Bulldozers et crimes de guerre : comment contrôler l’usage qui est fait des biens exportés ?

26.10.2020

En mars 2011, TRIAL International a soutenu six familles palestiniennes dans leur plainte pénale contre la filiale genevoise du constructeur de machines Caterpillar. En août 2007, l’armée israélienne avait utilisé des bulldozers D9 de la firme américaine pour raser les maisons des plaignants dans la ville cisjordanienne de Qalqiliya, soi-disant dans le but de débusquer des membres du Hamas. La plainte n’a pas abouti, mais la procureure a reconnu l’existence de crimes de guerre commis par l’armée israélienne.

En reconnaissant que ces bulldozers à usage civil ont bel et bien été employés pour commettre des crimes de guerre, le MPC a franchi un pas important. © Israel Defense Forces / CC

Le Ministère public de la Confédération (MPC) a classé l’affaire en 2014, au motif que les bulldozers ne sont pas des armes et que l’entreprise Caterpillar ne peut être tenue responsable pour l’utilisation qu’en ont fait les Forces de défense israéliennes (IDF). Cependant, la présence du groupe terroriste recherché par Tsahal n’ayant pas été avérée, ces destructions sont par la suite qualifiées par la procureure en charge du dossier de « démolitions punitives ». Autrement dit, de crimes de guerre.

Pour TRIAL International, la condamnation de ces démolitions par le MPC est une décision historique, car c’est la première fois que les autorités de poursuite d’un pays reconnaissent que l’armée israélienne s’est rendue coupable de crimes de guerre. Pour Philip Grant, Directeur exécutif de TRIAL International, « il s’agit là d’un signal fort adressé à toutes les entreprises dont l’activité viole des droits humains et une grande nouveauté qui devrait les faire réfléchir : ‘Et si la prochaine plainte était contre nous?’ »

En effet, les entreprises qui fabriquent et exportent des machines engagées sur des champs de bataille se retranchent régulièrement derrière leur ignorance de la situation. Dans cette affaire, les bulldozers de Caterpillar n’étaient de surcroit pas considérés comme des « biens à double usage » – c’est-à-dire aussi bien civil que militaire. Leur exportation par la filiale genevoise n’engageait donc pas automatiquement la responsabilité de l’entreprise. Mais en reconnaissant que ces engins à usage civil ont bel et bien été employés par les IDF pour commettre des crimes de guerre, le MPC a franchi un pas supplémentaire. A compter de cette date, Caterpillar ne peut plus plaider la bonne foi en déclarant ignorer la situation.

En se dotant d’une réglementation qui obligerait ses entreprises à se renseigner sur l’usage des biens qu’elles vendent, la Suisse couperait l’herbe sous le pied de celles qui voudraient jouer les ingénues. TRIAL International est favorable à une règlementation plus contraignante sur le respect des droits humains pour les entreprises suisses qui ont des activités à l’étranger, en particulier dans les situations de conflit ou de violations massives des droits humains.

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