La Cour supérieure de Podgorica a condamné aujourd’hui, après un procès de trois ans, Slobodan Peković à 20 ans de prison pour un crime de guerre contre des civils commis en 1992 en Bosnie-Herzégovine. Peković a été reconnu coupable du meurtre de deux civils, Emina et Mujo Šabanović, dans le village de Hum près de Foča, ainsi que du viol d’une personne de sexe féminin à l’identité protégée dans un appartement de Foča, qu’il a fait sortir de la tristement célèbre salle « Partizan ». Ce verdict constitue une avancée importante pour le système judiciaire monténégrin, car il s’agit du premier verdict pour violences sexuelles en temps de guerre et de la peine la plus sévère pour crimes de guerre depuis le verdict pour le meurtre des membres de la famille Klapuh en 1996. Ce verdict constitue une avancée significative dans la répression des crimes de guerre au Monténégro et pourrait encourager d’autres victimes à demander justice dans le cadre de procédures judiciaires.

Le panel du procès était présidé par la juge Nada Rabrenović, tandis que les membres du panel étaient les juges Zoran Radović et Goran Šćepanović. L’acte d’accusation a été représenté par le procureur spécial Tanja Čolan Deretić.

Le verdict est un verdict de première instance et l’accusé a le droit de faire appel auprès de la Cour d’appel du Monténégro.

Slobodan Peković, dont l’ancien nom de famille était Ćurčić, a été reconnu coupable d’avoir participé à l’attaque du village de Hum, près de Foča, en juin 1992, en tant que membre de l’armée de la Republika Srpska. Ensuite, avec d’autres soldats, il a fait sortir Emina Šabanović de sa maison, en la frappant sur tout le corps avec une pelle et en la traînant par les cheveux, et l’a emmenée dans la maison de Mujo Šabanović, où il les a tués tous les deux à l’arme automatique, puis a mis le feu à la maison avec leurs corps.

Peković a également été reconnu coupable d’avoir violé le témoin blessé A1. À savoir, après qu’A1 a été amenée de force à Foča, dans la salle de sport du Partizan, Peković l’a emmenée hors de la salle avec son enfant mineur, avec le témoin A2 et plusieurs autres femmes et enfants. Il les a emmenés dans un appartement situé en face du poste de police, où A1 a été violée.

Pour expliquer ce verdict, la Cour a déclaré qu’il avait été prouvé au cours de la procédure, sur la base des déclarations de témoins, que le 8 juin 1992, Peković se trouvait dans le village de Hum, en compagnie d’autres membres de l’armée de la Republika Srpska. La Cour a particulièrement apprécié le témoignage de Ramiza Grcić, qui a vu des soldats serbes sortir Emina Šabanović de la maison, la frapper avec une pelle, la jeter sur des épines, la traîner par les cheveux et l’emmener inconsciente dans la maison de Mujo Šabanović. Au bout d’un certain temps, la maison fut incendiée et les corps d’Emina et de Mujo furent retrouvés carbonisés. Ramiza a déclaré qu’elle avait reconnu Peković parce qu’à un moment donné, il avait enlevé sa chaussette de sa tête et qu’elle le connaissait depuis longtemps.

En ce qui concerne la deuxième partie de l’acte d’accusation, la Cour a souligné que la déclaration de la partie lésée A1 était détaillée, tant en ce qui concerne le comportement de Peković envers elle qu’envers les autres femmes de l’appartement qui ont également été violées par d’autres soldats. Bien que A1 ne connaisse pas Peković, il a été identifié par le témoin A2, qui le connaissait déjà. Il a été établi que A1, A2 et les autres femmes ont été emmenées de la salle « Partizan » à un appartement près du poste de police, où Peković a violé A1. Les allégations de viol ont également été confirmées par des documents médicaux.

Ces faits ont également été établis par la Cour de Bosnie-Herzégovine lors de la condamnation de l’accusé Jasko Gazdić, ce qui a également été rappelé par la procureure spéciale Čolan Deretić lors de sa plaidoirie finale. Lors de la procédure menée à Sarajevo, le témoin a clairement accusé Gazdić et Ćurčić (Peković) de viol, et la Cour de BiH a accepté son témoignage comme étant crédible, détaillé et confirmé par des documents médicaux. À cette occasion, la Cour de BiH a déclaré, à l’appui de l’objectivité et de l’impartialité du témoignage de la partie lésée A1, qu’elle faisait une distinction claire dans les actions des accusés, déclarant que Slobodan Ćurčić (Peković) était grossier, bruyant et arrogant, tandis que Gazdić était silencieux et riait tout le temps.

Comme circonstances aggravantes, la Cour a considéré les condamnations antérieures de Peković, sa persistance et sa cruauté à commettre des infractions pénales, ainsi que sa ruse, compte tenu notamment du fait qu’il séjournait souvent dans le village de Hum et que les habitants le connaissaient, sans pour autant faire preuve de pitié à leur égard. La Cour n’a pas considéré le fait que Peković soit père de deux enfants comme une circonstance atténuante, déclarant qu’il n’avait fait preuve d’aucune compassion lors de la commission de l’infraction.

Le tribunal a renvoyé la partie lésée A1 à un procès civil pour faire valoir son droit de propriété. Cela expose maintenant la victime à une victimisation supplémentaire, car pour obtenir une indemnisation de Peković, elle doit engager une nouvelle procédure, révéler son identité et revivre le traumatisme, ce qui constitue une violation des normes de protection des victimes de violences sexuelles. Nous pensons que le tribunal devait statuer sur la demande d’indemnisation de la victime dans le cadre de la procédure pénale, car il y avait le temps d’ordonner une expertise de son état psychophysique, étant donné les deux « étapes vides » au cours du procès qui a duré 19 mois sans audience.

Dalibor Tomović, l’avocat de la partie lésée, a déclaré : « Je pense qu’il s’agit d’un grand pas en avant, étant donné qu’il s’agit du premier cas de crime sexuel en temps de guerre au Monténégro. Étant donné que le procès en première instance a duré trois ans, et que 33 ans se sont écoulés depuis que le crime a été commis, j’espère qu’en cas d’appel de la défense, la Cour d’appel se prononcera en priorité. »

Ajna Mahmić, coordinatrice juridique du bureau international de TRIAL en Bosnie-Herzégovine : « Je pense que ce verdict est le résultat d’un travail commun, de longue haleine et dévoué des survivants et des organisations qui luttent pour que justice soit rendue aux victimes de crimes de guerre. Je voudrais exprimer une gratitude particulière à notre cliente, le témoin protégé – une femme courageuse qui, malgré des années de silence, de traumatisme et de peur, a décidé de s’exprimer et de demander justice. Sa détermination, sa dignité et sa force ont déclenché cette procédure et permis que le crime soit nommé, reconnu et sanctionné. Je remercie également sa famille pour le soutien qu’elle a apporté tout au long du processus – sans elle, ce moment n’aurait pas été possible. »

Tea Gorjanc Prelević, directrice exécutive de l’Action pour les droits de l’homme, Podgorica : « Le système judiciaire monténégrin a ainsi montré qu’il pouvait gérer des procès exigeants pour violences sexuelles dans lesquels les victimes sont des témoins protégés. J’attends de l’État qu’il veille à ce que les revendications patrimoniales de ces victimes soient tranchées dans le cadre de la procédure pénale et à ce que les victimes ne subissent pas de traumatismes supplémentaires. Ce verdict est important parce qu’il nous oblige à regarder en face les faits concernant la participation de citoyens monténégrins à des crimes de guerre de masse, et en particulier le viol de femmes en Bosnie-et-Herzégovine. J’appelle tous ceux qui savent quelque chose à ce sujet à contacter le bureau du procureur de l’État. Tous ces crimes ont laissé une marque permanente et douloureuse sur la vie de personnes innocentes et de leurs familles, en particulier les enfants.

[Journée de la justice pénale internationale – Déclaration de l’Initiative mondiale contre l’impunité]

À l’occasion du 27e anniversaire de l’adoption du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, l’Initiative mondiale contre l’impunité réaffirme le rôle essentiel de la justice internationale dans le maintien d’un ordre international fondé sur des règles. Les victimes et les survivant.e.s de crimes atroces doivent être au cœur de ces processus et avoir le droit à un accès significatif, égal et effectif à la justice et à la réparation.

 

 

17 juillet 2025 – Au cours de l’année écoulée, malgré des menaces d’une ampleur sans précédent, les mécanismes de la justice internationale ont su faire preuve de résilience et de détermination. Nous demeurons néanmoins profondément préoccupé.e.s par l’érosion continue du principe de responsabilité, qui met en péril les droits des victimes et fragilise l’État de droit international. Dans de nombreux contextes, les efforts de justice transitionnelle sont affaiblis ou détournés, sans parvenir à s’attaquer aux causes profondes de la violence ni à offrir de réparations à celles et ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons été témoins de réponses sélectives motivées par des intérêts politiques, d’ingérences et d’attaques mettant en péril l’indépendance, l’impartialité et l’efficacité des instances judiciaires. L’absence de mesures concrètes et coordonnées pour préserver le système de justice internationale, bien souvent en violation des obligations qui incombent aux États en vertu du droit international, a permis la perpétuation et l’intensification des atrocités, infligeant des souffrances dévastatrices aux populations civiles.

Dans ce contexte difficile, il est d’autant plus inspirant de constater l’engagement sans faille des défenseur.e.s des droits humains et de la société civile dans la lutte contre l’impunité, en dépit des risques qu’ils et elles encourent – parfois au péril de leur vie. Nombre d’entre eux.elles ont engagé des actions en justice, documenté et dénoncé des atrocités, ou mobilisé la solidarité internationale et nationale par des manifestations publiques. Les survivant.e.s, les groupes de victimes et les communautés touchées ont pris l’initiative de mener des actions en faveur de la vérité, de la justice et de la réparation, y compris des garanties de non-répétition, souvent en l’absence de soutien institutionnel et malgré le manque de financement. Cette détermination à faire prévaloir la justice et à faire en sorte que les responsables rendent des comptes doit rester notre principe directeur commun dans la poursuite de la justice internationale.

Pour préserver le système de justice internationale que nous avons collectivement construit au fil des décennies, nous devons faire preuve d’un engagement sans équivoque en faveur des droits humains et de la démocratie, à travers des actions fermes et audacieuses. Le moment exige un sursaut de responsabilité de la part de toutes les parties prenantes – États et décideur.se.s politiques, organisations internationales et acteur.ice.s économiques – afin que ces dernières respectent leurs obligations internationales et renforcent la lutte contre l’impunité. L’Initiative mondiale contre l’impunité appelle en particulier tous les États à mobiliser l’ensemble des outils à leur disposition – juridiques, politiques, diplomatiques et économiques – pour honorer leurs engagements et :

  1. Garantir un accès sûr et égal aux victimes et aux survivant.e.s de crimes internationaux, notamment en soutenant leur participation effective aux procédures judiciaires et la mise en œuvre de cadres de réparation. Cela implique d’investir dans des mécanismes centrés sur les survivant.e.s, sensibles aux traumatismes, qui dépassent la simple consultation et permettent la co-construction des processus de justice aux niveaux local, national, régional et international.
  2. Prendre des mesures efficaces et coordonnées pour soutenir sans équivoque les institutions de justice internationale et celles et ceux qui les défendent, en adoptant des instruments juridiques et autres garanties assurant une protection adéquate de ces institutions et de ces personnes, et en garantissant un financement durable.
  3. Soutenir les mécanismes de responsabilisation des Nations Unies et les expert.e.s dans leurs efforts pour accéder aux victimes, enquêter, protéger, défendre les droits humains et faire progresser la justice pour les crimes internationaux. Cela inclut l’adoption de positions fermes et d’actions concrètes, y compris par la voie diplomatique, face aux campagnes de dénigrement et aux attaques dont ils et elles font l’objet.
  4. Mettre en œuvre des mesures décisives pour prévenir les crimes internationaux et les violations graves des droits humains, ainsi que pour prévenir tout risque de complicité dans les activités tirant profit de leur commission, et assurer la reddition de comptes de tous les responsables, qu’il s’agisse d’individus, d’États ou d’acteur.ice.s économiques. Cela inclut le respect des obligations juridiques internationales, la mise en œuvre des avis consultatifs et arrêts de la Cour internationale de justice, ainsi que la pleine coopération avec la Cour pénale internationale.

À l’occasion de la Journée de la justice pénale internationale, l’Initiative mondiale contre l’impunité réaffirme son engagement en faveur d’une justice globale et du principe de responsabilité pour les crimes internationaux et les violations graves des droits humains à travers le monde – y compris par le biais d’approches de justice transitionnelle inclusives et ancrées localement, remettant en cause l’impunité structurelle et favorisant la paix et l’égalité à long terme – jusqu’à ce que la justice soit rendue, partout, pour tous et toutes.

