Nepal: les mécanismes de justice transitionnelle jugés inadaptés par l’ONU

30.11.2012 ( Modifié le : 17.07.2017 )

L’une des principales instances des Nations Unies en matière de droits humains a jugé que les mécanismes de justice transitionnelle prévus par le gouvernement népalais ne répondent pas aux standards internationaux, principalement parce qu’ils n’offrent pas suffisamment de garanties aux victimes de la guerre civile de réaliser leurs droits à la justice et à la vérité.

 

Le 12 octobre 2012, le Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) a adopté ses conclusions sur la recevabilité d’un cas de disparition forcée soumis par TRIAL le 27 octobre 2010. Dans sa décision sur la recevabilité du cas de Yuba Kumani c. Nepal, publiée cette semaine, le CDH a rejeté les arguments présentés par le gouvernement népalais, qui souhaitait que le cas soit déclaré irrecevable. Le CDH va donc continuer à examiner le bien-fondé de l’affaire, dans l’attente des explications que le gouvernement népalais doit apporter dans les six prochains mois.

En octobre 2010, TRIAL (association suisse contre l’impunité) a soumis une communication au CDH concernant la disparition forcée de M. Katwal qui a eu lieu en 2001. Chargée de représenter Mme Katwal, la femme de la victime, qui n’a eu de cesse d’essayer d’établir la vérité sur le sort de son mari, TRIAL a soutenu que le Népal violait, entre autres, le droit à la vie de M. Katwal, l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à la liberté et à la sécurité de sa personne, le droit à la reconnaissance de sa personnalité juridique et le droit à un recours effectif. TRIAL a aussi soutenu que Mme Katwal a été elle-même victime de violation de son droit à être traitée avec dignité dans la mesure où elle a été arrêtée, harcelée et maltraitée par l’armée népalaise dans le but de la réduire au silence ; et en raison des angoisses causées, d’une part, par la disparition forcée de son mari, et d’autre part, par l’incapacité du gouvernement à établir la vérité sur le sort de son mari, de garantir que justice soit faite et d’offrir une compensation adéquate.

Le gouvernement népalais a demandé que le cas de M. Katwal soit déclaré irrecevable par le CDH en affirmant, entre autres, que les cas de violations des droits humains qui ont eu lieu durant la guerre civile seront examinés par les mécanismes de justice transitionnelle qui sont actuellement en cours d’examen par le Népal, à savoir la Commission de Vérité et Réconciliation et la Commission sur les disparitions forcées. Le gouvernement a également affirmé qu’une enquête pénale sur la disparition de M. Katwal était en cours.

Selon TRIAL, « le Comité des droits de l’Homme condamne l’argument central du gouvernement népalais, présenté de manière récurrente aux victimes de violations des droits humains, à savoir qu’elles doivent encore patienter. Cette décision montre clairement que le Népal ne va pas dans la bonne direction et qu’il doit œuvrer rapidement de rétablir la vérité et la justice pour les nombreuses victimes de violations graves de droits humains. »

Cependant, le CDH a accepté les arguments de TRIAL qui soutient qu’il n’y a pas de certitude quant au moment où ces mécanismes de justice transitionnelle entreront en vigueur, ni sur leurs compétences et les conséquences qu’ils auront sur les victimes et leurs proches. De plus, le CDH a reconnu que, si tant est qu’ils soient créés un jour, de tels mécanismes ne seraient pas judiciaires et, en tant que tels, ne seraient pas considérés comme offrant un  » recours effectif  » devant être épuisé avant de porter l’affaire devant le CDH. Le Comité a aussi déclaré que, dans le cas d’espèce, le Népal n’a pas réussi à prouver qu’une enquête pénale sur les crimes commis à l’encontre de M. Katwal était vraiment ouverte. Qui plus est, le CDH considère le fait que les premières démarches concernant le cas de M. Katwal aient été prises en 2007 et que, à ce jour, onze ans après la disparition, l’enquête est toujours en cours et excède tout délai raisonnable.

Les conclusions du CDH sur la nature de ces potentiels mécanismes de justice transitionnelle est d’une importance cruciale et montre que, même s’ils étaient mis en place, ces derniers ne seraient pas considérés comme offrant assez de garanties pour réaliser les droits des victimes à la justice et à la vérité. Si le Népal n’a pas l’intention de continuer à violer ses obligations internationales, il doit s’assurer que ses autorités entreprennent les mesures nécessaires pour enquêter sans délai sur les violations commises durant le conflit civil, identifier les responsables, les juger devant les tribunaux ordinaires compétents et, cas échéant, les sanctionner en prenant en compte la gravité des crimes commis. Toute autre proposition serait considérée comme une tentative de pérennisation d’un état général d’impunité et une violation flagrante des obligations internationales du Népal.

Cette importante décision ouvre également la voie à l’ouverture de nouvelles affaires devant le CDH.

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