’inclure dans le dossier s’il était important pour l’accusé.

Les plaignant·e·s s’en remettent à la Cour pour l’admission de ce document dans la procédure, tout en soulignant qu’il n’a aucune signification dans la pratique juridique suisse et que son audition en tant que témoin n’est ni nécessaire ni recommandée étant donné sa proximité avec l’accusé et l’équipe de la défense et le fait qu’elle ait assisté au procès.

La Cour a accepté le document dans le dossier.

 

Interrogatoire d’Ousman Sonko sur l’examen des charges de mars 2006

(actes de torture, séquestration et violences sexuelles commis en tant que crimes contre l’humanité)

23 janvier 2024 – Jour 12

Ousman Sonko a été appelé à témoigner et confronté aux résultats de l’enquête ainsi qu’aux déclarations supplémentaires des plaignant·e·s faites devant la Cour, en ce qui concerne les charges susmentionnées.

L’accusé a expliqué que la police gambienne était une force respectée. Il a répété qu’il n’avait que des fonctions non opérationnelles en tant qu’Inspecteur général de la police (IGP) et que l’Agence nationale de renseignement (NIA) n’a jamais été sous son contrôle. Tous les groupes d’enquête ont été mis en place sous l’égide de la NIA et sur ordre de Yahya Jammeh. Il a contesté les conclusions de la TRRC qui affirment qu’il était responsable, en tant qu’IGP, de la torture de personnes prétendument impliquées dans la tentative de coup d’État.

Entre autres déclarations, l’accusé a affirmé que, le 21 mars 2006, il était membre du groupe d’enquête pour la première fois, uniquement en tant qu’observateur, alors que les interrogatoires avaient déjà commencé. Il s’y est rendu une ou deux fois. Sa présence était requise pour libérer des personnes, s’excuser de leur arrestation et de leur détention. Il n’avait pas connaissance d’actes de torture et il n’était pas en son pouvoir de les empêcher.

 

23-24 janvier 2024 – Jours 12-13 : Demandes de preuves, décision de procédure et suspension du procès jusqu’en mars 2024

Le 23 janvier 2024 a marqué la fin des auditions de toutes les parties. Conformément au code de procédure, les parties ont alors eu la possibilité de demander des preuves supplémentaires.

Le Procureur et les plaignant·e·s ont rappelé que plusieurs personnes pouvaient encore être entendues pour prouver l’existence d’un système de répression en Gambie dans les années 2000, et que les dossiers de deux affaires gambiennes récentes dans d’autres pays pouvaient être ajoutés comme preuves.

La défense a critiqué le soutien de TRIAL International aux plaignant·e·s ainsi que l’indépendance des avocat·e·s vis-à-vis de l’organisation.

 

Le 24 janvier 2024, les parties ont été invitées à répondre.

Les arguments de la défense à l’encontre de TRIAL International ont été considérés comme des tactiques de diversion, et elle a donc retiré sa demande.

La Cour a accepté certains éléments de preuve dans le dossier.

Cependant, les auditions de témoins supplémentaires ont été rejetées. La cour a également refusé d’inclure les documents provenant d’autres affaires et a rejeté toutes les demandes de la défense.

La Cour a informé les parties que la phase de présentation de preuves est close et que les plaidoiries finales auront lieu pendant la semaine de réserve du 4 au 8 mars 2024. (date sujette à modification)

 

>> Ce résumé de la troisième semaine du procès d’Ousman Sonko reprend les points les plus importants abordés au cours des audiences. TRIAL International s’efforce de résumer le plus fidèlement possible ce qui a été dit. L’organisation ne peut être tenue responsable d’éventuelles erreurs ou omissions. <<

(15-19 janvier 2024, Tribunal pénal fédéral, Suisse)

© TRIAL International / Les plaignant·e·s, les avocat·e·s des plaignant·e·s et des représentant·e·s de TRIAL International devant le TPF la deuxième semaine du procès.

15 janvier 2024 – jour 6

Examen de la responsabilité d’Ousman Sonko dans le meurtre de Baba Joe en 2011

Ousman Sonko est accusé d’avoir tué intentionnellement Baba Jobe – ancien membre de l’Assemblée nationale – à Banjul en octobre 2011, en complicité avec un groupe d’auteurs. Il a contesté toutes les charges retenues contre lui en relation avec cet événement.

> Ousman Sonko a contesté toutes les charges retenues contre lui en relation avec cet événement.

Un témoin, qui a été entendu pendant la phase d’enquête par les autorités de poursuite pénale suisses en 2021 en Gambie, a été appelé à témoigner à la demande de l’accusation. Il était gardien de prison (assistant de David Colley, directeur général des prisons, à la prison de Mile 2) et était chargé de surveiller le prisonnier Baba Jobe, hospitalisé en octobre 2011.

Il a confirmé que, sur ordre de son supérieur, il a permis à un groupe de Junglers d’accéder à la chambre d’hôpital de Baba Jobe, qui l’ont ensuite tué.

