11 ans après son arrestation à Genève, la procédure contre Khaled Nezzar se poursuit en Suisse. TRIAL International espère toujours son prochain renvoi en jugement

Le 20 octobre 2011, le général algérien Khaled Nezzar était arrêté à Genève par la police suite à une dénonciation pénale de TRIAL International ainsi qu’à des plaintes de deux victimes de torture pendant la décennie noire. Interrogé pendant 48 heures par le Ministère public de la Confédération (MPC), il a été relâché sous condition d’être présent pour la suite de l’instruction. Son audition finale en février 2022 permettait aux victimes ainsi qu’à TRIAL International, qui les a accompagnées pendant onze ans, d’entrevoir la possibilité d’un prochain renvoi en jugement. Son âge avancé et son état de santé qui se dégraderait, selon certaines rumeurs, sont autant d’éléments menaçant la tenue d’un procès.

En 2011, une procédure de longue haleine s’est ouverte en Suisse. Cette dernière représente encore aujourd’hui l’unique opportunité de faire entendre les voix des victimes algériennes et de leur rendre justice. Le rôle de la Suisse dans cette affaire est donc particulièrement important. Le MPC soupçonne Khaled Nezzar d’avoir participé comme complice à la commission de multiples crimes de guerre (meurtres, torture, de traitements inhumains, détentions illégales) ainsi qu’à des assassinats dans le contexte d’une attaque systématique et généralisée contre la population civile entre janvier 1992 et janvier 1994 en Algérie, alors qu’il était l’homme fort du Haut Conseil d’État et officiait comme ministre de la Défense.

Après de nombreux rebondissements judiciaires, l’ouverture d’un procès en Suisse contre l’ancien ministre de la Défense constituerait un précédent historique. Pour la première fois dans le monde, une personne ayant officié comme chef d’État-major devrait rendre des comptes pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité devant une juridiction nationale ordinaire en vertu du principe de compétence universelle. En Suisse, si d’autres affaires fondées sur le principe de compétence universelle sont en cours d’instruction, le procès de Khaled Nezzar serait le deuxième seulement à se tenir devant le Tribunal pénal fédéral de Bellinzone en application de ce principe.

La procédure, qui à ce jour a duré plus longtemps que la guerre civile algérienne, a été rendue possible par le courage des victimes et par la présence à leurs côtés de TRIAL International et d’avocat/e/s engagé/e/s. Cependant, certains échos inquiétants sur l’état de santé de M. Khaled Nezzar, âgé de bientôt 85 ans, font craindre l’éventualité qu’il ne réponde peut-être jamais de ses crimes présumés devant la justice helvétique.

Selon Benoit Meystre, conseiller juridique chez TRIAL International « dans l’hypothèse du décès du prévenu, la clôture de la procédure qui s’en suivrait serait une nouvelle dévastatrice pour toutes les victimes de la décennie noire algérienne et serait perçue  comme un échec des autorités de poursuite suisses ».  

Si le chemin vers la justice peut souvent s’avérer long, cela est d’autant plus vrai dans ce dossier.  Les victimes de la « sale guerre » attendent maintenant depuis plus de 30 ans que justice leur soit rendue. TRIAL International et les victimes continuent de croire à un renvoi en jugement à court terme et ne désespèrent pas de voir Khaled Nezzar assis sur le banc des accusés du Tribunal pénal fédéral.

Au début de la « décennie noire » en Algérie, qui aurait fait 200’000 morts ou portés disparus de 1992 à 2000, Khaled Nezzar était chef de l’armée par sa fonction de ministre de la Défense et de facto numéro un de la junte militaire, à la tête de troupes ayant commis un nombre incalculable d’exactions. Les violations graves des droits humains y étaient largement répandues et l’usage de la torture systématique. L’impunité à l’égard de ces crimes est malheureusement encore aujourd’hui totale.

Une survivante témoigne au procès en Allemagne d’un présumé ancien chauffeur de “l’escadron de la mort” gambien

Le procès concernant les abus commis sous le régime de Yayah Jammeh se poursuit en Allemagne, tandis que la Gambie attend que sa responsabilité soit reconnue.

Portrait of Deyda Hydara

(Berlin, 6 octobre 2022) Une femme qui a survécu à l’assassinat d’un éminent journaliste gambien témoignera les 6 et 7 octobre 2022 dans la ville allemande de Celle, au procès d’un homme accusé d’avoir été impliqué dans le meurtre, a déclaré aujourd’hui le groupe d’ONG.

Ida Jagne, qui était dans la voiture avec le rédacteur en chef Deyda Hydara lorsqu’il a été tué en 2004, racontera son histoire en public pour la première fois au procès de Bai L., un membre présumé des « Junglers », un « escadron de la mort » paramilitaire mis en place par l’ancien président Yahya Jammeh au milieu des années 1990s. Ida Jagne est une partie plaignante au procès.

Le procès de Bai L. , qui a vécu à Hanovre, a commencé le 25 avril 2022 et devrait durer au moins jusqu’au début de 2023. Bai L., qui a gardé le silence jusqu’ici, a indiqué par l’intermédiaire de ses avocats qu’il ferait une déclaration au cours des prochaines semaines.

Le règne de Yahya Jammeh qui a duré 22 ans a été marqué par une politique d’oppression systématique accompagnée de graves violations des droits humains à l’encontre de tout opposant réel ou supposé à Jammeh, notamment des actes de torture, des exécutions extra-judiciaires, des disparitions forcées, et des violences sexuelles. Les procureurs allemands accusent Bai L. d’être impliqué, en tant qu’ancien chauffeur des Junglers, dans l’assassinat de Hydara, la tentative de meurtre de l’avocat Ousman Sillah en 2003, ainsi que le meurtre Dawda Nyassi en 2006, opposant présumé́ de l’ancien président. Dans son rapport final publié en décembre 2021, la Commission gambienne vérité, réconciliation et réparations (TRRC pour Truth Reconciliation and Repararions Commission) a recommandé des poursuites contre Bai L. concernant les affaires Hydara et Sillah, et le meurtre de 59 migrants ouest-africains en 2005.

Parmi les témoins qui ont été entendus à ce stade figuraient des enquêteurs allemands, d’anciens soldats gambiens, la juge ayant entendu Bai L. dans le cadre de sa demande d’asile, Njan Sarang Jobe, l’autre passagère dans la voiture de Deyda Hydara au moment de son meurtre, Pap Saine, co-fondateur du journal The Point avec Deyda Hydara, Fatou Sillah, fille de Ousman Sillah, ainsi que le fils de Hydara, le journaliste Baba Hydara, qui est également partie plaignante au procès. Fatu Camara, journaliste influente et animatrice du Fatu Network, qui a interviewé Bai L. en 2014 devrait témoigner les 3 et 4 novembre 2022. La cour a également utilisé des éléments de preuve du rapport de la TRRC, ainsi qu’une interview de Bai L. donnée en 2013 à la station de radio gambienne Freedom Radio, dans laquelle il décrivait sa participation dans les crimes allégués et d’autres.

Le procès de Celle est le premier ouvert sur la base de la compétence universelle, à se pencher sur les crimes commis en Gambie lors de la dictature de Jammeh. Un autre présumé Jungler, Michael Correa, 43 ans, a été inculpé aux États-Unis en juin 2020. Correa est accusé d’avoir torturé des détenus à la suite d’une tentative de coup d’État manquée en Gambie en 2006. En Suisse, une enquête est en cours pour crimes contre l’humanité contre l’ancien Ministre de l’intérieur Ousman Sonko, depuis son arrestation en 2017.

En Gambie, la TRRC a recommandé la poursuite de Jammeh et de nombreux autres individus. Un Livre blanc publié en mai 2022 par le gouvernement gambien a accepté cette recommandation. Le Ministre de la Justice gambien Dawda Jallow, a indiqué que la poursuite de Jammeh, qui est exil en Guinée équatoriale, et de ses complices, impliquera « probablement » la création d’un tribunal hybride en partenariat avec la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), en assurant l’émergence d’un consensus dans le cadre d’une série de conférences organisées par l’Association du Barreau de Gambie. Cependant, aucune démarche n’a été entreprise à ce stade pour la création d’un tel tribunal. La campagne « Jammeh2Justice », créée par les victimes de l’ancien régime, ainsi que des activistes gambiens et internationaux ont appelé le Gouvernement à prendre des mesures concrètes pour traduire Jammeh et ses complices en justice.