 

À propos de l’Initiative mondiale contre l’impunité :

L’Initiative mondiale contre l’impunité pour les crimes internationaux et les violations graves des droits humains : faire fonctionner la justice (GIAI) est un consortium de huit ONG internationales et de la Coalition pour la CPI, cofinancé par l’Union européenne, qui vise à contribuer à la lutte contre l’impunité en soutenant une approche globale, intégrée et inclusive de la justice et du principe de responsabilité pour les violations graves des droits humains et les crimes internationaux.

 

Le bureau de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine travaille depuis 15 ans à l’amélioration du statut des survivants de crimes de guerre en leur fournissant une aide juridique gratuite devant les organismes et mécanismes nationaux et internationaux de protection des droits de l’homme, et en préconisant des changements législatifs visant à établir la justice pour les survivant·e·s de crimes de guerre. Bien que la guerre en Bosnie-Herzégovine ait pris fin il y a exactement 30 ans, tous les crimes de guerre ne font toujours pas l’objet de poursuites judiciaires et les auteurs sont inaccessibles aux autorités judiciaires parce qu’ils vivent en dehors de la Bosnie-Herzégovine.

Dans d’autres cas, ceux qui ont purgé une peine de prison ont été accueillis comme des héros dans leurs communautés locales, ce qui crée une atmosphère de division, de déni et de glorification. Le génocide de Srebrenica est l’un des crimes de guerre les plus graves commis au XXe siècle et la diffusion d’une culture du souvenir et de la commémoration incombe aux institutions, aux associations de survivant·e·s et aux générations futures.

« Trente ans après le génocide de Srebrenica, la douleur et la lutte des survivant·e·s n’ont pas cessé. Bien que la justice internationale ait fait des progrès significatifs, de nombreux responsables évitent encore de faire face aux institutions judiciaires, tandis que les survivant·e·s attendent la vérité et la reconnaissance. En tant que société, nous ne devons pas permettre que le déni et l’impunité deviennent la norme. TRIAL International reste engagé dans la lutte pour la justice, le soutien aux survivant·e·s et la préservation de la culture du souvenir – parce que seule la vérité peut être le fondement d’une paix durable et de la dignité », a déclaré le chef de programme du bureau de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine, Klaudia Kuljuh.

Kada Hotić, vice-présidente de l’Association du mouvement des mères des enclaves de Srebrenica et de Žepa et survivante du génocide de Srebrenica a souligné qu’il est toujours nécessaire de trouver les fosses communes.

« Il y a de moins en moins de gens qui connaissent l’existence des tombes, certains se taisent encore, et ceux qui ont commis un génocide le nient. Ils devraient cesser de nier et accepter la vérité. La vérité est le remède à tout. La commémoration sert à se souvenir des personnes assassinées, à se souvenir de la souffrance, à revenir à une vie normale », a déclaré la mère de Srebrenica Kada, tout en envoyant un message aux jeunes pour leur dire que cela devrait être une leçon pour eux de ne jamais se laisser diviser.

Nura Begović, la présidente de l’Association des femmes de Srebrenica de Tuzla et survivante du génocide de Srebrenica a déclaré qu’elle ressentait de la tristesse et de la douleur avant la commémoration du 30e anniversaire du génocide de Srebrenica.

« Ce qui nous fait le plus mal, c’est que 150 corps ont été identifiés, mais que les familles n’acceptent pas leur exhumation en raison du petit nombre de restes. Nous avons lancé un appel aux familles, il serait bon qu’elles l’acceptent pour que ces ossements puissent être retrouvés. J’ai trouvé un os de mon frère et cela signifie beaucoup pour moi, mais maintenant les réexhumations ont également lieu. Nous ne les laisserons pas tomber dans l’oubli, nous exigeons que tou·te·s les disparu·e·s soient retrouvé·e·s et identifié·e·s, et ceux qui n’ont pas donné d’échantillons de sang pour leurs proches, il serait bon qu’ils le fassent », a déclaré Nura, ajoutant que de nombreuses mères n’ont pas attendu de retrouver leurs fils pour les enterrer.

Comme l’a déclaré Nura, les verdicts pour déni de génocide sont retardés, et beaucoup dépendent aussi des politiciens qui créent une atmosphère d’agitation. Cependant, elle a déclaré que la loi qui punit le déni de génocide existe et que c’est un progrès. Saliha Đuderija, de l’Institut des personnes disparues, déclare qu’en Bosnie-Herzégovine, après la guerre, on recherche toujours activement plus de 7 000 personnes, mais que près de 80 % du nombre total a été retrouvé jusqu’à présent, ce qui est un cas unique dans le monde.

« L’Institut des personnes disparues de Bosnie-Herzégovine travaille intensément pour retrouver toutes les personnes disparues dans notre pays, malgré les circonstances difficiles dans lesquelles il opère et le fait qu’il est de plus en plus difficile d’obtenir des informations précises et pertinentes sur les lieux où se trouvent les dépouilles des victimes. À ce jour, les restes de plus de 25 500 victimes ont été retrouvés, exhumés, identifiés et remis à leurs familles. Les familles des personnes disparues jouent un rôle très important dans le processus de recherche des personnes disparues, qui est en fait la colonne vertébrale et qui ne permet pas à ce processus de ralentir et qui est en fait une motivation à tout moment pour nous tous qui sommes impliqués dans le processus de recherche des personnes disparues », a déclaré Đuderija.

En 2021, le bureau international de TRIAL en Bosnie-Herzégovine a signé un mémorandum avec le Centre commémoratif de Srebrenica dans le but commun d’améliorer le processus de justice transitionnelle.

Comme l’a déclaré la porte-parole du MC Srebrenica, Almasa Salihović, la culture du souvenir du génocide de Srebrenica est basée sur « les faits et les témoignages des survivant·e·s et elle est cruciale pour la préservation de la vérité historique sur le génocide de Srebrenica et pour la construction d’une société qui affronte le passé et ne le fuit pas ».

Expliquant l’héritage et l’avenir du travail de MC Srebrenica, Salihović a souligné que le centre de leur travail sont les survivant·e·s, leurs histoires, leurs souffrances et la force de témoigner et de persévérer.

« Le Centre de la mémoire de Srebrenica, en tant qu’institution, restera fidèle à sa mission : préserver la mémoire des victimes assassinées, éduquer les jeunes et être un espace où la commémoration et l’apprentissage rencontrent l’espoir d’un avenir plus juste. À l’heure du déni de génocide et du révisionnisme, notre réponse doit être claire et décisive : la vérité ne doit pas être oubliée et ne le sera pas », a déclaré M. Salihović.

Hasan Nuhanović, auteur de plusieurs livres autobiographiques et survivant du génocide de Srebrenica, affirme que même 30 ans après juillet 1995, « la douleur et les souvenirs ne s’apaisent pas et ne s’estompent pas. »

« En ce qui concerne la justice pénale, qui est la mission principale de Trial International, les survivant·e·s savent qu’un nombre important d’individus responsables de génocide, de crimes contre l’humanité et d’autres crimes de guerre ont été poursuivis, que la vérité établie judiciairement a été consignée et ne peut plus être contestée. Les survivant·e·s participent au processus de justice pénale à la fois en tant que personnes dont la voix avertit que ce processus doit se poursuivre et en tant que témoins dans le cadre de poursuites pénales. C’est un lourd fardeau que les survivant·e·s portent depuis trois décennies », a déclaré Nuhanović, qui estime que malgré le révisionnisme historique, glorifiant les criminels de guerre condamnés, les survivant·e·s ne perdent pas l’espoir que les nouvelles générations du pays et de la région grandiront dans un environnement qui respecte la dignité des victimes.

 

Le registre du commerce suisse a annoncé aujourd’hui qu’il avait donné 30 jours à la branche suisse de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) pour se conformer aux exigences légales applicables aux fondations basées en Suisse. Si elle ne le fait pas dans le délai imparti, l’affaire sera portée devant le tribunal ou l’Autorité fédérale de surveillance (ASF), qui prendra les mesures nécessaires. Cela peut conduire à la liquidation de la fondation en Suisse.

Mais cela n’est pas suffisant.

Le modèle de distribution de l’aide de la GHF à Gaza, marqué par la militarisation et la privatisation, s’est avéré mortel et désastreux au cours des trois dernières semaines. Selon les Nations unies, il a entraîné à la mort de centaines de civils et le déplacement forcé des Gazaouis déjà frappés par la famine, ce qui suscite de vives inquiétudes quant aux violations du droit international. Comme l’indique une récente lettre ouverte signée par 15 organisations de défense des droits humains, l’ensemble des personnes et entités associées aux opérations du GHF pourrait être se rendre complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

La Suisse, en tant qu’Etat dépositaire des Conventions de Genève, a l’obligation de veiller au respect du droit international humanitaire (DIH), en particulier par les entités basées sur son territoire.

Le Département Fédéral des Affaires Étrangères (DFAE) ne s’est pas encore prononcé sur la conformité du GHF avec la loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l’étranger (LPSP).

Nous exhortons les autorités suisses de révéler publiquement si le GHF a ou non mené certaines de ses activités depuis la Suisse, dans un effort de transparence, en particulier lorsque de potentielles graves violations du droit international sont en jeu.

Pour rappel, TRIAL International avait déposé deux dénonciations à l’ASF et au DFAE respectivement, afin de contrôler d’une part la conformité des activités de la GHF avec ses propres statuts et l’ordre juridique suisse, d’autre part avec la loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l’étranger (LPSP).

Nous, organisations juridiques et de défense des droits humains soussignées, sommes extrêmement préoccupées par le remplacement récent des agences impartiales des Nations Unies (« ONU ») et d’organisations humanitaires bien établies par la Gaza Humanitarian Foundation (« GHF »), laquelle travaille en collaboration avec le gouvernement israélien et des entreprises militaires et de sécurité privées américaines (« EMSP ») dans la bande de Gaza occupée actuellement ravagée par la famine. Ce nouveau modèle de distribution d’aide, privatisée et militarisée, constitue une rupture radicale et dangereuse avec les opérations internationales d’aide humanitaire[1] et qui, comme nous l’avons constaté au cours des trois semaines d’opérations de la GHF à Gaza, s’avère être un modèle déshumanisant, régulièrement meurtrier et contribuant au déplacement forcé de la population même qu’il prétend aider.

Nous demandons à la GHF et à toutes les organisations et personnes qui ont contribué ou contribuent au travail de la GHF[2], ainsi qu’aux sous-traitants militaires privés des centres de distribution, notamment Safe Reach Solutions (« SRS ») et UG Solutions, de cesser leurs activités, faute de quoi ces organisations et leurs dirigeant·es, représentant·es et agents s’exposent à un risque accru de responsabilité[3] pénale et civile pour complicité dans des crimes de droit international, notamment des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité ou des génocides, en violation du droit international, du droit américain et d’autres lois nationales pertinentes en vertu du principe de la compétence universelle[4]. Nous demandons également à ces entités privées de faire pression et de soutenir activement le rétablissement immédiat de l’acheminement de l’aide par l’intermédiaire des Nations Unies, y compris l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), les groupes humanitaires internationaux bien établis et les organisations d’aide palestiniennes bien établies.

 

Après que les autorités israéliennes ont interdit la distribution d’aide humanitaire par l’UNRWA et d’autres acteurs reconnus à environ 2,1 millions de Palestinien·ne·s affamé·e·s à Gaza, elles ont – apparemment avec le soutien des États-Unis – promu la création de la GHF comme moyen de supplanter l’architecture d’aide humanitaire gérée par l’ONU en place sur le territoire depuis plus de soixante-dix ans [5]. L’approche de la GHF, qui consiste à déployer des sous-traitant·e·s armé·e·s de SRS et d’UG Solutions pour assurer la logistique et la sécurité de son système privatisé d’acheminement de l’aide, a été qualifiée par l’ONU de « mécanisme de distribution militarisé de distribution alimentaire .»[6] Pour maximiser les profits, ces EMSP ont recruté à la hâte des sous-traitant·es très bien payé·es – dont beaucoup n’ont pas été adéquatement contrôlé·es ou formé·es – pour les déployer immédiatement à Gaza [7] , un processus facilité par Israël qui continue dans le même temps à bloquer l’aide et le personnel de l’ONU. Dans le cadre de ce projet, les Palestinien·nes doivent trouver un moyen de se rendre à l’un des quatre « centres de distribution », alors que l’UNRWA et d’autres agences fournissaient auparavant l’aide grâce à environ 400 points de distribution répartis dans toute la bande de Gaza. À leur arrivée sur le site exigu et clôturé, les Palestinien·nes doivent se soumettre à un contrôle d’identité avant de recevoir des rations alimentaires. Les plans antérieurs de la GHF ont révélé l’intention de loger des dizaines de milliers de Palestinien·nes dans des complexes surveillés [8], ce qui s’accorde avec plan d’Israël visant à laisser entrer une quantité insuffisante de nourriture dans la bande de Gaza afin de faciliter la poursuite du plan militaire général à Gaza[9]. Le recours régulier à la force létale contre les Palestinien·nes venu·es chercher de l’aide, que ce soit par l’armée israélienne ou par les sous-traitants, a conduit certain·es à décrire les sites de distribution de la GHF comme des « pièges mortels .» [10] Au cours des trois semaines qui ont suivi le début des opérations de la GHF, des centaines de Palestinien·nes ont été tué·es et des milliers d’autres blessé·es alors qu’iels venaient chercher de la nourriture aux sites de la GHF.