Le témoin a également déclaré que des détenu·e·s étaient ramassé·e·s dans la prison de Mile 2, principalement par des Junglers, et que lorsqu’ielles étaient ramené·e·s, il était évident qu’ils ou elles avaient été torturé·e·s.

Le témoin a rappelé que David Colley, son supérieur, fournissait des rapports quotidiens à Ousman Sonko tous les matins par téléphone, ce que l’accusé a nié. Il n’a pas non plus admis avoir donné à Colley l’ordre d’assassiner Baba Jobe.

 

15-17 janvier 2024 – jours 6-8

Examen de la responsabilité d’Ousman Sonko dans la privation de liberté, la torture et les conditions de détention cruelles des manifestant·e·s à partir d’avril 2016

Ousman Sonko est accusé, en complicité avec un groupe d’auteurs, d’avoir torturé plusieurs opposant·e·s politiques et de les avoir illégalement privé·e·s de liberté dans le cadre d’une manifestation politique organisée en avril 2016 à Banjul. Dans ce cadre, Ousman Sonko est notamment soupçonné d’avoir torturé puis tué l’un des organisateur·ice·s de la manifestation.

> Ousman Sonko a contesté toutes les charges retenues contre lui en lien avec la torture, la privation de liberté et les conditions de détention cruelles des manifestant·e·s en avril 2016.

Les plaignant·e·s et le procureur ont demandé à ce que, des témoins qui avaient tou·te·s deux témoigné devant le TRRC en 2020, soient entendu·e·s.

Au cours de l’audience, le premier témoin – dont le témoignage a été demandé par les plaignant·e·s -, qui était gardien de prison, a confirmé qu’il avait travaillé dans la prison de Mile 2 sous la présidence de Jammeh, où il a lui-même été emprisonné plus tard. Mile 2 n’était pas un endroit propre, où l’air ne circulait pas bien. Le peu de nourriture que les détenu·e·s recevaient les rendait malades. Dans l’aile de sécurité de Mile 2, les détenu·e·s politiques n’étaient pas détenu·e·s au même endroit que les autres. Le témoin a entendu dire que les Junglers et la NIA avaient accès aux détenu·e·s. Ils seraient venus pendant la nuit pour que personne ne sache ce qui se passait. Le témoin a confirmé avoir vu des actes de torture commis à Mile 2 lorsqu’il était lui-même détenu. Il a ajouté qu’il n’avait jamais vu Ousman Sonko en prison.

Le deuxième témoin – dont le témoignage a été demandé par le procureur -, faisait partie des manifestant·e·s arrêté·e·s lors de la manifestation du 14 avril 2016. Il a déclaré avoir vu Ousman Sonko ainsi que d’autres agents de sécurité à la NIA. Là, les personnes arrêtées ont été fortement battues et ont subi des pressions pour qu’elles signent des déclarations pré-écrites. Il a ensuite été emprisonné. Le témoin a ensuite détaillé les actes de torture et les humiliations subies par les personnes arrêtées. Lui-même a dû subir des actes d’une particulière cruauté.

Il a ensuite été traduit devant un panel comprenant Ousman Sonko, le directeur de la MA et le directeur des opérations de la NIA. Devant ce panel, visiblement blessé, il a de nouveau été menacé. Il a ensuite été transféré dans d’autres prisons, où il a été maltraité, sans traitement médical et souvent sans accès à un·e avocat·e ou à sa famille.

En ce qui concerne le contexte politique et des droits humains en Gambie, le témoin a expliqué que, sous Yahya Jammeh, les membres de l’opposition ou les journalistes étaient soit emprisonné·e·s, soit contraint·e·s de quitter le pays. Le pouvoir judiciaire était sous l’influence du président et les procédures étaient biaisées.

Fait marquant de la procédure

Le dépôt de documents supplémentaires relatifs à l’exécution illégale de neuf détenu·e·s de Mile 2 en 2012 (articles de journaux gambiens, vidéos, etc.) a été discuté à la reprise de l’audience. De l’avis du Procureur et des plaignant·e·s, ces documents soutiennent le fait qu’une politique d’oppression systématique et planifiée a été mise en place par les autorités gambiennes. Les documents soulignent l’interaction entre les différents acteurs étatiques – et en particulier le rôle d’Ousman Sonko – au sein du gouvernement de Yahya Jammeh pour mettre en œuvre cette politique. La défense a fait valoir que le dépôt de ces documents devait être rejeté car les exécutions de détenu·e·s en question étaient légales et ne pouvaient donc pas constituer la preuve d’une attaque systématique ou généralisée contre la population civile.

> La Cour a statué en faveur des plaignant·e·s et du procureur en acceptant d’ajouter ces nouvelles preuves au dossier.