« Les affaires en cours en Allemagne, en Suisse et aux Etats-Unis contre les complices présumés de Jammeh nous ont montré que la justice est possible » a indiqué Fatoumatta Sandeng, porte-parole de la campagne Jammeh2Justice. « Maintenant, il est temps pour le gouvernement gambien de mettre en action son engagement pour traduire en justice Jammeh lui-même et les autres individus responsables en Gambie. »

Le groupe d’ONG impliquées dans l’affaire Bai L. inclut le African Network against Extrajudicial Killings and Enforced Disappearances (ANEKED), le Centre européen pour les droits humains et constitutionnels (ECCHR pour European Center for Constitutional and Human Rights), le Gambia Center for Victims of Human Rights Violations, la Commission Internationale de Jurists (CIJ), Reporters sans frontières, l’association Rose Lokissim, la fondation Solo Sandeng Foundation, et TRIAL International.

Pour plus d’informations, veuillez contacter :

Reed Brody, Commission international de Juristes, à Barcelone (Anglais, Espagnol, Français, Portugais) : reedbrody@gmail.com, +1-917-388-6745 ; Twitter : @reedbrody

Nana-Jo Ndow, ANEKED, à Berlin (Anglais, Espagnol, Français, Portugais),  nanajo.ndow@aneked.org, +49 17628233831

Patrick Kroker, avocat de Baba Hydara, à Berlin (Allemand, Anglais, Français) : info@patrickkroker.net, +49 170 8136258 ; Twitter : @pkroker2

Fatoumatta Sandeng, Porte-parole de la campagne Jammeh2Justice Campaign, à Düsseldorf (Anglais, Allemand, Wolof, Mandinka), teemasandeng@gmail.com, +49 1631747519

Olivia Gerig, Chargée de communication institutionnelle et des relations avec les médias chez TRIAL International, à Genève (Français, Anglais, Allemand), o.gerig@trialinternational.org , +41 22 321 61 10 ; Twitter : @Trial

 

Les victimes de crimes de guerre sont aujourd’hui également victimes de l’échec du mécanisme de réparations

Sarajevo et Genève, 26 septembre 2022 –Les victimes de torture pendant la guerre de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine sont de plus en plus nombreuses à devoir payer des milliers d’euros de frais de justice à la République serbe, une des unités administratives du pays, en raison du rejet pour cause de prescription de leurs demandes de réparations. En l’absence d’un véritable programme de réparations, beaucoup de ces victimes ont pris la décision de demander des réparations lors de procédures civiles devant les tribunaux.

De 2007 à 2010, des victimes ont initiées des procédures à l’encontre de certaines unités administratives de Bosnie-Herzégovine, comme la République serbe, et parfois même à l’encontre de l’État. En 2014, la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a jugé que l’application des règles de prescription à ces poursuites devait être justifiée. Ces pratiques sont contraires aux normes internationales qui stipulent que les délais de prescription ne doivent pas être appliqués aux demandes de réparations, d’indemnisation et de réhabilitation nécessaires à la reconstruction des victimes de ces crimes. L’application de la prescription a même parfois été qualifiée d’«illégale».

« Le résultat est que non seulement les demandes des victimes de crimes de guerre ont été rejetées, mais en plus, les victimes ont été forcées d’assumer des coûts de procédures très élevés. Étant donné que ces citoyens/es se trouvent déjà pour la plupart dans une situation financière précaire, et que beaucoup d’entre eux/elles ne peuvent pas assumer ces frais, des procédures d’exécution sont engagées. Il arrive que leurs biens soient confisqués par les fonctionnaires/huissiers. Certaines victimes ont eu des pensées suicidaires lorsqu’elles ont reçu une assignation les informant des audiences d’exécution prévues« , a déclaré Adrijana Hanušić Bećirović, conseillère juridique principale de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine.

Alors que dans la majeure partie du pays, les survivants/es ont été exemptés/es du paiement de ces frais, en République serbe, les saisies de biens se poursuivent. Bahrudin Mujkić a survécu au fait d’être brutalement torturé dans quatre prisons et deux camps de détention en 1992. Il a été sévèrement battu, affamé et a été témoin des violences et des tortures subies par ses amis/es et voisins/es. Chaque jour, il craignait d’être tué. Aujourd’hui, il vit avec des séquelles physiques et psychologiques de ce qu’il a subi. Au lieu d’obtenir justice et réparations pour ses souffrances, il a maintenant l’impression d’être à nouveau une victime.

« J’ai perdu ma jeunesse dans ces camps. Rien que d’entendre ces cris, de voir les gens se briser, c’était trop. Je voulais au moins que les coupables soient punis. Au lieu de cela, mes autorités ont imposé une « ordonnance judiciaire pour saisir mon chèque de pension de 245 euros« , a déclaré Bahrudin Mujkić.

L’histoire de Bahrudin n’est malheureusement pas unique. Son expérience est représentative de celles de nombreuses victimes de torture pendant la guerre qui ont tenté d’obtenir des réparations pour les atrocités qu’elles ont subi. Bien qu’il n’existe pas de données officielles sur le nombre de personnes ayant subi des formes graves de torture pendant la guerre en BiH, elles seraient plusieurs centaines de milliers, selon les données de l’Union des détenus des camps de BiH.

En 2018, la Cour constitutionnelle a jugé que l’imposition de tels frais dans des affaires de crimes de guerre contrevenait au droit d’accès de la victime aux tribunaux et à la propriété. Le bureau du procureur de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et le bureau du procureur général de la Bosnie-Herzégovine ont renoncé à leurs demandes de remboursement des frais de procédure après cette décision. Pourtant, un nombre important de tribunaux de la République serbe continuent d’imposer des frais de justice aux victimes, ce qui entraîne des incohérences dans l’exercice des droits des victimes à des réparations dans le pays.

Un récent rapport du Rapporteur spécial sur la promotion de la vérité, de la justice, de réparations et de garantie de non-répétition sur sa visite en Bosnie-Herzégovine, présenté lors de la 51e session du Conseil des droits de l’homme, a conclu que « cette pratique est aussi contraire à l’éthique qu’elle est inacceptable, et va à l’encontre des normes internationales relatives à la protection des victimes de violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international ».

 

TRIAL International a préparé une vidéo pour montrer les conséquences dramatiques de cette situation pour les victimes.

Pour regarder la vidéo :

 

En partenariat avec plus de 50 ONG, TRIAL International a co-signé une lettre à l’attention des Représentants permanents des États membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, demandant le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial.

