L’exploitation du sous-sol congolais peut-elle constituer un crime de guerre ?

19.11.2020

L’homme d’affaires suisse Christoph Huber s’est-il rendu coupable de pillage – un crime de guerre au regard du droit international – en s’approvisionnant en minerais en provenance d’une région de République démocratique du Congo contrôlée par un groupe armé ? C’est la question à laquelle l’enquête, ouverte en mars 2018 par le Ministère public de la Confédération, devra répondre.

En faisant des affaires dans une région en conflit, l’homme d’affaire suisse pourrait s’être rendu coupable de pillage. © MONUSCO / Sylvain Liechti

En novembre 2016, TRIAL International et l’ONG Open Society Justice Initiative ont déposé une dénonciation pénale contre Christoph Huber, un homme d’affaires suisse actif dans le commerce de minerais. Au cours de la deuxième guerre du Congo entre 1998 et 2003, celui-ci aurait été en lien direct avec le RCD-Goma, un groupe armé accusé de crimes de guerre qui occupait militairement – et administrait de facto de larges territoires dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

Les faits remontent à 2001. Christoph Huber aurait alors permis à l’une des entreprises pour lesquelles il travaillait d’obtenir des concessions de la part du RCD-Goma, assortie de garanties de protection par les soldats du groupe armé. M. Huber est par ailleurs impliqué dans le commerce de minerais dans la région au moins depuis 1997 pour le compte d’autres entreprises, y compris suisses.

Les documents commerciaux obtenus au cours de l’enquête démontrent clairement les liens entre le RCD-Goma et l’homme d’affaires suisse. « Nous n’avons eu d’autre choix que de déposer une plainte pénale contre Christoph Huber en tant qu’individu, car la possibilité de faire de même contre une entreprise est particulièrement limitée dans le droit suisse », explique Bénédict de Moerloose, responsable du programme Procédures et enquêtes internationales au sein de TRIAL International. Dans le cas présent, cette difficulté est accentuée par le fait que les liens commerciaux de M. Huber avec les entreprises suisses en question ont entretemps été rompus. A travers cette stratégie, l’organisation espère donc obtenir une décision qui fasse jurisprudence. Reste à savoir si le Ministère public de la Confédération donnera suite.

Tout comme dans de nombreux autres pays, le cadre légal en Suisse est très peu contraignant pour les entreprises, et compte avant tout sur leur bon-vouloir. Il existe très peu de voies juridiques pour poursuivre les acteurs économiques qui se rendent complices de crimes internationaux.

Instaurer un devoir de diligence, assorti d’une responsabilité légale, devrait permettre que d’éventuelles entreprises fautives puissent être directement poursuivies, et non uniquement les personnes qui travaillent pour le compte de celles-ci.

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