BIH : Une lettre pour traiter des frais de justice imposés aux victimes de guerre

30.11.2017

Des organisations de la société civile, qui protègent les droits humains en BiH, s’unissent pour envoyer une lettre aux parties prenantes. Dans cette lettre, les défenseurs des droits humains exhortent les organismes compétents à trouver une solution en rapport aux victimes de crimes de guerre à qui des frais de justice sont imposés si leurs revendications sont rejetées.

Chers tous et toutes,

Nous nous adressons à vous en tant qu’organisations de la société civile protégeant les droits humains des citoyens de BiH afin d’aborder et de régler le problème urgent et récurant de la facturation des frais de justice aux victimes de crimes de guerre en BiH pour les procédures civiles, en cours ou closes, visant à leur accorder une réparation[1].

Récemment, les victimes de crimes de guerre en BiH se sont retrouvées en difficulté quand certaines cours ont demandé aux survivants, qui avaient initié une procédure civile dans le but de recevoir une réparation, de payer des frais judiciaires très élevés suite au rejet de leurs demandes pour cause de prescription.

Il est aussi important de mentionner que tous les tribunaux n’ont pas adopté les mêmes conclusions concernant cette question. Dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, les tribunaux avaient initialement accordé des indemnités aux victimes ayant initié les procédures, conformément à la position officielle de la Cour suprême de la Fédération de Bosnie-Herzégovine de 2011, qui énonçait que la prescription ne pouvait pas être invoquée lorsqu’il en allait de demande en réparation. C’est seulement au cours des deux ou trois dernières années que la Cour constitutionnelle de BiH a modifié sa position quant à l’invocation de la prescription dans le cadre d’actions en justice contre les entités/états. Il s’en est suivi le rejet de nombreuses actions en justice et de requêtes en réparation devant tous les tribunaux. À la fin de l’année 2015, le code de procédure civil de la fédération de BiH a été modifié, autorisant le Bureau du procureur public à percevoir des frais sur les honoraires d’avocats[2]. Ceci a bénéficié au Bureau du procureur de la FBiH, puisqu’il a pu commencer à prélever des taxes.

Au vue de leur statut social vulnérable ainsi que de leur situation financière très souvent précaire, de nombreux survivants de violence sexuelles commises en tant de guerre, détenus et autres victimes de crimes de guerre ne peuvent pas se permettre de payer, ne serait-ce qu’une partie de ces frais, sans compromettre leur moyen de subsistance et ceux de leur famille. Il s’en suit que ces personnes sont confrontées à des procédures d’exécution forcées qui se traduisent par la confiscation de leurs biens mobiliers ou d’une part de leur salaire mensuel, dans les cas où elles en ont un. Ceci a pour effet de traumatiser à nouveau les victimes, qui très souvent sont déjà marginalisées dans la société, en les rendant, selon leurs propres dires, des victimes du système.

Suite au jugement de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Cindric et Beslic c. Croatie l’an passé, qui confrontait les recourants (également victimes de crimes de guerre) à une question similaire, plusieurs juges de BiH, se référant à cette affaire, ont commencé à rejeter les demandes visant à faire encourir aux victimes de crimes de guerres les frais de justice.

Le jugement est devenu définitif en janvier 2017 et la Cour a tranché que les victimes ne sont pas tenues de payer des frais de justice à l’Etat confrontées au rejet de leur requête en réparation. Nous estimons que l’argument présenté par la Cour européenne des droits de l’homme dans cette affaire peut s’appliquer par analogie aux requêtes en réparation devant les cours en BiH.

Malheureusement, il y a peu d’exemples d’affaires dans lesquelles le jugement Cindric et Beslic a été appliqué en BiH. Ceci explique pourquoi les victimes qui ont initié une telle procédure civile vivent avec la peur constante du résultat de la procédure intentée et des conséquences qu’il pourrait avoir sur leur famille.

Nous soulignons que les victimes de crimes de guerre ont été contraintes d’initier des procédures civiles à cause de l’absence de solutions systémiques visant à leur accorder une réparation pour les dommages encourus, à savoir, à cause du manquement des autorités à adopter un cadre législatif adéquat. Dès lors, nous estimons qu’il est moralement inacceptable, suite au rejet de leurs demandes, d’encore exiger des victimes qu’elles paient des montants énormes aux entités et états qu’elles ont actionnés en justice et qui sont responsables des grandes souffrances et dommages qu’elles ont subi durant la guerre.

Une telle façon d’agir ne se justifie en aucun cas. En particulier si l’on considère que les coûts engendrés par les entités du bureau du procureur sont pris en charge par des budgets spéciaux, et ceci, indépendamment de tous frais supplémentaires.