A general view of participants during the 29th Regular Session of the Human Rights Council. 3 July 2015. UN Photo / Jean-Marc Ferré

« En octobre 2021, lors de la 48ème session du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, ce dernier a institué une procédure spéciale sur le Burundi. Le nouveau mandat de Rapporteur spécial comprend d’importantes composantes de suivi de la situation et de fourniture de rapports et de conseils techniques. En même temps, la décision du Conseil de ne pas renouveler le mandat de la Commission d’enquête (COI) a mis fin au seul mécanisme international chargé d’enquêter sur les violations et atteintes aux droits humains au Burundi et d’identifier leurs auteurs en vue d’assurer la pleine reddition des comptes. Dans ce contexte, alors que de graves inquiétudes demeurent quant au respect des droits, il est crucial que le Rapporteur spécial puisse mener à bien sa mission. (…)

Nous sommes d’avis que toutes les composantes du mandat du Rapporteur spécial peuvent contri­buer à améliorer la situation des droits humains au Burundi. Nous soulignons toutefois que le Rap­porteur spécial a besoin de temps pour remplir sa mission. Aussi, en amont de la 51ème session du Conseil, exhortons-nous votre délégation à soutenir le renouvellement du mandat du Rapporteur spécial pour une année afin de permettre au Conseil de continuer sa surveillance étroite de la situa­tion et de poursuivre son travail en faveur de la justice et de la redevabilité au Burundi. (…)

Depuis que le mandat du Rapporteur spécial a été mis sur pied, la situation des droits humains au Burundi n’a pas évolué d’une façon substantielle. (…)

De graves violations se poursuivent, dont certaines avaient mené la COI à conclure que des crimes contre l’humanité pourraient avoir été commis. (…) L’impunité est généralisée, particulièrement en lien avec les gra­ves crimes commis en 2015 et 2016. La police et les forces de sécurité, le Service national de rensei­gne­ment (SNR) et les Imbo­ne­rakure (la branche jeunesse du parti CNDD-FDD au pouvoir) sont responsables de la plupart de ces violations. (…)

En l’absence d’améliorations structurelles, et alors que de graves violations des droits humains continuent à être com­mi­ses en toute impunité, le Conseil devrait adopter une résolution qui reflète la réalité sur le terrain et assure la continuité tant du travail de suivi et de mise au point de rapports que des débats publics sur la si­tu­ation des droits humains au Burundi. Il devrait accorder au Rapporteur spécial le temps dont il a besoin pour remplir sa mission et exhorter le Burundi à coopérer avec lui, notamment en lui per­mettant un accès au pays.

Lors de sa 51ème session, le Conseil devrait adopter une résolution qui renouvelle le mandat du Rap­porteur spécial sur le Burundi pour une année supplémentaire ».

Lisez la lettre en français

Pourquoi les cas de violence sexuelle liés à la guerre en Ukraine sont-ils sous-déclarés ? Quelles voies légales et quels modèles de soutien peuvent aider les survivant/e/s à obtenir justice ? Dans cette vidéo, nous tentons d’apporter quelques réponses.

 

Les autorités suisses sont prêtes à poursuivre les acteurs économiques suisses pour crime de guerre de pillage, selon une tribune du procureur général Stefan Blättler dans le journal Le Temps.

Notre directeur, Philip Grant, explique pourquoi cette annonce est un grand pas en avant !

Sarajevo, 4 août 2022 – Après des années de lutte pour faire reconnaître leur statut ainsi que l’impact psychologique, économique et social que ce dernier a sur leur vie quotidienne, les enfants né/e/s de viols pendant la guerre de 1992 à 1995 ont enfin été reconnu/e/s comme des victimes civiles de guerre, et ce pour la première fois en Bosnie-Herzégovine. Le 14 juillet 2022, le district de Brčko en Bosnie-Herzégovine, une des trois unités administratives du pays, a initié ce changement, dans le cadre de la récente loi sur les victimes civiles de guerre, et a été le premier à leur accorder ce statut.  

« Nous saluons cette étape importante, qui se traduit par l’acte symbolique de la reconnaissance juridique et sociale des enfants né/e/s de viols en temps de guerre comme étant une catégorie spécifique de victimes civiles de la guerre », a déclaré Adrijana Hanušić Bećirović,  conseillère juridique de TRIAL International. TRIAL International a œuvré depuis longtemps pour la reconnaissance du statut des enfants né/e/s de viols en temps de guerre aux côtés de l’association Forgotten Children of War.

Pendant des années, le sujet des droits des enfants né/e/s de violences sexuelles en temps de conflit était évité et le sort de ces enfants ignoré en Bosnie-Herzégovine. L’indifférence et le tabou entourant cette question ont fait que ces enfants se sont sentis et se sentent encore oublié/e/s et négligé/e/s. De plus, il n’existe pas de données officielles sur le nombre exact de ces enfants. Aucun registre de naissances n’a été conservé. Cela souligne encore davantage le manque de soutien dont ils souffrent.

« Les enfants né/e/s de viols en temps de guerre ont toujours été une catégorie négligée au sein de notre société. C’est une étape importante dans le combat pour les droits humains, et ce à une échelle mondiale, » a déclaré Ajna Jusic, elle-même née d’un viol en temps de guerre et présidente de Forgotten Children of the War.

En Bosnie-Herzégovine, les enfants né/e/s de viols pendant la guerre sont confronté/e/s à de nombreux problèmes liés à leur identité, comme la stigmatisation, la marginalisation et l’isolement. Leurs mères ont souvent dû les élever dans des conditions socio-économiques particulièrement difficiles, seules et sans soutien. C’est pourquoi, la reconnaissance de leur statut n’est pas uniquement importante pour eux, mais également pour leurs mères.

« Nous sommes très heureux et fiers, et nous aimerions remercier nos mères. Nous les admirons pour leur force et leur courage. Nous les félicitons car c’est un moment très important dans leur vie. Elles se rendent compte que leurs enfants vont enfin avoir l’opportunité de profiter de leurs droits fondamentaux et faire enfin partie de la société. C’est ce que nous avons toujours souhaité », a ajouté Ajna Jusić.

Il s’agit d’un progrès historique, non seulement en Bosnie-Herzégovine, mais également en Europe, puisque pour la première fois, ces enfants sont reconnu/e/s comme appartenant à une catégorie spécifique de victimes civiles de guerre. Cette décision fait suite aux appels du Secrétaire général et de divers organes de l’Organisation des Nations unies en charge de la défense des droits humains pour que les législations nationales prennent en compte les besoins des enfants né/e/s de violences sexuelles en temps de conflit. La loi fait également écho aux récentes décisions de la Cour pénale internationale confirmant que les enfants né/e/s de viols et d’esclavage sexuel sont des victimes directes, et ayant droit à des réparations.

« Une étape importante dans la reconnaissance des enfants né/e/s de violences sexuelles en temps de guerre comme une catégorie distincte de victimes. Une attention particulière sera portée à ces enfants dans les enquêtes et les poursuites menées par mon bureau, » a commenté Karim Khan, le procureur principal de la Cour pénale internationale.

Néanmoins, la nouvelle loi adoptée par le district de Brčko n’est pas sans défauts. Bien que les enfants né/e/s de violences sexuelles en temps de conflit puissent à présent obtenir le statut de victimes civiles de guerre, la loi n’envisage pas de droits additionnels les concernant, notamment en ce qui concerne le soutien à l’éducation et aux bourses, ce qui était l’une de leurs principales demandes.

« Les enfants né/e/s de viols pendant la guerre n’ont jamais eu d’opportunités dans leurs vies. J’ai 29 ans et je n’ai jamais eu la chance d’obtenir une bourse » déclare Ajna Jusić.

Par ailleurs, la nouvelle loi prévoit que seul/e/s les enfants dont les mères ont été victimes de viol en temps de guerre et ont été précédemment reconnue par la procédure administrative comme victimes civiles de guerre, peuvent obtenir ce statut. Non seulement le nombre de survivantes de violences sexuelles en temps de conflit ayant reçu ce statut en Bosnie-Herzégovine est extrêmement bas, c’est à dire environ 1’000 survivantes sur les 20’000 victimes estimées de ces crimes, mais aussi beaucoup d’enfants ont été placé/e/s pour adoption et ne sont donc pas en contact avec leur mère biologique.

« Il s’agit d’une disposition indûment restrictive qui conduira également à l’exclusion d’enfants dont les mères n’étaient pas prêtes à demander la reconnaissance de leur statut ou qui ont quitté le pays et ne pouvaient donc pas se voir accorder ce statut », a expliqué Adrijana Hanušić Bećirović.

« Les deux autres unités administratives en Bosnie-Herzégovine, la Republika Srpska et la Fédération de Bosnie-Herzégovine, doivent maintenant également veiller à ce que les enfants né/e/s de la guerre se voient accorder un statut de victime civile de la guerre, tout en abordant en même temps les questions laissées en suspens par la loi du district de Brcko », ont conclu TRIAL International et Forgotten Children of the War.

 

 

Le gouvernement burundais reconnaîtra-t-il ses obligations ou continuera-t-il d’ignorer les violations des droits humains commises sur son territoire ?