 

Le modèle militarisé de la GHF, associé à son étroite collaboration avec les autorités israéliennes, porte atteinte aux principes humanitaires fondamentaux d’humanité, de neutralité, d’impartialité et d’indépendance. Comme l’a dit si succinctement Médecins Sans Frontières (« MSF »), « l’aide humanitaire est en train d’être militarisée.»[11] Ce modèle opaque, à but lucratif, manque également de transparence et de responsabilité. Les plans opérationnels, les flux de financement et les structures de prise de décision de la GHF ne sont pas divulgués, et il n’y a que peu ou pas de contrôle humanitaire indépendant. Par conséquent, l’initiative ne respecte pas les normes de transparence, d’impartialité et de responsabilité qui régissent l’aide humanitaire en vertu du droit international.

 

Les opérations de la GHF, et celles des EMSP qui travaillent avec elle, peuvent constituer ou faciliter de graves violations du droit international humanitaire, des droits humains et du droit pénal. En obligeant les Palestinien·es affamé·es et épuisé·es à parcourir de longues distances à pied dans des zones militarisées, ou en les forçant de fait à se déplacer pour obtenir de la nourriture et de l’aide dans le cadre d’un système supervisé par les forces israéliennes et des entreprises militaires privées américaines, le projet crée un risque immédiat de déplacement forcé qui peut constituer une violation de l’interdiction du déplacement forcé de civils. En instrumentalisant l’aide humanitaire à des fins politiques ou militaires, le projet risque de rendre ses participant·es complices de punitions collectives, de l’utilisation de la famine des civils et d’autres actes interdits par le droit international coutumier, les conventions de Genève, le statut de Rome de la Cour pénale internationale et la convention sur le génocide.

 

Les personnes physiques et morales impliquées dans la planification, le financement ou l’exécution du projet de la GHF peuvent voir leur responsabilité pénale engagée, y compris en vertu des lois sur la compétence universelle, pour avoir aidé et encouragé des crimes de guerre tels que le déplacement forcé de civils, la famine comme méthode de guerre et le refus d’accès à de l’aide humanitaire. [12] Nous demandons instamment à toutes les parties concernées (acteurs étatiques, entreprises, donateurs et particuliers)  de suspendre immédiatement toute action ou tout soutien facilitant le déplacement forcé de civils, contribuant à la famine ou à d’autres violations graves du droit international, ou sapant les principes fondamentaux du droit international humanitaire. Nous appelons la communauté internationale, la société civile et les professionnel·les de l’humanitaire à rejeter tout modèle qui confie une aide vitale à des acteurs privés et politiquement affiliés et à faire pression pour le rétablissement urgent d’un accès humanitaire indépendant et fondé sur le droit pour tous les civils de Gaza, ainsi que pour l’ouverture immédiate de Gaza et un cessez-le-feu complet.

 

Al Haq

Al Mezan Center for Human Rights

Australian Centre for International Justice

Center for Constitutional Rights

Center for Justice and Accountability

Centre for Applied Legal Studies

European Center for Constitutional and Human Rights

Global Legal Action Network

Guernica 37 Chambers

International Commission of Jurists

International Federation for Human Rights

Medico International

TRIAL International

Palestinian Center for Human Rights

Women’s Initiatives for Gender Justice

 

[1] Il s’agit également d’une entorse aux principes reconnus de la coopération internationale conformément à l’article 1(3) de la Charte des Nations Unies

[2] Le Boston Consulting Group (« BCG ») a joué un rôle important dans la création de la  GHF.

[3] Voir, par exemple, Malaika Kanaaneh Tapper, US contractor hires obscure Gaza group for aid rollout after local snubs, Financial Times (28 mai 2025), https://www.ft.com/content/9dbbf0cb-cc29-4eba-aa9b-2c7c9dcf46e8; Voir Gerry Shih, et al., Sweeping overhaul of Gaza aid raises questions of morality and workability, Washington Post (24 mai 2025), https://www.washingtonpost.com/world/2025/05/24/gaza-humanitarian-foundation-ghf-aid/.

[4] Chaque crime est interdit par le droit des traités et le droit international coutumier et relève de la compétence universelle. Voir Génocide : Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, 9 décembre 1948, S. Exec. Doc. O, 81-1 (1949), 78 U.N.T.S. 277 et en vertu de l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (« CPI »), UN Doc. ONU A/CONF.183/9, 17 juillet 1998, 2187 U.N.T.S. 38544, art. 6 (« Statut de la CPI ») ; crimes de guerre : Convention de Genève de 1949 relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, 12 août 1949, 6 U.S.T. 3516, 75 U.N.T.S. 287, art. 147 ; Statut de la CPI, art. 8 ; voir également Assemblée générale des Nations unies, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, 10 décembre 1984, 1465 U.N.T.S. 85. Les crimes contre l’humanité sont interdits par le droit international coutumier et par le statut de la CPI (article 7). Le génocide, les crimes de guerre et la torture sont également interdits, par exemple, par les lois pénales américaines. Voir 18 U.S.C. §§ 1091, 2441 et 2340-2340A.

[5] Voir, par exemple, Tom Bateman, Searching for answers about US-backed aid agency in Gaza, BBC (14 juin 2025), https://www.bbc.com/news/articles/c74ne108e4vo; Katherine Wilkens, Is Humanitarian Aid Becoming a Tool to Advance the « Trump Plan » in Gaza ?, Emissary, Carnegie Endowment for International Peace, (12 juin 2025), https://carnegieendowment.org/emissary/2025/06/gaza-ghf-humanitarian-aid-trump-plan?lang=en.

[6] Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires (« OCHA »), Humanitarian Situation Update #294/Gaza Strip, (5 juin 2025), https://www.ochaopt.org/content/humanitarian-situation-update-294-gaza-strip.

[7] Exclusive : American Security Contractor Unloads on US-Israeli “Gaza Humanitarian Foundation”, Zeteo (11 juin 2025), https://zeteo.com/p/exclusive-american-security-contractor.

[8] Voir Shih, et al, Sweeping overhaul of Gaza aid raises questions of morality and workability, supra n.3.

[9] Noa Shpigel, « We’re Destroying Gaza » : Netanyahu, Smotrich Rush to Soothe Right’s Fears Over Aid Renewal, Haaretz (19 mai 2025), https://www.haaretz.com/israel-news/2025-05-19/ty-article/.premium/were-destroying-gaza-netanyahu-smotrich-rush-to-soothe-fears-over-aid-renewal/00000196-e7b4-d93f-a3b6-fff77c780000.

[10] UNRWA, UNRWA Commissioner-General on Gaza : aid distribution has become a death trap, (1er juin 2025), https://www.unrwa.org/newsroom/official-statements/unrwa-commissioner-general-gaza-aid-distribution-has-become-death-trap.

[11]Open Letter, « You must act now » : open letter to European leaders on Gaza, MSF, (16 juin 2025), https://www.msf.org/open-letter-european-leaders.

[12] Voir la lettre du Center for Constitutional Rights à la GHF Re : Risk of Legal Liability for Complicity in Serious International Law Violations, 10 juin 2025, https://ccrjustice.org/sites/default/files/attach/2025/06/6_10_2025_Letter%20and%20Exhibits%20to%20GHF.pdf.

 

Depuis plus de dix ans, nous accompagnons les victimes de crimes internationaux à l’est de la République démocratique du Congo, en soutenant leur accès à la justice et leur participation aux procédures judiciaires. Aujourd’hui encore, nous tirons la sonnette d’alarme. Depuis les évasions massives des prisons du Nord et du Sud Kivu en février dernier, les victimes et les défenseur·euse·s des droits humains sont confrontés à une vague de représailles.

TRIAL International © – Palais de justice du Sud-Kivu, Bukavu, RDC, Juin 2024

Plusieurs évadés, condamnés ou poursuivis pour crimes internationaux, ont rapidement rejoint des groupes armés, notamment le M23 et les milices Wazalendo, et participent activement aux affrontements. Nous dénonçons les meurtres, menaces de mort, tortures, viols et extorsions qui visent celles et ceux ayant contribué à leur mise en accusation ou condamnation.

Aux côtés de nos partenaires congolais, nous avons déjà assisté plus de 150 personnes. Mais les besoins restent immenses. Les mécanismes de protection existants avant la crise ne sont plus opérationnels.

Les Nations Unies et leurs États membres ont consenti des efforts importants pour soutenir la lutte contre l’impunité en RDC, en facilitant l’accès des victimes à la justice. Cependant, prévient l’ONG, cette justice ne peut exister sans protection réelle et durable de celles et ceux qui y contribuent.

« La MONUSCO, la Mission d’établissement des faits, et le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies doivent renforcer de toute urgence les mesures de protection ciblées à l’égard des victimes et des défenseurs·euses ayant contribué aux procédures judiciaires, en coordination étroite avec les acteurs de terrain », souligne Daniele Perissi, Responsable du Programme RDC pour TRIAL International.

Nous exhortons les autorités congolaises et les partenaires internationaux à identifier, poursuivre et sanctionner les auteurs de ces menaces et violences.

À l’occasion de la journée européenne de lutte contre l’impunité des auteurs de génocides, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, l’Initiative mondiale contre l’impunité pour les crimes internationaux et les violations graves des droits humains (GIAI) lance MakingJusticeWork.org, une plateforme numérique conçue pour renforcer le travail des acteurs engagés dans la lutte pour la reddition de comptes.

 

Un outil pratique pour faire progresser la justice

« Making Justice Work nous apporte une valeur réelle : il nous aide à surmonter les difficultés quotidiennes de notre travail. Comme beaucoup d’ONG, nous devions composer avec des ressources dispersées et de rares possibilités de coopération interrégionale. Cette plateforme réunit des outils essentiels, un calendrier d’événements et une communauté mondiale, ce qui renforce notre capacité à documenter les violations et à exiger la justice », souligne une représentante de l’Afghanistan Human Rights and Democracy Organization (AHRDO).

Créée pour répondre au besoin grandissant d’outils de justice centralisés et variés, la plateforme vise à démocratiser l’accès à des informations cruciales sur la justice internationale, spécialement pour les acteurs œuvrant dans des contextes sous-dotés, en conflit ou isolés. Barrières linguistiques, limites technologiques et cloisonnements institutionnels isolent encore davantage les défenseurs des droits humains, tandis que les approches centrées sur les survivants restent difficiles d’accès. Même lorsque l’information existe, elle n’est pas toujours sécurisée, inclusive ni facilement exploitable. MakingJusticeWork.org consolide ainsi ces connaissances dans un hub unique, intuitif et sécurisé, afin d’encourager les stratégies coordonnées, d’influencer les politiques et de renforcer la solidarité transrégionale.

« MakingJusticeWork.org est né d’un besoin clair exprimé par la société civile — surtout dans les contextes de conflit ou sous-priorisés — pour disposer d’espaces fiables, accessibles et sûrs où collaborer et accéder aux savoirs sur la justice. Depuis des décennies, la Coalition constate combien les défenseurs des droits humains, les survivants et les ONG locales se heurtent à des obstacles pour obtenir des informations pertinentes en temps voulu. Cette plateforme répond concrètement à cette réalité. En tant qu’organisation jouant un rôle central dans l’accès de la société civile aux mécanismes de justice internationale, la Coalition pour la CPI est fière d’avoir piloté son développement », déclare Melinda Reed, Directrice du Secrétariat international de la Coalition pour la Cour pénale internationale (CCPI).

En réunissant plus de 400 documents clés, traités, mémoires juridiques, témoignages de survivants, notes pratiques, outils de plaidoyer, dans un environnement structuré et multilingue, MakingJusticeWork.org offre une infrastructure partagée qui renforce la coordination stratégique tout en plaçant la voix et l’expérience des survivants au cœur des efforts de justice dans le monde.

 

Pensée pour l’action : des outils au service des acteurs de la justice

« L’accès à la justice internationale est un droit fondamental. Les efforts pour la mettre en œuvre sont longtemps restés fragmentés et dominés par des expert·e·s occidentaux. Ce centre de ressources multilingue offre aux associations de victimes, partenaires locaux et défenseurs des droits humains la possibilité de partager leur expérience, de renforcer leurs connaissances et de collaborer avec nous pour faire avancer la reddition de comptes », souligne Myriam Marcuello, Coordinatrice du programme Initiative mondiale contre l’impunité.

MakingJusticeWork.org est conçu comme une infrastructure pratique, multilingue et conviviale destinée aux acteurs de la justice à travers le monde. Au cœur de la plateforme : une Bibliothèque de ressources curatée et multilingue (notes d’information, rapports thématiques, guides pratiques pour survivants, soumissions amicus curiae, notes de procédure, jurisprudence résumée) complétée par des contenus médias tels que des déclarations conjointes, des communiqués de presse et des campagnes conçus pour favoriser la mobilisation.

