Multiples violations graves des droits d’Abdussalam Il Khwildy

22.03.2013 ( Modifié le : 22.09.2016 )

L’affaire

En juillet 2008, TRIAL et l’organisation Al-Karama pour les droits de l’homme ont soumis une plainte conjointe contre la Libye auprès du Comité des droits de l’homme des Nations Unies, pour le compte de Khaled Il Khwildy, lequel agit au nom de son frère, Abdussalam Il Khwildy.

M. Il Khwildy a été arrêté et détenu arbitrairement en avril 1998, avec son père et ses trois frères, vraisemblablement suspecté d’avoir aidé l’auteur de la communication à fuir la Libye en 1996. Après plus d’un mois de détention à la prison de Benghazi, le reste des membres de sa famille a été relâché lorsqu’Abdussalam Il Khwidy a confessé avoir aidé seul son frère à sortir du pays.

Abdussalam Il Khwildy a été maltraité et torturé (y compris des passages à tabac sévères réguliers) et gardé incommunicado pendant des années sans que sa famille ne soit jamais informée de sa situation. Il a été relâché en mai 2003, sans jamais avoir été amené devant un juge ou un tribunal.

Il a été à nouveau arrêté arbitrairement le 17 octobre 2004 et, après un procès inéquitable conduit au grand mépris des garanties judiciaires minimales, condamné par un tribunal spécial à deux ans de prison le 7 août 2006. Pendant cette période, sa détention s’est poursuivie et il est resté en prison jusqu’au 17 octobre 2006.

Le 19 octobre la victime a été autorisée à téléphoner à son père pour lui dire qu’il se trouvait dans un centre, appelé El Istiraha, pour prisonniers ayant purgé récemment leurs peines, et qu’il serait probablement libéré dès que la documentation correspondante serait prête.

Depuis ce jour, ses parents n’ont plus eu de ses nouvelles – les autorités n’ont pas répondu aux demandes d’information et le Secrétaire des Prisons a même affirmé qu’il n’était dans aucune autre prison du pays. Les services de sécurité ont nié le détenir et ont refusé de fournir toute information autre que celle qu’il avait été relâché.

Finalement, en mai 2008, la victime a eu la permission d’appeler sa famille et l’informer qu’il était à la prison d’Abu Slim. Il a alors pu recevoir une visite de 45 minutes de ses parents.

Abdussalam Il Khwildy reste en détention malgré le fait qu’il a déjà purgé sa peine.

Tous les recours, judiciaires et autres, prévus par la législation libyenne sont inaccessibles pour les victimes de crimes perpétrés pour des motifs politiques, en raison du risque élevé, voire certitude, de représailles sévères contre ceux qui porteraient des accusations à l’encontre de l’Etat et également de la grande difficulté (du fait de la terreur généralisée qui règne en Libye) que ces personnes rencontreraient pour obtenir l’assistance d’un avocat. Par ailleurs, de telles actions légales n’auraient aucune chance d’aboutir, vu le manque d’indépendance des tribunaux nationaux.

L’auteur de la communication demande au Comité de reconnaître que, sur la base des faits de l’affaire, la Libye a violé :

  • les droits d’Abdussalam Il Khwildy à un recours utile, à la vie, à la liberté et la sécurité de la personne, à être traité avec respect envers sa dignité humains lorsqu’il se trouve en détention, à ne pas être soumis à des actes de torture ou de mauvais traitements, à un procès équitable, à être reconnu en tant que personne juridique dans toutes les circonstances et à l’inviolabilité de son domicile (articles 2 § 3, 6 § 1, 7, 9 §§ 1, 2, 3 et 4, 10 § 1, 14, 16 et 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques),
  • les droits de l’auteur de la communication à un recours utile et à ne pas être soumis à des actes de torture ou de mauvais traitements (articles 2 § 3 et 7 du Pacte).

 

Le contexte général

Ces faits s’insèrent dans le contexte de la répression acharnée exercée par le régime du Colonel Gaddafi, qui gouverne le pays d’une main de fer depuis bientôt 40 ans. Les forces de sécurité – l’ASI en premier chef – ont notoirement commis les pires exactions, à grande échelle et en toute impunité. Les opposants du gouvernement, réels ou perçus comme tels, sont les principales cibles de ces pratiques.

Des milliers de citoyens ont été victimes d’arrestations, effectuées en parfaite illégalité, suivis de détentions extrêmement longues, sans supervision judiciaire et souvent sans possibilité de contact avec l’extérieur et sans que la famille soit informée.

De lourdes condamnations, à l’issue de procès bafouant grossièrement toutes les garanties procédurales de base sont un instrument commun de répression en Libye.

 

La décision

Au mois de janvier 2013, le Comité des droits de l’homme a communiqué sa décision (appelée « constatations » dans le jargon onusien).

Le Comité a retenu que la Libye avait violé les articles 6, 7, 9 § 1 au § 4, 10 § 1, 14 § 1 et § 3 b) et c) et 16 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques à l’égard d’Abdussalam Il Khwildy. Le Comité a aussi trouvé une violation de l’article 2 § 3 du Pacte, lu conjointement avec les articles 6, 7, 9 § 1 au § 4, 10 § 1 et 16.

Le Comité constate par ailleurs une violation de l’article 7 du Pacte, individuellement et conjointement avec l’article 2 § 3, en ce qui concerne l’auteur de la communication.

Le Comité a enjoint la Libye d’assurer à l’auteur de la communication un recours utile, notamment mener une enquête approfondie et diligente sur la disparition d’Abdussalam Il Khwildy et sur tout mauvais traitement qu’il a subi en détention; fournir à l’auteur et à Abdussalam Il Khwildy des informations détaillées sur les résultats de l’enquête; poursuivre, juger et condamner les responsables de la disparition et des autres mauvais traitements; et indemniser de manière appropriée l’auteur et Abdussalam Il Khwildy pour les violations subies.

Les autorités libyennes sont en outre tenues de prendre des mesures appropriées et suffisantes pour empêcher que des violations analogues ne se reproduisent à l’avenir.

 

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