Fin avril 2022, le Comité des Nations Unies contre la torture (CAT) a rendu une décision favorable à la plainte déposée par Michèle (prénom d’emprunt), en 2019. La victime a été accompagnée par TRIAL International dans ses démarches auprès des instances internationales pour faire reconnaître les violences qu’elle a subies, afin que les autorités burundaises ouvrent une enquête pour établir la vérité, que les auteurs/trices soient puni/e/s et qu’elle obtienne des réparations dignes du préjudice subi.

Face à l’indifférence et l’inaction des autorités burundaises, Michèle et TRIAL International ont porté l’affaire auprès du CAT en 2019, quatre ans après les faits. Trois ans plus tard, ce dernier a rendu une décision favorable à Michèle, en reconnaissant que le traitement dont elle a fait l’objet est bel et bien de la torture. Le CAT demande ainsi au Burundi de mener une enquête approfondie sur les faits dénoncés par Michèle dans le but de traduire en justice les responsables.

Michèle est heureuse et soulagée par la reconnaissance de ses souffrances par le CAT.

« Je suis très heureuse d’apprendre que la décision m’est très favorable. Qui ne serait pas content en apprenant une décision favorable d’une instance internationale ? Cette décision est importante car elle reconnaît les violations dont j’ai été victime et reconnaît également mon droit à l’indemnisation. Cette décision est un pas important vers la justice. Malheureusement, elle ne change pas pour autant mes conditions de vie, comme je suis au chômage à causes de mes souffrances physiques et psychologiques. La seule manière de donner tout son sens à la décision serait d’indemniser le préjudice que j’ai subi, comme le recommande le CAT, » confie-t-elle.

En effet, le Comité onusien demande également au Burundi d’indemniser Michèle « de façon adéquate et équitable, y compris avec les moyens nécessaires à une réadaptation la plus complète possible ».

Une répression aveugle dans un climat d’impunité

Le 11 décembre 2015, des individus armés non-identifiés ont attaqué quatre bases militaires. Le gouvernement burundais a répondu le lendemain par une répression violente et aveugle dans plusieurs quartiers de Bujumbura associés à l’opposition. Selon des estimations, environ 160 personnes ont été tuées et de nombreuses autres ont subi des violences, des arrestations arbitraires et des viols. Michèle était parmi les victimes de cette répression.

Membre d’un parti d’opposition au gouvernement, le Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD), Michèle a été arrêtée arbitrairement à son domicile, le 12 décembre 2015. Elle a été humiliée, battue et torturée, avant d’être condamnée et emprisonnée pendant trois ans à la prison centrale de Mpimba dans des conditions déplorables.

Durant toute la procédure judiciaire à son encontre et notamment lors de ses différentes auditions, Michèle a fait part des violences qu’elle a endurées aux juges et aux instances juridiques mais elle n’a jamais été entendue par les autorités burundaises. Aucune enquête n’a été ouverte sur les faits qu’elle alléguait et ses dénonciations ont été ignorées.  Ainsi, six ans et demi après les faits, les auteurs/trices des actes de torture dont elle a été victime sont toujours impuni/e/s.

Le recours aux instances internationales : unique moyen pour les victimes de torture de faire entendre leur voix

Libérée de prison en mars 2018, Michèle porte encore les stigmates des violences subies. Faire appel aux instances internationales est encore, malheureusement, l’unique moyen qu’ont les victimes de torture pour tenter de faire entendre leur voix au Burundi, dans l’espoir d’obtenir justice, vérité et réparation pour les crimes qu’elles ont subis.

TRIAL International accompagne les victimes au Burundi depuis 2011. À ce jour, l’organisation a porté 20 affaires auprès du CAT qui ont été suivies de 15 décisions favorables pour les victimes, tandis que pour 5 d’entre elles, les procédures sont encore en cours. Malheureusement, le gouvernement burundais n’a pas encore mis en œuvre ces décisions et fait la sourde oreille aux recommandations des instances internationales.

Malgré les promesses du président Ndayishimiye, un sentiment profond d’impunité règne encore dans le pays. « Il est temps que le Burundi prenne ses responsabilités, mette fin à l’impunité persistante pour les violations graves des droits humains et offre des réparations adéquates aux victimes, y compris à Michèle », indique Pamela Capizzi, Responsable du Pôle d’expertise juridique au sein de TRIAL International.

 

 

 

 

 

Des organisations des droits humains demandent à la France d’enquêter sur le Prince héritier saoudien en lien avec le meurtre de Jamal Khashoggi

Mohammed bin Salman accusé de torture et de la disparition forcée du journaliste

Jamal Kashoggi
Jamal Kashoggi in March 2018/CC BY 2.0
(Paris, 28 juillet 2022) Faisant suite à la plainte pénale déposée aujourd’hui, les autorités françaises devraient ouvrir une enquête contre le Prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman (MBS), actuellement en visite en France, pour la torture et le meurtre du journaliste saoudien exilé Jamal Khashoggi, ont déclaré aujourd’hui Democracy for the Arab World Now (DAWN), Open Society Justice Initiative (OSJI) et TRIAL International.

Bin Salman est en France pour rencontrer le Président Emmanuel Macron.

DAWN, une organisation crée par Khashoggi en juin 2018, trois mois avant sa disparition, a déposé, le 28 juillet, une plainte de 42 pages auprès du tribunal de Paris affirmant que bin Salman est un complice de la torture et la disparition forcée de Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre 2018. La France est compétente pour poursuivre ces crimes.

La plainte, également soutenue par Open Society Justice Initiative et co-déposée par TRIAL International, affirme que bin Salman ne bénéficie pas de l’immunité de poursuite car, en tant que Prince héritier, il n’est pas Chef d’État. Les organisations soutiennent que bin Salman a fait pression sur la Turquie pour qu’elle abandonne les poursuites contre des officiers saoudiens pour le meurtre de Khashoggi et affirment que le procès tenu en Arabie Saoudite contre des accusés anonymes était une mascarade. Ainsi, la France est l’une des seules voies possibles pour la justice.

« Les autorités françaises devraient immédiatement ouvrir une enquête criminelle contre Mohammed bin Salman et enquêter sur son rôle dans le meurtre effroyable de Jamal Khashoggi », a déclaré Sarah Leah Whiston, directrice exécutive de DAWN. « En tant que partie à la Convention contre la torture et à la Convention contre les disparitions forcées, la France doit enquêter sur un suspect comme bin Salman s’il se trouve sur le territoire français ».

Khashoggi, un éditorialiste du Washington Post, critiquait les atteintes à la liberté d’expression et la répression exercées par le Prince héritier dans le Royaume. Les organisations affirment que les officiers saoudiens, agissant sous les ordres de bin Salman, ont démembré le corps de Khashoggi avec une scie à os après l’avoir attiré dans leur consulat à Istanbul.

Le rapport des services du renseignement américain sur le meurtre, publié par l’administration Biden, a conclu que MBS a ordonné le meurtre. La rapporteuse des Nations Unies sur les exécutions sommaires de l’époque, Agnès Callamard, est arrivée à la même conclusion. Après sa rencontre en juillet avec bin Salman, le Président Biden a dit qu’il avait confronté le Prince héritier à propos du meurtre de Khashoggi et a laissé entendre qu’il aurait dit au Prince qu’il le tenait pour personnellement responsable de ce meurtre.

Bin Salman fait également l’objet d’une plainte civile portant sur ce meurtre, déposée aux États-Unis par DAWN et la fiancée de Khashoggi, Hatice Cengiz.

Le droit français reconnait la « compétence universelle » pour la torture et les disparitions forcées. Cela signifie que les autorités judiciaires ont le pouvoir – et en cas de torture et de disparition forcée, l’obligation – d’enquêter et de poursuivre ces crimes quel que soit le lieu où ils ont été commis et quelle que soit la nationalité des suspects ou des victimes, pour autant que le suspect se trouve sur le territoire français.