Un agenda interactif en temps réel recense les étapes majeures de la justice internationale, audiences de la CPI, sessions onusiennes, actions de plaidoyer de la société civile, pour faciliter la coordination stratégique.

La conception de la plateforme accorde la priorité à l’accessibilité multilingue et à l’inclusivité, avec une navigation disponible en arabe, anglais, français et espagnol. L’utilisation d’un langage accessible et de filtres thématiques garantit que des utilisateurs diversifiés, quels que soient leur lieu de résidence ou leurs capacités, puissent réellement bénéficier de cette plateforme et y participer de manière significative.

Fruit d’un partenariat, animé par une même volonté

Mettant en avant le pouvoir de la collaboration, Victoria Riello-Brakensiek, Coordinatrice de projet GIAI à l’ European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), rappelle que : « Cette plateforme est bien plus qu’un simple ‘répertoire’ ; c’est un réseau, une communauté. Dans un monde où l’impunité et les doubles standards restent omniprésents, les survivant·es et la société civile se retrouvent souvent à lutter seuls pour obtenir reconnaissance et réparation. Grâce à ses ressources et fonctionnalités, MakingJusticeWork.org permet à la société civile d’échanger et d’apprendre les unes des autres à partir de leurs expériences respectives. Elle nous offre la possibilité de renforcer les partenariats à l’échelle mondiale afin de mieux relever les défis à l’échelle locale. »

Cofinancée par l’Union européenne, la plateforme résulte de la collaboration de huit ONG internationales et de la Coalition pour la CPI (CCPI) : Civil Rights Defenders, Coalition pour la CPI, le the European Center for Constitutional and Human Rights (ECCHR), Impunity Watch, la Fédération Internationale pour les Droits Humains, Action Mondiale des Parlementaires, REDRESS, TRIAL International et Women’s Initiatives for Gender Justice. Ensemble, elles cumulent des décennies d’expérience dans l’appui aux survivants, la documentation des violations graves, le contentieux stratégique et la réforme des politiques, couvrant des crimes tels que la torture, les disparitions forcées, le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.

L’impunité est trop enracinée pour être combattue isolément. A travers cette plateforme et les actions plus larges de la l’Initiative mondiale contre l’impunité pour les crimes internationaux et les violations graves des droits humains, le consortium entend renforcer l’action collective, favoriser le partage des connaissances et garantir que les efforts de justice soient guidés par celles et ceux qui en subissent directement les conséquences.

 

 Mobilisez-vous pour #Fairefonctionnerlajustice 

« Le site propose un contenu pertinent et actualisé, et nous aide à établir des liens avec d’autres acteurs engagés en faveur de la justice. Pour nous, “faire fonctionner la justice” signifie créer le changement en travaillant ensemble, en incluant les survivants dans le processus, et en plaçant les besoins et les voix des victimes au cœur de notre approche. La plateforme nous permet précisément de faire cela. Nous encourageons d’autres organisations à s’impliquer, car travailler ensemble et partager ouvertement nous permet à tous d’avoir un impact plus important, de renforcer notre plaidoyer et de lutter contre l’impunité », a déclaré une représentante de l’Afghanistan Human Rights and Democracy Organization (AHRDO).

Une justice durable exige plus que de la détermination : elle suppose une action coordonnée, le partage d’expériences et un accès inclusif à l’information pour documenter les violations, soutenir les survivants et obtenir des comptes.

MakingJusticeWork.org est bien plus qu’une plateforme : c’est une invitation à se connecter, contribuer, apprendre et agir. Rejoignez cette communauté de pratique pour accéder à des outils de plaidoyer essentiels, des ressources juridiques et un espace collaboratif destiné à renforcer les initiatives de justice à travers le monde.

Explorez et inscrivez-vous dès maintenant : www.makingjusticework.org.

 

Note à l’intention des utilisateurs

Pour participer à l’Initiative mondiale contre l’impunité ou en savoir plus, contactez-nous : Makingjusticework@fidh.org.

Vos retours nous permettent d’améliorer continuellement la plateforme : écrivez-nous à communications@coalitionfortheicc.org afin de partager vos suggestions ou votre expérience.

 

 

 

Cette année, l’Initiative mondiale contre l’impunité (GIAI) célèbre la Journée européenne contre l’impunité dans un climat de vives inquiétudes, alors que la justice internationale et l’obligation de rendre des comptes font face à des menaces grandissantes et des attaques directes. Les conflits armés, la violence des États et les atrocités de masse se multiplient à travers le monde, tandis que de nombreux gouvernements et institutions internationales demeurent largement silencieux face à l’impunité généralisée et à l’application croissante de la politique du deux poids, deux mesures. Cet immobilisme sélectif porte préjudice aux droits des victimes et renforce les récits qui déshumanisent les survivant·es des crimes les plus graves.

Nous appelons l’Union européenne (UE) et ses États membres à prendre des mesures fermes, audacieuses et concertées en vue de faire respecter les droits humains et protéger les mécanismes de justice internationale. Ces efforts doivent être motivés par un engagement renouvelé en faveur des victimes et des survivant·es. Nous devons apporter notre aide à celles et ceux qui demandent justice et nous assurer que leurs droits, leur voix et leurs besoins restent au cœur de l’ensemble des procédures de justice et d’établissement des responsabilités.

Les pays européens et leurs alliés ont commémoré récemment le 80e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais les bouleversements actuels et la recrudescence alarmante des conflits armés dans le monde ont donné un goût amer à ces célébrations. Ce sont les civil·es, en particulier les femmes et les enfants,[1] qui paient le plus lourd tribut à la violence. Les pertes humaines massives et l’effondrement de l’ordre fondé sur des règles ne sont pas de simples dommages collatéraux, ils sont le résultat de choix politiques délibérés et d’une absence d’action juridique qui exigent une réaction immédiate. Depuis près d’un an, les organisations de la société civile tirent la sonnette d’alarme face aux sanctions et aux menaces sans précédent qui visent la Cour pénale internationale (CPI), compromettant ses travaux essentiels en faveur des victimes et des survivant·es à travers le monde. Dans un contexte où la lutte contre l’impunité est soumise à une pression grandissante, le non-respect par certains États de leurs obligations juridiques et leur incapacité à faire respecter les décisions de la Cour internationale de justice (CIJ) sapent encore davantage les efforts déployés pour rendre justice dans les zones qui en ont le plus besoin.

Le soutien et le respect cohérents du système de justice internationale garantissent sa crédibilité et son efficacité. Le Parlement européen s’est fait l’écho de ces préoccupations et, à plusieurs reprises, a appelé l’UE à répondre aux attaques envers la justice internationale, en déclenchant notamment des mécanismes de protection, tels que la loi de blocage. À ce jour, aucune réponse ferme et commune n’a encore vu le jour, comme en témoignent le refus de l’Italie et de la Hongrie d’exécuter les mandats d’arrêt de la CPI et l’annonce par la Hongrie de son retrait du Statut de Rome de la CPI – autant d’actes qui sapent les valeurs fondamentales de l’UE. D’autres évolutions récentes ayant aussi contribué à fragiliser le droit international humanitaire – notamment l’intention récemment exprimée par l’Estonie, la Finlande, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne de se retirer de la convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, un instrument essentiel pour empêcher les crimes de guerre et protéger les civil·es – témoignent de nouveaux échecs en matière de lutte contre l’impunité. Cette dérive inquiétante fragilise le cadre juridique international et met en péril la vie et la santé mentale de millions de personnes, en donnant, de fait, carte blanche aux régimes autoritaires pour poursuivre, voire intensifier ces violations.

Parallèlement, les organisations de la société civile interviennent dans des conditions de plus en plus hostiles, y compris au sein de l’Union européenne. Les libertés civiles se sont dégradées à l’échelle mondiale et ont été fortement restreintes en Europe au cours des cinq dernières années. Cette situation a entraîné la criminalisation des défenseur·es des droits humains et des mouvements de solidarité venant en aide aux victimes de crimes internationaux. Par ailleurs, la suspension des ressources vitales, telles que les programmes de l’USAID et les coupes budgétaires de nombreux gouvernements européens, compromet la disponibilité de l’aide pour les plus vulnérables, notamment les femmes et les minorités, ainsi que les efforts visant à lutter contre l’impunité.

L’effet cumulatif de ces menaces permanentes appelle à un sursaut de solidarité et à un engagement collectif renforcé pour accompagner les victimes, les survivant·es et leurs communautés dans leur quête de justice, de vérité, de réparation et pour garantir que ces crimes ne se répètent pas.

« Nous n’avons pas besoin d’être nourris. Nous n’avons pas faim parce que nous manquons de nourriture. Nous avons faim parce que nous sommes en situation d’occupation, nous sommes en état de siège, nous sommes victimes d’un génocide. Ce n’est pas simplement de la nourriture que veulent les habitant·es de Gaza. Ce qu’ils veulent, c’est la liberté. C’est cela que nous voulons ».

Mosab Abu Toha, écrivain, poète et chercheur à Gaza, lauréat du Prix Pulitzer 2025 dans la catégorie Commentaire pour son portrait de la guerre à Gaza dans le New Yorker, s’exprimant le 6 mai 2025 dans l’émission Democracy Now!

À un moment où le monde est à un tournant décisif et historique, il est indispensable que l’UE mobilise pleinement les différents mécanismes et dispositifs dont elle dispose pour préserver le droit international et promouvoir la paix, la stabilité et la justice pour les générations futures. C’est pourquoi, à l’occasion de la Journée européenne contre l’impunité, la GIAI appelle l’UE et ses États membres à faire preuve de détermination, à protéger les institutions de la justice et à se tenir résolument aux côtés des victimes, des survivant·es et de leurs communautés dans la lutte mondiale contre l’impunité. Nous exhortons en particulier l’UE et ses États membres à :

  1. Réorienter les stratégies de sécurité pour qu’elles privilégient la sécurité humaine plutôt que l’approche militaire, en s’attaquant aux causes structurelles de l’impunité, telles que la corruption, la discrimination, le non-respect de l’état de droit et les masculinités militarisées. Cela inclut la mise en place de mécanismes de mise en accusation dans le cas de vente d’armes, afin de garantir que celles-ci ne contribuent pas à des violations du droit international humanitaire ;
  2. Empêcher la perpétration des crimes internationaux les plus graves, en toutes circonstances, notamment en respectant les mesures conservatoires ordonnées par la CIJ, en particulier celles qui exigent que les États empêchent les actes de génocide, facilitent l’accès à l’aide humanitaire et à l’aide donnant droit aux réparations là où elle est nécessaire, et conservent les éléments de preuve établissant les faits allégués pour tous les crimes internationaux ;
  3. Coopérer avec la CPI, notamment en exécutant les mandats d’arrêt, en remettant les suspect·es à la Cour, et en suspendant les relations diplomatiques avec les responsables des crimes les plus graves ;
  4. Adopter et mettre en œuvre des mesures de protection à l’échelle nationale et régionale, comme la loi de blocage de l’UE, en vue de soutenir les activités de la Cour pénale internationale et de protéger les personnes qui coopèrent avec elle ;
  5. Garantir les droits des victimes de crimes internationaux, notamment en veillant à ce qu’elles participent et accèdent de manière significative à la justice, y compris par la mise à disposition d’un accompagnement psychosocial, de services de traduction et de dispositifs complets de protection des témoins ;
  6. Soutenir les mécanismes de mise en accusation des Nations unies ainsi que les expert·es mandaté·es dans leurs efforts pour accéder aux victimes, enquêter, assurer leur protection, sensibiliser aux droits humains, et faire en sorte que justice soit faite pour les crimes internationaux ;
  7. Enquêter sur les crimes internationaux et poursuivre leurs responsables à l’échelle nationale, en adoptant les lois nécessaires et en renforçant les capacités des autorités nationales afin qu’elles soient en mesure de garantir la crédibilité, l’indépendance et l’efficacité des procédures, notamment en ayant recours à la compétence universelle et extraterritoriale ;
  8. Favoriser l’accès des survivant·s aux réparations, notamment en encourageant le recours à des sanctions ciblées et à des mesures visant au recouvrement des avoirs des auteur·rices de crimes internationaux comme moyen de soutenir la justice restaurative pour les communautés de victimes ;
  9. Veiller à ce que les systèmes de justice internationale bénéficient d’un soutien financier suffisant et durable, notamment la CPI, le Fonds au profit des victimes et les organisations de la société civile, en particulier les organisations locales œuvrant à améliorer la justice et l’établissement des responsabilités ;
  10. Garantir la transparence des efforts déployés à l’échelle nationale pour lutter contre l’impunité – un élément essentiel pour coordonner les actions, identifier les zones d’ombre et évaluer de manière pertinente les engagements des États, en publiant chaque année les données ventilées sur les procédures pénales en cours et passées relatives aux crimes internationaux.

