Crise au Burundi : des voies vers la justice existent !

20.09.2019

Un op-ed de Pamela Capizzi 

Retrait de la Cour pénale internationale, refus de collaborer avec l’ONU, isolement politique… Le Burundi semble tourner le dos à tous les organes susceptibles de rendre justice à sa population opprimée. Mais pour Pamela Capizzi, experte du Burundi à TRIAL International, la justice peut être rendue si chacun joue son rôle.


Malgré l’isolement du Burundi sur la scène internationale, il existe d’autres mécanismes vers lesquels peuvent se tourner les victimes d’atrocités. © Landry Nshimiye

 

« TRIAL Inernational travaille sur le Burundi depuis 2011. Conformément à ses principes, notre organisation a longtemps cherché à porter des affaires devant les cours nationales, au plus près des victimes défendues.

Malheureusement, nous avons constaté que les dysfonctionnements de la justice burundaise sont nombreux et profonds. La crise actuelle, qui perdure depuis 2015, ne fait qu’aggraver cet état. Des dossiers ont été « égarés », d’autres n’ont jamais donné lieu à une enquête efficace. Dans d’autres cas encore, des décisions de libérer des opposants politiques ont été tout simplement ignorées.

Face à ce constat sombre, faut-il abandonner tout espoir de justice ? Je ne le pense pas. D’autres voies existent pour les victimes que nous soutenons. »

 

Les instances internationales et régionales

« La voie la plus importante à l’heure actuelle est sans aucun doute l’enquête la Cour pénale internationale (CPI) sur Burundi. Celle-ci a été ouverte en 2017 et porte sur des crimes contre l’humanité commis d’avril 2015 à octobre 2017. Cependant, sous certaines conditions, l’enquête pourrait être élargie, pour inclure d’autres crimes et/ou une période plus étendue.

Malgré tout, au vu de l’impunité généralisée qui prévaut au Burundi, la CPI ne pourra pas, seule, représenter une réponse efficace. En effet, la Cour limite son action à ceux qui portent la plus grande responsabilité pour les atrocités commises et non à l’ensemble des acteurs impliqués.

 D’autres mécanismes, dits « quasi-judiciaires », existent au niveau international et régional pour rendre redevable l’État du Burundi lui-même, et non certains individus.

Les instances les plus importantes sont certainement la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et le Comité des Nations Unies contre la torture. Pourtant, la faiblesse principale de ces mécanismes reste la nature non-contraignante de leurs décisions : il revient à l’État de les mettre en œuvre. Improbable, au vu de l’isolement croissant du Burundi sur la scène internationale et de la partialité avérée de son système judiciaire. »

 

 

Des poursuites à l’étranger grâce à la compétence universelle

« Et si la solution résidait alors dans les États eux-mêmes ? Grâce au principe de compétence universelle, plusieurs pays se sont dotés d’un arsenal permettant de poursuivre les responsables présumés de crimes internationaux, où que ceux-ci aient été commis. Ainsi, des criminels burundais pourraient rendre compte de leurs actes devant des tribunaux suisses, sud-africains ou canadiens.

La compétence universelle a fait ses preuves, mais il n’est pas non plus sans faille et plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’il s’applique. Il demeure cependant une voie innovante vers la justice, à ce jour peu voire pas explorée pour les crimes internationaux commis au Burundi. »

 

 

Une nécessité commune : documenter les crimes dès aujourd’hui

« Au vu des limites que présente chacun des mécanismes envisageables, il est aujourd’hui fondamental de continuer à assurer une documentation rigoureuse et indépendante, notamment en renouvelant le mandat de la Commission d’enquête.

Ce travail de documentation permettra le moment venu de poursuivre les auteurs des crimes, y compris par d’autres voies qui ne sont pas envisagées aujourd’hui, de rétablir l’état de droit et de prévenir d’autres crises au Burundi. »

 

Pamela Capizzi, Conseillère juridique

@PamelaCap1

 

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