Burundi : Appel en faveur du renouvellement du mandat de la Commission d’enquête

08.08.2018 ( Modifié le : 19.12.2018 )

À l’attention des Représentants permanents des États Membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, Genève (Suisse)

Madame, Monsieur la(le) Représentant(e) permanent(e),

En amont de la 39ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU (« CDH » ou « Conseil »), nous soussignées, des organisations nationales, régionales et internationales de la société civile, vous écrivons afin d’exhorter votre délégation à soutenir une résolution renouvelant le mandat de la Commission d’enquête (CoI) des Nations Unies sur le Burundi[1]. Une telle résolution devrait également assurer une continuité au travail de la CoI par le biais d’un financement adéquat conti­nu de son secrétariat, y compris son travail crucial d’enquête et de rassemblement de preuves.

Le renouvellement du mandat de la CoI est d’une importance capitale pour améliorer la situation des droits humains au Burundi. Il offrirait un certain nombre d’avantages pratiques et concrets. Entre autres, il permettrait au Conseil :

  • D’éviter un vide en termes de surveillance de la situation (« monitoring »), ce qui est d’autant plus important que le Gouvernement burundais continue de refuser de coopérer avec le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et de signer un nouveau Mémorandum d’ac­cord concernant la présence de ce dernier dans le pays[2] ;
  • De rendre possible une documentation continue des violations et des atteintes aux droits humains en amont des élections de 2020, via des témoignages de victimes, de témoins, de défenseurs des droits humains et d’autres acteurs opérant dans le pays et à l’extérieur ;
  • De s’assurer que des rapports continuent à être présentés publiquement et que des débats ont lieu — alors que les observateurs de l’Union africaine poursuivent leur travail de surveillance de la situation au Burundi en dépit d’un certain nombre de restrictions imposées par les autorités, leurs conclusions ne sont pas rendues publiques. Les dialo­gues inter­actifs se tenant pendant les ses­sions du Conseil fournissent le seul espace régulier de discussion publique des dévelop­pe­ments en matière de droits humains dans le pays ; et
  • De permettre à la CoI de continuer à faire la lumière sur certains aspects sous-documentés de la crise — par exemple, la Commission a signalé l’importance de dédier une attention plus impor­tante aux violations des droits économiques, sociaux et culturels.

Pendant la 36ème session du Conseil (septembre 2017), la CoI a informé le CDH qu’elle avait des « mo­tifs raisonnables de croire que de graves violations et atteintes aux droits de l’homme avaient été com­mises au Burundi depuis 2015 » et que certaines de ces violations pourraient être constitutives de « crimes contre l’humanité ». Lors des 37ème et 38ème sessions du Conseil (mars et juin-juillet 2018), la CoI a décrit une situation politique, sécuritaire, économique, sociale et en termes de droits humains qui ne s’est pas améliorée depuis septembre 2016. En mars 2018, le président de la Commission, M. Dou­dou Diène, a souligné que la situation du pays continuait de requérir l’attention « urgente » du Conseil. En octobre 2017, la Cour pénale internationale (CPI) autorisait l’ouverture d’une enquête sur les crimes commis au Burundi depuis avril 2015. Un examen préliminaire de la situation avait été ouvert en avril 2016.

Le référendum constitutionnel qui s’est tenu le 17 mai 2018 a été marqué par les violences et la répres­sion, avec notamment des arrestations arbitraires, des tabassages et des actes d’intimidation des citoyens faisant campagne pour le « non »[3]. Selon la Commission, en juin 2018, des « violations des droits de l’homme, parmi lesquelles des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de torture et autres mauvais traitements cruels, inhumains ou dégradants […], favorisées par un climat continu de menaces et d’intimidations », continuent à être commises sans relâche. La CoI a ajouté : « Le fait que plusieurs personnes disparues n’aient pas été retrouvées et que des corps non identifiés continuent d’être décou­verts dans divers endroits du pays font craindre la persistance de pratiques consistant à se débarrasser des corps des personnes parfois arrêtées par des individus en uniforme de la police ou identifiés comme étant des agents du Service national de renseignement (SNR) ou des Imbonerakure »[4].

Depuis qu’il est devenu membre du Conseil, le 1er janvier 2016, le Burundi a à de multiples reprises lu des déclarations indiquant clairement son refus de coopérer. Le Gouvernement a régulièrement lancé des attaques, descendant parfois à un niveau personnel, contre le Haut-Commissaire, des représentants de l’ONU et des experts indépendants. Il a publiquement et sans aucune base mis en cause l’indé­pen­dance, la compétence, le professionnalisme, l’intégrité et la légitimité du Haut-Commissaire Zeid et de son Bureau, et il a menacé et stigmatisé des défenseurs des droits humains et des organisations de la société civile, et s’est livré à des représailles à leur encontre[5]. Un certain nombre de Burundais ayant cherché protection et refuge à l’étranger ont été soumis à des actes de harcèlement et de persécution, notamment par des membres du Service national de renseignement (SNR) et des Imbonerakure.