 

À propos de l’Initiative mondiale contre l’impunité (GIAI)

L’Initiative mondiale contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux : faire fonctionner la justice (GIAI) est un consortium constitué de huit ONG internationales et de la Coalition pour la Cour pénale internationale. Cofinancée par l’Union européenne, elle a pour vocation de contribuer à la lutte contre l’impunité en soutenant une approche holistique, intégrée et inclusive de la justice et de l’établissement des responsabilités pour les auteur·rices des graves violations des droits humains et de crimes internationaux.

Animée par cet engagement, la GIAI lance aujourd’hui sa Plateforme de gestion des connaissances, un espace numérique inclusif et multilingue conçu comme un centre de ressources pour la collaboration, l’apprentissage et le partage d’information.

« En cette Journée européenne de lutte contre l’impunité, j’exhorte l’UE à honorer ses obligations juridiques et morales en mettant en œuvre des lois et des politiques de gestion des frontières qui respectent les droits et protègent la vie des migrants et des réfugiés. Les pratiques actuelles les exposent à la torture, à l’esclavage et aux naufrages, qui peuvent constituer des crimes contre l’humanité, tandis qu’elles offrent un refuge aux criminels recherchés par la CPI. Les victimes veulent être entendues, disposer d’un espace sûr pour exprimer leurs opinions et leurs préoccupations, et avoir le sentiment que le système judiciaire est encore une source d’espoir. Il est vital de placer la voix des survivants au cœur de notre combat pour la dignité, la justice et la responsabilité. »

David Yambio, défenseur des droits humains et porte-parole de l’association Refugees in Libya.

[1] 2024 a été l’une des pires années jamais enregistrées dans l’histoire de l’UNICEF pour les enfants vivant dans des zones de conflit. Selon l’agence des Nations unies, plus d’un enfant sur six dans le monde vit aujourd’hui dans des régions affectées par des conflits.

Genève, le 23 mai 2025TRIAL International a déposé deux dénonciations auprès de l’autorité fédérale de surveillance des fondations (ASF) et du Département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) afin que des enquêtes administratives soient ouvertes pour déterminer si les activités de la Gaza Humanitarian Foundation (GHF), basée en Suisse, respectent le droit suisse et le droit international humanitaire (DIH). La Suisse, en tant qu’État dépositaire des Conventions de Genève, a l’obligation de faire respecter le DIH, en particulier pour les entités basées sur son territoire. TRIAL International appelle, en raison des risques potentiels pour la population gazaouie liés aux modalités prévues d’acheminement de l’aide humanitaire, à l’adoption de mesures urgentes.

Les 20 et 21 mai 2025, TRIAL international a déposé deux dénonciations à l’ASF et au DFAE respectivement, afin de contrôler d’une part la conformité des activités de la GHF avec ses propres statuts et l’ordre juridique suisse, d’autre part avec la loi fédérale sur les prestations de sécurité privées fournies à l’étranger (LPSP).

Les fondations établies en Suisse sont soumises à la législation fédérale et au droit international, y compris pour leurs activités à l’étranger, et d’autant plus dans des contextes sensibles, comme les zones de conflit actif. Les dénonciations déposées par TRIAL International ont pour but de remédier dans les plus brefs délais à de potentiels manquements de la part de la GHF à diverses règles de droit national et international, en particulier autour des « prestations de sécurité privées » dans le cadre des activités de la fondation, telles que la sécurisation militarisée des points de distribution et le contrôle des personnes.

« La situation humanitaire dramatique à Gaza requiert une réponse immédiate. Pourtant, le recours prévu à des sociétés de sécurité privées entraîne une militarisation risquée de l’aide, qui ne se justifie pas dans un contexte où les Nations unies et les ONG humanitaires disposent de l’impartialité, des ressources et de l’expertise nécessaires pour distribuer cette aide sans délai à la population civile », souligne Philip Grant, Directeur exécutif de TRIAL International.

La Suisse, en tant qu’État dépositaire des Conventions de Genève, se doit de veiller au respect du droit international humanitaire, en particulier par les entités enregistrées et basées sur son territoire. Les modalités de distribution de l’aide humanitaire affichées par la GHF ont été unanimement critiquées par les acteurs humanitaires. L’aménagement de points de distribution dans certaines zones géographiques ciblées limite fortement l’accès à une aide vitale, déjà trop longtemps retenue par Israël en violation manifeste du DIH, pour une large partie de la population qui pourrait alors être forcée – pour autant même qu’elle le puisse – de se déplacer. Une telle pratique risque d’enfreindre les principes d’impartialité, de neutralité, d’indépendance et d’humanité, ainsi que de contrevenir au droit international humanitaire.

Les membres de TRIAL International sont invité·e·s à participer à l’Assemblée générale (AG) de l’organisation qui se tiendra le 19 juin à partir de 18h30 dans nos locaux, situés au 95 rue de Lyon à Genève.

Ordre du jour

  1. Approbation de l’ordre du jour et du procès-verbal de l’Assemblée générale 2024
  2. Présentation du rapport d’activités 2024 et du plan d’action 2025
  3. Élection de potentiel.les nouveaux·elles membres du comité
  4. Comptes et bilan 2024, montant de la cotisation, nomination de l’organe de révision des comptes 2025
  5. Divers et fin de l’AG

Documents-cadre

UpRights, en collaboration avec TRIAL International dans le cadre de l’initiative « Global Initiative Against Impunity: Making Justice Work » et avec le soutien du Conseil supérieur de la magistrature congolais (CSM), publie un rapport exhaustif sur la lutte contre l’impunité des crimes internationaux en République démocratique du Congo (RDC). Cette publication intervient à un moment critique, alors que le pays fait face à une convergence de défis sécuritaires, politiques et judiciaires, avec l’intensification du conflit à l’Est et les violations massives des droits humains perpétrées par le groupe armé M23 et d’autres parties au conflit. Le rapport rappelle opportunément que, malgré des défis importants, le système judiciaire congolais a la capacité de lutter efficacement contre l’impunité des crimes internationaux et que diverses solutions institutionnelles peuvent être déployées pour renforcer le système et préserver ses progrès.

 

Le rapport met en lumière les progrès remarquables, bien que fragiles, accomplis par le système judiciaire congolais au cours des vingt dernières années dans la poursuite des crimes internationaux. Depuis 2004, les tribunaux militaires et civils congolais ont rendu plus de 130 jugements sur des crimes internationaux, un record rarement égalé par des juridictions nationales dans des conditions aussi difficiles. Le raisonnement juridique et l’expertise judiciaire se sont améliorés, et certaines affaires ont impliqué des fonctionnaires de haut rang. Ces progrès découlent d’un modèle unique de responsabilité reposant sur un cadre juridique solide, une politique nationale faisant de la lutte contre l’impunité une priorité, des stratégies provinciales de poursuite, ainsi qu’un soutien crucial d’acteurs internationaux et de la société civile, qui ont joué un rôle clé dans la documentation des crimes, le renforcement des capacités judiciaires et l’accompagnement des victimes.

Cependant, le système judiciaire congolais est confronté à de profonds défis structurels. La majorité des crimes passés et actuels restent encore impunis, et les plus hauts responsables politiques et militaires échappent en grande partie à la justice. La prédominance persistante des juridictions militaires sur les tribunaux civils, le maintien de la peine de mort et l’incapacité chronique à faire appliquer les réparations accordées aux victimes sapent la crédibilité et l’efficacité des poursuites judiciaires. L’ingérence politique, la corruption et un sous-financement sévère affaiblissent encore davantage l’indépendance judiciaire. Par ailleurs, bien que le soutien international soit essentiel, il demeure fragmenté et manque de coordination stratégique, en particulier alors que la mission de maintien de la paix des Nations unies se retire du pays.

Pour remédier à ces difficultés, le rapport formule plusieurs recommandations concrètes, parmi lesquelles l’abolition de la peine de mort, des garanties plus fortes pour l’indépendance judiciaire et la mise en œuvre effective des réparations judiciaires. Il préconise également une approche davantage proactive de la Cour pénale internationale en matière de complémentarité. De plus, le rapport recommande la création d’un mécanisme international de soutien renforcé afin de fournir une assistance stratégique, technique et financière aux juridictions congolaises, ainsi qu’aux nouvelles institutions judiciaires que le gouvernement congolais pourrait établir pour traiter les crimes internationaux passés et futurs.

L’avenir de la justice en RDC dépend d’actions urgentes aux niveaux national et international. La lutte contre l’impunité nécessite un engagement fort des autorités congolaises ainsi qu’un soutien international durable et adapté à l’évolution du contexte politique et sécuritaire. Alors que la violence s’intensifie dans l’Est du pays, le gouvernement congolais et la communauté internationale doivent saisir cette opportunité pour investir dans un système judiciaire capable de rendre justice aux victimes et de promouvoir une stabilité durable.

 

Donat Kwenga Omari, ancien militaire de l’armée nationale (FARDC) a été condamné en première instance par le Tribunal militaire de garnison de Bukavu pour crimes contre l’humanité commis lorsqu’il était chef d’une coalition de dizaines de groupes armés Raia Mutomboki appelée « Forces Populaires de Paix ». Malgré un procès qui a permis de faire la lumière sur le rôle joué par Donat dans les exactions commises par cette coalition, TRIAL International déplore le recours à la peine de mort.

L’audience foraine du procès Donat, à Miti, au Sud-Kivu. © Etienne Mulindwa

A la suite d’un procès qui s’est tenu en audience foraine, Donat a été reconnu coupable de crimes de viol, esclavage sexuel, meurtre, torture, privation de liberté, disparition forcée et autre actes inhumains en tant que crimes contre l’humanité, perpétrés de 2016 à 2021. Les audiences foraines se sont tenues dans les territoires de Shabunda et Kalehe (province du Sud Kivu), au plus proche des villages de provenance des victimes et des lieux de commission des crimes.

Des réparations judiciaires ont été accordées à plus de 300 victimes qui ont participé au procès en tant que parties civiles. Le Tribunal a notamment accordé des mesures de réhabilitation pour les victimes de viol et torture.

« Le procès a permis de donner la voix aux victimes et d’établir l’ampleur et la gravité des crimes commis sous la direction de Donat dans la province du Sud Kivu durant plusieurs années » souligne Daniele Perissi, Responsable du programme RDC. « Toutefois, nous regrettons l’utilisation de la peine capitale comme sanction infligée au condamné, d’autant plus dans le contexte actuel de levée du moratoire sur la peine de mort. Nous rappelons aux autorités congolaises que la peine de mort est incompatible avec le droit à la dignité humaine, le droit à la vie et l’interdiction de la torture et des autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. » 

Ancien Major de l’armée nationale, Donat avait déserté pour créer son propre groupe armé en 2012 puis a présidé une coalition des groupes armés Raia Mutomboki (RM) nommée « Forces Populaires de Paix ». Ces dernières années, d’autres chefs RM qui gravitaient autour de lui ont été condamnés par la justice congolaise, dont Kokodikoko en 2019, Hamakombo en 2020, ou encore Bralima et Ndarumanga en 2023. Ce verdict représente une étape majeure dans la sanction de ces groupes qui sévissent depuis plus de dix ans dans la province du Sud-Kivu.

Les milices RM, ou « citoyens en colère » en swahili, sont des mouvements locaux d’autodéfense qui se sont structurés en groupes armés et ont opéré dans la province du Sud-Kivu. Ces groupes ont commencé à se développer en 2011 en réponse aux attaques de la milice rwandaise FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) contre la population, facilitées par un vide sécuritaire. Ils ont ensuite pris contrôle de certaines portions du territoire de la province en lançant des attaques contre la population civile.

TRIAL International a appuyé les ONG congolaises qui ont fourni une sensibilisation et un accompagnement aux victimes pour qu’elles puissent participer au procès, et a coordonné le travail du collectif d’avocat·e·s qui a représenté les victimes tout au long de la procédure judiciaire.

Le travail de TRIAL International sur ce dossier est mené dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale du Sud Kivu, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

 

Donat Kwenga Omari, ancien militaire FARDC, sera jugé à partir du 25 octobre 2024, par le Tribunal militaire de garnison de Bukavu pour des crimes contre l’humanité, commis lorsqu’il était chef d’une coalition de groupes armés Raia Mutomboki appelée « Forces Populaires de Paix ». Le procès vise à établir le rôle joué par Donat dans les exactions commises par cette coalition et permettra à plus de 350 victimes de faire entendre leur voix et d’accéder à la justice.

Donat est accusé, entre autres, de crimes de viol, esclavage sexuel, meurtre, torture, privation de liberté, pillage et destruction de propriété, commis dans les territoires de Shabunda et Kalehe, au Sud-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) entre 2016 et 2021.