« La France a joué un rôle tellement important dans l’adoption de la Convention des Nations Unies pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, » a déclaré Philip Grant, directeur exécutif de TRIAL International. « Le temps est venu pour la France d’être à la hauteur des normes pour lesquelles elle s’est battue avec tant de conviction et de s’attaquer sérieusement à l’impunité pour de tels crimes. »

Les affaires de compétence universelle sont de plus en plus significatives dans le cadre des efforts internationaux visant à engager la responsabilité des auteurs d’atrocités, à rendre justice aux victimes souvent démunies dans leur quête de justice, à contribuer à dissuader la commission de futurs crimes et à empêcher que les pays deviennent des refuges pour les auteurs de violations des droits humains.

« Le meurtre délibéré de Jamal Khashoggi était la pierre angulaire de la vague de répression déclenchée par Mohammed bin Salman contre la société civile saoudienne qui comprend des détentions arbitraires, de la torture, des meurtres commandités par l’État et des disparitions forcées », a déclaré James A. Goldston, directeur exécutif de la Open Society Justice Initiative. « En rencontrant le Prince héritier sur le territoire français, pendant que des dissidents saoudiens restent injustement détenus, piégés dans le pays par des interdictions de voyager, et ciblés à l’étranger, le Président Macron risque de contribuer à la normalisation dangereuse d’un homme brutal ».

Faisant suite au meurtre de Khashoggi, la France et d’autres pays occidentaux ont imposé des sanctions et des interdictions de voyager pour les 18 personnes suspectées d’être impliquées dans le meurtre. L’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont coordonné l’émission d’interdictions de voyager qui s’appliquent dans l’ensemble des 26 pays de l’Espace Schengen. Le 20 octobre 2018, le Ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a condamné le meurtre de Khashoggi dans les termes les plus forts. Le Ministre a, en outre, déclaré que « le meurtre de M. Khashoggi est un crime d’une extrême gravité qui va, d’ailleurs, à l’encontre de la liberté de la presse et des droits les plus fondamentaux ». La maire de Paris, Anne Hidalgo, a également annulé, avec d’autres maires du monde entier, sa participation à la conférence U20 qui a eu lieu en Arabie Saoudite.

Toutefois, à la différence d’autres pays européens, la France n’a pas interdit la vente et la livraison d’armes à l’Arabie Saoudite. Le 26 octobre 2018, le Président Macron a déclaré : « Quel est le rapport entre les ventes d’armes et M. Khashoggi ? … il n’y en a aucun avec M. Khashoggi ». Le 25 mars 2019, l’Ambassadrice française en Allemagne, Anne-Marie Descotes a mis en garde le gouvernement allemand contre la « politisation » des ventes d’armes qui pourrait mettre en péril des projets communs pour les jets, les drones et les tanks. Pendant la période 2014-2018, la France était le troisième plus grand fournisseur d’armes à l’Arabie Saoudite, derrière les États-Unis et le Royaume-Uni. En 2019, moins d’un an après le meurtre, la France a transféré pour $1.7 milliard d’armes à l’Arabie Saoudite et a continué à lui en vendre chaque année pour des milliards. En juin 2022, des ONG ont déposé une plainte pénale contre des entreprises d’armement françaises pour ces ventes d’armes, mentionnant la complicité de la France dans les crimes de guerre commis au Yémen.

DAWN et TRIAL International sont représentées par l’avocat français Henri Thulliez.

Pour plus d’informations :

Sarah Leah Whitson (DAWN) à New York, swhitson@dawnmena.org ou +1-718-213-7342, Twitter: @sarahleah1 (Anglais, Arabe, Arménien)

James A. Goldston (OSJI) à New York, media@opensocietyfoundations.org ou +1-917-862-2937, Twitter : @OSFJustice, @JamesAGoldston

Henri Thuillez à Paris, henri.thulliez@gmail.com (Français, Anglais)

Reed Brody (DAWN) à Carcassonne +1 917-388-6745 (WhatsApp) ou +34 683 223 642 (téléphone) ou reedbrody@gmail.com (Anglais, Français, Espagnol, Portugais)

Philip Grant (TRIAL International) à Genève, media@trialinternational.org, Twitter : @Trial (Anglais, Français, Allemand)

 

Plus forts/fortes que le crime : « Nous ne sommes pas des victimes, nous sommes des survivants/tes ! »

À l’occasion de la Journée Internationale pour l’élimination des violences sexuelles en temps de conflit, qui a lieu aujourd’hui, le 19 juin, souvenons-nous et réfléchissons sur les 30 années écoulées depuis la guerre qui a ravagé la Bosnie-Herzégovine. Quels sont les progrès réalisés par la Bosnie-Herzégovine en matière d’accès à la justice et aux réparations par les survivant/es ? Que ressentent les survivants/es après tout ce temps ?

Cette année, le message est clair : malgré tous les obstacles, et les nombreux défis qu’ils/elles ont eu à affronter, ils/elles veulent continuer de se battre, et ce plus que jamais. Ils/elles sont plus fort/es que le crime.

En mai 1992 à Lozje, Kokino Selo, Midheta Kaloper a perdu à jamais une part d’elle-même : sa mère a été assassinée, son frère a été porté disparu, et sa jeunesse lui a été arrachée par la violence, la rage et la vague de violences apportée par la guerre à Foča. Retenue prisonnière et victime d’abus, elle refuse pour autant que les crimes et l’injustice auxquels elle a survécu marquent le reste de sa vie. Aujourd’hui devenue mère, elle est également devenue activiste pour aider les autres victimes de la guerre.

« Il faut beaucoup de courage pour parler librement de ces crimes. J’ai maintenant deux magnifiques filles et je ne voudrais pas qu’elles vivent ce que nous avons vécu entre 1992 et 1995. Nous sommes des survivant/es et, aujourd’hui, nous sommes fièrs/es et gardons la tête haute. Les survivant/es partagent leur histoire afin de s’assurer que ces évènements ne se reproduisent jamais, et pour encourager ceux/celles qui restent dans le silence. Beaucoup de survivant/es craignent le jugement de la société et la stigmatisation, car souvent nous constatons qu’ils/elles se sentent coupables de la violence qu’ils/elles ont pu subir », a déclaré Midheta Kaloper.

« Jusqu’à ce que je réalise que mon agresseur était celui qui devrait se sentir honteux, et non pas moi, je ne pouvais pas témoigner. J’avais honte, et il m’a fallu beaucoup de temps pour réaliser que je n’avais pas à ressentir cela. Nous ne voulons pas être désignés/ées comme des victimes, nous sommes des survivant/es. » Explique une survivante désirant préserver son anonymat.

Cette année, les survivants/es de violences sexuelles en temps de conflit vont se rendre au Partizan Sports Hall à Foča, l’un des lieux ou ce crime a été commis de manière massive, afin de partager leur histoire.

« Tout changement, que ce soit au niveau des pratiques législatives ou des pratiques judiciaires, ou encore le changement de comportement de chacun à l’égard des survivant/es, ne peut se produire que si nous y contribuons chacun/ en tant qu’individu. Il dépend de notre volonté d’accepter que nous portons la responsabilité tous et toutes de contribuer à l’allègement du poids qu’ont stoïquement porté ces courageux/ses hommes et femmes pendant ces dernières décennies. C’est pour cela qu’il est important de les soutenir, non seulement aujourd’hui, lors de cette journée importante, mais également tout au long de leur combat quotidien pour la justice. » a déclaré Selma Korjenić, responsable du programme de TRIAL International en Bosnie-Herzégovine, aujourd’hui à Foča.

Environ 20000 femmes et hommes ont été violés ou sexuellement agressés/ées pendant la guerre de 1992 à 1995 en Bosnie-Herzégovine, et seulement 1000 survivant/es ont obtenu ou sont en train d’obtenir des réparations. Notre récente étude sur les réparations pour les cas de violences sexuelles en temps de conflit en Bosnie-Herzégovine, « We raise our voices », démontre que cette différence peut être attribuée aux nombreux obstacles qui découragent ou même empêchent les survivant/es d’accéder à leur droit à des réparations.

