Disparition forcée de M. Mohamed Lemmiz

21.01.2014 ( Modifié le : 09.11.2016 )

Introduction

En juillet 2008, TRIAL a saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies d’une communication individuelle pour le compte de Taous Azouz, agissant au nom de son fils, Mohamed Lemmiz. Ce dernier a disparu après avoir été arrêté par des éléments de l’armée Algérienne. Ce cas s’insère dans le contexte des disparitions de milliers de citoyens algériens aux mains de l’armée et des différents corps de sécurité du pays entre 1992 et 1998.

Des membres de l’armée nationale, agissant sous la responsabilité du commandant M’barek, ont enlevé Mohamed Lemmiz le 30 avril 1996 vers 5 h. 30, alors qu’il dormait à son domicile, en présence de plusieurs témoins, dont sa mère.

Il a été emmené à la caserne de Baraki, et aurait ensuite été vu à la caserne de Beni-Messous. En tout état de cause, Mohamed Lemmiz n’est pas rentré auprès des siens depuis le jour de son arrestation, et ses proches, malgré des efforts constants, n’ont pas réussi à avoir des informations sur le sort qui lui a été réservé.

La mère du disparu s’est adressée à toutes les institutions compétentes pour retrouver son fils et le placer sous la protection de la loi. Elle a notamment saisi les parquets d’El Harrach, d’Alger et de Blida (juridiction militaire). Elle a aussi écrit au Médiateur de la République, à l’Observatoire national des droits de l’homme (ONDH) et au Ministre de la Justice. Cependant, aucune enquête sérieuse sur la disparition de Mohamed Lemmiz n’a jamais été entreprise.

Enfin, le cas de Mohamed Lemmiz a également été transmis au Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires des Nations unies. Cette procédure n’a pas davantage permis d’éclaircir ce qui a pu arriver au disparu, l’Etat ayant omis de répondre aux requêtes qui lui ont été adressées.

De surcroît, les proches du disparu se trouvent confrontés, depuis la promulgation de l’Ordonnance n°6/01 portant mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale de février 2006, à l’interdiction légale de recourir à toute instance judiciaire, au risque d’encourir une peine de prison. Par ailleurs, toute juridiction algérienne est tenue de se dessaisir d’un tel cas.

L’auteur de la communication demande donc au Comité des droits de l’homme de reconnaître que Mohamed Lemmiz a été victime d’une disparition forcée, un crime qui porte atteinte aux droits les plus fondamentaux, tels que garantis par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Elle sollicite la reconnaissance de violations des articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 §§ 1, 2, 3 et 4, 10 § 1 et 16 du PIDCP à l’encontre de la personne de Mohamed Lemmiz, de même qu’une violation envers elle-même des articles 2 § 3 et 7 du PIDCP, pour les souffrances psychologiques endurées par tant d’années d’incertitude sur le sort de son fils.

La procédure est actuellement en cours devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies.

 

La décision

Au mois d’août 2013, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision(appelée « constatations » dans les termes onusiens).

Le Comité a retenu que l’Algérie avait violé les articles 6 § 1, 7, 9, 10 § 1 et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, individuellement ou lus conjointement avec l’article 2 § 3 du Pacte à l’égard de la M. Mohamed Lemmiz.

Le Comité a également constaté une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et lu conjointement avec l’article 2 § 3, à l’égard de la famille de la victime.

Le Comité a notamment enjoint l’Algérie de « mener une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition de M. Mohamed Lemmiz ». L’Algérie doit également « fournir à l’auteur des informations détaillées quant aux résultats de son enquête », « libérer immédiatement l’intéressé au cas où il serait toujours détenu au secret » ou « restituer sa dépouille à sa famille » en cas de décès. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation qu’a l’Algérie de « poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises ». L’Algérie doit également indemniser de manière appropriée la famille de la victime pour les violations subies.

L’Algérie doit par ailleurs garantir l’efficacité de son système judiciaire domestique, en particulier en ce qui concerne les victimes de torture, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, et prendre des mesures pour éviter que de telles violations se reproduisent.

 

Le contexte général

7’000 à 20’000 personnes, selon les différentes sources, ont été arrêtées ou enlevées par les services de sécurité algériens, tout corps confondus, ainsi que par les milices armées par le gouvernement entre 1992 et 1998 et sont portées disparues.

A ce jour, aucune des familles des victimes de disparitions forcées n’a reçu d’information sur le sort de leurs proches, aucune enquête n’a jamais été ouverte à la suite des plaintes et démarches qu’elles ont effectuées, et, bien que les auteurs et les commanditaires de ces crimes soient connus, aucun d’eux n’a jamais été poursuivi ou inquiété.

 

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