 

17-18 janvier 2024 – jours 8-9

Examen de la responsabilité d’Ousman Sonko dans la privation de liberté, la torture et les conditions de détention cruelles des manifestants à partir d’avril 2016 en tant que crimes contre l’humanité

Ousman Sonko est accusé, en complicité avec un groupe d’auteurs, d’avoir torturé plusieurs opposant·e·s politiques et de les avoir illégalement privé·e·s de liberté dans le cadre d’une manifestation politique organisée en avril 2016 à Banjul. Dans ce cadre, Ousman Sonko est notamment soupçonné d’avoir torturé puis tué l’un des organisateur·ice·s de la manifestation.

Pour commencer, deux plaignantes ont été appelés à fournir leurs déclarations.

Les deux plaignantes qui ont été appelées à témoigner au sujet des événements d’avril 2016 sont d’anciennes membres de l’UDP (parti d’opposition sous Jammeh), qui se sont fortement engagées dans les activités du parti dès leur plus jeune âge. Elles ont été arrêtées puis torturées en avril 2016 et maintenues en détention pendant plusieurs mois.

La première plaignante a expliqué avoir été arrêtée en avril 2016 et emmenée au siège de l’Unité d’intervention de la police (PIU HQ) avec d’autres personnes. Elle a ensuite été emmenée à la prison Mile 2 et dans les locaux de la National Intelligence Agency (NIA). Elle a décrit les tortures et les humiliations qu’elle a subies, ainsi que les conditions de détention sordides. Les opposants politiques détenus étaient traités comme des animaux. Elle souffre encore de graves séquelles physiques.

La deuxième plaignante a expliqué qu’elle avait été arrêtée le 14 avril 2016 et emmenée au QG de la PIU, où elle a été blessée et humiliée. Avec d’autres personnes arrêtées, elle a été emmenée à Mile 2, puis dans les locaux de la NIA. Là, on lui a bandé les yeux et on l’a soumise à la torture. Pendant son séjour à Mile 2, elle n’a pas eu accès à un·e médecin ou à un·e avocat·e et les conditions de détention étaient très mauvaises.

Une troisième plaignante, qui a subi des actes similaires à partir d’avril 2016, s’était battue depuis plusieurs années pour que justice soit rendue dans le cadre de la procédure engagée contre Ousman Sonko. En effet, en juin 2017, elle avait déposé une plainte contre lui en Suisse pour les actes de torture qu’elle a subis à l’époque. Malheureusement, elle est décédée avant d’avoir pu raconter son histoire devant la Cour.

Par la suite, Ousman Sonko a été appelé à témoigner sur les événements du 14 avril 2016.

Il a nié avoir été présent au siège de l’unité d’intervention de la police ou avoir participé au groupe d’enquête de la NIA. Il a réaffirmé que les Junglers n’étaient pas sous sa supervision.

Des notes qui semblent être des preuves à charge ont été trouvées dans sa valise par la police en 2017. Il a déclaré que le contenu n’était que partiellement vrai, même s’il a admis qu’il s’agissait de son écriture.

En outre, il a déclaré qu’en avril 2016, les manifestant·e·s n’avaient pas été arrêté·e·s en raison de leur opposition politique, mais parce que la manifestation s’était déroulée illégalement. Les arrestations n’étaient donc qu’une question de sécurité.

Bien qu’il ait reconnu les mauvaises conditions de détention à l’époque, Ousman Sonko a répété qu’il avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour les améliorer pendant son mandat de Ministre. Il n’a eu connaissance d’aucune agression sexuelle et s’est excusé pour les désagréments que les conditions de détention ont pu causer aux plaignant·e·s. Il a réaffirmé qu’il n’avait jamais reçu l’ordre de tirer sur les manifestant·e·s et qu’il n’aurait pas suivi un tel ordre.

 

19 janvier 2024: Le procès est suspendu jusqu’au lundi 22 janvier 2024

Après l’audition d’Ousman Sonko le 18 janvier 2024, un plaignant a été appelé à faire une déclaration sur son arrestation et la torture qu’il a subie en 2006. L’audience devait se poursuivre le 19 janvier 2024.

La défense a informé la Cour et les parties qu’elle ne serait pas en mesure de représenter son client le lendemain. Le procès ne pouvant se poursuivre sans la présence de la défense, la Cour a suspendu la procédure et informé les parties qu’elle reprendrait le lundi 22 janvier 2024, à 8h30 (heure d’Europe centrale). En conséquence, les plaignant·e·s restant·e·s devront être interrogé·e·s la semaine prochaine, c’est pourquoi la Cour a accepté que leur séjour soit prolongé.

Les autres plaignant·e·s qui devaient quitter la Suisse le 20 janvier 2024 – leurs dépositions faites – n’auraient pas été en mesure d’entendre la suite de l’interrogatoire de l’accusé la semaine prochaine sans les moyens de prolonger leur séjour. Néanmoins, il n’est pas certain que la Cour finisse par les rembourser, entièrement ou même du tout.

En ce qui concerne l’accès des victimes à la justice, TRIAL International croit fermement que la présence des plaignant·e·s à l’audience d’Ousman Sonko et la confrontation avec les faits en jeu peuvent contribuer à leur processus de guérison et apporter à chacun·e la conclusion qu’ielles attendent depuis des années maintenant.

