Un jury américain déclare un membre d’un escadron de la mort gambien coupable de torture
Denver, Colorado, USA 15 avril 2025 – Aujourd’hui, un jury de Denver a reconnu Michael Sang Correa coupable de cinq chefs d’accusation de torture et d’un chef d’accusation de complot en vue de commettre des actes de torture. Ce verdict marque la première fois qu’un jury américain tient un ressortissant étranger pénalement responsable de torture commise en dehors des États-Unis.

Au cours de ce procès historique qui a duré cinq jours, le jury a entendu des preuves selon lesquelles M. Correa était membre des Junglers, un escadron de la mort tristement célèbre en Gambie. Des victimes et des témoins ont déclaré qu’à la suite d’une tentative de coup d’État contre la dictature de l’ancien président Yahya Jammeh en 2006, M. Correa et d’autres membres des Junglers ont brutalement torturé des personnes soupçonnées d’avoir participé au coup d’État, notamment en les frappant, en les étouffant avec des sacs en plastique et en leur infligeant des chocs électriques. Le jury a reconnu à l’unanimité M. Correa coupable de torture et de conspiration en vue de commettre des actes de torture. La juge Christine M. Arguello, qui a présidé le procès, déterminera la peine de Correa lors d’une audience qui se tiendra plus tard cette année. M. Correa peut faire appel du verdict.
« Le procès et la condamnation de M. Correa représentent une étape importante vers la justice pour ses victimes directes, et c’est un pas de plus vers la justice pour toutes les personnes qui ont souffert sous le régime de Jammeh », a déclaré Tamsir Jasseh, qui est actuellement conseiller principal de la police gambienne. « Ce verdict démontre que nous pouvons mettre fin à l’impunité pour les abus généralisés qui ont eu lieu pendant ces années, tant à l’étranger qu’en Gambie », a déclaré Demba Dem, ancien membre du Parlement gambien. « Ce verdict est crucial pour la guérison des victimes et de la société gambienne », a déclaré Yaya Darboe, officier commandant des forces armées gambiennes. Tous trois ont témoigné des tortures qu’ils ont subies aux mains de M. Correa.
L’affaire contre M. Correa a été portée devant les tribunaux en vertu de la loi extraterritoriale américaine sur la torture (Torture Act), une loi fédérale qui permet au gouvernement américain de poursuivre des individus se trouvant sur le territoire des États-Unis pour des actes de torture commis à l’étranger. L’affaire a attiré l’attention des défenseurs des droits humains et des experts juridiques, car il s’agit du premier procès d’un non-citoyen américain en vertu de cette loi. M. Correa n’est que la troisième personne à être condamnée en vertu de cette loi depuis son adoption en 1994.
« Il s’agit d’un procès capital, non seulement pour la Gambie, mais aussi pour les États-Unis. Les pays ont l’obligation d’enquêter et de poursuivre les auteurs de crimes internationaux qui se trouvent sur leur territoire », a déclaré Ela Matthews, avocate principale au Center for Justice and Accountability. « En poursuivant Correa, les États-Unis ont montré leur engagement à respecter ces obligations. »
Les victimes et la société civile gambienne ont joué un rôle crucial pour que M. Correa soit traduit en justice et que le procès soit couvert par les médias en Gambie. Des victimes du régime de Jammeh se sont rendues de Gambie à Denver pour assister au procès et 11 personnes ont témoigné.
Selon Vony Rambolamanana, conseillère juridique principale chez TRIAL International : « La condamnation de Correa, ainsi que les récentes condamnations de l’ancien Jungler Bai Lowe en Allemagne et de l’ancien ministre gambien de l’Intérieur Ousman Sonko en Suisse, soulignent l’importance cruciale des lois de compétence universelle et extraterritoriale pour rendre justice aux personnes survivantes de crimes internationaux commis dans des pays où l’impunité est endémique. »
En 2021, la Commission gambienne vérité, réconciliation et réparations (TRRC) a conclu que l’ancien président Jammeh et 69 de ses associés, dont M. Correa, avaient commis des crimes contre l’humanité en Gambie. La grande majorité des auteurs de ces crimes n’ont pas encore été tenus pour responsables. L’année dernière, la Gambie a pris des mesures importantes en faveur de la justice, notamment en adoptant une loi visant à créer un tribunal pour les crimes de guerre en Gambie et en obtenant l’approbation de la CEDEAO pour la mise en place de ce tribunal.
« La condamnation de Correa est très importante dans la quête de justice pour les victimes de violations des droits humains, mais de nombreux Junglers et autres auteurs de violations des droits humains continuent de vivre en toute impunité. Certains vivent même librement à Banjul, » a déclaré Kadijatou Kuyateh, chargée des relations avec la presse à l’Alliance des organisations de victimes. « La Gambie doit agir rapidement pour mettre en place son tribunal hybride afin de poursuivre les auteurs restants identifiés dans le rapport de la TRRC. »
À propos du Centre pour la justice et la responsabilité
Le Center for Justice and Accountability (CJA) est une organisation internationale de défense des droits humains basée à San Francisco qui se consacre à travailler avec les communautés touchées par la torture, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et d’autres violations graves des droits humains pour rechercher la vérité, la justice et réparation en utilisant des stratégies innovantes en matière de contentieux et de justice transitionnelle.
A propos de L’alliance gambienne des organisations de victimes
L’alliance des organisations de victimes (AVLO) est une coalition d’organisations de la société civile gambienne qui défend et représente les intérêts des victimes de violations des droits humains en Gambie.
À propos de TRIAL International
TRIAL International est une ONG internationale luttant contre l’impunité des crimes internationaux tels que le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la torture, les disparitions forcées et les violences sexuelles liées aux conflits. Fondée en 2002, elle possède des bureaux en Suisse, en Bosnie-Herzégovine et en République démocratique du Congo (RDC).
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- Anja Härtwig, TRIAL International, à Genève (français, anglais, allemand): media@trialinternational.org, +41 22 519 03 96
- Ela Matthews, The Center for Justice and Accountability, à Londres (anglais): ematthews@cja.org, +44 786 272 89 39
- Sirra Ndow, Alliance of Victim-Led Organisations, à Banjul (anglais): avlogambia@gmail.com, +220 373 77 66