« 30 ans sont passés depuis le début de la guerre. La Bosnie-Herzégovine n’a pas fait grand-chose pour nous, nous nous sentons oubliés », a déclaré une survivante.

Pillage de bois de rose entre le Sénégal et la Gambie : la dénonciation pénale de TRIAL International mène à l’ ouverture d’une enquête pénale en Suisse

En juin 2019, TRIAL International avait saisi le Ministère Public de la Confédération (MPC) d’une dénonciation pénale à l’encontre de Nicolae Bogdan Buzaianu, un homme d’affaires suisse, alors proche de l’ancien président gambien Yahya Jammeh. L’organisation le soupçonnait de pillage, un crime de guerre selon le droit suisse.

Bois de rose

Selon l’épais dossier adressé au MPC, l’entreprise Westwood, vraisemblablement détenue par cet homme d’affaires suisse et l’ancien président Yahya Jammeh était impliquée dans l’exploitation illégale et l’exportation du précieux bois de rose en Casamance de 2014 à 2017, étant précisé qu’il s’agit d’une espèce protégée. Durant plusieurs décennies, de larges portions de cette région étaient en proie à un conflit et sous le contrôle de groupes armés séparatistes, notamment le Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Or, l’exploitation illégale de ressources naturelles dans des zones en conflit peut être considérée comme un acte de pillage, ce qui constitue un crime de guerre selon le droit international et le droit suisse.

Selon les informations en possession de TRIAL International, le MPC a formellement ouvert une enquête pénale concernant l’exploitation et l’exportation illégale de bois de rose alléguées entre le Sénégal et la Casamance. L’ouverture de cette procédure fait suite à la dénonciation pénale susmentionnée, déposée auprès du MPC par TRIAL international en juin 2019. Il convient cependant de préciser que TRIAL International ne détient à ce jour aucune information officielle concernant la/les infractions, ainsi que la/les personne(s) – physiques ou morales – visées par cette enquête.

Cette instruction pénale est la troisième ouverte par le MPC à la suite à des investigations menées et des dossiers déposés par TRIAL International contre des acteurs économiques suspectés de pillage. Les deux autres affaires pénales concernent le commerce illégal de minéraux dans l’est de la République démocratique du Congo d’une part, et le pillage de gasoil libyen de l’autre. Pour TRIAL International, ces affaires ont n’ont pas seulement le potentiel de mener à des décisions de justice qui clarifieraient les obligations au regard du droit international humanitaire des acteurs économiques œuvrant dans des zones de conflit ou des territoires occupés. Elles permettraient également de mettre fin à l’impunité quasi généralisée des acteurs économiques qui saccagent l’environnement et participent illicitement à l’exploitation de ressources naturelles, en alimentant ainsi les causes des conflits.

Pour voir ou revoir le reportage « Trafic de bois, les criminels de l’environnement » diffusé dans Temps présent, le 16 juin sur la RTS :

TRIAL: 20 ans sur la voie de la justice

Le 6 juin 2002, une vingtaine de militants des droits humains, avocats et avocates genevois et victimes de torture se sont rassemblé/e/s dans un local de la Maison des associations à Genève pour lancer TRIAL (Track Impunity Always), qui en 2016 prendra le nom de TRIAL International.

Je fus élu premier président de cette nouvelle association, dont le but initial était de tenter de reproduire la fameuse affaire Pinochet, qui en 1998, avait vu l’ancien président chilien arrêté à Londres en raison des violations massives des droits humains commises sous son règne, à la demande d’un magistrat espagnol. L’idée initiale était de lancer une association qui, en utilisant le droit, s’appuierait sur ce précédent pour déposer des plaintes pénales contre des bourreaux de passage ou vivant en Suisse.

Autant préciser d’emblée qu’il n’était certainement venu à l’esprit d’aucune des personnes présentes ce soir-là d’imaginer que 20 ans plus tard, l’association ainsi fondée non seulement existerait encore, mais deviendrait sinon la principale, du moins l’une des ONG actives dans la lutte contre l’impunité la plus efficace et respectée.

Durant ses cinq premières années d’existence, sans réel budget, sans personnel fixe, TRIAL a tout de même tenté bien des choses. L’association a notamment dans les premiers temps mené des campagnes d’information concernant les développements récents en matière de justice internationale. Tout cela était relativement neuf, mais dans l’air du temps, puisque la Cour pénale internationale (CPI) ouvrira ses portes quelques semaines après la création de TRIAL (nous autorisant donc à nous vanter que nous sommes là depuis plus longtemps qu’elle). Parmi les premières activités, de l’organisation figurer la mise en place d’un site internet passablement précurseur à l’époque (il proposait des infos en pas moins de… 7 langues, dont une base de données, Trial Watch, qui allait présenter plus de 1200 procédures pour crimes internationaux), l’organisation de plusieurs colloques, la préparation de nombreux happenings publics, ou encore la publication d’un premier manuel juridique sur la manière d’utiliser le droit suisse pour lutter contre l’impunité.

 

Au cours des premières années, nous avons également lancé la Coalition suisse pour la CPI, dont TRIAL a animé le secrétariat pendant de longues années et poussé à la réforme du droit suisse pour rendre la poursuite des auteurs de crimes internationaux un peu moins compliquée.

C’est ce militantisme des premiers temps qui nous a valu une certaine reconnaissance, notamment le prix des droits humains du journal genevois Le Courrier, et plus tard la prestigieuse médaille « Genève reconnaissante ».

Mais évidemment, c’est le travail juridique qui nous importait le plus, et la volonté de nous mettre au service des victimes des crimes les plus graves. Malheureusement, durant les premières années, malgré le fait que nous avons pu retrouver la trace de nombreux suspects en Suisse, originaires de Tunisie, d’Algérie, de Somalie ou encore d’Afghanistan, les autorités de poursuites ne paraissaient que peu motivées pour sérieusement ouvrir des procédures, ce qui nous a poussés en certaines occasions à devoir aller jusqu’à manifester publiquement devant l’hôtel ou un tortionnaire notoire séjournait.

 

Le tournant de 2007

À partir de 2007, l’organisation a commencé à décrocher quelques petits financements, nous autorisant enfin à engager du personnel. J’ai moi-même réduit mes activités au sein de mon Étude cette année-là, pour commencer à travailler pour TRIAL à mi-temps, avant de m’investir pleinement dans la direction de l’organisation dès 2009, et de mettre un terme à ma pratique d’avocat.

2007 a constitué une année charnière, puisque nous inaugurions cette année-là notre première antenne locale, à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Les contacts pris avec nombre d’associations de victimes nous ont convaincus qu’il y avait un manque d’expertise énorme et un besoin de justice qui demeure aujourd’hui encore fort vivace. En travaillant avec des associations de victimes de tous bords, nous avons d’abord oeuvré autour de la thématique des personnes disparues, avant d’investir énormément d’énergie dans le combat contre les violences sexuelles en conflit, parvenant à obtenir de nombreux et durables résultats, en coopérant avec les autorités de poursuites, en parvenant à faire voter des changements législatifs, mais aussi en accompagnant les victimes durant les procédures pénales, décrochant au passage des jurisprudences extrêmement novatrices, qui ont depuis ouvert la voie à toute une série de procès.

Après la Bosnie, c’est au Népal, au Burundi et en République démocratique du Congo que nous avons ultérieurement ouvert des bureaux ou des programmes pays, en ne recourant d’ailleurs sur le terrain qu’à des professionnels des pays concernés, afin de pouvoir le moment venu laisser sur place une expertise suffisante qui pourra reprendre le relai lorsque notre mission s’achèvera.

 

 

Dès lors, les activités et le mode de fonctionnement de TRIAL vont très largement changer, le combat pour la justice se rapprochant des communautés affectées. Un très gros effort va être notamment fourni pour soutenir et accompagner de multiples acteurs locaux, avocat/e/s, militant/e/s des droits humains, ou encore magistrat/e/s. En parallèle, nous développerons un gros travail de plaidoyer juridique, notamment auprès des Nations Unies et commencerons à saisir de multiples instances nationales et internationales, comme la Cour européenne des droits de l’homme, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et plusieurs comités onusiens.