Ancien Major de l’armée nationale, Donat a déserté pour créer son propre groupe armé en 2012 puis a présidé une coalition des groupes armés Raia Mutomboki (RM) nommée « Forces Populaires de Paix ». Ces dernières années, d’autres chefs RM qui gravitaient autour de lui ont été condamnés par la justice congolaise, dont Kokodikoko en 2019, Hamakombo en 2020, ou encore Bralima et Ndarumanga en 2023. Ce procès reflète la volonté continue du gouvernement d’éradiquer ces groupes armés et pourrait représenter une étape majeure dans la sanction de ces groupes qui sévissent depuis plus de dix ans dans la province du Sud-Kivu.

« Donat était la tête pensante de la coalition d’un certain nombre de milices RM actives dans la province, explique Daniele Perissi, responsable du Programme RDC de TRIAL International, nous espérons que ce procès permettra d’établir la vérité sur le rôle qu’il a joué dans la commission de crimes généralisés à l’encontre de plus de 350 victimes, incluant de nombreux mineurs. »

Les milices RM, ou « citoyens en colère » en swahili, sont des mouvements locaux d’autodéfense qui se sont structurés en groupes armés et ont opéré dans la province du Sud-Kivu. Ces groupes ont commencé à se développer en 2011 en réponse aux attaques de la milice rwandaise FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) contre la population, facilitées par un vide sécuritaire. Ils ont ensuite pris de l’ampleur et ont assumé le contrôle de certaines portions du territoire de la province en lançant des attaques contre la population civile.

Le procès s’est ouvert le vendredi 25 octobre 2024 devant le Tribunal militaire de garnison de Bukavu qui s’est déployé en audience foraine sur l’axe de Miti pour permettre aux victimes et aux témoins un accès facilité au procès. Le tribunal poursuivra ensuite ses audiences à Walungu et son verdict est attendu dans la première partie du mois de novembre.

TRIAL International a appuyé les ONG congolaises qui ont fourni une sensibilisation et un accompagnement aux victimes pour qu’elles puissent participer au procès, et a coordonné le travail du collectif d’avocats qui représente les victimes tout au long de la procédure judiciaire.

Le travail de TRIAL International sur ce dossier est mené dans le cadre de la Task Force Justice Pénale Internationale du Sud Kivu, un réseau informel d’acteurs internationaux qui collaborent afin de soutenir le travail des juridictions congolaises dans l’enquête et la poursuite des crimes de masse en RDC.

Denver (États-Unis) et Banjul (Gambie), 26 août 2024 – Michael Sang Correa, membre présumé d’un escadron de la mort gambien, doit être jugé à partir du 16 septembre 2024 devant le tribunal de district américain de Denver pour torture. C’est la première fois qu’un citoyen non américain sera jugé devant un tribunal fédéral américain pour des actes de torture commis à l’étranger.

 

Correa est accusé de six chefs de torture et d’un chef de complot en vue de commettre des actes de torture. Il serait un ancien membre des Junglers, un escadron de la mort notoire en Gambie opérant sous l’ancien président gambien Yahya Jammeh. L’acte d’accusation allègue qu’à la suite d’une tentative de coup d’État contre le régime de Jammeh en 2006, M. Correa et d’autres Junglers ont torturé des participants présumés au coup d’État, notamment en les battant, en les étouffant avec des sacs en plastique et en les soumettant à des décharges électriques.

Le gouvernement américain a porté plainte en vertu de l’extraterritorial Torture Act , une loi pénale qui lui permet de poursuivre en justice des individus retrouvés aux États-Unis pour des actes de torture commis à l’étranger. Ce procès a attiré l’attention des défenseurs·seuses des droits humains et des expert·e·s juridiques, car il s’agit du premier procès d’un citoyen non américain depuis l’adoption de la loi sur la torture en 1994, et seulement du troisième procès en vertu de cette loi. Une coalition d’organisations de défense des droits humains, dont le Center for Justice and Accountability (CJA), des représentants de l’Alliance des organisations de victimes (AVLO) et TRIAL International, a joué un rôle crucial en exhortant les États-Unis à enquêter sur les allégations de crimes internationaux attribués à M. Correa en Gambie. CJA représente plusieurs des victimes présumées de M. Correa.

Le procès est une étape cruciale vers l’obtention de la vérité et de la justice pour les victimes de la dictature de Jammeh, qui a été caractérisée par des violations généralisées des droits humains, notamment des disparitions forcées, des actes de torture, des exécutions extrajudiciaires , des violences sexuelles et des détentions arbitraires.

Le procès devrait avoir lieu du 16 au 27 septembre 2024 au palais de justice des États-Unis Alfred A. Arraj. La faculté de droit de l’Université du Colorado fournira des résumés publics du procès accessibles. Des représentant·e·s de la société civile gambienne, notamment des journalistes et des défenseurs·seuses des droits humains, assisteront au procès en personne et fourniront des mises à jour en temps réel au public gambien. Des informations supplémentaires peuvent également être trouvées ici .

 

À propos du Centre pour la justice et la responsabilité

Le Center for Justice and Accountability (CJA) est une organisation internationale de défense des droits humains basée à San Francisco qui se consacre à travailler avec les communautés touchées par la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains pour rechercher la vérité, la justice et réparation en utilisant des stratégies innovantes en matière de contentieux et de justice transitionnelle.

 

A propos de L’alliance des organisations de victimes (AVLO)

L’alliance des organisations de victimes (AVLO) est une coalition d’organisations de la société civile gambienne qui défend et représente les intérêts des victimes de violations des droits humains en Gambie.

 

À propos de TRIAL International

TRIAL International est une ONG internationale luttant contre l’impunité des crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la torture, les disparitions forcées et les violences sexuelles liées aux conflits. Fondée en 2002, elle possède des bureaux en Suisse, en Bosnie-Herzégovine et en République démocratique du Congo (RDC).

 

Plus d’informations

Lisez les réponses aux questions fréquemment posées ici.

L’impunité est l’obstacle le plus important à la justice et à la réparation pour les victimes et les survivant·e·s de violations des droits humains et de crimes internationaux graves. Souvent, seul un petit nombre d’auteurs sont tenu·e·s pour responsables. Lorsque l’impunité est généralisée, elle a des conséquences profondes sur les sociétés, en particulier sur celles qui sont dirigées par des gouvernements autoritaires, qui connaissent des conflits et qui sont victimes d’oppression économique. L’impunité alimente les inégalités, affecte de manière disproportionnée les plus vulnérables et sape la confiance dans les institutions politiques. À la suite d’un conflit violent, elle réduit les chances d’un changement significatif et pacifique. L’impunité a également un effet néfaste sur la participation des victimes, car elle permet aux auteurs de crimes d’imposer leur récit, ce qui porte atteinte au droit des victimes d’être reconnues en tant que telles et de faire entendre leur voix. C’est pourquoi il est essentiel de renforcer la capacité des victimes et des survivant·e·s à lutter contre l’impunité par le biais de processus de justice transitionnelle formels et informels. Si la lutte contre l’impunité peut sembler une tâche impossible, la détermination des survivant·e·s et de la société civile à faire fonctionner la justice a prouvé qu’en unissant les forces, il est possible de faire reculer l’impunité.

© Cristina Chiquin/IW, Des femmes mayas achis participent à la commémoration de la Journée nationale contre les disparitions forcées à Guatemala City, le 21 juin 2019. En janvier 2022, elles ont gagné un procès contre cinq anciens paramilitaires qui les ont soumises à des actes de violence sexuelle et d’esclavage pendant le conflit armé interne.

 

Progrès dans la lutte contre l’impunité

Au cours des dernières décennies, des efforts considérables ont été déployés pour lutter contre la montée de l’impunité en réponse aux violations des droits humains, du droit humanitaire et du droit pénal international. Des tribunaux internationaux et hybrides, des tribunaux spéciaux établis au niveau national et des tribunaux nationaux ordinaires ont été utilisés pour poursuivre et punir les auteurs de ces crimes.

L’arrestation à Londres, en 1998, d’August Pinochet, qui avait fait régner la terreur au Chili, au cours de laquelle 40 000 personnes ont été torturées et 3 000 assassinées ou ont disparu, a marqué un tournant dans la justice internationale, déclenchant une quête de justice mondiale. De même, le procès devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie de Ratko Mladić, l’architecte du massacre de Srebrenica, qui avait échappé à la capture pendant 16 ans, a montré que les auteurs d’atrocités n’échapperaient pas à la justice

Les enquêtes, les procès et les condamnations visant d’anciens et d’actuels chefs d’État ont contribué à renforcer l’idée que les dirigeants ne sont pas au-dessus de la loi lorsqu’il s’agit des crimes internationaux les plus graves, par exemple avec les condamnations d’Efraín Ríos Montt, l’ancien dirigeant du Guatemala, et d’Hissène Habré, l’ancien dictateur du Tchad. Certaines de ces poursuites ont été possibles après l’abrogation de lois d’amnistie, par exemple en Argentine, qui a permis de poursuivre et de condamner un millier de membres de l’armée et de la police pour des violations des droits de l’homme commises pendant la dictature militaire.

Au-delà des chefs d’État, les mécanismes de la justice internationale ont permis d’assurer un certain degré de responsabilité et de réparation dans d’autres cas. Outre la création de la Cour pénale internationale (CPI) en 2002, la résurgence de la compétence universelle et l’application de la compétence extraterritoriale ont créé un nouvel élan pour porter des affaires de crimes internationaux commis à l’étranger devant les tribunaux nationaux, notamment pour tenir les acteurs économiques responsables d’avoir facilité et rendu possible des crimes internationaux. Le dernier rapport annuel sur la compétence universelle montre que le nombre de ces poursuites continue d’augmenter

Des progrès ont également été accomplis en ce qui concerne les mécanismes de justice transitionnelle, tels que la juridiction spéciale pour la paix en Colombie, qui a cherché à adopter une approche centrée sur les victimes, intégrant des mesures de restauration et de réparation afin de concrétiser le droit à la justice et la reconnaissance de la responsabilité individuelle.

 

Le rôle des survivant·e·s et de la société civile

Les survivant·e·s ont joué un rôle fondamental dans ces avancées, en luttant sans relâche pour traduire les auteurs en justice, parfois depuis des décennies. Un exemple est le procès intenté par 36 femmes Maya Achi au Guatemala contre d’anciens paramilitaires pour des violences sexuelles commises pendant le conflit armé interne. L’affaire a été rejetée en 2011 et les victimes ont dénoncé le racisme dont elles avaient fait l’objet au cours de la procédure. Grâce à leur persévérance, un nouveau juge a condamné cinq auteurs en 2022 pour crimes contre l’humanité et a confirmé que la violence sexuelle avait été utilisée comme arme de guerre.

Les victimes syriennes et leurs familles ont également joué un rôle déterminant dans le processus visant à obtenir justice pour des milliers de personnes disparues de force pendant le conflit. En 2021, les organisations de victimes et leurs familles ont créé la Charte de vérité et de justice, qui reflète leur vision commune sur la manière de faire progresser les droits des victimes, la justice et la vérité en Syrie. En 2023, leurs efforts de plaidoyer ont abouti à une résolution novatrice des Nations unies visant à créer une nouvelle institution internationale chargée de déterminer le sort de plus de 100 000 personnes disparues en Syrie.

Fadwa Mahmoud, membre fondateur de la Truth and Justice Charter et de Families for Freedom Syria, explique :

« La justice consiste à demander des comptes aux tyrans, dans mon pays et partout ailleurs dans le monde, afin de servir d’exemple aux générations futures. La justice pour les personnes qui sont sorties pour réclamer la liberté, c’est d’avoir le droit de rester dans leur pays d’origine, si elles le souhaitent. La justice, c’est d’écouter, que le monde écoute les survivant·e·s et les familles des détenu·e·s et des personnes disparues de force, et de respecter leurs souhaits malgré leur diversité ».

La société civile a également été à l’avant-garde de la justice internationale, qu’il s’agisse de traquer les auteurs de crimes, de déposer des plaintes devant les tribunaux du monde entier ou de soutenir les efforts des victimes et des survivant·e·s. Sans le pouvoir de plaidoyer et de mobilisation des organisations de la société civile, la CPI n’existerait pas. À l’heure actuelle, la CPI enquête sur des crimes commis dans 17 pays, qu’il s’agisse de crimes de guerre dans le contexte de l’invasion massive de l’Ukraine par la Russie ou de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans le contexte de la situation dans l’État de Palestine.

 

Les défis persistants de la lutte contre l’impunité

Malgré ces progrès, de nombreux défis subsistent. L’impunité a été favorisée par l’érosion des mécanismes de responsabilité nationaux et internationaux, le ciblage ou la criminalisation des acteurs de la justice et des défenseurs des droits humains, ainsi que par la faiblesse de la volonté politique et l’inadéquation des lois. Les efforts déployés pour permettre une participation significative des survivant·e·s, pour comprendre les causes profondes de l’impunité et s’y attaquer, nécessaires pour remettre en question les structures politiques, sociales et économiques qui oppriment ceux qui jouent un rôle central dans la réalisation du changement, sont insuffisants.

