La Libye rappelée à l’ordre par l’ONU: il faut enquêter sur les crimes du passé

27.06.2012 ( Modifié le : 13.07.2017 )

Genève, le 27 juin 2012

Le Comité des droits de l’homme des Nations unies vient de condamner la Libye suite à la disparition forcée de deux frères en 2006 et 2007 défendus par TRIAL (association suisse contre l’impunité) et Alkarama. Les nouvelles autorités libyennes ont désormais l’obligation d’enquêter sur ces faits, de punir les auteurs des disparitions forcées et de compenser les victimes. Les deux organisations appellent la Libye à se soumettre à la décision du Comité des droits de l’homme et à travailler à l’établissement d’un véritable Etat de droit.

Idriss Aboufaied, un médecin engagé dans la défense des droits humains, était réfugié politique en Suisse. Il est rentré en Libye en septembre 2006, suite à des garanties offertes par le colonel Kadhafi que les exilés pouvaient rentrer au pays sans crainte de persécutions. Peu après, il a été arbitrairement arrêté et détenu incommunicado durant 54 jours, pendant lesquels il a été torturé si grièvement qu’il a dû être hospitalisé. Remis en liberté le 29 décembre 2006, il a néanmoins poursuivi ses activités en faveur de la démocratie. Idriss Aboufaied a à nouveau été arrêté le 16 février 2007 avec 11 autres personnes qui s’apprêtaient à organiser une manifestation pacifique contre le régime, et placé au secret durant deux mois. Tous les détenus ont déclaré avoir été torturés durant les 5 premiers mois de détention. Le 20 avril 2007, Idriss Aboufaied a été inculpé de diverses infractions pénales, passibles de la peine de mort. Déjà gravement malade, Idriss Aboufaied a alors été placé dans une cellule sans lumière et sans contact avec l’extérieur durant des mois. Le 10 juin 2008, il a été condamné à 25 ans de prison. Il a finalement été remis en liberté le 8 octobre 2008 pour des motifs de santé.

Suite à l’arrestation d’Idriss Aboufaied le 16 février 2007, son frère Juma a tenté d’alerter Alkarama par téléphone. Il a immédiatement été arrêté par les services de sécurité intérieure et emmené vers une destination inconnue. Il a été remis en liberté le 27 mai 2008, après avoir passé 15 mois au secret, sans avoir été présenté à un juge.

Dans une décision qui vient d’être rendue, le Comité des droits de l’homme condamne la Libye en raison de multiples violations du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, l’une des conventions les plus importantes des Nations unies. Le Comité reconnaît ainsi que les deux frères Aboufaied ont notamment été victimes de disparitions forcées, de traitements cruels inhumains et dégradants et, dans le cas d’Idriss Aboufaied, de tortures. Le Comité exige de la Libye qu’elle mène une enquête approfondie et rigoureuse sur la disparition d’Idriss et Juma Aboufaied et sur les traitements qui leur ont été infligés et de fournir à ces derniers des informations détaillées quant aux résultats de son enquête. Le Comité insiste par ailleurs sur l’obligation de la Libye de poursuivre, juger et punir les responsables des violations commises et d’indemniser de manière appropriée les victimes.

TRIAL et Alkarama, qui ont défendu les victimes devant le Comité des droits de l’homme, ont exprimé leur grande satisfaction suite à cette condamnation de la Libye. Pour Philip Grant, directeur de TRIAL, «même si les crimes ont été commis par l’ancien régime, les nouvelles autorités ont l’obligation de poursuivre les auteurs de ces crimes. La construction d’un Etat fondé sur le droit implique que la vérité soit faite, que les criminels soient jugés et que justice soit rendue aux frères Aboufaied, comme à tant d’autres victimes de la dictature». Pour Rachid Mesli, directeur juridique d’Alkarama, «la Libye doit se reconstruire dans le respect du droit. Il est impératif pour éviter des violations futures que les auteurs de tels actes soient poursuivis de manière efficace, dans le respect des normes internationales».

La Libye dispose d’un délai de six mois pour informer le Comité des suites qu’elle donnera à cette condamnation. Les deux organisations examinent actuellement les suites qu’elles pourraient elles-mêmes donner à cette décision.

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