BiH : Face à l’inaction des autorités locales, TRIAL saisit la CEDH

30.04.2010 ( Modifié le : 17.07.2017 )

Genève / Sarajevo, le 30 avril 2010


TRIAL (Track Impunity Always – association suisse contre l’impunité) a déposé fin avril trois requêtes devant la Cour européenne des droits de l’homme contre la Bosnie-Herzégovine concernant le massacre des familles Bačić et Horozović, et la disparition forcée de M. Refik Bačić, perpétrés en 1992 par les forces serbes.

En juillet 1992, alors que des opérations de nettoyage ethnique avaient lieu dans toute la région de Prijedor, des membres de l’armée serbe ont attaqué deux maisons où avaient été regroupées les familles Bačić et Horozović. Quand bien même seuls des femmes et des enfants non armés s’y trouvaient, les soldats ont ouvert le feu et tué 29 personnes, dont 21 membres des familles Bačić et Horozović (10 femmes et 11 enfants). Les corps ont ensuite été emportés vers une destination inconnue. Seules trois personnes ont survécu au massacre, dont Zijad Bačić et Hidajet Horozović, enfants à l’époque des faits et aujourd’hui deux des trois requérants devant la Cour. Le troisième requérant, Fikret Bačić, qui se trouvait à l’étranger au moment des faits, a à lui seul perdu 12 de ses proches lors du massacre.

Quelques jours auparavant, une dizaine d’hommes, dont Refik Bačić, le frère de Fikret Bačić, avaient été arrêtés prétendument pour être interrogés. C’est la dernière fois que Refik Bačić a été vu. Il est porté disparu depuis.

Presque 18 ans après les faits, aucune enquête officielle, prompte, impartiale, minutieuse et indépendante n’a été menée par les autorités d’une part pour retrouver M. Refik Bačić ou le corps de celui-ci, et d’autre part pour localiser, exhumer, identifier et restituer aux familles les dépouilles des victimes du massacre. A ce jour, aucun responsable n’a encore été poursuivi, jugé ou sanctionné pour ces crimes, même si plusieurs auteurs présumés auraient été identifiés par des témoins. Pourtant, les trois requérants ont régulièrement dénoncé ces événements devant les autorités compétentes, mais également devant les organisations internationales présentes en Bosnie-Herzégovine et les entités chargées de traiter des affaires de personnes disparues.

Le 16 juillet 2007, la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine a notamment ordonné aux institutions locales concernées de divulguer toutes les informations disponibles sur le sort et la localisation de Refik Bačić et des victimes du massacre. Or jusqu’ici, les autorités bosniaques n’ont pas exécuté ce jugement et n’ont fourni aucun élément d’information pertinent aux requérants.

Pour Philip Grant, président de l’association TRIAL, «l’impunité en Bosnie-Herzégovine reste malheureusement endémique. Les victimes n’en peuvent plus: les corps de leurs proches n’ont toujours pas été trouvés alors que les auteurs des crimes, dont certains vivent non loin de là, ne sont pas inquiétés». D’après Lejla Mamut, coordinatrice de TRIAL à Sarajevo, «les autorités locales ne font pas leur travail. Il est important dans ces conditions que les victimes puissent saisir une instance indépendante en dehors du pays pour forcer les autorités à respecter leurs droits».

Fin avril 2010, TRIAL a donc saisi la Cour européenne de trois requêtes, lui demandant notamment de condamner la Bosnie-Herzégovine pour violation des articles 2 (droit à la vie) et 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradant) de la Convention européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas procéder pas aux enquêtes et aux poursuites nécessaires. Ils allèguent être eux-mêmes victimes d’une violation des articles 3 et 8 (droit au respect de la vie familiale) en raison de l’attitude des autorités face à leurs souffrances et de l’impossibilité de faire leur deuil et d’enterrer leurs proches conformément à leur croyance.

Contexte

Selon les sources, entre 100’000 et 200’000 personnes ont trouvé la mort entre 1992 et 1995 durant le conflit en Bosnie-Herzégovine, et entre 25’000 et 30’000 personnes ont été victimes de disparition forcée. Près de 10’000 personnes n’ont à ce jour toujours pas été retrouvées.

Depuis sa création, TRIAL a saisi la Cour européenne des droits de l’homme de douze affaires concernant la Bosnie-Herzégovine. Six autres dossiers font l’objet d’une procédure devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. La condamnation de la Bosnie-Herzégovine pour de telles violations serait une première, d’où l’importance particulière que revêtent ces affaires.

L’organisation est également active sur des affaires de disparitions forcées ou de torture en Algérie, en Libye et au Népal et défend plus d’une vingtaine de familles devant différentes instances internationales.

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