TRIAL International rappelle que les plaignant·e·s auraient dû être invité·e·s à assister à l’intégralité du procès dès le début, et leurs frais pris en charge, car la participation des victimes à ces procès est de la plus haute importance et s’aligne sur le principe de compétence universelle, qui permet aux victimes d’être entendues devant des juridictions étrangères sur les crimes graves qu’elles ont subis.

 

>> Ce résumé de la deuxième semaine du procès d’Ousman Sonko reprend les points les plus importants abordés au cours des audiences. TRIAL International s’efforce de résumer le plus fidèlement possible ce qui a été dit. L’organisation ne peut être tenue responsable d’éventuelles erreurs ou omissions. <<

(8-12 janvier 2024, Tribunal pénal fédéral, Suisse)

Le procès d’Ousman Sonko s’est ouvert le 8 janvier 2024 devant le Tribunal pénal fédéral suisse (TPF). Un panel de trois juges examine la responsabilité de l’ancien ministre de l’Intérieur gambien dans les nombreux crimes contre l’humanité qu’il est accusé d’avoir commis entre 2000 et 2016, sous le régime de l’ancien président Yahya Jammeh.

Pendant les trois semaines du procès, Ousman Sonko sera représenté par une équipe de défense de quatre personnes. Neuf parties plaignantes seront entendues pendant deux semaines. Elles sont représentées par leurs avocat·es et soutenues par TRIAL International, qui a déposé la dénonciation pénale contre Ousman Sonko en 2017.

©TRIAL International / plaintiffs, plaintiffs’ lawyers and TRIAL representatives before the Swiss Federal Criminal Court in Bellinzona.
©TRIAL International / les parties plaignantes, leurs avocates et des représentants de TRIAL International devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone le premier jour du procès.

8 janvier 2024 – Ouverture du procès

Le premier jour, l’audience a porté sur des questions de procédure et d’organisation. Dans ce cadre, la défense a fait valoir que la Suisse n’était pas compétente pour juger les faits qu’Ousman Sonko est accusé d’avoir commis entre 2000 et 2006 et que ces crimes présumés étaient prescrits. En outre, il a été demandé de retirer de nombreux éléments de preuve du dossier pour des raisons de procédure.

D’autre part, le Procureur Fédéral et les avocat·es des parties plaignantes ont rappelé que la jurisprudence suisse est en faveur de l’accusation.

En Suisse, « (…) un·e auteur·e peut être poursuivi·e et puni·e pour des crimes contre l’humanité commis avant 2011 jusqu’à la fin de sa vie, indépendamment de l’écoulement du temps. » (Plaidoyer du Procureur fédéral du 8 janvier 2024)

En outre, les avocat·es des parties plaignantes ont demandé que les accusations soient examinées comme étant aggravées, compte tenu du nombre élevé de personnes touchées et de la nature particulièrement cruelle des faits à juger.

9 janvier 2024 – Le procès continue

La procédure a repris et la Cour a décidé que le procès examinerait d’abord le fond et, une fois qu’elle aura établi si des crimes contre l’humanité ont été commis, elle examinera les arguments des parties concernant sa compétence et la prescription.

La Cour a ensuite décidé que les éléments de preuve contestés avaient été recueillis conformément à la loi par les autorités de poursuite et que, par conséquent, le dossier resterait en l’état.

En ce qui concerne la traduction de la procédure, la Cour a expliqué que l’interprétation en anglais ne serait pas assurée pour les parties du procès qu’elle considère comme non essentielles pour les parties.

Une fois ces questions clarifiées, la Cour a abordé le fond de l’affaire.

Comme le prévoit la loi, la Cour a rappelé à Ousman Sonko les accusations portées contre lui. Il a ensuite été invité à répondre à des questions sur sa situation personnelle. Selon lui, les sept années de détention préventive ont été la pire période de sa vie, alors que son état de santé s’est détérioré et que la situation financière de sa famille s’est aggravée.

Dans une déclaration ouverte, Ousman Sonko a réaffirmé qu’il n’était pas coupable des crimes dont il est accusé. Il a assuré qu’il a toujours été loyal envers son pays et qu’il l’a servi du mieux qu’il a pu, en essayant d’améliorer les conditions carcérales et de professionnaliser le travail des forces de sécurité et de la police. Il a affirmé n’avoir connaissance d’aucun mauvais traitement dans les quartiers de sécurité des prisons gambiennes.