De plus, le Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe a également exprimé sa grande inquiétude concernant cette question dans son rapport sur la Bosnie-Herzégovine publié en novembre 2017[3]. Il a soulevé que, d’après le rapport d’Amnesty International, dans certains cas les frais peuvent atteindre 6’000 à 10’000 BAM. Il a rappelé le jugement susmentionné de la Cour européenne des droits de l’homme qui mentionne que « l’imposition d’une charge financière considérable après la clôture de procédures, telle qu’une conjonction à payer des frais pour la représentation de l’Etat conformément à la règle qui veut que « le perdant paie » pourrait  tout à fait être considéré comme une restriction au droit d’accès à un tribunal.»

Au vu de ce qui précède, nous vous prions de faire tout ce qui est en votre pourvoir pour trouver ou aider à trouver une solution à ce problème consistant à imposer le paiement des frais judiciaires à de nombreuses victimes de crimes de guerre, y compris d’adopter des actes appropriés les libérant de cette obligation.

 

En vous remerciant par avance.

 

Meilleures Salutations,

 

Organisations de la société civile:

TRIAL International

Mreža za izgradnju mira

Vive Žene Tuzla

Fondacija lokalne demokratije

Medica Zenica

Fondacija Udružene žene Banja Luka

Udruženje „Vaša prava BiH“

Udruženje « Snaga žene » Tuzla

Udruženje građana « Budućnost » Modriča

Udruženje Centar za demokratiju i tranzicionu pravdu

Centar informativno-pravne pomoći Zvornik / CIPP Zvornik

Forum civilna mirovna služba (forum ZFD)

Women’s International League for Peace and Freedom (WILPF)

Centar ženskih prava

Helsinški parlament građana Banja Luka

Sarajevski otvoreni centar

Asocijacija za demokratske inicijative

Inicijativa mladih za ljudska prava u BiH (YIHR BiH)

Fondacija CURE

Oštra Nula

Udruženje građana « Zašto ne »

Žene Ženama

Agencija za saradnju, edukaciju i razvoj (ACED)

Uduženje žena  « MOST » Višegrad

Hope and Homes for Children

 

Associations de victimes de guerre :

Savez udruženja logoraša HNK

Hrvatska udruga logoraša Domovinskog rata u BiH

Regionalni savez udruženja logoraša regije Banja Luka i pripadajuća udruženja

Regionalno udruženje logoraša Višegrad

Savez logoraša Zeničko-dobojskog kantona

Udruženje logoraša Novi Grad Sarajevo

Udruženje / Udruga logoraša općine Travnik

Udruženje logoraša Prozor-Rama

Udruženje / Udruga logoraša općine Vitez

Udruga-Udruženje logoraša Brčko

Općinsko Udruženje logoraša Sanski Most

Udruženje ratnih zarobljenika-logoraša opštine Modriča

HULDR BiH Ogranak Vareš

Udruženje Prijedorčanki Izvor

Udruženje žrtava i svjedoka genocida
Udruženje za pomoć žrtvama i preživjelim seksualnog nasilja u ratu Naš Glas Tuzla

Udruženje za pomoć žrtvama i preživjelim seksualnog nasilja u ratu ,,Suze,,

Udruženje Istina-Kalinovik 92

Udruženje porodica nestalih općine Ilijaš

Udruženje porodica nestalih općine Vogošća

 

[1] Notes – Cette lettre a été envoyée : aux membres de l’Assemblée parlementaire de BiH, au Parlement de la FBiH, à l’Assemblée nationale de la RS et à l’Assemblée du district de Brčko ; au Conseil des ministres de BiH ; au Gouvernement de FBiH, au Gouvernement de la RS ; au Gouvernement du district de Brčko; au ministère de la Justice de BiH ; au ministère fédéral de la Justice ; au ministère de la Justice de la RS ; à la Commission judiciaire du district de Brčko, au ministère des Droits de l’Homme et des Réfugiés de BiH ; à l’Institut des droits de l’homme Ombudsman/Ombudsmen de BiH ; à la Délégation de l’Union européenne en BiH ; à la mission de l’OSCE en BiH et au Bureau du haut représentant.

[2] Les dispositions sur les dépenses s’appliqueront aux parties représentées par le bureau du procureur public. Dans de tels cas, les couts du contentieux comprendront le montant qui pourrait être accordé à la partie pour la rémunération de son avocat. (Gazette officielle de la FBiH, 98/15, au 23 décembre 2015)

[3] Rapport de Nils Muižnieks, Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe suite à sa visite en Bosnie-Herzégovine du 12 au 16 juin 2017, CommDH(2017)28, 07 octobre 2017, point 35, disponible sur: ://rm.coe.int/report-following-the-visit-to-bosnia-and-herzegovina-from-12-to-16-jun/16807642b1

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