En Suisse, nos efforts vont également s’orienter vers le plaidoyer en vue de la modification du Code pénal, au moment où les autorités se réveillaient enfin pour mettre le droit suisse en conformité avec le Statut de la CPI, et se débarrasser des verrous législatifs qui rendaient les poursuites compliquées, presque impossibles.  Travail qui a porté ses fruits, même si les promesses des autorités de mettre en place une unité spécialisée pour poursuivre les crimes internationaux n’ont pendant de longues années pas débouché sur les enquêtes attendues et les procès espérés. 

D’autre part, TRIAL va dès 2011 professionnaliser la manière de réaliser ses enquêtes: celles-ci nous emmèneront rapidement au Guatemala, au Rwanda, en Colombie et ailleurs, aboutissant en Suisse au dépôt de nombreuses plaintes pénales. Sur le terrain aussi, en particulier en RDC et en Bosnie, les procédures vont peu à peu s’accélérer et se succéder à un rythme croissant, entrainant des résultats de plus en plus importants. L’organisation va ainsi prendre part à des dizaines de procédures, en Suisse et à l’étranger, qui concerneront souvent de hauts responsables civils ou militaires, notamment plusieurs ministres, un ancien chef de la police, des commandants de groupes armés, et de hauts gradés de l’armée.Les nombreuses victoires juridiques vont déboucher sur une reconnaissance accrue de la crédibilité de l’organisation, en particulier son travail de précurseur dans le recours au principe de la compétence universelle; son action sans relâche contre les violences sexuelles en conflit; l’obtention de multiples jurisprudences novatrices, devant diverses instances nationales ou internationales; ou encore son travail croissant sur la question de la responsabilité des acteurs économiques.
Tout cela a amené TRIAL à être sollicitée pour des interventions de plus en plus fréquentes dans les médias, a abouti à la réalisation d’un documentaire (Chasseurs de crimes) et même, à se voir offrir la possibilité d’intervenir en 2019 devant rien moins que le Conseil de sécurité des Nations unies.

L’impact de 20 années consacrées à la lutte contre l’impunité est difficile à résumer. en une formule ou un exemple. Quelques chiffres permettront peut-être, quoi qu’imparfaitement, d’illustrer le chemin parcouru depuis 20 ans et de résumer, ou plutôt de condenser, l’activité de TRIAL International :
En 20 ans, TRIAL International a notamment :
– représenté plus de 6 600 victimes devant les juridictions nationales et internationales, dont plus de 1 200 victimes de violences sexuelles;
– formé ou encadré plus de 2 400 avocats et militants des droits de l’homme et magistrats;

– participé à près de 50 procès pénaux qui ont abouti à des verdicts de culpabilité contre 86 auteurs, souvent des militaires de haut rang, des chefs de groupes rebelles, et des officiers de police hauts gradés;
– obtenus que des centaines de milliers – possiblement des millions – de dollars, de dollars de réparations soient accordés aux victimes que nous avons défendues;
– obtenu près de 110 décisions positives dans des cas soumis à divers organes onusiens comme le Comité contre la torture, le Comité des droits de l’homme, ou encore le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes, à propos de cas de crimes internationaux commis en Bosnie, RDC, Tunisie, Burundi, Népal, Libye, Mexique, Maroc et Russie.

Tous ces résultats, et tant d’autres, sont à mettre au compte d’un énorme travail d’équipe.

TRIAL a en particulier pu compter sur des dizaines de membres du Comité, engagé/e/s pour certain/e/s durant 10 ou 12 ans (avec en photo ici plusieurs des membres en fonction en 2018).

Surtout, le travail de l’organisation a reposé sur l’engagement personnel et le professionnalisme de plus de 200 collègues et de dizaines de stagiaires et bénévoles.

Last but not least, au cours de ces 20 années, l’organisation a pu compter sur la confiance et le soutien de centaines de membres, de donateurs et de bailleurs.

À toutes et tous, un énorme merci.

Et une promesse: la lutte pour la justice continue!

Philip Grant, Genève, 6 juin 2022

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les membres de TRIAL International sont invités à participer à son Assemblée générale, contribuant ainsi à façonner le futur de l’organisation.

L’Assemblée générale 2022 se tiendra le jeudi 2 juin de 18h30 à 20h30, dans les locaux de TRIAL International, à Genève.

TRIAL International

Rue de Lyon 95

1203 Genève

 

Ordre du jour de l’Assemblée générale 2022

1. Approbation de l’ordre du jour et du procès-verbal de l’Assemblée générale 2021

2. Présentation par Elsa Taquet, conseillère juridique, de l’engagement de TRIAL International en Ukraine

3. Présentation par Philip Grant, directeur exécutif, du rapport d’activités 2021, du plan d’action 2022 et des événements prévus autour du 20ème anniversaire de TRIAL

4. Élection du Comité

5. Approbation des comptes et bilan 2021, présentation du budget 2022, détermination du montant de la cotisation et nomination de l’organe de révision des comptes 2022

6. Divers et fin de l’Assemblée générale

Documents cadres

 

Pas encore membre ? L’adhésion est ouverte à tous

Les Nations Unies reconnaissent la responsabilité du Népal dans la torture et l’exécution sommaire d’un mineur en 2004

Le gouvernement népalais prendra-t-il ses responsabilités par rapport à la mort d’Anil, 15 ans, et implémentera-t-il la décision onusienne ? Rien n’est moins sûr.

Genève/Katmandou, le 24 mai 2022 – 18 ans après les faits, la famille d’Anil Chaudhary, assassiné en 2004, à l’âge de 15 ans, peut enfin amorcer sa reconstruction et regarder plus sereinement vers l’avenir. Le Comité des Droits de l’Homme (CDH) a rendu sa décision le 20 mai dernier, après la plainte déposée par TRIAL International et son partenaire népalais, le Human Rights and Justice Centre, représentant les parents du jeune garçon. Le Népal a été reconnu responsable de l’arrestation arbitraire, des tortures et de l’exécution extrajudiciaire d’Anil, qui était visé parce qu’il appartenait à la communauté indigène Tharu. Le CDH a demandé fermement au gouvernement népalais d’enquêter sur les circonstances de la mort d’Anil, d’identifier, de juger et de punir les auteurs, de présenter des excuses officielles aux parents d’Anil et de construire un mémorial au nom d’Anil afin de restaurer sa dignité et sa réputation ainsi que celles de sa famille. Le Népal devrait également « reconnaître publiquement la responsabilité de l’État, modifier la législation nationale, notamment en ce qui concerne les délais de prescription applicables à la torture, offrir un soutien psychologique et médical à la famille et, enfin, réparer les dommages subis », a déclaré l’organe des Nations unies.

Pourtant, cette décision ne signifie pas que le Népal mettra effectivement en œuvre les recommandations du CDH, puisque, jusqu’à présent, des décisions similaires sont restées largement sans effet. L’impunité règne toujours dans le pays et les victimes peinent à obtenir vérité, justice et réparations.

Anil with his family

Une route particulièrement longue vers la justice

Anil Chaudhary, issu de la minorité ethnique des Tharus, était âgé de quinze ans lorsqu’il a été tué, en 2004, par un groupe d’agents de sécurité népalais alors qu’il faisait du vélo avec son voisin, non loin de chez lui, dans le village de Fattepur. Les deux jeunes garçons ont été faussement accusés d’appartenir à la guérilla maoïste, ont été interrogés, battus et torturés avant d’être froidement exécutés. Dès lors, les parents d’Anil ont tenté d’obtenir justice en déposant des plaintes auprès de différentes autorités népalaises, sans succès.

