Affaire des enfants violés de Kavumu : un procès, enfin

02.11.2017 ( Modifié le : 09.11.2017 )

Mise à jour : Dû à des imprévus, le procès s’ouvrira le 9 novembre 2017. 

 

Bukavu, Genève, New-York, le 2 novembre 2017 – Dans le village de Kavumu (Sud-Kivu, RDC), les familles ont vécu l’indicible : des fillettes enlevées dans la nuit, et violées. Près de cinq ans après les premières attaques et suite à une mobilisation internationale, un procès s’ouvrira le 6 novembre 2017. Sur le banc des accusés, 18 suspects, dont un politicien local. Un tournant pour la lutte contre l’impunité en RDC, dans laquelle la société civile a joué un rôle déterminant.

 

Le 6 novembre prochain, des observateurs internationaux auront les yeux braqués sur le village de Kavumu. Il sera en effet le siège d’un des procès les plus attendus de l’année : celui de miliciens qui ont, pendant des années, violé en toute impunité des fillettes du village.

En quelques années, Kavumu est devenu un symbole. Celui de crimes sexuels à grand échelle qui ravagent l’est de la RDC… et de l’impunité dont ils s’accompagnent encore trop souvent. Le procès qui s’ouvre est l’un des rares de ce genre et pourrait constituer un précédent crucial.

« L’importance du procès Kavumu va bien au-delà des victimes et leurs familles » explique un expert de l’ONG TRIAL International. « Il ébranle toute l’omerta et l’inertie judiciaire qui entourent les violences sexuelles dans le Sud-Kivu. Que les autorités saisissent enfin ce dossier à bras-le-corps est un formidable pas en avant pour la justice congolaise. »

 

Des bébés parmi les victimes

L’importance de l’affaire tient également au très jeune âge des 46 victimes – parfois âgées d’à peine 1 an. A la répétition des attaques aussi, perpétrées selon un mode opératoire bien rôdé.

« Les ravisseurs s’introduisaient dans nos maisons de nuit pour enlever nos filles », raconte une mère de famille sous couvert d’anonymat. « Ils les violaient par pure superstition, et beaucoup sont mortes ou souffriront de lésions toute leur vie. »

Poussé par une communauté internationale horrifiée, le Procureur militaire de Kavumu s’est saisi de l’affaire en 2016. Au fil de l’enquête, 18 suspects ont été inculpés de crimes contre l’humanité, tant les viols étaient nombreux et systématiques.

 

Les ONG en première ligne

Si ce procès voit aujourd’hui le jour, c’est grâce à la mobilisation de la société civile congolaise et internationale. Ensembles, elles ont combiné leurs expertises pour attirer l’attention des autorités nationales et présenter un dossier solide.

 « Nous espérons que nos efforts conjoints permettront aux survivants et à leurs familles d’accéder à la justice et de finalement vivre en paix après tant de douleur », note l’ONG Physicians for Human Rights, qui a soutenu les efforts d’enquête autour de Kavumu depuis le début des crimes. « Nous espérons que ce processus permettra de juger les responsables pour leurs crimes. Et nous espérons que cette collaboration entre les milieux médicaux et judiciaires, ainsi que les ONG internationales et nationales, engendrera un système de réponse efficace qui empêchera d’autres cas de violences sexuelles. »

Il a également fallu composer avec la vulnérabilité des victimes, toutes mineures au moment des faits.

« Les fillettes revivent leur agression à chaque fois qu’elles racontent leur histoire. Les audiences sont éprouvantes et nécessitent un accompagnement psychologique profond » explique l’hôpital de Panzi, spécialisé dans l’accueil des victimes de crimes sexuels. 

Juridiquement, la complexité consistait à prouver le caractère collectif des attaques. Pour constituer un crime contre l’humanité, celles-ci doivent émaner d’une organisation systématique, difficile à faire mettre en évidence dans un climat aussi instable qu’en RDC.

« Nous attendons ce procès depuis des années, de même que les familles des fillettes » expliquent les ONG qui ont travaillé sur l’affaire. « Nous espérons maintenant que le procès se déroulera dans de bonnes conditions et que la justice congolaise punira ces crimes avec la fermeté qu’ils méritent. »

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