Ces défis ont été associés ces dernières années à un contexte mondial de réduction de l’espace civique pour les victimes et les défenseur·euse·s des droits humains, ainsi qu’à l’augmentation des risques auxquels il·elles sont confronté·e·s.

Le changement de gouvernement au Sri Lanka a fait reculer les enquêtes sur les violations commises pendant le conflit. Au Myanmar, alors que la Cour internationale de justice a connaissance du ciblage, de l’assassinat de milliers de personnes et du déplacement massif de plus de 700 000 Rohingyas, et que la mission d’enquête internationale indépendante sur le pays les a condamnés, aucun effort n’a été fait pour enquêter ou poursuivre les auteurs de ces actes.

Le manque de volonté politique a également été illustré, par exemple, par la résistance des grandes puissances militaires telles que la Chine, les États-Unis et la Fédération de Russie, à ratifier le Statut de Rome. En outre, les deux poids deux mesures pratiqués par certains États occidentaux sont évidents lorsqu’il s’agit de traduire leurs propres ressortissant·e·s en justice, comme le montrent les efforts initiaux des États-Unis pour faire dérailler l’enquête de la CPI sur l’éventuelle commission de crimes de guerre par les forces américaines en Afghanistan.

L’absence de responsabilité perpétue une culture de l’impunité et de la violence, comme c’est le cas au Soudan, qui est plongé dans un cycle de conflits armés sanglants depuis 20 ans, le conflit actuel opposant deux parties belligérantes responsables d’atrocités passées pour lesquelles elles n’ont jamais été tenues de rendre des comptes.

Sara Mekki, la fille de l’éminent défenseur des droits humains Amin Mekki Medani, qui a été torturé au Soudan en 2014 dans le cadre de la répression du gouvernement contre les dissidents, explique :

« L’impunité est comme un cancer, une maladie qui permet aux auteurs de commettre davantage de crimes et de violations des droits humains sans subir de conséquences, laissant les victimes plus vulnérables et plus brisées. La seule façon de garantir la justice est que la communauté internationale travaille dur pour mettre fin à l’impunité, surtout de nos jours où le droit international n’est pas respecté et est remis en question quotidiennement ».

 

La société civile s’élève contre l’impunité

Pour lutter contre ce climat d’impunité croissant, neuf organisations de la société civile et deux partenaires associées ont uni leurs forces pour mener l’Initiative mondiale contre l’impunité pour les crimes internationaux et les atteintes graves aux droits humains : Faire fonctionner la justice (« Global Initiative Against Impunity for International Crimes and Serious Human Rights: Making Justice Work »).

Chacune de ces organisations, en collaboration avec leurs vastes réseaux de partenaires régionaux et nationaux dans le monde entier, apportera son expertise dans la promotion de la justice et de la responsabilité pour les violations graves des droits humains, y compris la torture, les disparitions forcées et d’autres crimes internationaux fondamentaux, tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression.

Ce partenariat stratégique comprend les membres suivants du consortium : Civil Rights Defenders, la Coalition pour la Cour pénale internationale, le Centre européen pour les droits constitutionnels et humains, Impunity Watch, la Fédération internationale des droits de l’homme, Parliamentarians for Global Action, REDRESS, TRIAL International et Women’s Initiatives for Gender Justice. Ils sont soutenus par deux partenaires associés : l’Institut d’Auschwitz pour la prévention du génocide et des atrocités de masse et la Commission internationale de juristes.

Cette initiative quadriennale, cofinancée par l’Union européenne, se concentrera en 2024 sur 27 pays d’Afrique, des Amériques, d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient, mais elle cherchera également à améliorer l’État de droit, les normes de responsabilité et la prévention des atrocités dans d’autres pays de ces régions.

Lutter contre l’impunité n’est pas une mince affaire. Les auteurs de crimes ne renoncent pas facilement à leur pouvoir et les efforts déployés pour les obliger à rendre des comptes se heurtent souvent à une certaine résistance. Mais la société civile peut susciter des changements significatifs grâce à une action coordonnée, stratégique et centrée sur les survivant·e·s.

À cette fin, l’Initiative mondiale contre l’impunité a mis au point une approche globale qui vise à garantir aux survivant·e·s et aux victimes une justice et une responsabilisation de grande envergure en travaillant sur deux fronts principaux :

  • Renforcer l’action et la participation des victimes et de la société civile dans l’élaboration de processus de justice et de responsabilité inclusifs, car leur exclusion compromet les chances de parvenir à une justice significative et à un changement durable.
  • Renforcer l’efficacité des cadres et des systèmes de responsabilisation pour lutter contre l’impunité par le dialogue, le plaidoyer et la sensibilisation entre les prestataires de justice et les responsables, d’une part, et les survivants et les organisations de la société civile, d’autre part.

Toutes les actions seront guidées par une approche centrée sur les survivant·e·s et favoriseront une stratégie tenant compte des traumatismes et de l’égalité des sexes, dans laquelle les victimes s’engagent en tant qu’acteurs et défenseurs. Cette approche s’appuie sur une large compréhension de l’impunité, de ses causes profondes et des facteurs systémiques qui la favorisent.

La participation des survivant·e·s aux processus de justice n’est pas seulement une opportunité de guérison des traumatismes et d’autonomisation individuelle, elle est également essentielle pour lutter contre la montée flagrante de l’impunité. En plaçant les survivant·e·s au centre des efforts de justice et de responsabilisation, on s’assurera que les mécanismes mis en place sont significatifs et qu’ils permettent d’obtenir des changements durables et à long terme. Le consortium favorisera également la coordination et le partage de connaissances et d’expériences avec d’autres initiatives et acteurs clés impliqués dans la lutte mondiale contre l’impunité.

La menace de l’impunité est trop grande pour être combattue seule, mais grâce à la collaboration, l’initiative mondiale contre l’impunité (« Global Initiative Against Impunity ») vise à faire en sorte que la justice fonctionne pour ceux qui en ont le plus besoin.

Si vous souhaitez participer à cette initiative ou en connaître les tenants et aboutissants, veuillez nous contacter à l’adresse suivante : Makingjusticework@fidh.org.

Les membres de TRIAL International sont invité·e·s à participer à l’Assemblée générale (AG) de l’organisation qui se tiendra le 13 juin à partir de 18h30 dans nos locaux, situés au 95 rue de Lyon à Genève.

Ordre du jour

  1. Rencontre et discussion avec Samuel Emonet, Directeur exécutif de Justice Rapid Response (www.justicerapidresponse.org)
  2. Approbation de l’ordre du jour et des procès-verbaux des Assemblées générales ordinaire et extraordinaire 2023
  3. Présentation du rapport d’activités 2023 et du plan d’action 2024
  4. Modifications statutaires
  5. Élection de nouveaux·elles membres du comité : Dr. Jelena Aparac & Georges Kuzma
  6. Comptes et bilan 2023, montant de la cotisation, nomination de l’organe de révision des comptes 2024

 

Documents-cadre

Le Tribunal régional de Berne-Mitteland a acquitté des accusations de « diffamation, voire calomnie » les deux autrices et l’auteur d’un rapport publié par TRIAL International et Public Eye, suite à une plainte pénale déposée par Kolmar Group AG. Leur enquête avait révélé la participation du négociant zougois au commerce de gasoil en provenance de Libye entre 2014 et 2015, alors que ce pays était en proie à un conflit armé. Mais le bras-de-fer continue : dans le cadre d’une action civile à Zoug, la firme réclame la somme inédite de 1,8 million de dollars de dommages et intérêts. Ces procédures sont emblématiques des pressions croissantes que subissent, en Suisse aussi, les journalistes et ONG qui enquêtent sur des sujets sensibles.

© Robbie Vize, Creative Commons

Dans son jugement rendu public aujourd’hui, la justice bernoise a mis en avant la solidité et la crédibilité du travail d’enquête journalistique réalisé par les deux autrices et l’auteur du rapport « Contrebande de gasoil libyen : un négociant suisse navigue en eaux troubles », publié en mars 2020 par Public Eye et TRIAL International. Le tribunal a estimé qu’elles/il ont pleinement rempli leurs obligations journalistiques, en s’appuyant sur de nombreuses sources, documents et témoignages. Il a par ailleurs souligné que leur enquête s’inscrivait dans la démarche d’intérêt public poursuivie par ces ONG. Public Eye et TRIAL International ainsi que les personnes acquittées saluent ce verdict important. Il confirme qu’enquêter et révéler la vérité n’est pas une infraction, mais un pilier de notre démocratie. Nous restons déterminé∙e∙s à défendre ce principe, quels que soient les obstacles.

Fruit de plus d’un an d’investigations entre la Suisse, Malte et la Sicile, ce rapport a permis de documenter la participation de la société Kolmar Group AG, domiciliée à Zoug, au commerce de gasoil libyen entre 2014 et 2015, alors que ce pays était en proie à la guerre civile. Les enquêtrices et enquêteur ont notamment pu retracer l’itinéraire de trois tankers pétroliers en provenance des côtes libyennes, qui avaient déversé, à vingt-deux reprises, leur cargaison dans les citernes que le négociant louait alors à Malte. Selon les documents obtenus, ces produits pétroliers provenaient d’un réseau transnational de contrebande de gasoil issu du pillage de raffineries de pétrole étatique libyen. Le carburant – subventionné et destiné à la population – était détourné des cuves libyennes par le réseau grâce à la complicité d’un groupe armé, transbordé depuis des bateaux de pêche libyens vers des navires affrétés par deux hommes d’affaires maltais dans les eaux internationales, puis acheminé jusqu’à Malte.

En mai 2020, TRIAL International déposait une dénonciation pénale auprès du Ministère public de la Confédération (MPC), suivie de près par une communication du MROS (Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent) évoquant « un contexte identique », selon le MPC. Une enquête pénale contre inconnus pour « soupçons de crimes de guerre en se livrant au pillage » (art. 264g, al.1 let. c du Code pénal) a été ouverte, en novembre 2020, par le parquet fédéral en lien avec ces faits. Elle est toujours en cours, comme nous l’a récemment confirmé le MPC.

Kolmar Group AG, qui n’avait jamais répondu aux questions et demandes répétées des ONG de se positionner avant la publication du rapport, s’est montrée depuis bien plus réactive sur le terrain judiciaire. En septembre 2023, le négociant a également intenté une action civile pour atteinte présumée à la personnalité contre Public Eye et TRIAL International, ainsi que contre les autrices et auteur du rapport, auprès du Tribunal cantonal zougois, accentuant ainsi massivement la pression. La procédure civile se poursuivra en 2024 et 2025.

De telles procédures illustrent bien comment la justice, en Suisse aussi, est de plus en plus souvent amenée à juger des cas dans lesquels les plaignants cherchent à obtenir le retrait de publications portant sur des sujets d’intérêt public. D’autres affaires emblématiques devraient passer devant les tribunaux en 2024, à l’instar du procès qui opposera bientôt SWISSAID au raffineur d’or tessinois Valcambi. C’est en réponse à cette tendance que l’Alliance suisse contre les SLAPP a été créée, afin de sensibiliser à l’impact négatif de ces pratiques extrêmement dangereuses pour la liberté d’expression et la démocratie.

 

Le 13 février marque le 28e anniversaire du début de la guerre civile au Népal, qui a duré 10 ans. Cependant, 18 ans après l’accord de paix, les victimes n’ont toujours pas obtenu justice.

Lancement du Centre de justice pour les droits de l’homme en janvier 2018, Katmandou – © Robic Upadhayay

 

La guerre civile népalaise, également connue sous le nom d’insurrection maoïste, est un long conflit armé qui s’est déroulé de 1996 à 2006 au Népal. Il est né de la volonté du Parti communiste népalais (maoïste) de renverser la monarchie constitutionnelle et d’instaurer à la place une république populaire. Le conflit a donné lieu à une violence généralisée, faisant des milliers de victimes ainsi que de nombreux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment des violences sexuelles, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture. L’insurrection a pris fin avec la signature de l’Accord de paix global en 2006, qui a conduit à l’abolition de la monarchie et à l’établissement d’une république démocratique fédérale au Népal.

TRIAL International a travaillé au Népal jusqu’en 2022 et a contribué à la création en 2017 du Human Rights and Justice Centre (HRJC), une organisation népalaise de défense des droits de l’homme. Le HRJC s’est engagé à poursuivre le travail initié par TRIAL International en améliorant l’accès à la justice pour les victimes et survivant·e·s des pires atrocités, notamment la torture, les disparitions forcées, les exécutions extrajudiciaires et les violences sexuelles.

 

Les efforts du Népal en matière de justice transitionnelle se heurtent encore à d’importants obstacles

À ce jour, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a rendu 29 décisions concernant des violations des droits de l’homme au Népal, dont la plupart sont liées au conflit. Malheureusement, « les décisions des organes des droits de l’homme, tels que le Comité des droits de l’homme des Nations unies sur le Népal, ne sont pas mises en œuvre », a expliqué Salina Kafle, directrice exécutive du HRJC.