Ousman Sonko a ensuite formulé des critiques à l’encontre des autorités suisses :

« La Suisse n’est pas dans une position pour donner des leçons à qui que ce soit en matière de droits humains. » (Ousman Sonko, déclaration du 8 janvier 2024)

10 janvier 2024 – Examen des accusations liées aux années 2000

(meurtre d’Almamo Manneh et viols répétés en tant que crimes contre l’humanité)

« Ousman Sonko est accusé d’avoir participé à l’assassinat d’Almamo Manneh, ancien membre des State Guards, en janvier 2000, et d’avoir agressé sexuellement sa veuve entre les années 2000 et 2002 ainsi que de l’avoir torturée, violée et séquestrée en 2005. » (Acte d’accusation déposé contre Ousman Sonko le 17 avril 2023)

Le troisième jour du procès, la veuve d’Almamo Manneh a été entendue par la Cour. Sonko a été placé dans une pièce séparée, afin d’éviter une confrontation directe avec lui lors de son interrogatoire. Elle a expliqué comment Sonko avait abusé d’elle de manière sévère et répétée. Elle a indiqué qu’à partir du milieu des années 1990, les Gambien·es qui s’opposaient au gouvernement vivaient un véritable enfer. Suite à son témoignage devant la TRRC, elle a été contactée par de nombreuses femmes qui avaient également été agressées sexuellement mais qui avaient peur de porter plainte.

Interrogé sur le meurtre d’Almamo Manneh, Sonko a expliqué qu’il était tenu au secret professionnel et qu’il ne pouvait pas faire d’autres commentaires. En ce qui concerne les allégations de viol et de torture, il a affirmé qu’il n’était pas dans le pays au moment des faits, car il était en voyage pour une mission des Nations Unies et n’est revenu qu’une fois en Gambie pour faire une pause. La Cour a informé les parties qu’elle attendait que les Nations Unies confirment cette information.

10-12 janvier 2024 – Suite de l’examen des accusations liées aux années 2000

(actes de torture, privation de liberté et violences sexuelles commis en tant que crimes contre l’humanité)

« Dans le cadre d’une tentative de coup d’état en mars 2006, Ousman Sonko est accusé, en tant que complice d’un groupe d’auteurs, d’avoir torturé diverses personnes, dont des membres de l’armée, des personnalités politiques et des journalistes, de les avoir illégalement privées de leur liberté, ainsi que d’avoir commis un viol à Banjul, en Gambie. » (Acte d’accusation déposé contre Ousman Sonko le 17 avril 2023)

Au cours de trois jours, trois parties plaignantes ont fourni des compte rendus des actes de torture subis dans le cadre d’une enquête menée sur une prétendue tentative de coup d’état en mars 2006.

Ousman Sonko a contesté toutes les accusations portées contre lui en relation avec ces événements. Il sera entendu ultérieurement sur ces événements.

Le premier plaignant à s’adresser à la Cour a rappelé son arrestation le 21 mars 2006, date à laquelle il a été violemment interrogé et soumis à des actes de torture à l’Agence nationale de renseignement (NIA) à plusieurs reprises. Il souffre encore aujourd’hui de graves séquelles physiques et mentales. Le plaignant a également rappelé que les membres d’un panel d’enquête mis en place dans les locaux de la NIA – dont Ousman Sonko – savaient très bien que des personnes étaient torturées dans le cadre de cette enquête.

« À l’époque, le pays était soumis à une dictature extrême. Des personnes étaient arrêtées et emprisonnées sans être déférées devant la justice. D’autres disparaissaient. Les gens vivaient dans une peur constante. » (Déclaration du premier plaignant, concernant le contexte gambien, 10 janvier 2024)

La deuxième plaignante à faire une déclaration a expliqué qu’elle avait été arrêtée le 24 mars 2006 et détenue, puis amenée dans les locaux de la NIA. Elle s’est retrouvée dans une pièce où de nombreuses personnes – parmi lesquelles Ousman Sonko et l’ancien vice-directeur de la NIA – étaient assises. Elle a été interrogée sur la tentative de coup d’état qui était soupçonnée d’avoir eu lieu. Pendant sa présence à la NIA, elle a été violée, humiliée et torturée. À la suite de ces événements horribles, elle a été mise en prison, où elle est restée pendant plusieurs semaines – avec d’autres personnes.

En octobre de la même année, elle a de nouveau été arrêtée à son domicile et emprisonnée. Finalement, elle a été libérée.

« Le système judiciaire gambien était complice du gouvernement, au sein duquel les juges répondaient aux ordres du président. » (Déclaration de la deuxième plaignante, concernant le contexte gambien, 11 janvier 2024)

Le troisième plaignant a confirmé qu’il avait été enlevé du Parlement en mars 2006. Emmené à plusieurs reprises dans les locaux de la NIA, il a été interrogé sur son rôle présumé dans la tentative de coup d’état présumée. Il a été soumis à des actes de torture à plusieurs reprises et a subi des pressions pour signer une déclaration. En conséquence, il a subi d’importantes séquelles physiques et psychologiques des suites des actes de torture qu’il a endurés et reste depuis lors affecté dans sa vie quotidienne.

