Disparition forcée de Huso et Nedzad Zlatarac en juin 1992

12.02.2016 ( Modifié le : 12.10.2016 )

Dans le courant du mois d’août 2009, TRIAL a déposé devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies une communication individuelle contre la Bosnie-Herzégovine (BiH), à propos de la disparition forcée de M. Huso Zlatarac et de M. Nedzad Zlatarac, intervenue en juin 1992. Le CAJ représente dans cette procédure Hasiba Zlatarac, l’épouse et la mère des disparus, et Alma Cardakovic, fille et soeur des disparus.

Le 4 mai 1992, Huso Zlatarac a été arrêté à Svrake (BiH) par des éléments de l’armée serbe, en compagnie de son épouse Hasiba et de leurs enfants Nedzad et Alma (âgés respectivement de 20 et 14 ans à l’époque), ainsi que de la plupart des habitants du village. Tous ont été emmenés dans un camp de concentration à Semizovac. Quelques jours plus tard, Hasiba Zlatarac et sa fille Alma, ainsi que d’autres femmes et enfants ont été libérés. Huso et Nedzad Zlatarac Hasib ont été maintenus en détention et transférés dans différents camps de concentration, où ils ont été soumis à la torture et à des travaux forcés. Huso et Nedzad Zlatarac ont été vus pour la dernière fois le 16 juin 1992 dans le camp de concentration de Planjina kuca, municipalité de Vogosca, alors qu’ils étaient emmenés vers une destination inconnue. Ce qu’il est advenu d’eux n’a, à ce jour, jamais été déterminé.

Plus de 17 ans après les événements, aucune enquête sérieuse n’a été entreprise par les autorités de BiH pour retrouver les deux disparus, ou le corps de deux-ci ou pour poursuivre et punir les auteurs de ce crime. Hasiba Zlatarac a entrepris de nombreuses démarches pour obtenir des informations quant au sort de son mari, et de son fils, notamment au travers de la police de Visoko et celle de Vogosca, de la Commission d’Etat pour les personnes disparues, du bureau du Procureur pour le canton de Sarajevo et la Société nationale de la Croix-Rouge. Toutes ses initiatives se sont révélées vaines.

Le 23 février 2006, la Cour constitutionnelle de BiH, saisie par plusieurs familles de victimes de Vogosca, a jugé que la BiH avait violé leur droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradant et leur droit au respect de leur vie privée et familiale. En conséquence, la Cour a ordonnée aux autorités compétentes de rendre accessible toutes les informations relatives au sort des personnes disparues. Le 16 novembre 2006, la Cour constitutionnelle a adopté un nouveau jugement, constatant que le Conseil des ministres de BiH, le gouvernement de la Republika Srpska, le gouvernement de la Fédération de BiH et le gouvernement du district de Brčko avaient failli à leur obligation d’exécuter le précédent jugement. Depuis, Mme Zlatarac et sa fille n’ont reçu aucune information quant au sort de leur mari et fils (respectivement père et frère) de la part des autorités compétentes.

En conséquence, Hasiba Zlatarac et Alma Cardakovic demandent au Comité des droits de l’homme:

Contexte général

De 1992 à 1995, la guerre a ravagé ce petit Etat issu de l’ex-Yougoslavie. Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes y ont trouvé la mort et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Environ 13’000 n’ont à ce jour pas encore été retrouvées.

Le cas de Huso et Nedzad Zlatarac s’est déroulée durant la première vague de disparitions forcées et de purification ethnique menée par les forces serbes durant le printemps et l’automne de 1992.

Malgré l’existence de preuves solides permettant d’identifier les personnes responsables de leur disparition forcée, et de témoins directs de ces événements, à ce jour personne n’a été poursuivi, condamné ou sanctionné pour ce crime, renforçant un climat d’impunité déjà tenace. A ce jour, les familles des personnes disparues à Vogosca n’ont toujours pas retrouvé leurs proches et n’ont aucune information quant au sort qui leur a été réservé.

 

La décision

Au mois de mars 2013, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision(appelée « constatations » dans le jargon onusien). Le Comité a retenu que la Bosnie-Herzegovine avait violé l’article 2.3 en lien avec les articles 6, 7 et 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard des victimes et de la famille. Le Comité a aussi retenu la violation de l’article 24 du Pacte à l’égard d’Alma Cardakovic, qui était mineure à l’époque des faits.

Le Comité a notamment enjoint la Bosnie-Herzegovine de continuer les efforts pour établir la vérité sur le sort et retrouver le corps de Huso et Nedzad Zlatarac comme prévu par la Loi sur les personnes disparues de 2004, de « continuer les efforts pour juger et sanctionner les responsables de leur disparition forcée d’ici la fin de 2015 comme prévu par la Stratégie nationale pour les crimes de guerre », de « supprimer l’obligation pour les membres de la famille de déclarer les personnes disparues en étant décédées afin d’avoir accès aux bénéfices sociaux » et également d’indemniser de manière appropriée la famille des victime pour les violations subies.

Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a la Bosnie-Herzegovine de « prévenir de telles violations par le futur » et de s’assurer que les enquêtes portant sur des disparitions forcées soit inclusives et garantissent accès à la famille de la victime.

 

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