Algérie : Khaled Nezzar serait mourant. Le temps presse pour les victimes

22.08.2023

(Genève, le 23 août 2023) – Selon des informations récemment rendues publiques, l’ancien ministre algérien de la Défense Khaled Nezzar serait en fin de vie. Un acte d’accusation se fait toujours attendre du côté des autorités suisses, qui ont ouvert une procédure pénale pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité il y a bientôt 12 ans ! En cas de décès du prévenu, les demandes des victimes resteront à jamais sans réponse et les plaies de la « décennie noire » béantes. Le classement de la procédure qui s’ensuivrait mettrait en évidence les graves manquements des autorités de poursuite suisses dans ce dossier.

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© Nicolas Raymond

La dénonciation pénale déposée par TRIAL International à l’encontre de Khaled Nezzar le 19 octobre 2011 aura marqué le début d’un combat judiciaire de presque douze ans, qui risque de se terminer en cas de décès de l’intéressé, dont l’état de santé irait en se détériorant.

L’ouverture rapide d’une procédure pénale en Suisse pour complicité de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité à l’encontre de l’un des représentants les plus importants du régime en place au début des années 1990 en Algérie a pourtant constitué un premier succès d’ampleur pour les victimes.

Les victoires juridiques se sont alors succédées : d’abord le 25 juillet 2012[1], lorsque le Tribunal pénal fédéral (TPF) a rejeté l’immunité dont se prévalait M. Nezzar. Puis, le 30 mai 2018[2], le TPF, dans une décision historique, a reconnu d’une part l’existence d’un conflit armé à l’époque des faits et d’autre part l’implication de Khaled Nezzar dans de nombreux crimes commis entre 1992 et 1994.

En début d’année 2022, le Ministère public de la Confédération (MPC) convoquait enfin Khaled Nezzar en Suisse pour son audition finale, étape ultime devant mener à la clôture de l’enquête et laissant entrevoir un possible procès. Aujourd’hui, celui-ci risque finalement de ne jamais avoir lieu, ce qui anéantirait tout espoir des victimes d’obtenir justice, et par là-même de toute une génération d’Algérien·ne·s d’accéder à une forme de vérité.

Durant toutes ces années d’instruction, les victimes – soutenues par TRIAL International et représentées par leurs avocat·e·s – auront redoublé de patience et de courage en résistant aux menaces, ainsi qu’aux différentes pressions dont elles ont pu faire l’objet. L’écoulement du temps aura toutefois eu raison de l’une d’elles, décédée récemment sans avoir pu connaître le sentiment de justice qui lui était dû.

La lenteur de cette procédure illustre une nouvelle fois les manquements des autorités de poursuite suisses lorsqu’il est question de lutter contre l’impunité des crimes internationaux. Le dossier Khaled Nezzar n’est d’ailleurs pas le seul à être menacé par une telle issue. En effet, une procédure, dont TRIAL est également à l’origine, est en cours depuis 2013 pour crimes de guerre à l’encontre de l’ancien vice-Président syrien Rifaat al-Assad, aujourd’hui âgé de 86 ans.

Selon Vony Rambolamanana, conseillère juridique principale chez TRIAL International, « notre organisation appelle depuis de nombreuses années à ce que des ressources adéquates soient consacrées à la lutte contre l’impunité des crimes les plus graves, afin que les enquêtes puissent être menées à leur terme de manière efficace et dans des délais raisonnables. Il est grand temps que ces appels soient suivis d’effets, ceci dans l’intérêt supérieur des victimes ».

Même si l’hypothèse d’un procès contre Khaled Nezzar s’assombrit, les autorités de poursuite gardent encore la possibilité de délivrer un acte d’accusation. D’une valeur plus symbolique, il permettrait aux victimes de considérer qu’elles ne se sont pas battues durant toutes ces années en vain.

TRIAL International appelle dès lors une fois encore et urgemment à ce que le MPC mette tout en œuvre pour que la procédure contre Khaled Nezzar soit enfin clôturée et qu’un acte d’accusation soit délivré avant qu’il ne soit trop tard.

[1] Arrêt du Tribunal pénal fédéral BB. 2011.140 du 25 juillet 2012.
[2] Arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2017.9-11 du 30 mai 2018.
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