« J’ai été soumis à des crimes odieux et à des humiliations que je n’aurais jamais cru qu’un être humain puisse faire à un autre ! » (Déclaration du troisième plaignant, concernant le contexte gambien, 11 janvier 2024)

 

>> Ce résumé de la première semaine du procès d’Ousman Sonko reprend les points les plus importants abordés au cours des audiences. TRIAL International s’efforce de résumer le plus fidèlement possible ce qui a été dit. L’organisation ne peut être tenue responsable d’éventuelles erreurs ou omissions. <<

L’ancien ministre gambien Ousman Sonko a été inculpé de crimes contre l’humanité

(Genève, le 5 janvier 2024) – Le procès qui s’ouvrira en Suisse le 8 janvier 2024, pour des crimes graves commis en Gambie, représente une avancée significative pour délivrer la justice aux victimes de graves abus, ont déclaré aujourd’hui des ONG gambiennes et internationales participant à la campagne Jammeh2Justice.

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Des victimes d’abus en Gambie et des représentants d’ONGs photographiées devant le Tribunal régional supérieur de Celle, en Allemagne, en avril 2022. © 2022 Whitney-Martina Nosakhare/Human Rights Watch

L’ancien ministre gambien de l’Intérieur Ousman Sonko est inculpé de crimes contre l’humanité liés à des actes de torture, enlèvement, violence sexuelle et exécution extrajudiciaire entre 2000 et 2016, lorsque le président Yahya Jammeh était au pouvoir. La présidence de Jammeh, qui a duré 22 ans, a été marquée par des violations systématiques et généralisées des droits humains, avec entre autres des arrestations arbitraires, des tortures, y compris par les violences sexuelles, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées de personnes opposées réellement ou supposément à son régime.

« Le procès d’Ousman Sonko est une nouvelle avancée majeure de la quête de justice pour les victimes des crimes brutaux commis sous le régime de Jammeh et leurs familles », a déclaré Sirra Ndow, coordonnatrice de la campagne Jammeh2Justice. « L’affaire Sonko devrait renforcer les efforts accomplis au sein de la Gambie pour juger les crimes de l’ère Jammeh, afin que leurs auteurs répondent des actes atroces qu’ils ont commis. »

Sonko avait été arrêté à Berne, en Suisse, le 26 janvier 2017, au lendemain de la plainte déposée au pénal contre lui par TRIAL International. Le Ministère public de la Confédération suisse avait déposé un acte d’accusation contre Sonko devant le Tribunal pénal fédéral le 17 avril 2023. Le procès, qui se déroule dans la ville de Bellinzona, devrait durer environ trois semaines.

Ce procès est possible parce que le droit suisse reconnaît la compétence universelle pour certains crimes internationaux graves, ce qui permet de lancer des poursuites judiciaires concernant ces crimes, quel que soit l’endroit où ils ont été commis, la nationalité des suspects ou celle des victimes. Des organisations non gouvernementales suisses, d’anciens procureurs fédéraux et des membres du parlement, entre autres, avaient déjà critiqué par le passé les autorités judiciaires suisses pour leur retard en matière de compétence universelle, par rapport à d’autres pays européens, alors que le pays disposait d’une législation solide lui permettant de juger les crimes graves.

« Avec le procès de Sonko, la Suisse semble enfin accélérer le mouvement en ce qui concerne le jugement des atrocités commises à l’étranger », a estimé Philip Grant, directeur exécutif à TRIAL International, qui soutient les plaignants de cette affaire. « Sonko est le responsable du plus haut niveau qui ait jamais été jugé grâce au principe de la compétence universelle en Europe. »

Sonko est en effet la seconde personne à être jugée en Suisse par un tribunal non militaire pour des crimes graves commis à l’étranger, la seconde personne à être jugée en Europe pour des crimes commis en Gambie et le responsable du niveau le plus élevé jamais jugé en Europe grâce à la compétence universelle. Des activistes et des survivants gambiens, ainsi que des acteurs internationaux de la défense des victimes, assisteront à l’ouverture du procès à Bellinzona et sont disponibles pour fournir des commentaires à ce sujet. La première affaire ayant jugé des crimes commis en Gambie s’est tenue en Allemagne à l’encontre de Bai Lowe, ancien membre de l’unité paramilitaire dite des « Junglers », que Jammeh avait créée. Lowe a été reconnu coupable et condamné à la prison à vie par un tribunal allemand le 30 novembre 2023, pour deux meurtres et une tentative de meurtre constitutifs de crimes contre l’humanité.

Un défi important sera d’assurer que les Gambiens, aussi bien au sein du tribunal qu’en dehors, puissent avoir accès aux procédures, les suivre et les comprendre, sachant qu’elles auront lieu en allemand. Des survivants, des groupes de victimes et des associations de la société civile se sont efforcées d’assurer que les informations ou les actualités du procès soient diffusées en Gambie afin qu’elles touchent davantage de personnes.

« L’évolution des procédures judiciaires d’une affaire aussi importante devrait être rendue accessible aux Gambiens, victimes ou non, dans la langue qu’ils comprennent, l’anglais, ce qui accroîtra l’intérêt qu’ils portent au procès », a déclaré Fatoumata Sandeng, une plaignante de l’affaire Sonko qui préside la Fondation Solo Sandeng. « Il faut par ailleurs davantage d’efforts de la part du gouvernement pour établir les responsabilités en Gambie. »

Depuis la chute de Jammeh, la Gambie n’a vu aboutir que deux affaires judiciaires pour des crimes commis sous sa présidence. Le 24 décembre 2021, le rapport final de la Commission Vérité, réconciliation et réparations (CVRR) a conclu que Jammeh et 69 de ses subordonnés avaient commis des crimes contre l’humanité et appelé à les juger. Le 25 mai 2022, le gouvernement gambien a accepté les recommandations de la CVRR en vue de l’établissement des responsabilités, mais sans aucun plan d’action.