« Bien que le gouvernement ait exprimé verbalement son intention de remédier aux violations graves à la fin de la guerre, très peu de choses ont été faites. L’impunité reste endémique et « pas un seul cas de violation grave des droits humains n’a fait l’objet d’une enquête et de poursuites conformes aux normes internationales ».

En l’absence de mécanismes nationaux fonctionnels, de cadre juridique ou de volonté politique, les auteurs de ces violations sont toujours en liberté tandis que les victimes souffrent en silence.

Malgré la mise en place de mécanismes de justice transitionnelle par le gouvernement en 2015, d’importants défis persistent en raison de la législation défectueuse connue sous le nom de « Loi sur l’enquête sur les disparitions forcées, la Commission de vérité et de réconciliation » (Loi sur la CVR). Cette loi a été critiquée par de nombreux experts de l’ONU et a été jugée incompatible avec les normes juridiques internationales par la Cour suprême. En mars 2023, un projet de modification de la loi sur la Commission Vérité et Réconciliation a été présenté au Parlement, mais aucun progrès substantiel n’a encore été réalisé.

 

Faciliter la justice pour les victimes de violations des droits humains au Népal

Le HRJC se concentre principalement sur trois piliers : le contentieux, le renforcement des capacités et le plaidoyer. Il fournit des conseils juridiques et, par l’intermédiaire d’un réseau d’avocat·e·s de confiance spécialisé·e·s dans les droits humains plaide au nom des victimes et des survivant·e·s de violations flagrantes des droits humains, notamment devant les juridictions internationales.

Depuis 2017,

  • Le HRJC a fourni une assistance juridique à 43 victimes de violations flagrantes des droits humains.
  • 32 affaires ont été soumises et suivies devant les voies juridiques nationales et les mécanismes des droits de l’homme des Nations unies.
  • 20 rapports de plaidoyer ont été soumis aux instances nationales et aux mécanismes onusiens des droits de l’homme.
  • Plus de 370 avocat·e·s, défenseur·euse·s des droits humains et professionnels d’ONG ont été formés par le HRJC.

(Sarajevo, 18 décembre 2023) TRIAL International a soumis un nouveau cas devant le Comité des Nations Unies contre la torture au nom de quatre survivant·e·s de violences sexuelles liées au conflit. Ces survivant·e·s n’ont pas reçu la compensation accordée pour le traumatisme subi et, en raison de l’application de la prescription, n’ont pas la possibilité de demander une compensation à l’État de Bosnie-Herzégovine (BiH) ou à l’entité considérée comme responsable. Il n’existe actuellement aucune solution de réparation efficace en Bosnie-Herzégovine dans les cas où l’auteur du crime n’est pas en mesure de payer une compensation pour les dommages non matériels, ce qui indique l’existence d’un problème systémique.

« La législation applicable en Bosnie-Herzégovine ne prévoit pas de solutions alternatives, c’est-à-dire de sanctions pour les auteurs de crimes qui ne sont pas en mesure de payer l’indemnisation accordée aux survivant·e·s. Dans des situations comme celles-ci, il est certain que l’État de Bosnie-Herzégovine devrait prendre des mesures proactives et décisives pour s’assurer que les survivant·e·s de violences sexuelles liées au conflit, ainsi que les victimes d’autres formes de torture en temps de guerre, reçoivent des réparations » explique Ajna Mahmić, coordinatrice juridique du Bureau international de TRIAL en Bosnie-Herzégovine.

Lorsqu’aucune indemnisation n’a été accordée à l’issue d’une procédure pénale, les victimes en quête de justice ont été orientées vers des procédures civiles afin d’exercer leur droit à une indemnisation pour préjudice moral.

« De nombreux survivant·e·s se sont retrouvés sous une pression supplémentaire, en particulier les victimes de violences sexuelles liées au conflit, car le dépôt d’une demande d’indemnisation dans le cadre d’une procédure civile peut également signifier la divulgation de l’identité« , explique Samra Čardaković, conseillère juridique chez TRIAL International en Bosnie-Herzégovine.

En l’absence d’un mécanisme de réparation étatique, dans les situations où les procédures exécutives pour le recouvrement des dommages immatériels ne peuvent être menées à bien en raison de l’insolvabilité réelle ou apparente de l’auteur, et où les plaintes contre l’État de Bosnie-Herzégovine et les entités sont rejetées en raison de l’application de la prescription, la seule solution laissée aux survivant·e·s est de se tourner vers les autorités internationales pour la protection des droits humains.

« A cet égard, la Cour européenne des droits de l’homme, tout comme les tribunaux nationaux, a déjà adopté une position restrictive quant à l’interprétation de ces demandes, qui sont le plus souvent rejetées. Par conséquent, se tourner vers les mécanismes de l’ONU tels que le Comité des Nations unies contre la torture représente le seul recours juridique efficace restant », a ajouté Mahmić.

Bien que le Comité des Nations Unies contre la torture ait déjà publié une décision en 2019 dans laquelle il demandait à la Bosnie-Herzégovine, entre autres, de mettre en place un mécanisme de réparation efficace au niveau de l’État, la mise en œuvre de cette décision est toujours en suspens, quatre ans plus tard. Il est nécessaire que les représentant·e·s du gouvernement établissent un cadre de réparation efficace et complet qui garantira un niveau égal de protection et d’accès aux droits et aux avantages pour toutes les victimes de la torture de guerre, sur l’ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine, et qui doit être adapté à leur situation et à leurs besoins spécifiques.

Lundi 6 novembre, les juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité ont rendu une ordonnance de mise en accusation à l’encontre de l’ancien chef de guerre congolais Roger Lumbala Tshitenga pour complicité de crimes contre l’humanité, comprenant notamment des meurtres, actes de torture, viols, pillages et réduction en esclavage, y compris esclavage sexuel, commis en République démocratique du Congo (RDC) entre 2002 et 2003. L’ordonnance retient également l’entente en vue de commettre des crimes contre l’humanité contre Roger Lumbala. Cette mise en accusation est un pas vers la justice pour les survivant·e·s d’atrocités de masse en RDC, selon la Clooney Foundation for Justice (CFJ), Justice Plus, Minority Rights Group (MRG) et TRIAL International (TRIAL).

Roger Lumbala Tshitenge (Congo – RDC), opposant, député, membre du Rassemblement des Congolais démocrates et nationalistes (RCDN). A Paris, le 21 septembre 2012. © Vincent Fournier / JA

Cette décision ouvre la voie à un procès pour complicité de crimes contre l’humanité et entente en vue de commettre des crimes contre l’humanité. Lumbala a été arrêté à Paris en janvier 2021 . Son groupe armé, le Rassemblement congolais pour la démocratie Nationale (RCD-N), et ses alliés, auraient commis ces atrocités au cours de l’opération militaire « Effacer le tableau » menée dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. Cette opération a été menée dans le but de prendre le contrôle de zones riches en ressources naturelles situées à l’est du pays. Dans ce cadre, Lumbala est poursuivi pour avoir donné les ordres pour commettre des tortures et avoir aidé ou assisté les troupes du RCD-N en fournissant le ravitaillement nécessaire et en laissant les combattants placés sous son autorité et son contrôle commettre ces crimes.  Roger Lumbala a plus tard été nommé ministre du Commerce en RDC, poste qu’il occupa entre 2003 et 2005.

Ces dernières années, les autorités congolaises ont fait des progrès notables dans l’ouverture d’enquêtes et de poursuites judiciaires contre les auteurs des graves crimes commis en RDC. Une impunité totale demeure cependant pour les auteurs des atrocités commises avant 2003.

En outre, si la deuxième guerre du Congo (1998-2003) a fait plus d’un million de morts, la RDC n’a pris aucune mesure concrète, ni pour enquêter sur les atrocités commises lors de ce conflit, ni pour tenir responsables les auteurs de ces crimes. Cette mise en accusation signifie que les juges d’instruction estiment qu’il existe contre Roger Lumbala des preuves suffisantes pour retenir la complicité de crimes contre l’humanité et l’entente en vue de commettre des crimes contre l’humanité. Le procès se tiendra à Paris, probablement au cours de l’année 2025 .

« Ce procès représenterait une opportunité sans précédent pour les victimes congolaises, les survivant·e·s et leurs communautés », a déclaré Daniele Perissi, responsable du programme Grands Lacs de TRIAL. « Ce sera la première fois qu’un tribunal national jugera les crimes de masse commis en RDC durant ces années. Cela montre que les auteurs de telles atrocités ne peuvent rester impunis. »

La situation sécuritaire dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri reste aujourd’hui alarmante, le gouvernement congolais ayant même déclaré l’état de siège pour lutter contre les multiples groupes armés qui opèrent dans certaines zones de ces provinces. Cette mesure d’exception signifie que les familles des victimes et des survivant·e·s des atrocités commises par le RCD-N – en particulier les minorités et les populations autochtones, ainsi que les survivant·e·s de violences sexuelles et basées sur le genre – ont dû faire face à de nombreux obstacles et prendre des risques afin de se rendre en France pour pouvoir être entendu·e·s par le juge.

« Le courage remarquable dont ont fait preuve les survivant·e·s et leur engagement inébranlable en faveur de la justice ont été la force motrice pour traduire en justice ce chef milicien », a déclaré Yasmine Chubin, directrice du plaidoyer juridique au sein de l’initiative The Docket de la CFJ. « Les preuves fournies par les survivant·e·s, y compris leurs déclarations devant le juge d’instruction, ont joué un rôle essentiel dans la progression de l’enquête qui a aujourd’hui abouti à cette ordonnance de mise en accusation. »

Plus de vingt survivant·e·s ont fait le voyage en France pour témoigner lors de l’instruction, et ont été admis·e·s en tant que parties civiles à la procédure. CFJ, TRIAL, MRG et l’ONG congolaise Justice Plus, également constituées parties civiles, ont collaboré tout au long de l’enquête pour soutenir les communautés congolaises ainsi que les victimes et les survivant·e·s souhaitant partager leur histoire avec les autorités judiciaires françaises et réclamer justice et réparations pour les crimes subis.

Cette procédure a été rendue possible en France grâce au principe de compétence universelle au titre duquel certains pays peuvent poursuivre les crimes les plus graves, et ce indépendamment du lieu où ils ont été commis ou de la nationalité de leurs auteurs ou de celle des victimes.   Résident de longue date en France, Lumbala y avait plusieurs fois demandé l’asile. C’est à la suite de sa dernière demande que la justice française a commencé à enquêter sur son implication dans les crimes commis en RDC.

Il s’agit du premier procès relevant de la compétence universelle pour des atrocités de masse commises en RDC par un ressortissant congolais, et l’une des rares affaires au monde menées à l’encontre d’un accusé ayant occupé un rang aussi élevé que celui de ministre.

« Un tel procès représenterait un moment important pour le peuple autochtone Bambuti qui a subi des atrocités de la part du RCD-N ; leurs voix seront enfin entendues sur la scène internationale », a déclaré Samuel Ade Ndasi, Chargé de Litige et du Plaidoyer de MRG. « Cette décision envoie un message clair : le pouvoir et le statut ne peuvent pas protéger de la justice les auteurs de crimes, quel que soit le temps écoulé. »

« Le procès de Lumbala en France représente une lueur d’espoir pour les victimes congolaises de la deuxième guerre du Congo qui attendent que justice soit faite depuis plus de vingt ans », a déclaré Xavier Macky, directeur de Justice Plus. « Il envoie un signal fort aux auteurs des crimes et ne fera que soutenir, nous l’espérons, la mise en œuvre de la stratégie de justice transitionnelle menée par le gouvernement congolais afin d’apporter vérité, justice et réparations à sa population pour les crimes commis par le passé. »

++++++++++++++++++++

L’initiative The Docket de la CFJ poursuit les auteurs de crimes internationaux et soutient les survivant·e·s dans leur quête de justice devant les tribunaux. Dans cette affaire, la CFJ représente plusieurs victimes, notamment des survivant·e·s ayant subi des viols et autres violences sexuelles et basées sur le genre.

TRIAL travaille en RDC depuis dix ans. Avec des bureaux locaux au Sud-Kivu et au Kasaï, l’organisation apporte un soutien aux victimes de crimes internationaux, collabore avec les acteurs judiciaires congolais et participe à des dizaines de procès locaux.

MRG travaille depuis plus de 50 ans à la défense des droits des minorités et des peuples autochtones. En partenariat avec le Réseau des Associations Autochtones Pygmées du Congo (RAPY), elle a publié en 2004 « Effacer le tableau », un rapport crucial sur les violations des droits de l’homme commises à l’encontre des autochtones Bambuti en République démocratique du Congo.

Justice Plus promeut les droits humains et la bonne gouvernance en RDC depuis plus de vingt-cinq ans. Dans le cadre de la présente affaire, Justice Plus a identifié des survivant·e·s en RDC et les a soutenu·e·s tout au long de leur parcours en France.

[Pour plus d’informations, veuillez consulter la FAQ ici]