Procès de Roger Lumbala – Questions/Réponses

10.11.2025
  • Qui est Roger Lumbala et de quelles charges fait-il l’objet ?
    • Roger Lumbala est un ressortissant congolais et l’ancien chef du groupe armé non-étatique Rassemblement Congolais pour la Démocratie-National (RCD-N).
    • Le RCD-N a opéré dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) entre 2000 et 2003. Lumbala a ensuite été ministre du commerce extérieur dans le gouvernement de transition entre 2003 et 2005, puis sénateur jusqu’en 2013.
    • En 2023, Lumbala a été mis en examen pour :
  • 1) Complicité de crimes contre l’humanité ;
    • a) par instruction pour avoir donné des ordres pour commettre une pratique massive et systématique de tortures ou d’actes inhumains ;
    • b) par aide ou assistance en fournissant le ravitaillement nécessaire aux auteurs des faits et/ou en laissant les combattants placés sous son autorité et son contrôle commettre des crimes sans prendre toute mesure nécessaire ou raisonnable permettant la commission des crimes de : exécutions sommaires, tortures ou actes inhumains, viols constitutifs de tortures ou actes inhumains, vols ou pillages constitutifs d’actes inhumains, réduction en esclavage par travaux forcés et par esclavage sexuel.
  • 2) Participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un crime contre l’humanité.
    • Le RCD-N et ses alliés auraient commis ces atrocités lors d’une opération militaire appelée « Effacer le tableau » dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
    • Lumbala aurait ordonné et fourni un soutien logistique aux troupes du RCD-N pour mener des attaques violentes contre la population civile dans le but de contrôler des zones riches en ressources naturelles dans l’Est de la RDC.


Pourquoi ce procès est-il historique ?

      • Roger Lumbala sera le premier ressortissant congolais à être jugé par une juridiction nationale pour des crimes contre l’humanité présumément commis pendant la Deuxième Guerre du Congo (1998-2003), et fait partie des rares anciens responsables gouvernementaux poursuivis pour de tels faits.
      • Il s’agit également du premier procès en France fondé sur la compétence universelle pour des crimes liés à ce conflit.
      • C’est la première fois que des crimes commis pendant la Deuxième Guerre du Congo seront jugés par une cour nationale ordinaire et non par une juridiction militaire.


Qu’est-ce que la Deuxième Guerre du Congo ?

      • La Deuxième Guerre du Congo (1998-2003) a causé plus d’un million de morts et déplacé des millions de personnes. Elle reste l’un des conflits les plus violents et destructeurs de l’histoire récente du continent africain.
      • Au plus fort du conflit, neuf États africains et plus de 25 groupes armés étaient impliqués.


Qu’était l’opération « Effacer le tableau » ?

      • Dans les derniers mois de l’année 2002, le RCD-N et des groupes armés alliés ont mené une campagne d’attaques systématiques contre la population civile résidant dans les deux provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, dans l’Est de la RDC.
      • Le RCD-N visait à contrôler les zones détenues par le groupe rival Rassemblement Congolais pour la Démocratie-Mouvement de Libération (RCD-ML), en particulier la ville de Mambasa et la région riche en ressources de Beni-Butembo. L’opération a été nommée « Effacer le tableau » car le mode opératoire des troupes consistait à s’attaquer à la population civile et à détruire tout ce qui avait de la valeur pour elle.
      • L’Équipe spéciale d’enquête des Nations Unies, déployée en RDC à la suite de la campagne « Effacer le tableau », a conclu que cette campagne représentait « une nouvelle échelle de violence caractérisée par des opérations préméditées utilisant le pillage, le viol et les exécutions sommaires comme outils de guerre. »


Qui sont les victimes des crimes présumés de Lumbala ?

      • Le nombre précis de victimes de l’opération « Effacer le tableau » reste inconnu, mais des milliers de personnes ont subi des meurtres, de la torture, des viols, de l’esclavage, parmi de nombreuses autres formes d’abus, aux mains de la milice.
      • Un certain nombre de survivant·e·s de ces crimes participent au procès, et 35 victimes ont été admises comme parties civiles dans l’affaire.
      • Des villages entiers, des communautés et des familles vivant dans la région ont été soumis à des abus particulièrement graves, avec des conséquences dévastatrices. Bon nombre des attaques étaient dirigées contre des communautés ethniques spécifiques, notamment les Nande (minorité) et les Bambuti (peuples autochtones).


Quand et où sera-t-il jugé ?

