Burundi : la CADHP demande la mise en place de mécanismes pour lutter contre l’impunité des exécutions extrajudiciaires

07.03.2023 ( Modifié le : 09.03.2023 )

A l’occasion du 12èmeanniversaire de la première tentative d’assassinat de Feu Audace Vianney Habonarugira, tué lors d’une deuxième tentative quatre mois plus tard, les ONG plaignantes dans le dossier rendent publique la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) reconnaissant que la mort de M. Habonarugira est le résultat d’une action d’agents de l’État burundais couplée à l’inaction de ce dernier.


©TRIAL International / Landry Nshimiye Bujumbura_Radio Publique Africaine

7 mars 2023 – L’ACAT-Burundi, l’APRODH, le FOCODE, le FORSC et TRIAL International saluent la décision de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission africaine) dans le dossier concernant Feu Audace Vianney Habonarugira.

Ancien colonel démobilisé des Forces nationales de libération (FNL), Habonarugira avait été menacé à maintes reprises avant de faire l’objet d’une tentative d’assassinat perpétrée par des agents de l’État burundais le 7 mars 2011. Tombé dans le coma, il n’est sorti de l’hôpital qu’en fin juin 2011 et a commencé à vivre en clandestinité, toujours recherché. Mais cela ne lui a pas sauvé la vie. Piégé par un imposteur lui ayant donné rendez-vous le 14 juillet 2011, il sera retrouvé mort le lendemain. Son corps présentait des blessures par balles.

L’enquête judiciaire ouverte au Burundi sur la tentative d’assassinat n’a jamais abouti à un résultat concret. Le même constat concerne d’ailleurs l’enquête prétendument ouverte sur son exécution extrajudiciaire. « Force est de conclure qu’aucune enquête effective et impartiale n’a été réellement menée sur ces faits par les autorités burundaises », indique Me Armel Niyongere, Président de l’ACAT-Burundi. « Dans sa décision, la Commission africaine demande enfin au Burundi de mener une enquête approfondie sur l’exécution de Feu Habonarugira et les autres violations qu’il a subies », continue Me Niyongere.

« Qui plus est, la Commission africaine reconnaît que la famille de Feu Habonarugira a été elle-même victime d’actes de torture morale » met en avant Me Vital Nshimirimana, Président du FORSC, « et a droit à une réparation adéquate et suffisante », ajoute-t-il, « comme la Commission africaine l’affirme clairement ».

Et la Commission africaine va même plus loin. « Elle demande au Burundi de mettre en place des mécanismes pour lutter contre l’impunité généralisée en matière d’exécution extrajudiciaire et d’atteintes au droit à la vie », explique Pierre-Claver Mbonimpa, Président de l’APRODH. « Cela est pour nous un résultat important : la Commission reconnaît ainsi que le cas de Feu Habonarugira est loin d’être un cas isolé au Burundi», déclare aussi Mbonimpa.

En effet, des exécutions extrajudiciaires d’opposants ou d’anciens opposants au gouvernement burundais ainsi que d’autres assassinats à caractère politique ont continué depuis 2011, comme cela ressort de nombreux rapports sur la situation des droits humains au Burundi. Dans la grande majorité de ces cas, ni les auteurs, ni les commanditaires de ces crimes n’ont été poursuivis en justice.

« C’est pourquoi une réponse institutionnelle qui va bien au-delà de ce cas emblématique est nécessaire », souligne Pacifique Nininahazwe, Président du FOCODE. « Dans ce sens, la Commission africaine demande également aux autorités burundaises d’adopter toutes les mesures nécessaires pour que de tels faits ne se reproduisent pas, y compris en s’assurant de la pleine application de la Loi de 2016 sur la protection des victimes, des témoins et d’autres personnes en situation de risque », précise Nininahazwe.

Dans sa décision sur le dossier Habonarugira, la Commission africaine revient également sur les recommandations qu’elle a formulées dans le rapport sur sa mission d’établissement des faits au Burundi en 2015 et en demande la mise en œuvre. A l’époque, la Commission africaine avait recommandé, entre autres, « l’établissement au Burundi d’un tribunal spécial ayant le soutien de la communauté internationale et dont les mandats incluraient de tenir pour pénalement responsables les auteurs des violations des droits de l’homme et autres exactions ». Cette recommandation demeure toujours très pertinente mais n’a jamais été mise en application. Depuis, la Cour pénale internationale (CPI) a ouvert une enquête – qui est toujours en cours – sur les crimes graves commis au Burundi entre 2015 et 2017, cadre temporel qui peut d’ailleurs être étendu si certaines conditions sont remplies.

« Un message fort de lutte contre l’impunité au Burundi a été envoyé par la décision de la Commission africaine », conclut Pamela Capizzi, Responsable du Pôle d’expertise juridique au sein de TRIAL International. « Les autorités burundaises doivent maintenant faire preuve de bonne volonté, en mettant promptement en œuvre les recommandations qui leur ont été adressées et en s’engageant pour de bon dans un processus crédible et durable de justice ».

La décision de la Commission africaine est disponible en pièce jointe (uniquement en français)

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