Disparition forcée de Brahim Aouabdia, enlevé sur son lieu de travail

12.02.2016 ( Modifié le : 10.11.2016 )

L’affaire

TRIAL a saisi au mois d’octobre 2007 le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies d’une communication individuelle pour le compte de Mériem Zarzi, épouse Aouabdia. Celle-ci agit au nom de son mari, enlevé le 30 mai 1994 à Constantine, et porté disparu depuis. Cette disparition s’est produite dans le contexte des disparitions massives survenues en Algérie entre 1992 et 1998.

Brahim Aouabdia a été arrêté sur son lieu de travail par la police de Constantine en présence de plusieurs témoins. Il a été conduit au Commissariat central de la ville en compagnie de plusieurs autres personnes arrêtées dans des circonstances similaires.

Suite à son arrestation, son épouse s’est rendue pendant plusieurs jours devant le Commissariat et au Palais de justice dans l’espoir de voir son mari. Elle s’est également régulièrement enquise de sa situation auprès du Parquet. Par la suite, elle a déposé une plainte pour enlèvement et séquestration, sans toutefois obtenir de réponse, et a continué à alerter toutes les instances officielles.

Ce n’est que trois ans plus tard qu’elle a appris des autorités de police que son mari avait été transféré au Centre territorial de recherche et d’investigation (CTRI) de la 5ème région militaire de Constantine le 13 juillet 1994. Sur place cependant, on lui a affirmé n’avoir jamais vu Brahim Aouabdia.

Mme Zarzi et ses enfants n’ont cessé de rechercher leur époux et père et de toute entreprendre pour connaître la vérité sur son sort. La disparition de Brahim Aouabdia leur a également causé de nombreuses tracasseries administratives, ce qui a fini par conduire Mme Zarazi à obtenir une déclaration de décès de son époux, dans le cadre de la Charte pour la paix et la réconciliation de 2006.

Dans sa communication au Comité des droits de l’Homme, Mme Zarazi demande à ce que son mari soit reconnu victime de disparition forcée et que l’Algérie soit reconnue coupable de violation des articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 § 1, 2, 3 et 4, et des articles 10 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques – PIDCP –  (droit à un recours utile, droit à la vie, interdiction de la torture et des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, droit à la liberté et à la sécurité, traitement humain des personnes privées de liberté et droit à la personnalité juridique). Elle demande également que soit reconnue une violation des articles 2 § 3 et 7 du PIDCP envers elle-même et ses enfants, la disparition de son époux étant la cause d’une longue et douloureuse incertitude pour toute la famille.

 

Le contexte général

7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens, tous corps confondus ainsi que par les milices armées par le gouvernement entre 1992 et 1998 et sont portées disparues.

A ce jour, aucune des familles des victimes de disparitions forcées n’a reçu d’information sur le sort de leurs proches, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite des plaintes et démarches qu’elles ont effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

 

La décision

Au mois de mai 2011, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » dans le jargon onusien).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, individuellement ou en lien avec l’article 2 § 3 du Pacte.

Le Comité constate également une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et conjointement avec l’article 2 § 3, à l’égard de l’épouse de la victime et de leurs six enfants.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de «mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de Brahim Aouabdia», de «fournir à sa famille des informations détaillées quant aux résultats de son enquête», de le libérer immédiatement s’il est toujours détenu au secret ou de restituer sa dépouille à sa famille en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de «poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée l’épouse de la victime et sa famille pour les violations subies.

 

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