Le 12 mai 2023, le gouvernement a enfin présenté son plan de mise en œuvre détaillé, appelant à la création d’un Bureau de procureur spécial pour compléter les enquêtes initiées par la CVRR et constituer des dossiers pouvant passer en jugement. Un tribunal hybride formé par la Gambie et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) serait créé pour juger les infractions les plus graves. La Gambie et la CEDEAO ont créé un comité technique conjoint pour mettre en place le tribunal hybride.

« Le gouvernement gambien et la CEDEAO devraient créer sans tarder le tribunal hybride », a déclaré Elise Keppler, directrice adjointe de la division Justice internationale à Human Rights Watch. « Les victimes et le public gambien ont déjà trop attendu l’opportunité de voir la justice rendue. »

Les ONGs impliquées dans la campagne Jammeh2Justice sont notamment les suivantes : Africa Center for International Law and Accountability (ACILA), Amnesty International Ghana, Center for Justice and Accountability, Center for Justice and Accountability (CJA), Commission internationale de juristes, Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI), Fondation des médias pour l’Afrique de l’Ouest (MFWA), Fondation Solo Sandeng, Gambia Center for Victims of Human Rights Violations, Ghana Center for Democratic Development (CDD-GHANA), Human Rights Advocacy Center, Human Rights Watch, Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA), POS Foundation, Réseau africain contre les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées (ANEKED), Right 2 Know Gambia, The Toufah Foundation, TRIAL International et Women’s Association for Victims’ Empowerment (WAVE).

Pour plus d’informations sur le procès sur le site de TRIAL International ou nos Questions Fréquentes.

Plus d’informations sur la Gambie sur le site de Human Rights Watch.

Contacts pour de plus amples informations :

  • Pour Human Rights Watch, à New York, Elise Keppler (français, anglais): +1-917-687-8576 (mobile); ou kepplee@hrw.org. Twitter: @EliseKeppler
  • Pour TRIAL International, à Genève, Vony Rambolamanana (français, anglais, allemand): +33-66 -48-80-305 (mobile); ou media@trialinternational.org. Twitter: @trial
  • Pour ANEKED, à New York, Nana-Jo Ndow (français, anglais, espagnol, portugais): +1-929-684-5734 (mobile); ou nanajo.ndow@aneked.org. @theANEKED
  • Pour la Commission Internationale de Juristes, à Barcelone, Reed Brody (français, anglais, espagnol, portugais): +1-917-388-6745 (mobile); ou reedbrody@gmail.com. Twitter: @reedbrody
  • Pour la Fondation Solo Sandeng, en Allemagne, Fatoumatta Sandeng (anglais, allemand, Mandinka, Wollof) +49-16-31-74-75-19 (mobile); ou solosandengfoundation@gmail.com. Twitter: @solosandengfound

(Genève, 4 janvier 2024) – Le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur gambien, Ousman Sonko, se tiendra devant le Tribunal pénal fédéral suisse du 8 au 30 janvier 2024. Ousman Sonko est jugé pour crimes contre l’humanité, commis sous le régime de l’ancien président gambien Yahya Jammeh. TRIAL International avait déposé une plainte pénale contre Ousman Sonko en janvier 2017.

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Article sur le procès d’Ousman Sonko en Suisse à La Une d’un journal national gambien.

Les autorités de poursuite suisses accusent M. Sonko d’une série de crimes : l’assassinat d’un opposant politique en 2000 ; des actes de violence sexuelle commis entre 2000 et 2002, puis en 2005 ; la participation à des actes de torture et de détention arbitraire dans une affaire de coup d’État en mars 2006 ; et l’assassinat d’un homme politique en 2011. Ousman Sonko est également accusé d’avoir torturé et emprisonné des manifestants pacifiques en 2016, alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Le procureur général a qualité ces actes de crimes contre l’humanité.

« Ce procès est très important dans l’histoire judiciaire suisse, puisqu’il s’agit seulement du deuxième procès pour crimes contre l’humanité, explique Leslie Haskell, Présidente de TRIAL International. Ousman Sonko est également le plus haut responsable politique jamais jugé en Europe pour des crimes internationaux, en vertu de la compétence universelle. » Selon ce principe juridique, les États ont en effet la possibilité de poursuivre les auteur·es de crimes internationaux présents sur leur territoire, quel que soit le lieu où les crimes ont été commis ou la nationalité des auteur·es et des victimes.