Les membres de la CoI continuent de se voir refuser l’accès au Burundi. En outre, au moment où cette lettre est écrite, les autorités burundaises ont retiré leurs visas à l’équipe d’experts mandatée par la résolution 36/2 du CDH, en dépit du fait que celle-ci a été adoptée à l’initiative du Burundi et avec son soutien et celui de membres de son groupe régional. Le comportement du Burundi à cet égard est clairement en violation de ses obligations de membre du Conseil.

Tout en rappelant la lettre qu’un groupe d’organisations de la société civile a écrite en septembre 2017[6], nous exhortons le Conseil, conformément au mandat qui lui a été conféré de répondre aux violations des droits de l’homme, notamment lorsque celles-ci sont flagrantes et systématiques, à préparer le terrain à la reddition de comptes en renouvelant le mandat de la CoI afin de lui permettre de continuer à suivre les développements dans le pays, à rassembler des informations sur les violations et atteintes commises et à faire rapport de façon publique sur la situation.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ces préoccupations et nous tenons prêts à fournir à votre délégation toute information supplémentaire dont vous auriez besoin. Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur, en l’assurance de notre respectueuse considération.

 

Action des chrétiens pour l’abolition de la torture – Burundi (ACAT-Burundi)

Amnesty International

Assistance Mission for Africa

Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH)

Association for Human Rights in Ethiopia (AHRE)

Centre for Civil and Political Rights (CCPR)

CIVICUS: World Alliance for Citizen Participation

Coalition burundaise pour la Cour pénale internationale (CB-CPI)

Coalition burundaise des défenseurs des droits de l’homme (CBDDH)

Collectif des avocats pour la défense des victimes de crimes de droit international commis au Burundi (CAVIB)

Community Empowerment for Progress Organisation South Sudan (CEPO)

DefendDefenders (the East and Horn of Africa Human Rights Defenders Project)

Eritrean Law Society (ELS)

Eritrean Movement for Democracy and Human Rights (EMDHR)

Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH)

Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (FIACAT)

Forum pour la conscience et le développement (FOCODE)

Forum pour le renforcement de la société civile au Burundi (FORSC)

Global Centre for the Responsibility to Protect (GCR2P)

Human Rights Concern – Eritrea (HRCE)

Human Rights Institute of South Africa (HURISA)

Human Rights Watch

Information Forum for Eritrea (IFE)

International Commission of Jurists (ICJ)

International Youth for Africa

Ligue Iteka

Mouvement des femmes et des filles pour la paix et la sécurité (MFFPS)

National Coalition of Human Rights Defenders – Kenya

National Coalition of Human Rights Defenders – Uganda

Organisation mondiale contre la torture (OMCT)

Pan Africa Human Rights Defenders Network

Reporters Sans Frontières

Réseau des citoyens probes (RCP)

Service international pour les droits de l’Homme (SIDH)

SOS-Torture

Tanzania Human Rights Defenders Coalition (THRDC)

The Ecumenical Network for Central Africa (ÖNZ)

TRIAL International

Union burundaise des journalistes (UBJ)

 

 

[1] Voir le site Internet de la CoI : www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/CoIBurundi/Pages/CoIBurundi.aspx

[2] Voir le discours de la Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l’homme lors de la 37ème session du Conseil (HCDH, « Introduction to country reports/briefings/updates of the Secretary-General and the High Commissioner under item 2 », 21-22 mars 2018, www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=22875&LangID=E, consulté le 20 juillet 2018).

[3] FIDH et Ligue Iteka, « Référendum constitutionnel à marche forcée au Burundi », mai 2018, www.fidh.org/fr/regions/afrique/burundi/burundi-une-reforme-constitutionnelle-repressive-pour-concentrer-les (consulté le 27 juillet 2018).

[4] HCDH, « Présentation orale de la Commission d’enquête sur le Burundi au Conseil des droits de l’homme », 27 juin 2018, www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=23274&LangID=F (consulté le 20 juillet 2018).

[5] Voir DefendDefenders, « Fuite en avant : Le comportement du Burundi en tant que membre du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU », www.defenddefenders.org/publication/headlong-rush-burundis-behaviour-as-a-member-of-the-un-human-rights-council/#French (consulté le 25 juillet 2018).

[6] “Renewing the Mandate of the Commission of Inquiry on Burundi and Ensuring Accountability for Serious Crimes,” 19 September 2018, www.defenddefenders.org/press_release/hrc36-renewing-the-mandate-of-the-commission-of-inquiry-on-burundi-and-ensuring-accountability-for-serious-crimes/ (accessed 20 July 2018).

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