Exécution extrajudiciaire d’Anda Lale et Staka Popovic, enlèvement et dissimulation de leurs dépouilles en août 1992

12.02.2016 ( Modifié le : 11.04.2017 )

L’affaire

En septembre 2012, TRIAL a soumis une communication individuelle au Comité des droits de l’homme des Nations Unies à propos de l’exécution arbitraire présumée de Mmes Anđa Lale et Staka Popović ainsi que l’enlèvement et la dissimulation de leurs dépouilles dans la municipalité de Trnovo en août 1992. TRIAL agit au nom de M. Vide Lale et Mme Milojka Blagojević, respectivement le fils d’Anđa Lale et la fille de Staka Popović.

Suite à l’attaque militaire bosniaque contre la ville de Trnovo à mi-juillet 1992, Anđa Lale et Staka Popović, ensemble avec six autres personnes, ont fui la ville et rejoint le village de Sirokari, cherchant refuge dans une maison de campagne qu’elles trouvèrent vide dans le village.

Le 2 août 1992, alors qu’elles s’apprêtaient à prendre leur dîner dans la maison de campagne en question, Rajko Lale – un autre fils d’Anđa Lale qui se trouvait lui-même dans la maison – entendit et vit des douzaines de soldats bosniaques approcher. Quand Rajko Lale réalisa que les soldats étaient sur le point d’atteindre la maison et d’y entrer, il s’échappa par la fenêtre et se cacha dans un bosquet tout proche. Il y resta toute la nuit, il était pétrifié de peur et la seule chose qu’il put voir fut les soldats qui mettaient le feu à la maison. Il a alors pensé que tous les occupants y avaient péri, calcinés. Le lendemain matin, il n’y avait pas de traces d’eux dans la maison. Anđa Lale et Staka Popović n’ont plus été revues depuis.

Le sort et la localisation d’Anđa Lale et Staka Popović demeurent inconnus depuis lors et ces deux personnes sont officiellement enregistrées comme ‘personnes disparues’ devant les instances nationales et internationales. Plus de 20 ans après les événements, aucune enquête n’a été lancée pour établir le sort et la localisation d’Anđa Lale et de Staka Popović, ni pour identifier, juger et punir les personnes responsables de leur exécution arbitraire ainsi que de l’enlèvement et de la dissimulation de leurs dépouilles.

Depuis 1992, M. Vide Lale et Mme Milojka Blagojević souffrent de profonde et sévère détresse psychologique en tant qu’ils doivent faire face à ce qui s’est passé avec leurs mères, l’incertitude déchirante de leur sort et localisation, l’attitude indifférente de l’Etat devant leur détresse et l’absence de compensations ou réparations. De plus, leurs vies de famille furent bouleversées à la suite de l’exécution arbitraire de leur mère et la dissimulation de leurs dépouilles, ce qui a empêché les enfants des victimes d’enterrer leurs mères en accord avec leurs coutumes religieuses et leurs croyances.

Le 13 juillet 2005 la Cour Constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine, saisie par plusieurs familles de personnes disparues, incluant M. Vide Lale et Mme Milojka Blagojević, a déclaré que la Bosnie-Herzégovine avait violé le droit des parents des personnes disparues à ne pas être sujettes à la torture et aux traitements inhumains et dégradants, et le droit au respect de la vie privée et familiale.

En conséquence, la Cour a ordonné aux institutions nationales concernées de révéler toutes les informations disponibles sur le sort et la localisation des personnes disparues, y compris Anđa Lale et Staka Popović. A ce jour, Vide Lale et Milojka Blagojević n’ont reçu aucune information pertinente sur leurs mères de la part des institutions concernées.

En septembre 2012, TRIAL a ainsi soumis une communication individuelle aux Comité des droits de l’Homme en demandent:

 

Le Contexte Général

On estime le nombre de personnes décédées en raison du conflit en Bosnie-Herzégovine (1992-1995) entre 100’000 et 200’000, dont de 25’000 à 35’000 ont été victimes de disparitions forcées. On compte approximativement 10’000 personnes encore disparues à ce jour.

Les exécutions extrajudiciaires présumées et la dissimulation des dépouilles d’Anđa Lale et Staka Popović ont eu lieu dans le contexte d’opérations militaires entre l’armée serbe de Bosnie serbe et les Bérets Verts dans la municipalité de Trnovo durant l’été 1992.

 

La décision

Dans une décision du 17 mars 2017, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a déclaré la Bosnie-Herzégovine (BiH) responsable de la violation de plusieurs dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En particulier, il a reconnu la violation du droit à la vie et du droit à un recours effectif de Mme Lale et Mme Blagojević, en raison de l’absence d’informations sur leur sort et leur localisation. De plus, le Comité a considéré que ces violations constituaient un traitement inhumain et dégradant pour les proches des victimes.

Le Comité a demandé à la BiH de :

  • Intensifier son enquête afin d’établir le sort et la localisation de Mme Lale et Mme Blagojević ;
  • Traduire en justice les responsables des crimes commis contre Mme Lale et Mme Blagojević ;
  • Fournir aux proches de Mme Lale et de Mme Blagojević des réparations adéquates et des mesures de compensations ;
  • Fournir aux proches de Mme Lale et à Mme Blagojević le suivi psychologique et les soins médicaux nécessaires ;
  • Empêcher à l’avenir des violations similaires et de veiller à ce que les enquêtes sur les disparitions forcées et les exécutions arbitraires alléguées soient accessibles aux familles des victimes.

La BiH a 180 jours à compter de la décision pour informer le Comité des mesures de mise en œuvre de cette décision.

 

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