Disparition forcée de Rachid SASSENE en mai 1996

12.02.2016 ( Modifié le : 15.09.2016 )

En décembre 2010, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’Homme des Nations unies d’une communication individuelle pour le compte de Mme Bariza Zaier, épouse Sassene. Celle-ci agit au nom de son mari, enlevé le 18 mai 1996 à Constantine, et porté disparu depuis. Cette disparition s’est produite dans le contexte des disparitions massives survenues en Algérie entre 1992 et 1998.

M. Rachid Sassene a été arrêté à son domicile par un groupe de plus de vingt policiers (certains habillés en civil, d’autres en uniforme) du commissariat du 12ème arrondissement de  Constantine. La police l’a ensuite conduit dans son deuxième appartement pour y procéder à l’arrestation violente de son épouse, Mme Bariza Zaier, avant de les conduire à la prison centrale de Coudiat.

Son épouse a pu communiquer oralement avec son mari jusqu’au 3 juin 1996, date à laquelle elle a été libérée et a pu rejoindre son domicile. Depuis sa libération, Mme Zaier n’a plus jamais eu de nouvelles de son mari.

Elle a cependant entrepris de nombreuses démarches auprès des autorités locales qui lui ont fourni des réponses incohérentes et contradictoires, affirmant initialement n’avoir jamais procédé à l’arrestation de l’intéressé, puis déclarant par la suite l’avoir « éliminé » le lendemain de son arrestation, ceci alors que Mme Zaier a pu communiquer avec lui pendant les quinze jours qui ont suivi son arrestation.

Mme Zaier et ses enfants ainsi que le père du disparu n’ont cessé de rechercher leur proche et de toute entreprendre pour connaître la vérité sur son sort. La disparition de Rachid Sassene leur a également causé de nombreuses tracasseries administratives, ce qui a fini par conduire Mme Zaier à obtenir une déclaration de décès de son époux, dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation de 2006.

Dans sa communication au Comité des droits de l’Homme, Mme Zaier demande à ce que l’Algérie soit reconnue en violation des articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 § 1, 2, 3 et 4, et des articles 10 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (droit à un recours utile, droit à la vie, interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, droit à la liberté et à la sécurité, traitement humain des personnes privées de liberté et droit à la personnalité juridique).

Elle demande également que soit reconnue une violation des articles 2 § 3 et 7 du Pacte envers elle-même et ses enfants, la disparition de son époux étant la cause d’une longue et douloureuse incertitude pour toute la famille.

La procédure est actuellement en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

Le contexte général

7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources, ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens, tous corps confondus, ainsi que par les milices armées par le gouvernement entre 1992 et 1998 et sont portées disparues.

A ce jour, aucune des familles des victimes de disparitions forcées n’a reçu d’information sur le sort des disparus, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite des plaintes et démarches effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

 

Le décision

Au mois d’octobre 2014, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » dans le jargon onusien).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1, 16 et 17 du Pacte relatif aux droits civils et politiques, individuellement ou en lien avec l’article 2 § 3 du Pacte à l’égard de la victime.

Le Comité a également constaté une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et conjointement avec l’article 2 § 3, à l’égard de la femme de la victime.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de M. Rachid Sassene ». L’Algérie doit également « fournir à l’auteur et à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de cette enquête », « le libérer immédiatement s’il est toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l ‘obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille de la victime pour les violations subies.

L’Algérie doit par ailleurs garantir le droit à un recours utile pour les victimes de crimes tels que la torture, les exécutions extrajudiciaires et les disparitions forcées, et prendre toutes les mesures pour empêcher que de telles violations se reproduisent.

 

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