      • Le procès de Lumbala se tiendra devant la cour d’assises de Paris, en France. Une cour d’assises est une cour composée d’un jury qui juge les infractions les plus graves.
      • Le procès commencera le 12 novembre et devrait se poursuivre jusqu’au 19 décembre 2025.
      • Il est ouvert au public.


Quelles preuves ont conduit à la mise en examen ?

      • Le juge d’instruction français a entendu des témoignages, notamment ceux de témoins oculaires, de témoins initié·e·s, et de victimes, y compris des survivantes de violences sexuelles et basées sur le genre. Le juge a également entendu la version des faits présentée par Lumbala. Des informations publiques pertinentes, incluant des rapports, de la documentation contextuelle et juridique provenant d’ONG, de l’ONU et de la Cour pénale internationale (CPI), ont été admises comme preuves dans le dossier.


Pourquoi cela se passe-t-il en France ?

      • Le procès de Lumbala se tient au titre de la compétence universelle, un principe juridique qui permet aux juridictions nationales de poursuivre les crimes internationaux les plus graves, peu importe le lieu où les crimes ont été commis ou la nationalité des victimes et des auteurs.
      • La France a une expérience importante en matière de compétence universelle et a joué un rôle pionnier en Europe dans la poursuite de personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes internationaux.
      • Lumbala, qui est un citoyen congolais, résidait en France lors de son arrestation en 2021. Après le rejet de sa demande d’asile en 2016, les autorités françaises ont ouvert une enquête préliminaire à son encontre pour suspicion de participation à des crimes internationaux.


La RDC ne devrait-elle pas le juger à la place ?

      • Il est préférable que les mécanismes de reddition de comptes aient lieu aussi près que possible des lieux où les crimes ont été commis. Les tribunaux congolais ont accompli des progrès importants dans l’enquête et la poursuite de crimes graves commis par des chefs de milices et par l’armée congolaise au cours de la dernière décennie, mais ils ont montré une réticence à engager des poursuites concernant les conflits antérieurs.
      • Jusqu’à présent, les crimes commis pendant la Deuxième Guerre du Congo (1998-2003) n’ont été traités ni au niveau national ni à l’étranger, ce qui signifie qu’il n’existe aucune voie concrète pour que les survivant·e·s obtiennent réparation dans leur pays. Et ce, malgré le nombre élevé de victimes et la documentation étendue du conflit dans le Rapport du Mapping de l’ONU de 2010.
      • Les procédures fondées sur la compétence universelle représentent donc un accès essentiel à la justice pour les victimes et les survivant·e·s.

Quel est le rôle des ONG dans ces procédures ?

      • TRIAL International, Minority Rights Group, la Clooney Foundation for Justice et Justice Plus ont été admis comme parties civiles dans l’affaire, et PAP-RDC a déposé une demande de constitution de partie civile. En vertu du Code de procédure pénale français, les organisations ayant pour mandat de lutter contre les crimes contre l’humanité peuvent demander à se constituer partie civile dans ce type de procédure.
      • À ce titre, nous sommes autorisés à participer à la procédure, soumettre des éléments de preuve et demander des expertises.
      • Justice Plus, une ONG basée en RDC, a joué un rôle essentiel dans l’identification de survivant·e·s afin de contribuer à l’enquête sur les crimes de Lumbala. Nos organisations ont également assuré un soutien psychologique pour éviter que les survivant·e·s ne soient re-traumatisés lorsqu’ils témoignent devant les tribunaux.
      • PAP-RDC, une ONG basée en RDC ayant demandé le statut de partie civile, a joué un rôle crucial dans l’évaluation de la situation humanitaire de la communauté autochtone Bambuti après le conflit et dans la fourniture d’informations supplémentaires pour soutenir les enquêtes sur les violations des droits humains. Actuellement, PAP-RDC soutient les victimes de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre commis pendant l’opération Effacer le tableau.


Des survivant·e·s se rendront-ils/elles à Paris pour le procès ?

      • Près de 30 survivant·e·s devraient se rendre à Paris pour témoigner devant la cour et le jury. Bien que certains aient déjà fait des déclarations devant le juge d’instruction, ce moment marque une étape forte : ce sera la première fois qu’ils et elles partageront publiquement leurs récits dans le cadre d’un processus judiciaire formel.


Quelle peine Lumbala risque-t-il ?

      • S’il est reconnu coupable, Lumbala pourrait être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Cette peine est prévue aux articles 212-1 et 121-6 du Code pénal français.
      • Le tribunal décidera ensuite, lors d’une audience distincte, si des réparations financières seront accordées aux victimes.

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