Viol et mauvais traitement de Devi Maya Nepal en août 2002

12.02.2016 ( Modifié le : 09.12.2021 )

L’affaire

En mars 2015 TRIAL a soumis une plainte au Comité des droits de l’homme au nom de Mme Devi Maya Népal (pseudonyme). Mme Devi Maya Népal est une membre de la communauté autochtone Tharu.

Le 20 août 2002 Mme Devi Maya Népal a été victime de viol et d’autres formes de mauvais traitements commis par six membres de l’armée royal népalaise (RNA) lorsqu’elle était à la maison avec sa fille de trois ans.

Les tentatives subséquentes de Mme Devi Maya Népal pour obtenir justice et réparation pour le préjudice subi ont été frustrées par les autorités népalaises qui ont  refusé d’enregistrer sa plainte parce qu’elle n’a pas signalé le viol dans les 35 jours suivants (ce qui aurait été matériellement impossible pour elle).

Le 22 janvier 2015 Mme Devi Maya Népal a déposé une plainte devant la Cour Suprême du Népal, en demandant réparation et que la loi qui prévoit une prescription de «35 jours ne soit pas appliquée dans son cas. La demande est actuellement pendante devant la Cour suprême du Népal mais elle n’a pas de chances réelles de succès, étant donné que la Cour n’a jamais ignoré le délai de prescription précédente de modification des dispositions pertinentes reste lettre morte depuis 2008.

Mme Devi Maya Népal demande au Comité des droits de l’homme de constater qu’elle est victime d’une violation de l’article 7 (interdiction de la torture), lu isolément et conjointement avec les articles 2 par. 1 (interdiction de la discrimination), 2 (obligation d’adopter des mesures législatives), 3 (droit à un recours effectif); 3 (égalité entre les hommes et les femmes); et 26 (interdiction de la discrimination) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

 

Décision

Au cours de sa 132e session (28 juin-23 juillet 2021), les membres du Comité des droits de l’homme ont adopté leurs constatations sur le cas de Devi Maya. La décision a été rendue publique sur le site internet du HCDH le 22 novembre 2021.

Le CDH a reconnu toutes les allégations faites dans la communication et en particulier que :

  • Le viol et les violences sexuelles subis par Devi Maya s’apparentent à de la torture, à une violation de sa vie privée, à une perturbation de sa vie familiale et de son mariage et ont eu des conséquences discriminatoires particulièrement graves pour elle.
  • Le Népal n’a pas adopté les lois et autres mesures nécessaires pour donner effet aux droits de l’auteur en vertu du Pacte en ce qui concerne le viol et les autres formes de violence sexuelle. Il n’a pas érigé la torture en infraction pénale et n’a pas abrogé toutes les lois qui accordent l’impunité aux auteurs présumés d’actes de torture.
  • Les autorités népalaises n’ont pas mené une enquête approfondie, indépendante, impartiale et rapide sur les allégations de torture et de violence sexuelle formulées par l’auteur.
  • Le Népal n’a pas accordé les mesures spéciales de protection auxquelles l’auteur avait droit en tant que membre d’un groupe particulièrement vulnérable – la communauté autochtone des Tharu – et l’a au contraire soumise à de multiples formes de discrimination fondées sur son statut de jeune femme autochtone.
  • Les droits de l’auteur à la vie privée, à la protection contre les atteintes illégales à l’honneur et à la réputation, et à la vie familiale ont également été violés.
  • L’auteur a droit à un recours effectif, y compris à une indemnisation pour le préjudice subi, à la réadaptation, à la satisfaction et à des garanties de non-répétition.

Le Comité considère que les recours dans le système de justice pénale étaient à la fois inefficaces et inaccessibles à l’auteur, compte tenu des limitations juridiques et pratiques au dépôt d’une plainte pour viol au Népal. Fait remarquable, le Comité a également noté que les mécanismes de justice transitionnelle ne peuvent servir à dispenser de l’obligation de poursuivre les auteurs de violations graves des droits de l’homme et a estimé que le recours à la Commission Vérité et Réconciliation n’aurait pas constitué un recours effectif pour l’auteur.

Le Népal a donc notamment l’obligation d’offrir à Devi Maya un recours effectif, de mener une enquête effective sur les faits, de poursuivre, juger et punir les responsables des violations, et d’assurer la réhabilitation et l’indemnisation adéquate de Devi Maya. L’État partie a également l’obligation de prendre des mesures pour empêcher que des violations similaires ne se reproduisent à l’avenir, en adaptant sa législation.

Lire la décision complète ici.

 

Le contexte général

Les faits de cette affaire doivent être lus dans le cadre des violations des droits de l’homme, y compris la torture généralisée et la violence sexuelle perpétrée pendant les 10 années du conflit armé interne au Népal. Notamment, le viol a été commis d’une manière systématique et de nombreuses femmes ont été réduits au silence par la stigmatisation associée à la violence sexuelle en temps de guerre et en temps de paix. Cela doit être inscrit dans le contexte prédominant de discrimination à l’encontre des femmes dans toutes les sphères de la vie. Au moment de la rédaction, personne n’a été condamné pour viol commis pendant le conflit et ce climat d’impunité absolue a été favorisé par une législation lacunaire. Milliers de victimes, comme Mme Devi Maya Népal, ont été privées de leurs droits d’accès à la justice et à la réparation.

 

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