Avec l’aide de TRIAL International et du Human Rights and Justice Centre, basé à Katmandou, les parents d’Anil se sont adressés au CDH le 28 mars 2018. Il a été allégué que le jeune garçon était la victime d’arrestation arbitraire, de tortures et d’exécution extrajudiciaire commises par des agents de sécurité népalais. Ces actes auraient été commis pour un motif discriminatoire fondé sur son appartenance ethnique et ont été aggravés par le fait qu’il était mineur. TRIAL International et son partenaire ont ainsi demandé au CDH d’établir que le Népal a violé les droits d’Anil Chaudhary et de lui ordonner, entre autres, d’enquêter sur sa mort, de tenir les auteurs pour responsables de leurs actes, et d’accorder aux parents d’Anil une compensation pécuniaire adéquate, à la hauteur du préjudice subi.

Une décision très attendue et synonyme de reconnaissance internationale, mais dont l’application par le Népal reste incertaine

La décision prononcée par le CDH répond à la quête de justice des parents d’Anil qui a duré 18 ans. Nira Tharuni, la mère d’Anil confie : » Je suis heureuse que les Nations Unies aient pris une décision sur le cas d’Anil. Il est impératif que le gouvernement mette en œuvre cette décision et punisse les coupables. Les souffrances qu’a enduré Anil me perturbent et les coupables me reviennent à l’esprit encore aujourd’hui. Je ne les oublierai jamais, je ne peux pas les oublier. Je veux les voir punis. »

Cependant, le risque subsiste que le gouvernement népalais fasse, une fois encore, la sourde oreille aux recommandations ainsi qu’à la décision du CDH, et que la famille d’Anil n’obtienne jamais ni justice ni réparations.

Salina Kafle, directrice du Human Rights and Justice Centre, explique : « La décision du Comité met en lumière non seulement que la torture et les exécutions extrajudiciaires de mineurs autochtones étaient endémiques pendant le conflit au Népal, mais dénonce également l’insuffisance et l’inefficacité des mécanismes juridiques nationaux pour faire face à ces exécutions. Entre autres, la décision appelle également l’État à prévenir la survenue de violations similaires à l’avenir, notamment en modifiant la législation nationale et les délais de prescription conformément aux normes internationales. Si les recommandations du CDH sont bien prises en compte par le Népal, les victimes se sentiront plus proches de la justice. »

Si toutes les mesures indiquées par le CDH doivent être mises en œuvre, il est clair que l’application de certaines d’entre elles prendra du temps. Cependant, certaines mesures peuvent et doivent être mises en œuvre sans délai. Il est par exemple crucial que le Népal identifie rapidement une autorité chargée du processus de mise en œuvre de la décision du Comité et maintienne le contact avec les parents d’Anil et leurs représentants afin d’établir un calendrier acceptable.

Contexte particulier de l’affaire

Au Népal, la route est encore longue pour que justice soit rendue aux victimes de la guerre civile qui a meurtri le pays de 1996 à 2006. Le conflit a laissé derrière lui environ 13’000 mort/e/s et de nombreuses victimes et/ou survivant/e/s d’autres crimes, tels que la torture, les disparitions forcées, les violences sexuelles, commises aussi bien par les forces gouvernementales que par la guérilla maoïste.

L’affaire d’Anil Chaudhary s’inscrit dans ce contexte. Pendant la guerre, les arrestations arbitraires, les tortures et les exécutions sommaires ont été pratiquées de façon systématique. Les faits relatifs à l’affaire se sont déroulés dans le district de Bardiya, particulièrement touché par le conflit. Les Tharu, y compris les femmes et les enfants, étaient souvent associés à la guérilla maoïste et pris pour cible par les forces de sécurité.

Un sentiment d’impunité qui étouffe tout espoir de justice dans un pays meurtri

La création en 2015 d’une Commission d’enquête sur les disparitions forcées de personnes (CIEDP) et d’une Commission Vérité et Réconciliation (TRC) représentait un espoir pour les victimes népalaises d’être entendues et qu’un véritable processus de justice transitionnelle voit le jour au Népal. Malheureusement, sept ans après, le bilan est déplorable et aucun résultat tangible n’a été atteint. En outre, le processus de justice transitionnelle dans son ensemble, y compris la législation sous-jacente, est en contradiction avec les normes internationales, comme l’a également affirmé la Cour suprême népalaise dans une décision rendue en 2015. Cette décision n’a pas non plus été mise en œuvre.

Contact médias

TRIAL International, Genève, Suisse

Olivia Gerig, responsable de communication et des relations avec les médias

o.gerig@trialinternational.com

+41 22 519 03 96

Human Rights and Justice Centre, Népal

Salina Kafle

Directrice (Katmandou)

s.kafle@hrjc.org.np

+977 984 175 25 27

Genève, le 23 mai 2022 – Dans le cadre de la journée européenne de lutte contre l’impunité des crimes internationaux, TRIAL International, en collaboration avec la Open Society Justice Initiative (OSJI), Center for Justice and Accountability (CJA), Civitas Maxima, REDRESS et l’Université libre de Bruxelles, publie trois rapports relatifs à la compétence universelle telle qu’appliquée en Belgique, aux États-Unis, en Angleterre et au Pays de Galles. Ces nouveaux rapports font partie de la série « Universal Jurisdiction Law and Practice » et s’ajoutent aux huit parutions précédentes traitant de l’Allemagne, de l’Australie, du Canada, de la Norvège, des Pays-Bas, de la Suède et de la Suisse. Ces documents fournissent aux praticien/ne/s du droit et aux organisations non gouvernementales une analyse approfondie des lois et des pratiques nationales en matière d’enquêtes et de poursuites de crimes relevant de la compétence universelle. Ils leur permettent de mieux appréhender et mettre en œuvre concrètement ce principe qui aujourd’hui est une arme particulièrement puissante et efficace pour lutter contre l’impunité.

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La compétence universelle : une arme puissante contre l’impunité

Un verdict historique en Allemagne contre un haut-gradé syrien en janvier 2022, des procès en cours dans au moins 16 juridictions en 2021, des enquêtes lancées par 13 pays sur les crimes commis en Ukraine depuis le début du conflit : ces résultats et tant d’autres sont rendus possible grâce à l’application du principe de la compétence universelle. La compétence universelle permet de poursuivre les auteurs présumés de crimes internationaux tels que génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité quel que soit le lieu où ils ont été commis, et quelle que soit la nationalité des victimes et des auteurs. Chaque pays délimite l’exercice de cette compétence.

« La compétence universelle est un outil important et de plus en plus utilisé pour lutter contre l’impunité des crimes internationaux. Les lois et pratiques varient de pays en pays, ce qui complexifie la compréhension et l’utilisation de ce principe. Les rapports produits par TRIAL International, en collaboration avec OSJI, ont le but d’orienter les avocat/e/s et les practicien/ne/s dans les différents systèmes juridiques analysés », selon Giulia Soldan, responsable du programme Procédures et Enquêtes Internationales de TRIAL International.

Des outils essentiels pour renforcer la connaissance et la pratique de la compétence universelle

Nés en 2019 d’une collaboration entre TRIAL International et OSJI, les rapports « Universal Jurisdiction Law and Practice » sont devenus des documents de référence pour les praticien/ne/s de la lutte contre l’impunité à travers la compétence universelle. Ces rapports ont pour objectif de soutenir les avocats et les ONGs représentant les victimes de crimes internationaux à demander justice dans un pays dont ils ne connaissent ni la loi ni les pratiques.

Les trois nouvelles publications analysent les systèmes et pratiques juridiques de l’Angleterre et du Pays de Galle, des États-Unis et de la Belgique. Réalisés grâce à des entretiens avec des expert/e/s juridiques, des procureur/e/s, des avocat/e/s ou encore des universitaires spécialisés, ces rapports permettent de contribuer au développement de stratégies juridiques adaptées et efficaces.

Le rapport consacré aux Etats-Unis a été élaboré grâce à une collaboration avec le Center for Justice and Accountability (CJA) ainsi que la participation de Civitas Maxima, le document concernant l’Angleterre et le Pays de Galles a été réalisé avec la collaboration de REDRESS et enfin, celui concernant la Belgique, avec la Clinique juridique de l’université libre de Bruxelles.

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