TRIAL International soutient les neuf parties plaignantes qui se rendent à Bellinzone pour être entendues par le tribunal. Une dixième aurait dû les rejoindre, mais elle est malheureusement décédée en octobre 2023, en raison des suites des mauvais traitements subis à l’époque des crimes. Ce procès est une lueur d’espoir pour les victimes des atrocités commises pendant le règne de terreur de Jammeh (1994-2016). Le 30 novembre dernier, un ancien membre d’une unité paramilitaire créée par l’ancien président et connue sous le nom de « Junglers », a été condamné par un tribunal allemand à la prison à perpétuité pour crimes contre l’humanité, concernant deux meurtres et une tentative de meurtre. Un autre membre présumé du même escadron de la mort, Michael Correa, doit être jugé à Denver, aux États-Unis, en septembre 2024. Il est accusé d’avoir commis des actes de torture et d’avoir comploté en vue de commettre des actes de torture.

« Le processus de justice transitionnelle en Gambie est trop lent, » a déclaré l’une des parties plaignantes, qui souhaite rester anonyme à ce stade. « Les procès qui ont lieu en Allemagne et en Suisse permettent enfin aux victimes de tourner la page, ce qu’elles attendent depuis trop longtemps maintenant. »

Si Ousman Sonko était reconnu coupable et condamné, cela contribuerait à lutter contre l’impunité des violations commises en Gambie sous le régime de M. Jammeh. Une condamnation ouvrirait la voie à des poursuites au niveau national et encouragerait le processus de justice transitionnelle initié en 2017.

Ouvertes au public et aux médias, les audiences se tiendront en allemand et ne seront pas traduites, sauf lorsque l’accusé, les victimes et les témoins anglophones seront amené·es à s’exprimer. TRIAL International regrette ce choix qui limite la possibilité pour les plaignant·es, les journalistes et la communauté gambienne à comprendre et à rendre compte de la procédure. Défendant le principe selon lequel « la justice ne doit pas seulement être rendue mais être perçue comme telle », TRIAL International demande à ce que les victimes et survivant·es aient pleinement accès à ce procès historique pour la communauté gambienne.

Le procès d’Ousman Sonko – l’ancien ministre de l’Intérieur gambien accusé d’avoir commis de multiples crimes contre l’humanité – s’ouvrira le 8 janvier 2024 devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone.

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Le bâtiment du Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, en Suisse. © Wikimedia Commons

Il s’agira du second procès portant sur des crimes contre l’humanité dans l’histoire judiciaire de la Suisse. Ousman Sonko sera d’ailleurs le plus haut responsable étatique jamais jugé pour des crimes internationaux sur la base de la compétence universelle en Europe.

Avec les dates d’ouverture du procès, l’espoir des victimes de voir enfin leur bourreau rendre des comptes devant la justice se concrétise. « Parmi les victimes, certaines d’entre elles ont mené cette lutte durant plus de vingt ans, la justice suisse se doit d’être à la hauteur de leur attentes », souligne Vony Rambolamanana, Conseillère juridique principale de TRIAL International.

Une éventuelle reconnaissance du rôle d’Ousman Sonko dans les exactions commises pendant le régime de Yahya Jammeh serait un signe important pour le processus de justice transitionnelle entrepris par la Gambie en 2017. Les nouvelles récentes de l’arrestation d’un défenseur des droits humains, d’un journaliste et d’autres activistes laissent craindre une recrudescence des mesures répressives contre les opposant·e·s au pouvoir. Le procès d’un des hauts responsables du régime Jammeh pourrait donner un signal fort, et un nouvel élan, à la recherche de vérité et de justice pour laquelle un grand nombre de gambien·ne·s a œuvré jusqu’à maintenant.

Pour rappel, l’accusé a été arrêté à Berne le 26 janvier 2017. La veille, TRIAL International avait déposé une dénonciation pénale à son encontre. Le 17 avril 2023, après plus de six ans d’enquête, le Ministère public de la Confédération (MPC) a transmis un acte d’accusation au Tribunal pénal fédéral. Le MPC accuse Ousman Sonko d’avoir participé à de nombreux actes de torture, de séquestration, de violences sexuelles ainsi qu’à des assassinats perpétrés entre 2000 et 2016 en Gambie.

« Le fait que cette affaire soit enfin portée devant un Tribunal est très important pour nos client·es » affirme Maître Fanny de Weck. « Ce procès montrera notamment si des responsables hiérarchiques – et pas seulement les exécutants des crimes – peuvent être amenés à rendre des comptes sur la base de la compétence universelle » ajoute Maître Nina Burri. Les deux avocat·es représentent des parties plaignant·es dans la procédure dirigée à l’encontre d’Ousman Sonko.

Les débats auront lieu en allemand et seront accessibles au public ainsi qu’aux journalistes dans la limite des places disponibles dans la salle d’audience.

Les journalistes intéressés peuvent demander une accréditation auprès du secrétariat général du TPF.

Informations complémentaires fournies par le TPF. (en anglais)

Pour plus de détails sur l’affaire : lire notre communiqué de presse du 18 avril 2023 et nos Questions fréquentes. (disponibles en français, anglais et allemand)